19 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-24.913

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00077

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 77 F-D


Pourvois n°
X 19-24.913
Y 19-24.914
et K 20-19.202
à D 20-19.219


JONCTION










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022

La Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° X 19-24.913, Y 19-24.914, K 20-19.202, M 20-19.203, N 20-19.204, P 20-19.205, Q 20-19.206, R 20-19.207, S 20-19.208, T 20-19.209, U 20-19.210, V 20-19.211, W 20-19.212, X 20-19.213, Y 20-19.214, Z 20-19.215, A 20-19.216, B 20-19.217, C 20-19.218 et D 20-19.219 contre vingt arrêts rendus le 4 octobre 2019 pour les deux premiers et le 29 mai 2020 pour les dix-huit autres par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [TH] [N], domicilié [Adresse 9],

2°/ à Mme [LI] [Y], domiciliée [Adresse 11],


3°/ à M. [J] [K], domicilié [Adresse 8],

4°/ à Mme [BO] [K], domiciliée [Adresse 11],

5°/ à M. [WU] [H], domicilié [Adresse 12],

6°/ à M. [W] [S], domicilié [Adresse 10],

7°/ à M. [T] [B], domicilié [Adresse 2],

8°/ à M. [D] [X], domicilié [Adresse 3],

9°/ à M. [M] [F], domicilié [Adresse 15],

10°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 7],

11°/ à M. [L] [A], domicilié [Adresse 17],

12°/ à M. [V] [E], domicilié [Adresse 22],

13°/ à M. [R] [ZO], domicilié [Adresse 18],

14°/ à Mme [EJ] [NK], domiciliée [Adresse 6],

15°/ à M. [US] [P], domicilié [Adresse 1],

16°/ à M. [HW] [CL], domicilié [Adresse 14],

17°/ à M. [GL] [Z], domicilié [Adresse 4],

18°/ à M. [I] [AM], domicilié [Adresse 13],

19°/ à M. [JY] [OV], domicilié [Adresse 20],

20°/ à M. [O] [U], domicilié [Adresse 16],

21°/ à Pôle emploi, domicilié [Adresse 21],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse aux pourvois n° X 19-24.913 et Y 19-24.914 invoque, à l'appui de chacun de ses recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt et, à l'appui de ses pourvois n° K 20-19.202 à D 20-19.219, un moyen unique de cassation commun également annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N] et des dix-neuf autres salariés, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 19-24.913, Y 19-24.914 et K 20-19.202 à D 20-19.219 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Rennes, 4 octobre 2019 et 20 mai 2020), M. [N] et dix-neuf autres salariés ont été engagés par la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (la SEITA).

3. La SEITA a procédé à une réorganisation de ses structures de production et un plan de sauvegarde pour l'emploi a été établi le 23 octobre 2014. Les vingt-deux salariés ont été licenciés pour motif économique au cours des mois de janvier à juillet 2015.

4. Contestant notamment la réalité du motif économique de leur licenciement, ils ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, sixième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de dire que le licenciement des salariés est sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à leur payer diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées aux salariés dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 1°/ que pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, le juge doit, sans s'arrêter au constat de l'absence de difficultés économiques à la date du licenciement, examiner l'ensemble des indicateurs dont l'employeur fait état pour caractériser une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe, en tenant compte des évolutions constatées et des prévisions pour les années à venir ; qu'en l'espèce, la société SEITA faisait valoir que la baisse continue de la consommation de tabac en Europe (- 38 % entre 2002 et 2016) résultant de politiques de santé publique de plus en plus drastiques avait entraîné, compte tenu de la forte implantation du groupe en Europe (représentant plus de 50 % de son chiffre d'affaires), une dégradation de ses volumes mondiaux de ventes de tabac et une érosion du chiffre d'affaires du tabac entre 2009 et 2013, que cette perte de volume était deux fois plus élevée que celle subie par ses concurrents et avait engendré une forte surcapacité des sites de production en Europe ; que la société SEITA justifiait également que la dégradation des ventes, en volume et en chiffre d'affaires, s'était poursuivie en 2014 et 2015, en dépit d'une opération de croissance externe correspondant à l'achat de filiales américaines, et avait impacté le résultat opérationnel ajusté ; que la contraction du marché européen devait se poursuivre les années suivantes, les prévisions du groupe ayant été encore en deçà des volumes réels ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les deux experts-comptables mandatés par les représentants du personnel avaient reconnu une érosion des volumes de vente de 7 % en 2013, puis de 3 % en 2014/2015, après une baisse de 12 % entre 2009 et 2013 ; qu'en refusant cependant d'examiner précisément les différents indicateurs économiques dont l'employeur faisait état et de rechercher s'ils n'établissaient pas que le groupe, qui avait déjà perdu d'importants volumes et des parts de marché, ne devait pas adapter ses structures à l'évolution du marché, au prétexte que les experts-comptables du comité d'entreprise, pour contester la nécessité de cette réorganisation, ont mis en avant les bénéfices réalisés par le groupe et les dividendes distribués aux actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ que la diminution continue et importante des ventes, qui entraîne une sous-utilisation des capacités de production d'un groupe et dégrade le coût de revient de ses produits, dégrade sa compétitivité ; que la production prévisible d'une entreprise ou d'un groupe est définie en fonction des ventes prévisibles ; qu'en l'espèce, la société SEITA expliquait que la baisse continue des ventes en Europe, qui était appelée à se poursuivre en 2014 et 2015, devait aggraver la surcapacité de production de ses usines et produisait, pour l'établir, un tableau comparant la capacité de production de ses différentes usines en 2013 (représentant au total 272 milliards d'unités en Europe et 578 milliards d'unités dans le monde), la production réelle en 2013 et la production prévue pour répondre à la demande en 2014 et 2015 ; qu'il ressortait de ce tableau une forte surcapacité de production en Europe (seulement 120,5 milliards d'unités produites en 2013) et dans le monde et, en dépit de la fermeture de deux usines, une aggravation de cette surcapacité de production en 2014 et 2015 ; qu'en refusant de tenir compte de la surcapacité de production résultant de cette pièce, au prétexte que l'estimation de la production en Europe sur l'exercice 2014/2015 intègre la fermeture prévue de l'usine de Nantes qui contribue à cette baisse de production, cependant que le maintien en activité de l'usine de Nantes n'aurait pas permis d'augmenter le volume global de production en Europe, compte tenu de la baisse prévisible des ventes sur ce marché, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3°/ que le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; que, s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique du secteur d'activité du groupe et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation ; qu'en conséquence, pour affirmer que la fermeture d'une usine n'est pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité groupe, le juge ne peut se fonder sur la rentabilité de cette usine et la profitabilité de l'entreprise à laquelle elle appartient ; qu'en retenant, pour affirmer que la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe n'était pas suffisamment établie, qu'il ressort de deux rapports établis par des experts mandatés par le comité d'entreprise que l'activité de l'usine de Nantes demeure profitable avec un bénéfice d'exploitation en forte hausse en 2013, que la productivité des sites français est comparable à celle des autres sites européens et que l'activité de la société SEITA préservant un fort taux de marge demeure profitable pour le groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4°/ que le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; qu'en l'espèce, il est constant que le groupe Imperial Tobacco intervient sur deux secteurs d'activité distincts, le tabac et la logistique, et que la société SEITA oeuvre pour sa part exclusivement sur le secteur du tabac, de sorte que ''le motif économique du licenciement (...) doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco'' ; qu'en relevant encore, pour dire que la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe n'était pas suffisamment établie, que le cabinet Alter relève les ''excellentes performances du groupe'' avec un résultat net positif de 600 M£ en 2012, 929 M£ en 2013, 1 451 M£ en 2014, cependant que ces résultats étaient ceux du groupe, tous secteurs confondus, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

