26 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.715

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300067

Titres et sommaires

ALSACE-MOSELLE - Bail en général - Incendie - Responsabilité du preneur - Responsabilité à l'égard du bailleur - Dégradations ou pertes - Article 1732 du code civil - Application - Exclusion - Conditions - Stipulation contractuelle expresse - Défaut - Effets - Faute du preneur - Preuve - Charge - Détermination

Il résulte de l'article 72 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle que, les articles 1733 et 1734 du code civil n'étant pas applicables dans ces trois départements, en cas d'incendie survenu dans des locaux donnés à bail, le locataire ne peut être présumé responsable sur le fondement de l'article 1732 du même code. En conséquence, sauf clause contraire expresse du bail relevant du droit local, le locataire ne répond des dégradations ou des pertes consécutives à l'incendie que si le bailleur prouve qu'il a commis une faute à l'origine de celui-ci

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 janvier 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 67 FS-B

Pourvoi n° U 20-17.715




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022

La société Estetika, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 20-17.715 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Immobilière d'intérieur, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Assurances du crédit mutuel IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Estetika, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Assurances du crédit mutuel IARD, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Immobilière d'intérieur, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, Jobert, Laurent, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 11 février 2020), le 14 mars 2015, un incendie est survenu dans des locaux commerciaux, situés à Montigny-les-Metz, et loués par la société Estetika à la SCI Immobilière d'intérieur (la SCI).

2. Suite au sinistre, la locataire a donné congé à la bailleresse pour le 14 novembre 2015, date d'expiration de la première période triennale.

3. La SCI a assigné la société Estetika en paiement de loyers impayés et de réparations locatives.

4. La société Estetika a assigné son assureur, la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM), et la SCI en indemnisation d'un préjudice de perte d'exploitation subie entre le 14 mars et le 14 novembre 2015.

5. Les deux instances ont fait l'objet d'une jonction.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, et sur les quatrième et sixième moyens, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le troisième moyen, réunis Enoncé des moyens

7. Par le premier moyen, la société Estetika fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes en remboursement du dépôt de garantie et des loyers réglés de mars à juin 2015 dirigées contre la SCI, alors :

« 1°/ que les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ; qu'en l'espèce, la société Immobilière d'Intérieur avait demandé la condamnation de la société Estetika à lui payer la somme de 3 156,66 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, majorée des intérêts contractuels de 15 % à compter de chaque échéance impayée ; que pour faire écarter cette prétention, la société Estetika invoquait le manquement de la société bailleresse à son obligation de délivrance, et sollicitait en conséquence de ce manquement la condamnation de la société Immobilière d'Intérieur à lui payer les sommes de 2 082,50 euros en remboursement des loyers indûment payés pour les mois de mars à juin 2015, et de 565 euros en remboursement du dépôt de garantie ; qu'en déclarant irrecevables ces demandes qui tendaient à faire écarter les prétentions adverses, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;

2°/ que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel pourvu qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, la société Immobilière d'Intérieur avait demandé la condamnation de la société Estetika à lui payer la somme de 3 156,66 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, majorée des intérêts contractuels de 15 % à compter de chaque échéance impayée ; qu'en cause d'appel, pour faire écarter cette prétention, la société Estetika avait invoqué le manquement de la société bailleresse à son obligation de délivrance, et demandé à titre reconventionnel à la voir condamner à lui payer les sommes de 2 082,50 euros en remboursement des loyers indûment payés pour les mois de mars à juin 2015, et de 565 euros en remboursement du dépôt de garantie ; qu'en déclarant irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Estetika sans expliquer pour quelle raison elles ne se rattachaient pas par un lien suffisant aux demandes de la société Immobilière d'Intérieur, quand les demandes originaires et reconventionnelles concernaient l'exécution d'un même contrat de bail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 70 et 567 du code de procédure civile. »

8. Par le deuxième moyen, elle fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes nouvelles en paiement de certaines sommes au titre du trouble de jouissance, de la perte du fonds de commerce et du solde d'un prêt professionnel dirigées contre la SCI, alors :

1°/ que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, il résultait des rapports d'expertise des sociétés Polyexpert et Eurexo, produits pour la première fois en appel, que l'incendie survenu dans les locaux loués était d'origine accidentelle, de sorte que les travaux de remise en état étaient à la charge de la société Immobilière d'Intérieur, conformément à la législation applicable en Alsace-Moselle ; qu'en affirmant que la production en cause d'appel des rapports d'expertise établis postérieurement au sinistre ne constituait pas la révélation d'un fait nouveau rendant recevables les demandes de la société Estetika quand ces rapports d'expertises établissaient que le défaut d'exécution des travaux de remise constituait un manquement du bailleur à ses obligations nées du bail, justifiant ainsi les demandes du preneur en réparation de son préjudice de jouissance, de la perte de son fonds de commerce et du remboursement du solde de son prêt professionnel, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;

