19 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-24.839

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00072

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 72 F-D

Pourvoi n° S 19-24.839







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022

M. [D] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-24.839 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société [F], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [F], après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 septembre 2019), M. [F] a été engagé le 18 septembre 1995 par la société [F] et occupait dans le dernier état de la relation contractuelle, les fonctions de directeur technique au sein de la société, le représentant légal de celle-ci étant son frère.

2. Licencié le 29 avril 2016, il saisi la juridiction prud'homale de réclamations relatives à l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre de l'absence de repos compensateur pour les heures de travail de nuit et d'indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ que la charge de la preuve des horaires de travail accomplis n'incombe spécialement à aucune des parties ; que le salarié est seulement tenu d'apporter des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'après avoir constaté que le salarié produisait un relevé informatique journalier pour la période du 4 janvier 2013 au 1er mai 2016 faisant état d'un nombre d'heures supplémentaires par jour, ainsi que du nombre d'heures de nuit, un relevé des courriels envoyés sur la période du 2 janvier 2013 au 3 février 2016, un courriel envoyé par lui le 20 décembre 2013 ayant pour objet le ''pointage'' de ses horaires de la semaine, des billets d'avion pour les dates des 25 novembre et 19 décembre 2013, un courriel envoyé par lui le 13 décembre 2013 ayant pour objet le ''pointage GAS'' de ses horaires de la semaine ainsi qu'un procèsverbal de constat d'huissier du 14 au 15 juin 2018 procédant au constat que le relevé des courriels produits correspondait aux courriels de la messagerie d'une tablette présentée par le salarié comme outil professionnel, la cour d'appel, qui a retenu que les éléments produits n'étaient pas suffisants pour étayer la demande, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a ainsi violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ; qu'après avoir constaté que le salarié produisait un relevé informatique journalier pour la période du 4 janvier 2013 au 1er mai 2016 faisant état d'un nombre d'heures supplémentaires par jour, ainsi que du nombre d'heures de nuit, un relevé des courriels envoyés sur la période du 2 janvier 2013 au 3 février 2016, un courriel envoyé par lui le 20 décembre 2013 ayant pour objet le ''pointage'' de ses horaires de la semaine, des billets d'avion pour les dates des 25 novembre et 19 décembre 2013, un courriel envoyé par lui le 13 décembre 2013 ayant pour objet le ''pointage GAS'' de ses horaires de la semaine ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 14 au 15 juin 2018 procédant au constat que le relevé des courriels produits correspondait aux courriels de la messagerie d'une tablette présentée par le salarié comme outil professionnel, la cour d'appel, qui a retenu que les éléments produits n'étaient pas assez détaillés pour permettre à l'employeur d'apporter une réponse utile, sans constater que celui-ci avait fourni les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a ainsi violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

3°/ qu'un salarié cadre ne peut être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au prétexte qu'il est autonome et qu'il est en charge de l'organisation des horaires de travail ; qu'il n'en est autrement que s'il est constaté que ce salarié a la qualité de cadre dirigeant participant à la direction de l'entreprise ; qu'après avoir constaté que le salarié n'avait pas la qualité de cadre dirigeant, la cour d'appel l'a débouté de ses demandes au prétexte inopérant que le listing des courriels ne démontrait pas que celui-ci travaillait pendant l'intégralité des heures ouvertures de l'entreprise alors qu'il bénéficiant d'une très grande autonomie et qu'il ne justifiait pas des raisons pour lesquelles le nombre d'heures supplémentaires aurait dépassé à plusieurs reprises la durée légale du travail, alors même qu'il était en charge de l'organisation des horaires de travail dans le respect de la législation en vigueur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de celles en étant la conséquence, l'arrêt retient que le relevé des horaires produit par le salarié ne mentionne pas les heures d'embauche et de fin de travail et que le listing des courriels dont certains ont été adressés en dehors des heures normales de travail ne démontre pas que le salarié, qui bénéficiait d'une très grande autonomie, travaillait pendant l'intégralité des heures d'ouverture de l'entreprise. Il relève également que le salarié était en charge, eu égard à la délégation de pouvoirs produite par l'employeur, d' « organisation des horaires de travail sur le chantier, dans le respect de la législation en vigueur » et avait adressé une note de service portant sur la réglementation du temps de travail et au pointage, en date du 3 juillet 2015, à l'ensemble du personnel du groupe [F], celle-ci indiquant notamment « un système de pointeuse mobile fait actuellement l'objet d'une déclaration auprès de la CNIL pour être mis en place progressivement durant l'été chez [F] ». Il ajoute enfin que le salarié n'explique pas les raisons pour lesquelles, postérieurement à l'été 2015, il ne produit aucun relevé de pointage de nature à justifier ses demandes, ni les raisons pour lesquelles, alors même qu'il était en charge de l'organisation des horaires de travail dans le respect de la législation en vigueur, le nombre d'heures supplémentaires alléguées aurait dépassé, à plusieurs reprises, la durée légale du travail.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il déboute M. [F] de ses demandes relatives au paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de dommages-intérêts correspondant à la contrepartie obligatoire en repos, de dommages-intérêts pour absence de repos compensateur pour les heures de travail de nuit, d'indemnité pour travail dissimulé, condamne M. [F] à payer des frais irrépétibles à la société [F], confirme la somme mise à sa charge sur ce fondement par le conseil de prud'hommes et met à sa charge les dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 27 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne la société [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [F] et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [F]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre de l'absence de repos compensateur pour les heures de travail de nuit, et d'indemnité au titre du travail dissimulé.