6°/ que si le juge peut tenir compte d'éléments postérieurs au licenciement pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, il doit neutraliser les effets de cette réorganisation et des autres mesures prises concomitamment à cette réorganisation dans la même perspective ; qu'en l'espèce, la société SEITA expliquait qu'en l'état du déclin structurel du marché européen, le groupe avait décidé, parallèlement à la réduction de sa surcapacité de production en Europe, de trouver des relais de croissance sur le marché américain, en achetant des filiales américaines ; que l'augmentation mécanique des ventes résultant de cette opération de croissance externe ne pouvait remettre en cause la nécessité de la réorganisation de ses sites de production européens, parce qu'elle n'était pas de nature à résoudre leur problème de surcapacité de production, qu'en relevant encore que la SEITA admet que le rachat récent d'entités américaines (ITG Brands) a généré une augmentation du chiffre d'affaires net, mais fait état d'une baisse de chiffre d'affaires à périmètre constant, sans expliquer en quoi ce rachat pouvait être de nature à résoudre la surcapacité de production des usines européennes, ni suffire à endiguer durablement la baisse des ventes liées au déclin du marché européen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

7°/ que le juge est tenu de s'expliquer sur les résultats qu'il choisit de prendre en compte pour apprécier le motif économique du licenciement ; que la société SEITA insistait, dans ses conclusions d'appel, sur le fait que les chiffres extraits des rapports annuels ou semestriels cités par le salarié ne reflétaient pas la réalité de la situation économique du groupe ; qu'ainsi, elle soulignait que certains de ces chiffres concernent uniquement les marques de croissance (''growth brand'') du groupe et d'autres intègrent la correction d'effets non-récurrents et non l'intégralité de ses produits ; qu'en relevant encore, pour écarter l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe que ''le rapport intermédiaire du groupe de mars 2015 mentionne une augmentation annuelle de 2 % du revenu net'', sans s'expliquer sur ce que recouvre ce ''revenu net'', la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

8°/ que la distribution de dividendes aux actionnaires n'exclut pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe, le montant des dividendes distribués n'étant pas l'indicateur d'une bonne santé économique ; que la société SEITA expliquait encore que la mauvaise image de l'industrie du tabac oblige les industriels de ce secteur à maintenir un niveau minimum de dividendes pour éviter la fuite des actionnaires et justifiait que la rentabilité des dividendes versés aux actionnaires du groupe Imperial Tobacco est inférieure à celle des dividendes versés par ses concurrents ; qu'en se référant encore au niveau des dividendes versés aux actionnaires en 2015, sans expliquer en quoi ils pouvaient exclure toute menace sur la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Il résulte de ce texte qu'une réorganisation de l'entreprise constitue un motif de licenciement si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi.

7. Pour dire les licenciements sans cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent d'abord que l'employeur se fonde principalement sur une baisse de 12 % du volume des ventes de cigarettes de 2009 à 2013, dont une baisse de 7 % de 2012 à 2013, ayant généré une situation de surcapacité de production massive et durable en Europe. Ils ajoutent ensuite que la société invoque également le déclin structurel des marchés du tabac européens, les prévisions de production en résultant ne laissant aucun espoir de pouvoir résorber cette situation autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production, étant précisé que le groupe a connu une perte de 1,5 points de part de marché sur la période 2009-2013.

8. Ils poursuivent en indiquant, d'une part, que le rapport du cabinet Progexa fait état d'une amélioration des bénéfices du groupe en dépit d'une érosion des volumes de vente de 7 % en 2013 et que si la baisse du marché des cigarettes en France et son accentuation en 2013 en lien avec les politiques publiques et le développement rapide de la cigarette électronique se confirme, l'activité de l'usine de [Localité 23] demeure profitable avec un bénéfice d'exploitation en forte hausse sur l'année 2013 (+ 61 %) après de moins bons résultats en 2011-2012, et d'autre part, que le rapport du cabinet Alter confirme le déclin des marchés matures incluant le marché français, ce déclin des volumes étant de 7 % par an mais indique que celui-ci a ralenti en 2014/2015 à 3 % et que l'activité de la SEITA, préservant un fort taux de marge, demeure profitable pour le groupe. Ce rapport évoque les ''excellentes performances du groupe'' avec notamment un résultat net positif de 699 M£ en 2012, 929 M£ en 2013, 1 451 M£ en 2014.

9. Ils soulignent que si la société admet que le rachat récent d'entités américaines (ITG Brands) a généré une augmentation du chiffre d'affaires net, tout en faisant état d'une baisse du chiffre d'affaires à périmètre constant, le rapport intermédiaire du groupe daté de mars 2015 n'en évoque pas moins une « bonne performance » du groupe sur la première partie de l'exercice comptable et mentionne non seulement une augmentation annuelle de 2 % du revenu net mais aussi de 10 % des dividendes versés aux actionnaires et en conclut que la société ne démontre pas que la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient était menacée.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait constaté que la production et la consommation de tabac avaient fortement diminué en volume entre 2002 et 2013, sur le marché européen qui constituait la part essentielle du chiffre d'affaires du secteur tabac du groupe Imperial Tobacco et qu'entre 2009 et 2013 le groupe avait connu une perte de 1,5 points de part de marché, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces tendances structurelles, caractérisées par une forte et régulière rétractation du marché européen du tabac et par la réduction constante de la consommation de tabac sur ce marché et notamment sur le marché français, sur lesquels ce secteur d'activité réalisait l'essentiel de son chiffre d'affaires, ne justifiaient pas une réorganisation de l'entreprise afin d'anticiper des difficultés économiques prévisibles et d'adapter ses structures à l'évolution du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE et ANNULE mais seulement en ce qu'ils disent les licenciements sans cause réelle et sérieuse et condamnent l'employeur à payer aux salariés diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées aux salariés dans la limite de six mois d'indemnités, les arrêts rendus les 4 octobre 2019 et 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. [N] et les dix-neuf autres salariés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, demanderesse au pourvoi n° X 19-24.913