3°/ que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que ne sont pas nouvelles les demandes ayant le même fondement que les demandes initiales et poursuivant la même fin d'indemnisation du préjudice résultant d'un même événement ; qu'en première instance, la société Estetika avait demandé la condamnation de la société Immobilière d'Intérieur à lui payer, solidairement avec la société ACM Iard, la somme de 31 879,73 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte d'exploitation subie ; qu'en cause d'appel, elle a demandé la condamnation de la société Immobilière d'Intérieur à lui payer les sommes de 10 000 euros au titre de son trouble de jouissance, de 50 477,37 euros au titre de la perte du fonds de commerce et de 8 698,97 euros en remboursement du solde du prêt professionnel CIC, en « réparation de son préjudice » ; qu'en déclarant irrecevables ces prétentions qui tendaient, comme celle soumise au premier juge, à la réparation des préjudices subis par la société Estetika, résultant de l'incendie survenu dans la nuit du 13 au 14 mars 2015, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile. »

9. Par le troisième moyen, elle fait grief à l'arrêt de dire irrecevable sa demande en paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnisation de la valeur vénale de son fonds de commerce dirigée contre la société ACM, alors « que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en première instance, la société Estetika avait demandé la condamnation de la société ACM Iard à lui payer, solidairement avec la société Immobilière d'Intérieur, la somme de 31 879,73 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte d'exploitation subie, en application des stipulations du contrat d'assurance en date du 21 novembre 2012 ; qu'aux termes de ce contrat, il était également stipulé une « assurance valeur vénale du fonds de commerce » applicable « lorsque l'assuré se trouve dans l'impossibilité absolue et définitive de continuer l'exploitation dans les locaux désignés aux conditions particulières, et de la transférer dans d'autres locaux sans perdre la totalité de la clientèle » ; qu'aux termes des conditions particulières, la société Estetika bénéficiait de cette garantie, dans la limite d'un plafond de 20 000 euros ; qu'en déclarant irrecevable la demande de la société Estetika formée en cause d'appel à l'encontre de la société ACM Iard, en paiement de la somme de 20 000 au titre de l'indemnité valeur vénale du fonds qui constituait pourtant le complément et l'accessoire de la demande en paiement de l'indemnité perte d'exploitation, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, ayant constaté qu'en première instance la société Estetika n'avait, outre le rejet de la demande en paiement de l'arriéré de loyer, sollicité, sur le fondement d'une exception d'inexécution, que la condamnation de la SCI et de la société ACM à l'indemniser de sa perte d'exploitation et retenu que les demandes en remboursement des loyers et du dépôt de garantie ainsi qu'en indemnisation au titre du trouble de jouissance, de la perte du fonds de commerce et du solde d'un prêt professionnel, fondées sur la résiliation de plein droit du bail, avaient un objet distinct, la cour d'appel en a exactement déduit que ces demandes ne tendaient pas aux mêmes fins et que, nouvelles, elles ne visaient pas à faire écarter les prétentions adverses et n'étaient ni l'accessoire, ni la conséquence ni le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.

11. En deuxième lieu, ayant relevé, motivant ainsi sa décision, que ces demandes étaient fondées sur des droits différents de celui invoqué en première instance, elle en a souverainement déduit qu'elles ne se rattachaient pas aux demandes initiales par un lien suffisant.

12. En troisième lieu, ayant constaté que les rapports d'expertise produits en cause d'appel ne révélaient aucun fait nouveau en rapport avec un trouble de jouissance, la perte alléguée du fonds de commerce et le remboursement du prêt professionnel, elle en a exactement déduit que les demandes formées à ces titres ne visaient pas à faire juger des questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait.

13. De ces constatations et énonciations, elle a déduit, à bon droit, que les demandes nouvelles de la société Estetika étaient irrecevables.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

15. La société Estetika fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SCI une certaine somme au titre de la remise en état des locaux loués, alors :

« 1°/ que l'article 1733 du code civil, aux termes duquel le preneur répond de l'incendie des locaux loués, à moins qu'il ne prouve qu'il est arrivé par cas fortuit ou force majeure, par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine, n'est pas applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; qu'en conséquence, les travaux de remise en état des locaux loués à la suite d'un incendie d'origine indéterminée sont à la charge du bailleur ; qu'en l'espèce, la société Estetika faisait valoir, dans ses conclusions d'appel que « suite à ses investigations, le rapport Eurexo (repris par Polyexpert) indique : « Après examen minutieux des lieux, il ressort des investigations contradictoires qu'une origine accidentelle est à l'origine du sinistre », et que « les travaux de remise en état (murs, plafonds, sols, électricité, chauffage, portes…) ont été mis à la charge de la bailleresse par les experts » ; que dans son rapport du 11 mars 2016, l'expert Eurexo rappelait également que « la loi du 1er juin 1924 a mis en vigueur le code civil français dans les départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle (68, 67 et 57), mais n'a pas introduit dans ces départements les articles 1733 et 1734 relatifs à la responsabilité du locataire en cas d'incendie. Il en résulte qu'en cas d'incendie ayant pris naissance dans les biens loués, le locataire, dans ces départements, n'est pas présumé responsable, sa responsabilité ne pouvant être engagée qu'en cas de faute prouvée » ; qu'en retenant que les travaux de remise en état des locaux loués, à la suite de l'incendie accidentel survenu dans la nuit du 13 au 14 mars 2015, étaient à la charge de la société Estetika, locataire, la cour d'appel a violé les articles 72 de la loi du 1er juin 1924 et 1733 du code civil ;

