20 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.537

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200093

Titres et sommaires

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Tarif - Droit de recouvrement et d'encaissement - Recouvrement - Définition

Il résulte de l'article A444-32 du code de commerce et du tableau n° 129 figurant à l'annexe 4-7 du Titre quatrième bis du code de commerce, auquel il renvoie, que le terme de recouvrement implique l'existence d'une démarche, amiable ou judiciaire, en vue de la récupération d'un élément d'actif, en application d'une décision de justice. En conséquence se trouve légalement justifiée l'ordonnance d'un premier président qui, mettant en évidence que l'action d'un huissier de justice, après remise d'un titre exécutoire, était à l'origine du paiement amiable des sommes par une communauté de communes, en a exactement déduit que la rémunération de l'huissier de justice était soumise au barème prévu à l'article A. 444-32 du code de commerce

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Tarif - Droit de recouvrement et d'encaissement - Cas

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Acte - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 janvier 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 93 F-B

Pourvoi n° Q 20-14.537




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

La société Mahout, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-14.537 contre l'ordonnance rendue le 27 janvier 2020 par le premier président la cour d'appel de Douai, dans le litige l'opposant à M. [C] [W], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société Mahout, de Me Le Prado, avocat de M. [W], et après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 27 janvier 2020), la société Mahout est bénéficiaire d'un arrêt rendu le 20 décembre 2018 par une cour d'appel, qui a jugé nulle pour dol une vente immobilière conclue en novembre 2015 entre cette société et la Communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3].

2. Par acte du 17 janvier 2019 comportant commandement de payer une certaine somme en principal, frais et intérêts, M. [W], huissier de justice, a signifié l'arrêt à la Communauté de communes. M. [W] a conservé une certaine somme au titre des émoluments proportionnels de l'article A 444-32 du code de commerce.

3. Contestant l'application de cet article, la société Mahout a sollicité la vérification des émoluments de M. [W] auprès d'un tribunal d'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Mahout fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme totale de 6 648 euros TTC le droit proportionnel auquel M. [W], huissier de justice, a droit en application de l'article A 444-32 du code de commerce, alors :

« 1°/ que l'article A 444–32 du code de commerce prévoit que « la prestation de recouvrement ou d'encaissement figurant au numéro 129 du tableau 3-1 donne lieu à la perception d'un émolument ainsi fixé : 1° Si le montant de la créance est inférieur ou égal à 188 euros, un émolument fixe de 21,28 euros ; 2° Au-delà du seuil de 188 euros mentionné au 1°, dans la limite de 5 540 euros, un émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées au titre de la créance en principal ou du montant de la condamnation, à l'exclusion des dépens » selon un barème déterminé ; qu'il ressort de ce texte que le droit proportionnel prévu à l'article A 444–32 du code de commerce ne s'applique qu'à la prestation de recouvrement ou d'encaissement figurant au numéro 129 du tableau 3-1 ; que le numéro 129 du tableau 3-1, auquel renvoient les articles R. 444-3, A. 444-10 et A. 444-32 du code de commerce, est relatif aux seuls actes de « recouvrement forcé de créances » et aux actes d'établissement de procès-verbaux constatant que le destinataire de la signification est sans domicile, ni résidence ni lieu de travail connus ; que s'agissant du recouvrement de créance le champ d'application de l'article A. 444–32 du code de commerce est donc limité aux actes de recouvrement forcé réalisés par un huissier de justice ; que dès lors en considérant que des démarches de recouvrement amiables justifiaient la perception par l'huissier de justice de l'émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées de l'article A. 444–32 du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte ;
2°/ que les dispositions de l'article A. 444–32 du code de commerce permettent la perception par l'huissier de justice de l'émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées par l'effet d'un acte de recouvrement forcé ; que tel n'est pas le cas d'un commandement de payer émis à l'encontre d'une personne publique pour l'exécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée ; qu'il ressort des propres constatations de l'ordonnance de taxe rendue par la cour d'appel de Douai que le commandement de payer délivré par M. [W] à la Communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3] est un acte dépourvu de toute utilité juridique, une personne publique ne pouvant faire l'objet d'une voie d'exécution privée ; que l'ordonnance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des strictes conditions d'application de l'article A. 444–32 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article A. 444-2 du code de commerce et du tableau n° 129 figurant à l'annexe 4-7 du titre quatrième bis du code de commerce, auquel il renvoie, que le terme de recouvrement implique l'existence d'une démarche, amiable ou judiciaire, en vue de la récupération d'un élément d'actif, en application d'une décision de justice.