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [TH] [N] est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Seita à payer à M. [N] la somme de 22.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Seita à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [N] dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « Pour infirmation, M. [N] soutient principalement que la SEITA ne fait pas la preuve du motif économique justifiant son licenciement et qu'aucune nécessité de sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe n'est démontrée. Il ajoute qu'à défaut d'avoir notifié au salarié les implantations au sein desquelles un reclassement pouvait être envisagé et le délai à l'issue duquel la SEITA serait fondée à considérer que le salarié avait refusé d'envisager une telle solution, l'employeur a manqué à son obligation de reclassement. Pour confirmation, la SEITA soutient principalement que le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe ; que celui-ci est fondé sur la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe ; que la lettre de licenciement répond aux exigences légales de motivation et expose de façon très détaillée les menaces pesant sur la compétitivité de l'activité tabac ainsi que la nécessité d'une réorganisation en vue de sa sauvegarde ; que de réelles menaces, sources de difficultés futures, pèsent sur l'activité tabac du groupe ; que la diminution continue de la demande sur le marché du tabac va se poursuivre et se traduit par une forte chute des volumes des ventes du groupe, ainsi que par une forte surcapacité de production ; que le groupe a perdu des parts de marché significatives et que l'existence de difficultés économiques à venir est évidente ; que cette situation ne laissait aucun espoir de pouvoir résorber cette situation autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi. Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité. S'il n'appartient pas au juge d'apprécier les choix économiques ayant conduit à l'engagement d'une procédure de licenciement économique, il incombe à l'employeur de communiquer les éléments permettant de vérifier que la réorganisation à l'origine de la suppression d'emploi est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel celle-ci appartient. Il résulte de l'article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. En l'espèce, le motif économique est ainsi développé dans la lettre de licenciement : « Nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique en raison de la suppression de votre emploi consécutive à la réorganisation de notre entreprise. Cette réorganisation est l'un des volets d'un plan de réorganisation européen décidé dans le but de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco (ITG), secteur auquel appartient la SEITA en France. La compétitivité de ce secteur est en effet menacée par une baisse inéluctable du marché du tabac, qui a déjà largement débuté et qui aura d'importantes conséquences dans les années à venir si aucune mesure d'anticipation n'est prise. Les marchés matures, et en particulier le marché européen sur lequel le groupe ITG est principalement présent (70 % de son chiffre d'affaires) sont ainsi marqués par un ralentissement très sensible de la demande. Ce ralentissement ne pourra que perdurer compte tenu des événements qui en sont à l'origine et qui sont les suivants : - des politiques de santé publique anti-tabac de plus en plus drastiques, se traduisant notamment par des augmentations tarifaires continues et par des réglementations de plus en plus contraignantes sur le marketing et la commercialisation du tabac ; - le développement important du commerce illicite (contrefaçon et ventes transfrontalières) directement lié à l'augmentation des prix ; ce marché parallèle représente en France près de 25 % du marché de la cigarette ; - la croissance des produits de substitution (tels que l'e-cigarette), qui devrait se poursuivre dans les années à venir. Ce ralentissement de la demande s'est traduit par une forte baisse des volumes de ventes des cigarettes, qui, pour le Groupe ITG, a été de 12 % entre 2009 et 2013 et s'est poursuivie en 2014. En France, le marché de la cigarette en France a chuté de 45 % de 2000 à 2014, pendant que le prix du paquet de cigarettes faisait plus que doubler. Dans le même temps la part revenant au fabricant diminuait de 40 % du fait des hausses des taxes perçues par l'Etat. Les volumes de cigarettes vendus par la Seita en France (segment le plus affecté par la baisse des volumes) ont chuté de près de 30 % depuis 2010. Cette baisse continue et inexorable est notamment due au fait qu'en raison des hausses successives, les prix ont atteint un niveau à partir duquel les augmentations de prix non seulement ne compensent plus les baisses de volumes mais, désormais, les aggravent. Ces baisses des volumes ne peuvent malheureusement pas être compensées par les marchés émergents qui nécessitent d'importants investissements et qui restent en partie fermés aux entreprises étrangères du fait des barrières à l'exportation (comme la Chine). La forte contraction de la demande a par ailleurs entraîné un renforcement de la concurrence qui a conduit le groupe ITG à perdre des parts marchés sur ses principaux marchés (c'est notamment le cas en France où les parts de marché de la Seita ont baissé de 3,9 points sur le segment des cigarettes entre 2010 et 2014). Conséquences de ce qui précède, le groupe ITG se trouve désormais en situation de surcapacité de production massive (plus de 50 % en Europe) sans aucun espoir de pouvoir la résorber autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production. En France, la réorganisation s'est traduite par : - l'arrêt des activités de l'usine de [Localité 23] et de celles de l'Institut du tabac de [Localité 19] ; - la réorganisation d'une partie des activités de la Division Industrie, Recherche et Développement ; - l'adaptation d'une partie de la Division Supply Chain en lien avec la rationalisation de l'outil industriel ; - la consolidation des activités marketing Groupe au siège du Groupe à Bristol ; - le renforcement de l'activité cigare avec la création d'une force de vente dédiée ; - l'adaptation de l'organisation Sales & Marketing et des fonctions support afin de tenir compte de la baisse d'activité actuelle et anticipée. Cette adaptation se traduit en particulier par une nouvelle organisation des équipes commerciales France, avec un nouveau découpage des zones géographiques et une clarification des rôles . (...) » Le motif économique du licenciement, ainsi développé par l'employeur, doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco dont la SEITA est la filiale française. Il est constant que ce secteur d'activité dégage des bénéfices au moment du licenciement. S'agissant des menaces sur sa compétitivité, l'employeur se fonde principalement sur une baisse de 12 % du volume de ses ventes de cigarettes de 2009 à 2013, dont une baisse de 7 % de 2012 à 2013, ayant généré selon son analyse une « situation de surcapacité de production massive et durable en Europe ». Visant plus spécialement un tableau indiquant les capacités de production et les volumes de production réels et prévisionnels des sites du groupe, la SEITA en déduit que le déclin structurel des marchés européens et les prévisions de production en résultant ne laisseraient aucun espoir de pouvoir résorber cette situation autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production. Le tableau produit (pièce nº I.8 de l'employeur), non daté et peu lisible, indique que le volume de production mondial prévisionnel serait en baisse de 8,8 % de 2013/2014 à 2015/2016 et le volume produit en Union européenne de 8,5 % sur la même période. Il est à relever que cette estimation intègre la fermeture prévue de l'usine de [Localité 23] à compter de l'exercice 2014/2015 qui contribue bien évidemment à cette baisse de production. La SEITA évoque d'autre part, sans toutefois développer ce point, un déficit de compétitivité par rapport à ses concurrents (PHILIP MORRIS INTERNATIONAL, BRITISH AMERICAN TOBACCO et JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL) qui dominent le marché mondial, notant une perte de 1,5 point de ses parts de marché sur la période 2009-2013. A l'encontre des éléments ainsi produits par l'employeur, M. [N] qui fait observer le manque d'éléments comptables dans la lettre de licenciement, a versé aux débats deux rapports de cabinets d'experts comptables mandatés par le CE dans le contexte du plan de sauvegarde pour l'emploi : - Le rapport de cabinet PROGEXA (pièces nº IC2 à IC4) fait état d'une amélioration des bénéfices du groupe en dépit d'une érosion des volumes de vente de 7 % en 2013. Pour ce qui concerne l'usine de [Localité 23], ce rapport confirme la baisse du marché des cigarettes en France et son accentuation en 2013 en lien avec les politiques publiques et le développement rapide de la cigarette électronique, mais souligne que l'activité de l'usine de [Localité 23] demeure profitable avec un bénéfice d'exploitation en forte hausse sur l'année 2013 (+61 %) après de moins bons résultats en 2011-2012. Il précise en outre que la productivité des sites français est comparable à celle des autres sites européens. - Le rapport du cabinet ALTER (pièce nº IC10) confirme que sur les marchés matures incluant le marché français, le déclin des volumes était de 7 % par an mais indique que celui-ci a ralenti en 2014/2015 à 3 % et que l'activité de la SEITA, préservant un fort taux de marge, demeure profitable pour le groupe. Il évoque les 'excellentes performances du groupe' avec notamment un résultat net positif de 699 M£ en 2012, 929 M£ en 2013, 1.451 M£ en 2014. Il établit en outre que le choix du groupe de transférer une partie des activités de production de la SEITA vers le site marocain d'Aïn Harrouda s'inscrit dans une politique de réduction du coût du travail sans diminution globale des capacités de production du groupe. En réplique, la SEITA admet que le rachat récent d'entités américaines (ITG Brands) a généré une augmentation du chiffre d'affaires net, mais fait état d'une baisse du chiffre d'affaires à périmètre constant. Le rapport intermédiaire du groupe daté de mars 2015 (pièce nº IC1 du salarié) n'en évoque pas moins une "bonne performance" du groupe sur la première partie de l'exercice comptable et mentionne non seulement une augmentation annuelle de 2 % du revenu net mais aussi de 10 % des dividendes versés aux actionnaires. La SEITA ne démontre pas autrement les perspectives négatives pourtant qualifiées par elle d' « évidentes » telles qu'invoquées à l'appui du plan de sauvegarde pour l'emploi. Les éléments produits n'établissent dès lors pas suffisamment la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe. Il en résulte que le licenciement de M. [N] est sans cause réelle et sérieuse par défaut de justification du motif économique. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé à ce titre » ;