2°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir celle-ci en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; que l'article 1733 du code civil n'étant pas applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les travaux de remise en état des locaux loués à la suite d'un incendie d'origine indéterminée sont nécessairement à la charge du bailleur, sauf clause expresse contraire contenue au bail ; qu'en l'espèce, aux termes du bail du 6 novembre 2012, il était stipulé que « le preneur a la charge des réparations de toute nature, grosses ou menues, étant précisé que les travaux affectant le gros oeuvre en ce inclus ceux prévus par l'article 606 du code civil seront exécutés par le bailleur » ; qu'aucune stipulation expresse ne mettait à la charge du locataire les travaux de remise en état résultant d'un incendie ; qu'en retenant néanmoins que les travaux de remise en état des locaux loués, à la suite de l'incendie accidentel survenu dans la nuit du 13 au 14 mars 2015, étaient à la charge de la société Estetika, locataire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1719 et 1720 du même code. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

16. La SCI conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

17. Cependant, la société Estetika soutenait dans ses conclusions d'appel, que les rapports d'expertise avaient mis les travaux de remise en état des locaux loués à la suite de l'incendie à la charge de la SCI après avoir indiqué que l'origine de l'incendie était accidentelle et que les articles 1733 et 1734 du code civil n'ayant pas été introduits par la loi du 1er juin 1924 dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, le locataire, dans ces départements, n'était pas présumé responsable en cas d'incendie ayant pris naissance dans les biens loués, sa responsabilité ne pouvant être engagée qu'en cas de faute prouvée.

18. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.


Bien-fondé du moyen

Vu l'article 72 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle :

19. Il résulte de ce texte que, les articles 1733 et 1734 du code civil n'étant pas applicables dans les trois départements susvisés, en cas d'incendie survenu dans des locaux donnés à bail, le locataire ne peut être présumé responsable sur le fondement de l'article 1732 du code civil.

20. Pour condamner la société Estetika au paiement de travaux de remise en état des locaux loués à la suite de l'incendie, l'arrêt retient, qu'en exécution du bail commercial, la locataire a la charge des réparations de toute nature sauf celles affectant le gros oeuvre, que la SCI verse aux débats deux devis chiffrant respectivement les travaux à la charge du preneur et du bailleur, que ces chiffrages ne sont pas contredits par les rapports d'expertise et que l'indemnisation du bailleur n'est pas subordonnée au paiement effectif par celui-ci des travaux incombant au preneur.

21. En statuant ainsi, alors que, sauf clause contraire expresse du bail relevant du droit local, le locataire ne répond des dégradations ou des pertes consécutives à l'incendie que si le bailleur prouve qu'il a commis une faute à l'origine de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

22. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société ACM, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Estetika à payer à la SCI Immobilière d'intérieur la somme de 11 879,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2016, l'arrêt rendu le 11 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Met hors de cause la société Assurances du crédit mutuel IARD ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la société Immobilière d'intérieur aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Immobilière d'intérieur à payer à la société Estetika la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Estetika

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit irrecevables les demandes nouvelles de la société Estetika en remboursement du dépôt de garantie et des loyers réglés de mars à juin 2015 ;

AUX MOTIFS QUE des pièces de la procédure, il résulte qu'antérieurement à la jonction par le premier juge de deux instances dont il était saisi, l'Eurl avait conclu au rejet de la demande de sa bailleresse en paiement des loyers postérieurs à l'incendie du 14 mars 2015 ; que la demande de l'appelante principale aux fins de rejet des prétentions adverses visant au paiement des loyers postérieurs audit sinistre n'est donc pas nouvelle ; que l'Eurl pouvant par ailleurs, en application de l'article 563 précité, fonder la prétention susvisée sur des moyens de droit nouveaux, la preneuse se trouve recevable, au titre de moyen de défense, à substituer à l'exception d'inexécution présentée au premier juge la résiliation de plein droit du bail au 14 mars 2015 ; qu'il est en revanche à constater que devant le premier juge, l'Eurl n'avait, outre le rejet de la demande en paiement des loyers arriérés formée contre elle, sollicité que la condamnation in solidum de son assureur et de sa bailleresse à l'indemniser de la perte d'exploitation subie de mars à novembre 2015 ; que les demandes de l'Eurl consécutives à la résiliation du bail au 14 mars 2015, soit le remboursement des loyers payés de mars à juin 2015 et du dépôt de garantie, l'indemnisation d'un trouble de jouissance et de la perte de son fonds ainsi que le remboursement d'une prêt professionnel, ont un objet distinct de celles soumises au premier juge et constituent dès lors des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que les demandes en cause ne visent ni à opposer compensation, ni à faire écarter les prétentions adverses, ni à faire juger des questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que s'agissant spécialement ce dernier point, il est à constater que la production en cause d'appel des rapports d'expertise établis postérieurement au sinistre n'apporte d'éléments que s'agissant du montant et de la répartition entre bailleur et locataire des travaux de remise en état mais ne révèle aucun fait nouveau en rapport avec le trouble de jouissance, la perte alléguée du fonds et le remboursement de l'emprunt CIC ; que les prétentions nouvelles susvisées ne tendent pas davantage aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et n'en sont ni l'accessoire, ni la conséquence ni le complément nécessaire ; que lesdites prétentions, fondées sur des droits différents de celui invoqué en première instance, ne se rattachent enfin pas aux demandes initiales par un lien suffisant pour les rendre recevables en application des articles 70 et 567 du code de procédure civile ;