6. L'ordonnance retient que M. [W] s'est vu confier mandat de recouvrer les condamnations issues de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 20 décembre 2018 à l'encontre de la Communauté de communes par lettre du 15 janvier 2019. Elle ajoute que s'il est certain que la délivrance à celle-ci d'un commandement de payer le 17 janvier 2019 est un acte dépourvu de toute utilité juridique en vue d'une éventuelle voie d'exécution ultérieure, une personne publique ne pouvant faire l'objet de saisie-vente ou autre voie d'exécution privée, pour autant, le juge de la taxe, qui n'est pas compétent pour statuer sur l'annulation d'un acte d'exécution, constate que M. [W] a relancé la Communauté de communes par courrier simple en date du 25 janvier 2019, suite à la délivrance du commandement du 17 janvier, qu'il a perçu le principal des sommes réclamées le 31 janvier 2019 et sollicité de la Communauté de communes, par courrier simple du 15 février 2019, le versement du solde, paiement effectué le 20 février 2019.

7. L'ordonnance énonce qu'aucune des trente pièces produites par la société Mahout ne permet de considérer que le paiement des sommes dues n'a été induit que par la seule action de son avocat et que la correspondance invoquée à cet effet par laquelle l'avocat de la Communauté de communes assure celui de la société Mahout d'un paiement amiable, date du 21 janvier 2019 et se trouve être postérieure à la délivrance du commandement délivré par M. [W] du 17 janvier 2019.

8. De ces constatations et énonciations, mettant en évidence que l'action de M. [W], après remise du titre exécutoire, était à l'origine du paiement amiable des sommes par la Communauté de communes, le premier président a exactement déduit qu'il y avait lieu de faire application de l'article A. 444-32 du code de commerce.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mahout aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mahout et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Mahout

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance confirmative attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe (Douai, 27 janvier 2020) d'avoir taxé à la somme totale de 6648 euros TTC le droit proportionnel à charge de la SCI Mahout auquel Me [W], huissier de justice, a droit en application de l'article A 444-32 du code de commerce ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il ressort des dispositions de l'article A 444–32 du code de commerce que les huissiers de justice bénéficient d'un émolument proportionnel tarifé sur les sommes recouvrées ou encaissées. Il est constant que l'utilisation du terme général « encaissement » permet l'ouverture de cet émolument proportionnel dès qu'il est acquis que le paiement effectué par le débiteur a été provoqué par l'intervention de l'huissier, peu importe que cette intervention relève d'une voie d'exécution ou d'un recouvrement amiable. En l'espèce il ressort des pièces produites par l'intimé que Me [C] [W] s'est vu confier mandat de recouvrer les condamnations issues de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 20 décembre 2018 à l'encontre de la communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3] par lettre du 15 janvier 2019. Il est certain que la délivrance à la communauté de communes de [Localité 4] et du [Localité 3] d'un commandement de payer le 17 janvier 2019 est un acte dépourvu de toute utilité juridique dans le cadre d'une éventuelle voie d'exécution ultérieure, une personne publique ne pouvant faire l'objet de saisie-vente ou autre voie d'exécution privée. Pour autant, le juge de la taxe, qui n'est pas compétent pour statuer sur l'annulation d'un acte d'exécution, constate que : - Me [C] [W] a relancé la communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3] par courrier simple en date du 25 janvier 2019, suite à la délivrance de son commandement du 17 janvier ; - Me [C] [W] a perçu le principal des sommes réclamées le 31 janvier 2019 (246 617,24 €) ; - Me [W] a relancé la communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3] pour obtenir le versement complémentaire des sommes restant dues par courrier simple du 15 février 2019 ; - Me [C] [W] a reçu paiement du solde de la créance (5405,03 €) le 20 février 2019. Par ailleurs, aucune des trente pièces produites par la SCI Mahout ne permet de considérer que le paiement des sommes dues n'a été induit que par la seule action de son avocat. La correspondance invoquée à cet effet par laquelle l'avocat de la communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3] assure l'avocat de la SCI Mahout d'un paiement amiable, date du 21 janvier 2019 et se trouve être postérieure à la délivrance du commandement délivré par Me [C] [W] (17/01/2019). Dès lors il est raisonnable de penser que l'action de Me [C] [W], même si elle s'est concrétisée par la délivrance d'un acte dépourvu d'efficience juridique en l'espèce, est à l'origine du paiement amiable des condamnations par la communauté de communes ;

ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE l'article A 444–32 du Code de commerce prévoit que lorsque les huissiers de justice recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier ; que cette prestation de recouvrement ou d'encaissement donne lieu à la perception d'un émolument ainsi fixé : 1° Si le montant de la créance est inférieur ou égal à 188 €, un émolument fixe de 21,28 € ; 2° Au-delà du seuil de 188 € mentionné au 1°, dans la limite de 5 540 €, un émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées au titre de la créance en principal ou du montant de la condamnation, à l'exclusion des dépens, selon le barème suivant : […] tranche d'assiette de plus de 52 400 € : 2,98 % ; Qu'en cas de paiement par acomptes successifs, cet émolument proportionnel est calculé sur la totalité des sommes encaissées ou recouvrées et non sur chaque acompte. Attendu qu'en l'espèce, Me [W], huissier, a reçu mandat express de l'avocat postulant de la SCI MAHOUT, de « signifier à la communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3] » et « de procéder à son exécution » ; Que le droit proportionnel de l'article A 444–32 ne concerne pas uniquement les hypothèses de recouvrements forcés mais s'applique également en cas de simples encaissements ; Qu'il est établi que Me [W] a signifié la décision de la cour d'appel le 17 janvier 2019 avec commandement de payer ; Qu'il a encaissé les sommes dues par le débiteur le 31 janvier 2019 sauf les intérêts dont le décompte a été adressé par Me [W] le 4 février 2019 et qui ont été soldés par le débiteur le 20 février 2019 ; Que les conditions d'application de l'article A 444–32 du Code de commerce sont donc réunies en ce que l'huissier a reçu mandat, a fait diligences et a encaissé les sommes dues à la SCI MAHOUT ; Qu'il convient donc de taxer le droit proportionnel de l'article A 444–32 du code de commerce, à charge du créancier, la SCI MAHOUT, à la somme plafonnée de 5540 € HT soit 6648 € TTC ;

1°) ALORS QUE l'article A 444–32 du Code de commerce prévoit que « la prestation de recouvrement ou d'encaissement figurant au numéro 129 du tableau 3-1 donne lieu à la perception d'un émolument ainsi fixé : 1° Si le montant de la créance est inférieur ou égal à 188 €, un émolument fixe de 21,28 € ; 2° Au-delà du seuil de 188 € mentionné au 1°, dans la limite de 5 540 €, un émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées au titre de la créance en principal ou du montant de la condamnation, à l'exclusion des dépens » selon un barème déterminé ; qu'il ressort de ce texte que le droit proportionnel prévu à l'article A 444–32 du Code de commerce ne s'applique qu'à la prestation de recouvrement ou d'encaissement figurant au numéro 129 du tableau 3-1 ; que le numéro 129 du tableau 3-1, auquel renvoient les articles R444-3, A444-10 et A444-32 du code de commerce, est relatif aux seuls actes de « recouvrement forcé de créances » et aux actes d'établissement de procèsverbaux constatant que le destinataire de la signification est sans domicile, ni résidence ni lieu de travail connus ; que s'agissant du recouvrement de créance le champ d'application de l'article A 444–32 du Code de commerce est donc limité aux actes de recouvrement forcé réalisés par un huissier de justice ; que dès lors en considérant que des démarches de recouvrement amiables justifiaient la perception par l'huissier de justice de l'émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées de l'article A 444–32 du Code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte ;

2°) ALORS QUE les dispositions de l'article A 444–32 du Code de commerce permettent la perception par l'huissier de justice de l'émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées par l'effet d'un acte de recouvrement forcé ; que tel n'est pas le cas d'un commandement de payer émis à l'encontre d'une personne publique pour l'exécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée ; qu'il ressort des propres constatations de l'ordonnance de taxe rendue par la cour d'appel de Douai que le commandement de payer délivré par Me [C] [W] à la communauté de communes du [Localité 4] et du [Localité 3] est un acte dépourvu de toute utilité juridique, une personne publique ne pouvant faire l'objet d'une voie d'exécution privée ; que l'ordonnance n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des strictes conditions d'application de l'article A 444–32 du Code de commerce.

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