1. ALORS QUE pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, le juge doit, sans s'arrêter au constat de l'absence de difficultés économiques à la date du licenciement, examiner l'ensemble des indicateurs dont l'employeur fait état pour caractériser une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe, en tenant compte des évolutions constatées et des prévisions pour les années à venir ; qu'en l'espèce, la société Seita faisait valoir que la baisse continue de la consommation de tabac en Europe (- 38 % entre 2002 et 2016) résultant de politiques de santé publique de plus en plus drastiques avait entraîné, compte tenu de la forte implantation du groupe en Europe (représentant plus de 50 % de son chiffre d'affaires), une dégradation de ses volumes mondiaux de ventes de tabac et une érosion du chiffre d'affaires du tabac entre 2009 et 2013, que cette perte de volume était deux fois plus élevée que celle subie par ses concurrents et avait engendré une forte surcapacité des sites de production en Europe ; que la société Seita justifiait également que la dégradation des ventes, en volume et en chiffre d'affaires, s'était poursuivie en 2014 et 2015, en dépit d'une opération de croissance externe correspondant à l'achat de filiales américaines, et avait impacté le résultat opérationnel ajusté ; que la contraction du marché européen devait se poursuivre les années suivantes, les prévisions du groupe ayant été encore en deçà des volumes réels ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les deux experts-comptables mandatés par les représentants du personnel avaient reconnu une érosion des volumes de vente de 7 % en 2013, puis de 3 % en 2014/2015, après une baisse de 12 % entre 2009 et 2013 ; qu'en refusant cependant d'examiner précisément les différents indicateurs économiques dont l'employeur faisait état et de rechercher s'ils n'établissaient pas que le groupe, qui avait déjà perdu d'importants volumes et des parts de marché, ne devait pas adapter ses structures à l'évolution du marché, au prétexte que les experts-comptables du comité d'entreprise, pour contester la nécessité de cette réorganisation, ont mis en avant les bénéfices réalisés par le groupe et les dividendes distribués aux actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2. ALORS QUE la diminution continue et importante des ventes, qui entraîne une sous-utilisation des capacités de production d'un groupe et dégrade le coût de revient de ses produits, dégrade sa compétitivité ; que la production prévisible d'une entreprise ou d'un groupe est définie en fonction des ventes prévisibles ; qu'en l'espèce, la société Seita expliquait que la baisse continue des ventes en Europe, qui était appelée à se poursuivre en 2014 et 2015, devait aggraver la surcapacité de production de ses usines et produisait, pour l'établir, un tableau comparant la capacité de production de ses différentes usines en 2013 (représentant au total 272 milliards d'unités en Europe et 578 milliards d'unités dans le monde), la production réelle en 2013 et la production prévue pour répondre à la demande en 2014 et 2015 ; qu'il ressortait de ce tableau une forte surcapacité de production en Europe (seulement 120,5 milliards d'unités produites en 2013) et dans le monde et, en dépit de la fermeture de deux usines, une aggravation de cette surcapacité de production en 2014 et 2015 ; qu'en refusant de tenir compte de la surcapacité de production résultant de cette pièce, au prétexte que l'estimation de la production en Europe sur l'exercice 2014/2015 intègre la fermeture prévue de l'usine de Nantes qui contribue à cette baisse de production, cependant que le maintien en activité de l'usine de Nantes n'aurait pas permis d'augmenter le volume global de production en Europe, compte tenu de la baisse prévisible des ventes sur ce marché, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3. ALORS QUE le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; que, s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique du secteur d'activité du groupe et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation ; qu'en conséquence, pour affirmer que la fermeture d'une usine n'est pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité groupe, le juge ne peut se fonder sur la rentabilité de cette usine et la profitabilité de l'entreprise à laquelle elle appartient ; qu'en retenant, pour affirmer que la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe n'était pas suffisamment établie, qu'il ressort de deux rapports établis par des experts mandatés par le comité d'entreprise que l'activité de l'usine de Nantes demeure profitable avec un bénéfice d'exploitation en forte hausse en 2013, que la productivité des sites français est comparable à celle des autres sites européens et que l'activité de la société Seita préservant un fort taux de marge demeure profitable pour le groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4. ALORS QUE le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; qu'en l'espèce, il est constant que le groupe Imperial Tobacco intervient sur deux secteurs d'activité distincts, le tabac et la logistique, et que la société Seita oeuvre pour sa part exclusivement sur le secteur du tabac, de sorte que « le motif économique du licenciement (…) doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco » (arrêt, p. 10, § 2) ; qu'en relevant encore, pour dire que la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe n'était pas suffisamment établie, que le cabinet Alter relève les « excellentes performances du groupe » avec un résultat net positif de 600 M£ en 2012, 929 M£ en 2013, 1.451 M£ en 2014, cependant que ces résultats étaient ceux du groupe, tous secteurs confondus, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

5. ALORS QUE le juge, qui doit apprécier lui-même le motif économique du licenciement, doit vérifier l'exactitude des affirmations de l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Seita contestait l'allégation selon laquelle la production de l'usine de [Localité 23] devait être transférée vers une usine marocaine, en expliquant, d'une part, que le projet de centralisation de la production africaine au Maroc émanant de dirigeants de l'usine marocaine, désavoué par le groupe, n'avait jamais vu le jour et, d'autre part, qu'il était en tout état de cause étranger à la fermeture de l'usine de [Localité 23], dont la production devait être transférée vers deux usines situées en Allemagne et en Pologne ; que la société Seita démontrait en outre que la production de l'usine marocaine n'avait pas augmenté lors de la fermeture de l'usine de [Localité 23] ; qu'en relevant que, dans son rapport, le cabinet Alter indique que le choix du groupe de transférer une partie des activités de production de la Seita vers le site marocain d'Aïn Harrouda s'inscrit dans une politique de réduction du coût du travail sans diminution globale des capacités de production du groupe, sans vérifier l'exactitude de cette affirmation au regard des pièces et explications de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