Que seront donc déclarées irrecevables les demandes de l'Eurl Estetika :
en remboursement du dépôt de garantie et des loyers payés de mars à juin 2015, ainsi qu'en paiement de 10.000 € au titre du trouble de jouissance, de 50.477,37 €au titre de la perte du fonds de commerce et de 8.698,97 € en remboursement du solde du prêt professionnel CIC dirigées contre la Sci Immobilière d'Intérieur, et en paiement de 20.000 € au titre de l'indemnité valeur vénale du fonds de commerce dirigée contre la société ACM Iard ;

1) ALORS QUE les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ; qu'en l'espèce, la société Immobilière d'Intérieur avait demandé la condamnation de la société Estetika à lui payer la somme de 3.156,66 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, majorée des intérêts contractuels de 15 % à compter de chaque échéance impayée ; que pour faire écarter cette prétention, la société Estetika invoquait le manquement de la société bailleresse à son obligation de délivrance, et sollicitait en conséquence de ce manquement la condamnation de la société Immobilière d'Intérieur à lui payer les sommes de 2.082,50 euros en remboursement des loyers indûment payés pour les mois de mars à juin 2015, et de 565 euros en remboursement du dépôt de garantie ; qu'en déclarant irrecevables ces demandes qui tendaient à faire écarter les prétentions adverses, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE les demandes reconventionnelles sont recevables en appel pourvu qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, la société Immobilière d'Intérieur avait demandé la condamnation de la société Estetika à lui payer la somme de 3.156,66 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, majorée des intérêts contractuels de 15 % à compter de chaque échéance impayée ; qu'en cause d'appel, pour faire écarter cette prétention, la société Estetika avait invoqué le manquement de la société bailleresse à son obligation de délivrance, et demandé à titre reconventionnel à la voir condamner à lui payer les sommes de 2.082,50 euros en remboursement des loyers indûment payés pour les mois de mars à juin 2015, et de 565 euros en remboursement du dépôt de garantie (concl. p. 4 § 1) ; qu'en déclarant irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Estetika sans expliquer pour quelle raison elles ne se rattachaient pas par un lien suffisant aux demandes de la société Immobilière d'Intérieur, quand les demandes originaires et reconventionnelles concernaient l'exécution d'un même contrat de bail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 70 et 567 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit irrecevables les demandes nouvelles de la société Estetika en paiement des sommes de 10.000 euros au titre du trouble de jouissance, de 50.447,37 euros au titre de la perte du fonds de commerce, et de 8.698,97 euros au titre du solde du prêt professionnel CIC, dirigées contre la Sci Immobilière d'Intérieur ;

AUX MOTIFS QUE des pièces de la procédure, il résulte qu'antérieurement à la jonction par le premier juge de deux instances dont il était saisi, l'Eurl avait conclu au rejet de la demande de sa bailleresse en paiement des loyers postérieurs à l'incendie du 14 mars 2015 ; que la demande de l'appelante principale aux fins de rejet des prétentions adverses visant au paiement des loyers postérieurs audit sinistre n'est donc pas nouvelle ; que l'Eurl pouvant par ailleurs, en application de l'article 563 précité, fonder la prétention susvisée sur des moyens de droit nouveaux, la preneuse se trouve recevable, au titre de moyen de défense, à substituer à l'exception d'inexécution présentée au premier juge la résiliation de plein droit du bail au 14 mars 2015 ; qu'il est en revanche à constater que devant le premier juge, l'Eurl n'avait, outre le rejet de la demande en paiement des loyers arriérés formée contre elle, sollicité que la condamnation in solidum de son assureur et de sa bailleresse à l'indemniser de la perte d'exploitation subie de mars à novembre 2015 ; que les demandes de l'Eurl consécutives à la résiliation du bail au 14 mars 2015, soit le remboursement des loyers payés de mars à juin 2015 et du dépôt de garantie, l'indemnisation d'un trouble de jouissance et de la perte de son fonds ainsi que le remboursement d'une prêt professionnel, ont un objet distinct de celles soumises au premier juge et constituent dès lors des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que les demandes en cause ne visent ni à opposer compensation, ni à faire écarter les prétentions adverses, ni à faire juger des questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que s'agissant spécialement ce dernier point, il est à constater que la production en cause d'appel des rapports d'expertise établis postérieurement au sinistre n'apporte d'éléments que s'agissant du montant et de la répartition entre bailleur et locataire des travaux de remise en état mais ne révèle aucun fait nouveau en rapport avec le trouble de jouissance, la perte alléguée du fonds et le remboursement de l'emprunt CIC ; que les prétentions nouvelles susvisées ne tendent pas davantage aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et n'en sont ni l'accessoire, ni la conséquence ni le complément nécessaire ; que lesdites prétentions, fondées sur des droits différents de celui invoqué en première instance, ne se rattachent enfin pas aux demandes initiales par un lien suffisant pour les rendre recevables en application des articles 70 et 567 du code de procédure civile ;