6. ALORS QUE si le juge peut tenir compte d'éléments postérieurs au licenciement pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, il doit neutraliser les effets de cette réorganisation et des autres mesures prises concomitamment à cette réorganisation dans la même perspective ; qu'en l'espèce, la société Seita expliquait qu'en l'état du déclin structurel du marché européen, le groupe avait décidé, parallèlement à la réduction de sa surcapacité de production en Europe, de trouver des relais de croissance sur le marché américain, en achetant des filiales américaines ; que l'augmentation mécanique des ventes résultant de cette opération de croissance externe ne pouvait remettre en cause la nécessité de la réorganisation de ses sites de production européens, parce qu'elle n'était pas de nature à résoudre leur problème de surcapacité de production, qu'en relevant encore que la Seita admet que le rachat récent d'entités américaines (ITG Brands) a généré une augmentation du chiffre d'affaires net, mais fait état d'une baisse de chiffre d'affaires à périmètre constant, sans expliquer en quoi ce rachat pouvait être de nature à résoudre la surcapacité de production des usines européennes, ni suffire à endiguer durablement la baisse des ventes liées au déclin du marché européen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

7. ALORS QUE le juge est tenu de s'expliquer sur les résultats qu'il choisit de prendre en compte pour apprécier le motif économique du licenciement ; que la société Seita insistait, dans ses conclusions d'appel (pp. 46 et s.), sur le fait que les chiffres extraits des rapports annuels ou semestriels cités par le salarié ne reflétaient pas la réalité de la situation économique du groupe ; qu'ainsi, elle soulignait que certains de ces chiffres concernent uniquement les marques de croissance (« growth brand ») du groupe et d'autres intègrent la correction d'effets non-récurrents et non l'intégralité de ses produits ; qu'en relevant encore, pour écarter l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe que « le rapport intermédiaire du groupe de mars 2015 mentionne une augmentation annuelle de 2 % du revenu net », sans s'expliquer sur ce que recouvre ce « revenu net », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

8. ALORS QUE la distribution de dividendes aux actionnaires n'exclut pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe, le montant des dividendes distribués n'étant pas l'indicateur d'une bonne santé économique ; que la société Seita expliquait encore que la mauvaise image de l'industrie du tabac oblige les industriels de ce secteur à maintenir un niveau minimum de dividendes pour éviter la fuite des actionnaires et justifiait que la rentabilité des dividendes versés aux actionnaires du groupe Imperial Tobacco est inférieure à celle des dividendes versés par ses concurrents ; qu'en se référant encore au niveau des dividendes versés aux actionnaires en 2015, sans expliquer en quoi ils pouvaient exclure toute menace sur la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, demanderesse au pourvoi n° Y 19-24.914


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [Y] est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Seita à payer à Mme [Y] la somme de 45.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Seita à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à Mme [Y] dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « Pour infirmation, Mme [Y] soutient principalement que la SEITA ne fait pas la preuve du motif économique justifiant son licenciement et qu'aucune nécessité de sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe n'est démontrée. Elle ajoute qu'à défaut d'avoir notifié au salarié les implantations au sein desquelles un reclassement pouvait être envisagé et le délai à l'issue duquel la SEITA serait fondée à considérer que le salarié avait refusé d'envisager une telle solution, l'employeur a manqué à son obligation de reclassement. Pour confirmation, la SEITA soutient principalement que le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe ; que celui-ci est fondé sur la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe ; que la lettre de licenciement répond aux exigences légales de motivation et expose de façon très détaillée les menaces pesant sur la compétitivité de l'activité tabac ainsi que la nécessité d'une réorganisation en vue de sa sauvegarde ; que de réelles menaces, sources de difficultés futures, pèsent sur l'activité tabac du groupe ; que la diminution continue de la demande sur le marché du tabac va se poursuivre et se traduit par une forte chute des volumes des ventes du groupe, ainsi que par une forte surcapacité de production ; que le groupe a perdu des parts de marché significatives et que l'existence de difficultés économiques à venir est évidente ; que cette situation ne laissait aucun espoir de pouvoir résorber cette situation autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi. Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité. S'il n'appartient pas au juge d'apprécier les choix économiques ayant conduit à l'engagement d'une procédure de licenciement économique, il incombe à l'employeur de communiquer les éléments permettant de vérifier que la réorganisation à l'origine de la suppression d'emploi est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel celle-ci appartient. Il résulte de l'article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. En l'espèce, le motif économique est ainsi développé dans la lettre de licenciement : « Nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique en raison de la suppression de votre emploi consécutive à la réorganisation de notre entreprise. Cette réorganisation est l'un des volets d'un plan de réorganisation européen décidé dans le but de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco (ITG), secteur auquel appartient la SEITA en France. La compétitivité de ce secteur est en effet menacée par une baisse inéluctable du marché du tabac, qui a déjà largement débuté et qui aura d'importantes conséquences dans les années à venir si aucune mesure d'anticipation n'est prise. Les marchés matures, et en particulier le marché européen sur lequel le groupe ITG est principalement présent (70 % de son chiffre d'affaires) sont ainsi marqués par un ralentissement très sensible de la demande. Ce ralentissement ne pourra que perdurer compte tenu des événements qui en sont à l'origine et qui sont les suivants : - des politiques de santé publique anti-tabac de plus en plus drastiques, se traduisant notamment par des augmentations tarifaires continues et par des réglementations de plus en plus contraignantes sur le marketing et la commercialisation du tabac ; - le développement important du commerce illicite (contrefaçon et ventes transfrontalières) directement lié à l'augmentation des prix ; ce marché parallèle représente en France près de 25 % du marché de la cigarette ; - la croissance des produits de substitution (tels que l'e-cigarette), qui devrait se poursuivre dans les années à venir. Ce ralentissement de la demande s'est traduit par une forte baisse des volumes de ventes des cigarettes, qui, pour le Groupe ITG, a été de 12 % entre 2009 et 2013 et s'est poursuivie en 2014. En France, le marché de la cigarette en France a chuté de 45 % de 2000 à 2014, pendant que le prix du paquet de cigarettes faisait plus que doubler. Dans le même temps la part revenant au fabricant diminuait de 40 % du fait des hausses des taxes perçues par l'Etat. Les volumes de cigarettes vendus par la Seita en France (segment le plus affecté par la baisse des volumes) ont chuté de près de 30 % depuis 2010. Cette baisse continue et inexorable est notamment due au fait qu'en raison des hausses successives, les prix ont atteint un niveau à partir duquel les augmentations de prix non seulement ne compensent plus les baisses de volumes mais, désormais, les aggravent. Ces baisses des volumes ne peuvent malheureusement pas être compensées par les marchés émergents qui nécessitent d'importants investissements et qui restent en partie fermés aux entreprises étrangères du fait des barrières à l'exportation (comme la Chine). La forte contraction de la demande a par ailleurs entraîné un renforcement de la concurrence qui a conduit le groupe ITG à perdre des parts marchés sur ses principaux marchés (c'est notamment le cas en France où les parts de marché de la Seita ont baissé de 3,9 points sur le segment des cigarettes entre 2010 et 2014). Conséquences de ce qui précède, le groupe ITG se trouve désormais en situation de surcapacité de production massive (plus de 50 % en Europe) sans aucun espoir de pouvoir la résorber autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production. En France, la réorganisation s'est traduite par : - l'arrêt des activités de l'usine de [Localité 23] et de celles de l'Institut du tabac de [Localité 19] ; - la réorganisation d'une partie des activités de la Division Industrie, Recherche et Développement ; - l'adaptation d'une partie de la Division Supply Chain en lien avec la rationalisation de l'outil industriel ; - la consolidation des activités marketing Groupe au siège du Groupe à Bristol ; - le renforcement de l'activité cigare avec la création d'une force de vente dédiée ; - l'adaptation de l'organisation Sales & Marketing et des fonctions support afin de tenir compte de la baisse d'activité actuelle et anticipée. Cette adaptation se traduit en particulier par une nouvelle organisation des équipes commerciales France, avec un nouveau découpage des zones géographiques et une clarification des rôles. (...) » Le motif économique du licenciement, ainsi développé par l'employeur, doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco dont la SEITA est la filiale française. Il est constant que ce secteur d'activité dégage des bénéfices au moment du licenciement. S'agissant des menaces sur sa compétitivité, l'employeur se fonde principalement sur une baisse de 12 % du volume de ses ventes de cigarettes de 2009 à 2013, dont une baisse de 7 % de 2012 à 2013, ayant généré selon son analyse une « situation de surcapacité de production massive et durable en Europe ». Visant plus spécialement un tableau indiquant les capacités de production et les volumes de production réels et prévisionnels des sites du groupe, la SEITA en déduit que le déclin structurel des marchés européens et les prévisions de production en résultant ne laisseraient aucun espoir de pouvoir résorber cette situation autrement que par une adaptation et une rationalisation de l'outil de production. Le tableau produit (pièce nº I.8 de l'employeur), non daté et peu lisible, indique que le volume de production mondial prévisionnel serait en baisse de 8,8 % de 2013/2014 à 2015/2016 et le volume produit en Union européenne de 8,5 % sur la même période. Il est à relever que cette estimation intègre la fermeture prévue de l'usine de [Localité 23] à compter de l'exercice 2014/2015 qui contribue bien évidemment à cette baisse de production. La SEITA évoque d'autre part, sans toutefois développer ce point, un déficit de compétitivité par rapport à ses concurrents (PHILIP MORRIS INTERNATIONAL, BRITISH AMERICAN TOBACCO et JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL) qui dominent le marché mondial, notant une perte de 1,5 point de ses parts de marché sur la période 2009-2013. A l'encontre des éléments ainsi produits par l'employeur, Mme [Y] qui fait observer le manque d'éléments comptables dans la lettre de licenciement, a versé aux débats deux rapports de cabinets d'experts comptables mandatés par le CE dans le contexte du plan de sauvegarde pour l'emploi : - Le rapport de cabinet PROGEXA (pièces nº IC2 à IC4) fait état d'une amélioration des bénéfices du groupe en dépit d'une érosion des volumes de vente de 7 % en 2013. Pour ce qui concerne l'usine de [Localité 23], ce rapport confirme la baisse du marché des cigarettes en France et son accentuation en 2013 en lien avec les politiques publiques et le développement rapide de la cigarette électronique, mais souligne que l'activité de l'usine de [Localité 23] demeure profitable avec un bénéfice d'exploitation en forte hausse sur l'année 2013 (+61 %) après de moins bons résultats en 2011-2012. Il précise en outre que la productivité des sites français est comparable à celle des autres sites européens. - Le rapport du cabinet ALTER (pièce nº IC10) confirme que sur les marchés matures incluant le marché français, le déclin des volumes était de 7 % par an mais indique que celui-ci a ralenti en 2014/2015 à 3 % et que l'activité de la SEITA, préservant un fort taux de marge, demeure profitable pour le groupe. Il évoque les 'excellentes performances du groupe' avec notamment un résultat net positif de 699 M£ en 2012, 929 M£ en 2013, 1.451 M£ en 2014. Il établit en outre que le choix du groupe de transférer une partie des activités de production de la SEITA vers le site marocain d'Aïn Harrouda s'inscrit dans une politique de réduction du coût du travail sans diminution globale des capacités de production du groupe. En réplique, la SEITA admet que le rachat récent d'entités américaines (ITG Brands) a généré une augmentation du chiffre d'affaires net, mais fait état d'une baisse du chiffre d'affaires à périmètre constant. Le rapport intermédiaire du groupe daté de mars 2015 (pièce nº IC1 du salarié) n'en évoque pas moins une "bonne performance" du groupe sur la première partie de l'exercice comptable et mentionne non seulement une augmentation annuelle de 2 % du revenu net mais aussi de 10 % des dividendes versés aux actionnaires. La SEITA ne démontre pas autrement les perspectives négatives pourtant qualifiées par elle d'« évidentes » telles qu'invoquées à l'appui du plan de sauvegarde pour l'emploi. Les éléments produits n'établissent dès lors pas suffisamment la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe. Il en résulte que le licenciement de Mme [Y] est sans cause réelle et sérieuse par défaut de justification du motif économique. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé à ce titre » ;

1. ALORS QUE pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, le juge doit, sans s'arrêter au constat de l'absence de difficultés économiques à la date du licenciement, examiner l'ensemble des indicateurs dont l'employeur fait état pour caractériser une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe, en tenant compte des évolutions constatées et des prévisions pour les années à venir ; qu'en l'espèce, la société Seita faisait valoir que la baisse continue de la consommation de tabac en Europe (- 38 % entre 2002 et 2016) résultant de politiques de santé publique de plus en plus drastiques avait entraîné, compte tenu de la forte implantation du groupe en Europe (représentant plus de 50 % de son chiffre d'affaires), une dégradation de ses volumes mondiaux de ventes de tabac et une érosion du chiffre d'affaires du tabac entre 2009 et 2013, que cette perte de volume était deux fois plus élevée que celle subie par ses concurrents et avait engendré une forte surcapacité des sites de production en Europe ; que la société Seita justifiait également que la dégradation des ventes, en volume et en chiffre d'affaires, s'était poursuivie en 2014 et 2015, en dépit d'une opération de croissance externe correspondant à l'achat de filiales américaines, et avait impacté le résultat opérationnel ajusté ; que la contraction du marché européen devait se poursuivre les années suivantes, les prévisions du groupe ayant été encore en deçà des volumes réels ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les deux experts-comptables mandatés par les représentants du personnel avaient reconnu une érosion des volumes de vente de 7 % en 2013, puis de 3 % en 2014/2015, après une baisse de 12 % entre 2009 et 2013 ; qu'en refusant cependant d'examiner précisément les différents indicateurs économiques dont l'employeur faisait état et de rechercher s'ils n'établissaient pas que le groupe, qui avait déjà perdu d'importants volumes et des parts de marché, ne devait pas adapter ses structures à l'évolution du marché, au prétexte que les experts-comptables du comité d'entreprise, pour contester la nécessité de cette réorganisation, ont mis en avant les bénéfices réalisés par le groupe et les dividendes distribués aux actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2. ALORS QUE la diminution continue et importante des ventes, qui entraîne une sous-utilisation des capacités de production d'un groupe et dégrade le coût de revient de ses produits, dégrade sa compétitivité ; que la production prévisible d'une entreprise ou d'un groupe est définie en fonction des ventes prévisibles ; qu'en l'espèce, la société Seita expliquait que la baisse continue des ventes en Europe, qui était appelée à se poursuivre en 2014 et 2015, devait aggraver la surcapacité de production de ses usines et produisait, pour l'établir, un tableau comparant la capacité de production de ses différentes usines en 2013 (représentant au total 272 milliards d'unités en Europe et 578 milliards d'unités dans le monde), la production réelle en 2013 et la production prévue pour répondre à la demande en 2014 et 2015 ; qu'il ressortait de ce tableau une forte surcapacité de production en Europe (seulement 120,5 milliards d'unités produites en 2013) et dans le monde et, en dépit de la fermeture de deux usines, une aggravation de cette surcapacité de production en 2014 et 2015 ; qu'en refusant de tenir compte de la surcapacité de production résultant de cette pièce, au prétexte que l'estimation de la production en Europe sur l'exercice 2014/2015 intègre la fermeture prévue de l'usine de Nantes qui contribue à cette baisse de production, cependant que le maintien en activité de l'usine de Nantes n'aurait pas permis d'augmenter le volume global de production en Europe, compte tenu de la baisse prévisible des ventes sur ce marché, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3. ALORS QUE le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; que, s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique du secteur d'activité du groupe et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation ; qu'en conséquence, pour affirmer que la fermeture d'une usine n'est pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité groupe, le juge ne peut se fonder sur la rentabilité de cette usine et la profitabilité de l'entreprise à laquelle elle appartient ; qu'en retenant, pour affirmer que la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe n'était pas suffisamment établie, qu'il ressort de deux rapports établis par des experts mandatés par le comité d'entreprise que l'activité de l'usine de Nantes demeure profitable avec un bénéfice d'exploitation en forte hausse en 2013, que la productivité des sites français est comparable à celle des autres sites européens et que l'activité de la société Seita préservant un fort taux de marge demeure profitable pour le groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4. ALORS QUE le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; qu'en l'espèce, il est constant que le groupe Imperial Tobacco intervient sur deux secteurs d'activité distincts, le tabac et la logistique, et que la société Seita oeuvre pour sa part exclusivement sur le secteur du tabac, de sorte que « le motif économique du licenciement (…) doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco » (arrêt, p. 8, § 2) ; qu'en relevant encore, pour dire que la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe n'était pas suffisamment établie, que le cabinet Alter relève les « excellentes performances du groupe » avec un résultat net positif de 600 M£ en 2012, 929 M£ en 2013, 1.451 M£ en 2014, cependant que ces résultats étaient ceux du groupe, tous secteurs confondus, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