Que seront donc déclarées irrecevables les demandes de l'Eurl Estetika :
en remboursement du dépôt de garantie et des loyers payés de mars à juin 2015, ainsi qu'en paiement de 10.000 € au titre du trouble de jouissance, de 50.477,37 € au titre de la perte du fonds de commerce et de 8.698,97 € en remboursement du solde du prêt professionnel CIC dirigées contre la Sci Immobilière d'Intérieur, et en paiement de 20.000 € au titre de l'indemnité valeur vénale du fonds de commerce dirigée contre la société ACM Iard ;

1) ALORS QUE les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, il résultait des rapports d'expertise des sociétés Polyexpert et Eurexo, produits pour la première fois en appel, que l'incendie survenu dans les locaux loués était d'origine accidentelle, de sorte que les travaux de remise en état étaient à la charge de la société Immobilière d'Intérieur, conformément à la législation applicable en Alsace-Moselle ; qu'en affirmant que la production en cause d'appel des rapports d'expertise établis postérieurement au sinistre ne constituait pas la révélation d'un fait nouveau rendant recevables les demandes de la société Estetika quand ces rapports d'expertises établissaient que le défaut d'exécution des travaux de remise constituait un manquement du bailleur à ses obligations nées du bail, justifiant ainsi les demandes du preneur en réparation de son préjudice de jouissance, de la perte de son fonds de commerce et du remboursement du solde de son prêt professionnel, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la révélation d'un fait ;
qu'en l'espèce, il résultait du procès-verbal de constat du 18 octobre 2018 produit pour la première fois en appel par la société Estetika, que malgré le déblaiement préalable des locaux effectué le 12 juin 2015, la société Immobilière d'Intérieur n'avait jamais procédé aux travaux de remise en état en raison de sa volonté de transformer les locaux en studio ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de la société Estetika sans s'expliquer sur ce procès-verbal de constat qui établissait que la société preneuse avait été dans l'impossibilité totale et absolue de reprendre l'exploitation de son fonds de commerce et justifiait ainsi ses demandes au titre du préjudice de jouissance, de la perte de son fonds de commerce et du remboursement du solde de son prêt professionnel, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que ne sont pas nouvelles les demandes ayant le même fondement que les demandes initiales et poursuivant la même fin d'indemnisation du préjudice résultant d'un même événement ; qu'en première instance, la société Estetika avait demandé la condamnation de la société Immobilière d'Intérieur à lui payer, solidairement avec la société ACM Iard, la somme de 31.879,73 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte d'exploitation subie ; qu'en cause d'appel, elle a demandé la condamnation de la société Immobilière d'Intérieur à lui payer les sommes de 10.000 euros au titre de son trouble de jouissance, de 50.477,37 euros au titre de la perte du fonds de commerce et de 8.698,97 euros en remboursement du solde du prêt professionnel CIC, en « réparation de son préjudice » (cf. conclusions, p. 4 et 15) ; qu'en déclarant irrecevables ces prétentions qui tendaient, comme celle soumise au premier juge, à la réparation des préjudices subis par la société Estetika, résultant de l'incendie survenu dans la nuit du 13 au 14 mars 2015, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit irrecevables les demandes nouvelles de la société Estetika en paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'indemnité valeur vénale du fonds de commerce dirigée contre la société ACM Iard ;

AUX MOTIFS QUE des pièces de la procédure, il résulte qu'antérieurement à la jonction par le premier juge de deux instances dont il était saisi, l'Eurl avait conclu au rejet de la demande de sa bailleresse en paiement des loyers postérieurs à l'incendie du 14 mars 2015 ; que la demande de l'appelante principale aux fins de rejet des prétentions adverses visant au paiement des loyers postérieurs audit sinistre n'est donc pas nouvelle ; que l'Eurl pouvant par ailleurs, en application de l'article 563 précité, fonder la prétention susvisée sur des moyens de droit nouveaux, la preneuse se trouve recevable, au titre de moyen de défense, à substituer à l'exception d'inexécution présentée au premier juge la résiliation de plein droit du bail au 14 mars 2015 ; qu'il est en revanche à constater que devant le premier juge, l'Eurl n'avait, outre le rejet de la demande en paiement des loyers arriérés formée contre elle, sollicité que la condamnation in solidum de son assureur et de sa bailleresse à l'indemniser de la perte d'exploitation subie de mars à novembre 2015 ; que les demandes de l'Eurl consécutives à la résiliation du bail au 14 mars 2015, soit le remboursement des loyers payés de mars à juin 2015 et du dépôt de garantie, l'indemnisation d'un trouble de jouissance et de la perte de son fonds ainsi que le remboursement d'une prêt professionnel, ont un objet distinct de celles soumises au premier juge et constituent dès lors des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que les demandes en cause ne visent ni à opposer compensation, ni à faire écarter les prétentions adverses, ni à faire juger des questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que s'agissant spécialement ce dernier point, il est à constater que la production en cause d'appel des rapports d'expertise établis postérieurement au sinistre n'apporte d'éléments que s'agissant du montant et de la répartition entre bailleur et locataire des travaux de remise en état mais ne révèle aucun fait nouveau en rapport avec le trouble de jouissance, la perte alléguée du fonds et le remboursement de l'emprunt CIC ; que les prétentions nouvelles susvisées ne tendent pas davantage aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et n'en sont ni l'accessoire, ni la conséquence ni le complément nécessaire ; que lesdites prétentions, fondées sur des droits différents de celui invoqué en première instance, ne se rattachent enfin pas aux demandes initiales par un lien suffisant pour les rendre recevables en application des articles 70 et 567 du code de procédure civile ;