5. ALORS QUE le juge, qui doit apprécier lui-même le motif économique du licenciement, doit vérifier l'exactitude des affirmations de l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Seita contestait l'allégation selon laquelle la production de l'usine de [Localité 23] devait être transférée vers une usine marocaine, en expliquant, d'une part, que le projet de centralisation de la production africaine au Maroc émanant de dirigeants de l'usine marocaine, désavoué par le groupe, n'avait jamais vu le jour et, d'autre part, qu'il était en tout état de cause étranger à la fermeture de l'usine de [Localité 23], dont la production devait être transférée vers deux usines situées en Allemagne et en Pologne ; que la société Seita démontrait en outre que la production de l'usine marocaine n'avait pas augmenté lors de la fermeture de l'usine de [Localité 23] ; qu'en relevant que, dans son rapport, le cabinet Alter indique que le choix du groupe de transférer une partie des activités de production de la Seita vers le site marocain d'Aïn Harrouda s'inscrit dans une politique de réduction du coût du travail sans diminution globale des capacités de production du groupe, sans vérifier l'exactitude de cette affirmation au regard des pièces et explications de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

6. ALORS QUE si le juge peut tenir compte d'éléments postérieurs au licenciement pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, il doit neutraliser les effets de cette réorganisation et des autres mesures prises concomitamment à cette réorganisation dans la même perspective ; qu'en l'espèce, la société Seita expliquait qu'en l'état du déclin structurel du marché européen, le groupe avait décidé, parallèlement à la réduction de sa surcapacité de production en Europe, de trouver des relais de croissance sur le marché américain, en achetant des filiales américaines ; que l'augmentation mécanique des ventes résultant de cette opération de croissance externe ne pouvait remettre en cause la nécessité de la réorganisation de ses sites de production européens, parce qu'elle n'était pas de nature à résoudre leur problème de surcapacité de production, qu'en relevant encore que la Seita admet que le rachat récent d'entités américaines (ITG Brands) a généré une augmentation du chiffre d'affaires net, mais fait état d'une baisse de chiffre d'affaires à périmètre constant, sans expliquer en quoi ce rachat pouvait être de nature à résoudre la surcapacité de production des usines européennes, ni suffire à endiguer durablement la baisse des ventes liées au déclin du marché européen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

7. ALORS QUE le juge est tenu de s'expliquer sur les résultats qu'il choisit de prendre en compte pour apprécier le motif économique du licenciement ; que la société Seita insistait, dans ses conclusions d'appel (pp. 46 et s.), sur le fait que les chiffres extraits des rapports annuels ou semestriels cités par le salarié ne reflétaient pas la réalité de la situation économique du groupe ; qu'ainsi, elle soulignait que certains de ces chiffres concernent uniquement les marques de croissance (« growth brand ») du groupe et d'autres intègrent la correction d'effets non-récurrents et non l'intégralité de ses produits ; qu'en relevant encore, pour écarter l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe que « le rapport intermédiaire du groupe de mars 2015 mentionne une augmentation annuelle de 2 % du revenu net », sans s'expliquer sur ce que recouvre ce « revenu net », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

8. ALORS QUE la distribution de dividendes aux actionnaires n'exclut pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe, le montant des dividendes distribués n'étant pas l'indicateur d'une bonne santé économique ; que la société Seita expliquait encore que la mauvaise image de l'industrie du tabac oblige les industriels de ce secteur à maintenir un niveau minimum de dividendes pour éviter la fuite des actionnaires et justifiait que la rentabilité des dividendes versés aux actionnaires du groupe Imperial Tobacco est inférieure à celle des dividendes versés par ses concurrents ; qu'en se référant encore au niveau des dividendes versés aux actionnaires en 2015, sans expliquer en quoi ils pouvaient exclure toute menace sur la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. Moyen commun produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, demanderesse aux pourvois n° K 20-19.202 à B 20-19.217


La société Seita fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR dit que le licenciement des salariés est sans cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR condamnée à payer à chaque salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées aux salariés dans la limite de six mois d'indemnités ;