Que seront donc déclarées irrecevables les demandes de l'Eurl Estetika : en remboursement du dépôt de garantie et des loyers payés de mars à juin 2015, ainsi qu'en paiement de 10.000 € au titre du trouble de jouissance, de 50.477,37 € au titre de la perte du fonds de commerce et de 8.698,97 € en remboursement du solde du prêt professionnel CIC dirigées contre la Sci Immobilière d'Intérieur, et en paiement de 20.000 € au titre de l'indemnité valeur vénale du fonds de commerce dirigée contre la société ACM Iard ;

ALORS QUE les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en première instance, la société Estetika avait demandé la condamnation de la société ACM Iard à lui payer, solidairement avec la société Immobilière d'Intérieur, la somme de 31.879,73 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte d'exploitation subie, en application des stipulations du contrat d'assurance en date du 21 novembre 2012 (cf. article 24.7); qu'aux termes de ce contrat, il était également stipulé une « assurance valeur vénale du fonds de commerce » applicable « lorsque l'assuré se trouve dans l'impossibilité absolue et définitive de continuer l'exploitation dans les locaux désignés aux conditions particulières, et de la transférer dans d'autres locaux sans perdre la totalité de la clientèle » (cf. article 25) ; qu'aux termes des conditions particulières, la société Estetika bénéficiait de cette garantie, dans la limite d'un plafond de 20.000 euros ; qu'en déclarant irrecevable la demande de la société Estetika formée en cause d'appel à l'encontre de la société ACM Iard, en paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'indemnité valeur vénale du fonds qui constituait pourtant le complément et l'accessoire de la demande en paiement de l'indemnité perte d'exploitation, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Estetika à payer à la SCI Immobilière d'Intérieur la somme de 3.156,66 euros, avec intérêts au taux contractuel de 15 % l'an à compter de chaque échéance de loyer impayée ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant, cet élément se trouvant justifié par un relevé de compte non contesté par l'Eurl, que cette dernière a, le 14 novembre 2015, quitté les lieux loués avec un arriéré locatif de 3.156 66 €, aucune somme n'ayant notamment été réglée postérieurement à juin 2015 (…) ; qu'aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'à cet égard, après avoir en première instance justifié les défauts de paiements susvisés en invoquant une exception d'inexécution, l'Eurl ne fonde à ce jour ses demandes que sur la résiliation de plein droit du bail au 14 mars 2015, date de l'incendie s'étant déclaré dans les locaux loués ; que ce faisant, et bien que n'ayant assigné aucun fondement textuel à ses demandes, l'appelante principale invoque à l'évidence les dispositions de l'article 1722 du code civil, aux termes duquel « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit… » dont il échet donc exclusivement d'examiner l'application en l'espèce ; qu'au regard des rapports d'expertise versés au dossier, l'incendie du 14 mars 2015 a eu une origine accidentelle et qu'aucune faute à la charge de l'une ou l'autre des parties au contrat de bail n'a en tout état de cause été démontrée ; que les dommages ont donc eu lieu « par cas fortuit » comme exigé par l'article 1722 susvisé ; qu'en revanche, en application du texte susvisé, la résiliation de plein droit du bail n'intervient que dans l'hypothèse d'une destruction totale de la chose louée, soit de sa ruine complète ou de l'impossibilité d'une remise en état à un coût inférieur à la valeur du bien, que tel n'est nullement le cas en la cause, où l'Eurl ellemême ne s'est jamais prévalue d'une perte totale de l'immeuble et, même à hauteur de cour, ne fait au contraire grief à la bailleresse que de son retard à réaliser les travaux de remise en état à sa charge, soit d'une inexécution d'un bail selon elle résilié ; qu'outre l'hypothèse, non constituée en l'espèce, de la destruction totale de la chose louée, l'article 1722 du code civil dispose encore que « si elle (la chose louée) n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement » ; qu'il est à cet égard à constater que pour mettre fin au bail, l'Eurl ne s'est nullement prévalue de la destruction partielle de la chose louée mais, ainsi que précédemment évoqué, a exclusivement, le 13 mai 2015, délivré à la SCI un congé à effet du 14 novembre 2015, fondé sur les dispositions de l'article L. 145-4 du code de commerce ; que la preneuse n'a de même sollicité aucune réduction de loyer pour la période du 14 mars au 15 novembre 2015 ;

Que le bail en cause s'étant donc poursuivi à ses clauses et conditions initiales jusqu'à sa résiliation le 15 novembre 2015, et le contrat ayant stipulé l'application d'un intérêt de retard de 15 % l'an à compter de chaque échéance impayée, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné l'Eurl au paiement de 3.156,66 €, assortis des intérêts susvisés ;

1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que dans ses conclusions d'appel, la société Estetika faisait valoir qu'en application de l'article 1719 du code civil, la société Immobilière d'Intérieure était tenue d'une obligation de délivrance pendant toute la durée du bail, laquelle n'avait pas été respectée à la suite de l'incendie survenu dans les locaux loués dans la nuit du 13 au 14 mars, puisqu'elle avait été placée « dans l'impossibilité totale et définitive d'occuper et de jouir des locaux conformément aux clauses du bail et de poursuivre son activité commerciale », de sorte que la société bailleresse devait non seulement être déboutée de sa demande de paiement des loyers postérieurs au sinistre et devait également rembourser les loyers perçus entre les mois de mars et juin 2015 (cf. p. 3) ; que dans le dispositif de ses conclusions, elle sollicitait en conséquence de voir « débouter la Sci Immobilière d'Intérieur de sa demande au titre des loyers concernant la période postérieure au sinistre », et de la voir condamner à lui payer les sommes de « 2.082,50 € en remboursement des loyers indument payés pour les mois de mars (1/2 loyer) à juin 2015 », et de « 565 € en remboursement du dépôt de garantie en début de bail » (cf. p. 14) ; qu'en retenant, pour débouter la société Estetika de ses demandes, qu' « après avoir en première instance justifié les défauts de paiements susvisés en invoquant une exception d'inexécution, l'Eurl ne fonde aujourd'hui ses demandes que sur la résiliation de plein droit du bail au 14 mars 2015, date de l'incendie s'étant déclaré dans les locaux loués » (cf. arrêt, p. 8), quand elle invoquait le manquement de la société Immobilière d'Intérieur à son obligation de délivrance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir celle-ci en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; que l'exécution par le bailleur de son obligation de délivrance suppose que celui-ci fournisse et maintienne au locataire un local en état de servir à l'usage pour lequel il a été loué ; qu'en l'espèce, la société Estetika faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la société Immobilière d'Intérieure n'avait pas respecté l'obligation de délivrance à laquelle elle était tenue pendant toute la durée du bail, puisqu'à la suite de l'incendie survenu dans les locaux loués dans la nuit du 13 au 14 mars, elle avait été placée « dans l'impossibilité totale et définitive d'occuper et de jouir des locaux conformément aux clauses du bail et de poursuivre son activité commerciale » (cf. p. 3) ;

Qu'à l'appui de ses écritures, elle produisait une facture en date du 12 juin 2015 établissant qu'elle avait procédé au déblaiement des locaux, ce qui permettait à la société Immobilière d'Intérieur de procéder aux travaux de remise en état mis à sa charge par les experts, et un procès-verbal de constat en date du 18 octobre 2018 établissant que la société bailleresse n'avait jamais effectué ces travaux de remise en état, mais qu'elle avait sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue du changement de destination du magasin en studio ; qu'en retenant que le bail s'était poursuivi à ses clauses et conditions initiales jusqu'au 15 novembre 2015 sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement de la Sci Immobilière d'Intérieur à son obligation de délivrance n'exonérait pas la société Estetika du paiement des loyers postérieurs à la survenance de l'incendie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1719 et 1720 du code civil.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Estetika à payer à la Sci Immobilière d'Intérieure la somme de 11.879,56 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2016 ;

AUX MOTIFS QU'ainsi qu'exactement relevé par la SCI, le bail commercial ayant lié les parties a stipulé que le preneur aurait à sa charge les réparations de toute nature, grosses ou menues, étant précisé que les travaux affectant le gros-oeuvre, en ce inclus ceux prévus par l'article 606 du code civil, seraient exécutés par le bailleur ; qu'au regard de ces dispositions, la SCI verse aux débats deux devis établis les 21 mai et 11 décembre 2015 par la Sarl Claude Vallois, chiffrant à respectivement 16.656 € et 11.879,59 € les travaux à la charge du bailleur et du preneur ; que la perception par les parties des indemnités d'assurance correspondant à ces postes étant à cet égard indifférentes à la solution du litige, il est constant que l'Eurl, ne contestant aucunement ce point, n'a ni exécuté ni réglé les travaux mis à sa charge par le bail ; que pour résister à la demande de ce chef, l'Eurl fait grief à la bailleresse d'une absence de production des rapports d'expertise ainsi que de factures prouvant la prise en charge effective des travaux en litige ; qu'il est cependant à observer que les rapports des cabinets Polyexpert et Eurexo, respectivement mandatés par les assureurs de la preneuse et de la bailleresse, ont à hauteur de cour été versés aux débats par les intéressés et ne contredisent en rien les chiffrages opérés par les devis précités ; qu'il est par ailleurs constant que l'indemnisation du bailleur n'est pas subordonnée au paiement effectif par celui-ci des travaux incombant au preneur ; qu'infirmant le jugement querellé, il y aura dès lors lieu de condamner l'Eurl à payer à la SCI 11.879,56 €, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2016 ;

1) ALORS QUE l'article 1733 du code civil, aux termes duquel le preneur répond de l'incendie des locaux loués, à moins qu'il ne prouve qu'il est arrivé par cas fortuit ou force majeure, par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine, n'est pas applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; qu'en conséquence, les travaux de remise en état des locaux loués à la suite d'un incendie d'origine indéterminée sont à la charge du bailleur ; qu'en l'espèce, la société Estetika faisait valoir, dans ses conclusions d'appel que « suite à ses investigations, le rapport Eurexo (repris par Polyexpert) indique : « Après examen minutieux des lieux, il ressort des investigations contradictoires qu'une origine accidentelle est à l'origine du sinistre », et que « les travaux de remise en état (murs, plafonds, sols, électricité, chauffage, portes…) ont été mis à la charge de la bailleresse par les experts » (cf. p. 4) ;