1. ALORS QUE pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, le juge doit, sans s'arrêter au constat de l'absence de difficultés économiques à la date du licenciement, examiner l'ensemble des indicateurs dont l'employeur fait état pour caractériser une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe, en tenant compte des évolutions constatées et des prévisions pour les années à venir ; qu'en l'espèce, la société Seita faisait valoir que la baisse continue de la consommation de tabac en Europe (- 38 % entre 2002 et 2016) résultant de politiques de santé publique de plus en plus drastiques avait entraîné, compte tenu de la forte implantation du groupe en Europe (représentant plus de 50 % de son chiffre d'affaires), une dégradation de ses volumes mondiaux de ventes de tabac et une érosion du chiffre d'affaires du tabac entre 2009 et 2013, que cette perte de volume était deux fois plus élevée que celle subie par ses concurrents et avait engendré une forte surcapacité de production des usines européennes du groupe ; que la société Seita justifiait également que la dégradation des ventes, en volume et en chiffre d'affaires, s'était poursuivie en 2014 et 2015, en dépit d'une opération de croissance externe correspondant à l'achat de filiales américaines, et avait impacté le résultat opérationnel ajusté ; que la contraction du marché européen devait se poursuivre les années suivantes, les prévisions du groupe ayant été encore en deçà des volumes réels ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les deux experts-comptables mandatés par les représentants du personnel avaient reconnu une érosion des volumes de vente de 7 % en 2013, puis de 3 % en 2014/2015, après une baisse de 12 % entre 2009 et 2013 ; qu'en refusant cependant d'examiner précisément les différents indicateurs économiques dont l'employeur faisait état et de rechercher s'ils n'établissaient pas que le groupe, qui avait déjà perdu d'importants volumes et des parts de marché, ne devait pas adapter ses structures à l'évolution du marché, au prétexte que les experts-comptables du comité d'entreprise ont mis en avant les bénéfices réalisés par le groupe et les dividendes distribués aux actionnaires pour contester la nécessité de cette réorganisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2. ALORS QUE la diminution continue et importante des ventes, qui entraîne une sous-utilisation des capacités de production d'un groupe et dégrade le coût de revient de ses produits, dégrade sa compétitivité ; que la production d'une entreprise ou d'un groupe est définie en fonction de ses ventes prévisibles ; qu'en l'espèce, la société Seita expliquait que la baisse continue des ventes en Europe, qui était appelée à se poursuivre en 2014 et 2015, devait aggraver la surcapacité de production de ses usines et produisait, pour l'établir, un tableau comparant la capacité de production de ses différentes usines en 2013 (représentant au total 272 milliards d'unités en Europe), la production réelle en 2013 et la production prévue pour répondre à la demande en 2014 et 2015 ; qu'il ressortait de ce tableau une forte surcapacité de production en Europe (seulement 120,5 milliards d'unités produites en 2013) et dans le monde et, en dépit de la fermeture de deux usines, une aggravation de cette surcapacité de production en 2014 et 2015 ; qu'en refusant de tenir compte de la surcapacité de production résultant de cette pièce, au prétexte que l'estimation de la production en Europe sur l'exercice 2014/2015 intègre la fermeture prévue de l'usine de Nantes qui contribue à cette baisse de production, cependant que le maintien en activité de l'usine de Nantes n'aurait pas permis d'augmenter le volume global de production en Europe, compte tenu de la baisse prévisible des ventes sur ce marché, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3. ALORS QUE le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; que, s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique du secteur d'activité du groupe et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation ; qu'en conséquence, pour affirmer que la fermeture d'une usine n'est pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité groupe, le juge ne peut se fonder sur la rentabilité de cette usine et la profitabilité de l'entreprise à laquelle elle appartient ; qu'en retenant, pour affirmer que la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe n'était pas suffisamment établie, qu'il ressort de deux rapports établis par des experts mandatés par le comité d'entreprise que l'activité de l'usine de Nantes demeure profitable avec un bénéfice d'exploitation en forte hausse en 2013, que la productivité des sites français est comparable à celle des autres sites européens et que l'activité de la société Seita préservant un fort taux de marge demeure profitable pour le groupe, la cour d'appel s'est encore fondée sur des motifs impropres à dire que la réorganisation n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4. ALORS QUE le motif économique du licenciement doit être apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; qu'en l'espèce, il est constant que le groupe Imperial Tobacco intervient sur deux secteurs d'activité distincts, le tabac et la logistique, et que la société Seita oeuvre pour sa part exclusivement sur le secteur du tabac, de sorte que « le motif économique du licenciement (…) doit être apprécié au niveau du secteur d'activité tabac du groupe Imperial Tobacco » (arrêt, p. 10, § 2) ; qu'en relevant encore, pour dire que la nécessité de réorganiser l'entreprise afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe n'était pas suffisamment établie, que le cabinet Alter relève les « excellentes performances du groupe » avec un résultat net positif de 600 M£ en 2012, 929 M£ en 2013, 1.451 M£ en 2014, cependant que ces résultats étaient ceux du groupe, tous secteurs confondus, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

5. ALORS QUE le juge, qui a seule le pouvoir d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique d'un licenciement, doit vérifier l'exactitude des affirmations de l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Seita contestait l'allégation selon laquelle la production de l'usine de [Localité 23] devait être transférée vers une usine marocaine, en expliquant, d'une part, que le projet de centralisation de la production africaine au Maroc émanant de dirigeants de l'usine marocaine, désavoué par le groupe, n'avait jamais vu le jour et, d'autre part, qu'il était en tout état de cause étranger à la fermeture de l'usine de [Localité 23], dont la production devait être transférée vers deux usines situées en Allemagne et en Pologne ; que la société Seita démontrait en outre que la production de l'usine marocaine n'avait pas augmenté lors de la fermeture de l'usine de [Localité 23] ; qu'en relevant que, dans son rapport, le cabinet Alter indique que le choix du groupe de transférer une partie des activités de production de la Seita vers le site marocain d'Aïn Harrouda s'inscrit dans une politique de réduction du coût du travail sans diminution globale des capacités de production du groupe, sans vérifier l'exactitude de cette affirmation au regard des pièces et explications de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

6. ALORS QUE si le juge peut tenir compte d'éléments postérieurs au licenciement pour apprécier si une réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe, il doit, dans son analyse, neutraliser les effets de cette réorganisation et des autres mesures prises concomitamment à cette réorganisation dans la même perspective ; qu'en l'espèce, la société Seita expliquait qu'en l'état du déclin structurel du marché européen, le groupe avait décidé, parallèlement à la réduction de sa surcapacité de production en Europe, de trouver des relais de croissance sur le marché américain, en achetant des filiales américaines ; que l'augmentation mécanique des ventes résultant de cette opération de croissance externe ne pouvait remettre en cause la nécessité de la réorganisation de ses sites de production européens, parce qu'elle n'était pas de nature à résoudre leur problème de surcapacité de production ; qu'en relevant encore que la société Seita admet que le rachat récent d'entités américaines (ITG Brands) a généré une augmentation du chiffre d'affaires net, mais fait état d'une baisse de chiffre d'affaires à périmètre constant, sans expliquer en quoi ce rachat pouvait être de nature à résoudre la surcapacité de production des usines européennes, ni suffire à endiguer durablement la baisse des ventes liées au déclin structurel du marché européen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

7. ALORS QUE le juge est tenu de s'expliquer sur les résultats qu'il choisit de prendre en compte pour apprécier le motif économique du licenciement ; que la société Seita insistait, dans ses conclusions d'appel (pp. 46 et s.), sur le fait que les chiffres extraits des rapports annuels ou semestriels cités par le salarié ne reflétaient pas la réalité de la situation économique du groupe ; qu'ainsi, elle soulignait que certains de ces chiffres concernent uniquement les marques de croissance (« growth brand ») du groupe et que d'autres chiffres intègrent la correction d'effets non récurrents, et non l'intégralité de ses produits ; qu'en relevant encore, pour écarter l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe que « le rapport intermédiaire du groupe de mars 2015 mentionne une augmentation annuelle de 2 % du revenu net », sans s'expliquer sur ce que recouvre ce « revenu net », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

8. ALORS QUE la distribution de dividendes aux actionnaires n'exclut pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe, le montant des dividendes distribués n'étant pas l'indicateur d'une bonne santé économique ; que la société Seita expliquait encore que la mauvaise image de l'industrie du tabac oblige les industriels de ce secteur à maintenir un niveau minimum de dividendes pour éviter la fuite des actionnaires et justifiait que la rentabilité des dividendes versés aux actionnaires du groupe Imperial Tobacco est inférieure à celle des dividendes versés par ses concurrents ; qu'en se référant encore au niveau des dividendes versés aux actionnaires en 2015, sans expliquer en quoi ils pouvaient exclure toute menace sur la compétitivité du secteur d'activité tabac du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.

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