Que dans son rapport du 11 mars 2016, l'expert Eurexo rappelait également que « la loi du 1er juin 1924 a mis en vigueur le code civil français dans les départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle (68, 67 et 57), mais n'a pas introduit dans ces départements les articles 1733 et 1734 relatifs à la responsabilité du locataire en cas d'incendie. Il en résulte qu'en cas d'incendie ayant pris naissance dans les biens loués, le locataire, dans ces départements, n'est pas présumé responsable, sa responsabilité ne pouvant être engagée qu'en cas de faute prouvée » (cf. rapport, p. 8) ; qu'en retenant que les travaux de remise en état des locaux loués, à la suite de l'incendie accidentel survenu dans la nuit du 13 au 14 mars 2015, étaient à la charge de la société Estetika, locataire, la cour d'appel a violé les articles 72 de la loi du 1er juin 1924 et 1733 du code civil ;

2) ALORS QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir celle-ci en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; que l'article 1733 du code civil n'étant pas applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les travaux de remise en état des locaux loués à la suite d'un incendie d'origine indéterminée sont nécessairement à la charge du bailleur, sauf clause expresse contraire contenue au bail ; qu'en l'espèce, aux termes du bail du 6 novembre 2012, il était stipulé que « le preneur a la charge des réparations de toute nature, grosses ou menues, étant précisé que les travaux affectant le gros oeuvre en ce inclus ceux prévus par l'article 606 du code civil seront exécutés par le bailleur » ; qu'aucune stipulation expresse ne mettait à la charge du locataire les travaux de remise en état résultant d'un incendie ; qu'en retenant néanmoins que les travaux de remise en état des locaux loués, à la suite de l'incendie accidentel survenu dans la nuit du 13 au 14 mars 2015, étaient à la charge de la société Estetika, locataire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1719 et 1720 du même code.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Estetika de sa demande au titre de son préjudice d'exploitation formée contre la société ACM Iard ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que l'Eurl a, par l'intermédiaire du CIC, conclu avec la société ACM Iard un contrat « Acajou Plus » ayant notamment comporté une assurance perte d'exploitation (…) ; que certes, l'article 24 du contrat en cause subordonnait la garantie perte d'exploitation à une reprise d'activité et l'Eurl ayant, le 13 mai 2015, donné congé à la SCI pour le 14 novembre 2015, n'avait lors du dépôt des rapports d'expertise repris aucune activité en quelque lieu que ce soit ; que cependant, l'article 24.7 du contrat susvisé, intitulé « dispositions applicables en cas de réinstallation dans d'autres lieux ou de cessation d'activité », a stipulé qu' « en cas de réinstallation dans de nouveaux locaux situés en France métropolitaine, l'indemnité ne pourra excéder celle qui, à dire d'expert, aurait été versée pour la remise en activité des locaux sinistrés » ; que de ces dispositions il résulte que l'indemnité pour perte d'exploitation est contractuellement due en cas de reprise d'activité, que celle-ci soit ou non exercée dans les lieux sinistrés ; que l'article 24.7 susvisé n'a au surplus aucun délai de reprise d'activité ; que les pièces versées aux débats par la SCI comme par l'Eurl établissent que cette dernière a repris son activité, d'abord dans des locaux pris en sous-location parc des Aravis à Jouy-aux-Arches le 1er décembre 2015, puis dans le cadre d'un bail commercial [Adresse 4] le 1er janvier 2019 ; que contrairement à la thèse de la société ACM Iard, l'indemnité pour perte d'exploitation se trouve donc justifiée en son principe ; qu'en revanche, aux termes de l'article 24 du contrat, l'assurance en litige ne garantit que la perte de marge brute majorée des frais supplémentaires d'exploitation ; qu'à cet égard, l'Eurl, bien qu'ayant sur d'autres points produit plusieurs attestations de son expert-comptable, n'a à hauteur d'appel aucunement justifié de la somme de 31.879,73 € sur laquelle elle ne s'est pas même expliquée ; que d'un courrier rédigé le 10 décembre 2015 par le conseil en première instance de l'Eurl produit par cette dernière (pièce 16), il résulte à l'inverse que la somme susvisée n'entre en rien dans les prévisions du contrat puisque correspondant, non à une marge mais au chiffre d'affaires réalisé du 14 mars au 15 novembre 2014 ; que celui réclamant l'exécution d'une obligation ayant la charge de la prouver, et l'Eurl étant défaillante dans l'administration de la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société Estetika contre la société ACM Iard au titre de la perte d'exploitation ;

ALORS QUE le juge ne peut rejeter une demande dont il admet le bienfondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que « contrairement à la thèse de la société ACM Iard, l'indemnité pour perte d'exploitation (sollicitée par la société Estetika en application de l'article 24.7 du contrat du 21 novembre 2012) se trouve donc justifiée en son principe » (cf. arrêt, p. 10) ; qu'en déboutant néanmoins la société Estetika de sa demande au titre de son préjudice d'exploitation formée à l'encontre de la société ACM Iard, au motif que celle-ci était « défaillante dans l'administration de la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable » (cf. arrêt, p. 10), la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.