AUX MOTIFS QUE M. [F] verse notamment un relevé informatique journalier pour la période du 4 janvier 2013 au 1er mai 2016 faisant état d'un nombre d'heures supplémentaires par jour, ainsi que du nombre d'heures de nuit, un relevé des courriels envoyés sur la période du 2 janvier 2013 au 3 février 2016, un courriel envoyé par lui le 20 décembre 2013 ayant pour objet le « pointage » de ses horaires de la semaine, des billets d'avion pour les dates des 25 novembre et 19 décembre 2013, un courriel envoyé par lui le 13 décembre 2013 ayant pour objet le « pointage des GAS » de ses horaires de la semaine, un procès-verbal de constat d'huissier du 14 au 15 juin 2018 procédant au constat que le relevé des courriels produits correspond aux courriels de la messagerie d'une tablette présentée par le salarié comme outil professionnel ; cependant, il est constaté que le relevé d'horaire produit par le salarié ne mentionne pas les heures d'embauche et de fin de travail et que le listing des courriels, dont certains adressés en dehors des heures normales de travail ne démontre pas que le salarié, qui bénéficiait d'une très grande autonomie, travaillait pendant l'intégralité des heures d'ouverture de l'entreprise ; que de plus les courriels des 13 et 20 décembre 2013 ne permettent pas d'établir les semaines exactes où le salarié aurait effectué les horaires mentionnés et le relevé des horaires produit ne permet pas plus de vérifier une corrélation entre les heures supplémentaires alléguées au mois de décembre 2013 et les heures mentionnées dans lesdits courriels ; que M. [F], qui était en charge de « l'organisation des horaires de travail sur le chantier dans le respect de la législation en vigueur », a adressé une note de service sur la réglementation du temps de travail et le pointage ; […] que M. [F] n'explique pas les raisons pour lesquelles, postérieurement à l'été 2015, il ne produit aucun relevé de pointage de nature à justifier ses demandes, ni les raisons pour lesquelles le nombre d'heures supplémentaires alléguées aurait dépassé à plusieurs reprises la durée légale du travail ; par conséquent, les éléments produits ne sont pas suffisants pour étayer une demande d'heures supplémentaires et en tout état de cause ne sont pas assez détaillés pour permettre à l'employeur d'apporter une réponse utile.

1° ALORS QUE la charge de la preuve des horaires de travail accomplis n'incombe spécialement à aucune des parties ; que le salarié est seulement tenu d'apporter des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'après avoir constaté que le salarié produisait un relevé informatique journalier pour la période du 4 janvier 2013 au 1er mai 2016 faisant état d'un nombre d'heures supplémentaires par jour, ainsi que du nombre d'heures de nuit, un relevé des courriels envoyés sur la période du 2 janvier 2013 au 3 février 2016, un courriel envoyé par lui le 20 décembre 2013 ayant pour objet le « pointage » de ses horaires de la semaine, des billets d'avion pour les dates des 25 novembre et 19 décembre 2013, un courriel envoyé par lui le 13 décembre 2013 ayant pour objet le « pointage GAS » de ses horaires de la semaine ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 14 au 15 juin 2018 procédant au constat que le relevé des courriels produits correspondait aux courriels de la messagerie d'une tablette présentée par le salarié comme outil professionnel, la cour d'appel, qui a retenu que les éléments produits n'étaient pas suffisants pour étayer la demande, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a ainsi violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ; qu'après avoir constaté que le salarié produisait un relevé informatique journalier pour la période du 4 janvier 2013 au 1er mai 2016 faisant état d'un nombre d'heures supplémentaires par jour, ainsi que du nombre d'heures de nuit, un relevé des courriels envoyés sur la période du 2 janvier 2013 au 3 février 2016, un courriel envoyé par lui le 20 décembre 2013 ayant pour objet le « pointage » de ses horaires de la semaine, des billets d'avion pour les dates des 25 novembre et 19 décembre 2013, un courriel envoyé par lui le 13 décembre 2013 ayant pour objet le « pointage GAS » de ses horaires de la semaine ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 14 au 15 juin 2018 procédant au constat que le relevé des courriels produits correspondait aux courriels de la messagerie d'une tablette présentée par le salarié comme outil professionnel, la cour d'appel, qui a retenu que les éléments produits n'étaient pas assez détaillés pour permettre à l'employeur d'apporter une réponse utile, sans constater que celui-ci avait fourni les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a ainsi violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

3° ALORS QU'un salarié cadre ne peut être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au prétexte qu'il est autonome et qu'il est en charge de l'organisation des horaires de travail ; qu'il n'en est autrement que s'il est constaté que ce salarié a la qualité de cadre dirigeant participant à la direction de l'entreprise ; qu'après avoir constaté que le salarié n'avait pas la qualité de cadre dirigeant, la cour d'appel l'a débouté de ses demandes au prétexte inopérant que le listing des courriels ne démontrait pas que celui-ci travaillait pendant l'intégralité des heures ouvertures de l'entreprise alors qu'il bénéficiant d'une très grande autonomie et qu'il ne justifiait pas des raisons pour lesquelles le nombre d'heures supplémentaires aurait dépassé à plusieurs reprises la durée légale du travail, alors même qu'il était en charge de l'organisation des horaires de travail dans le respect de la législation en vigueur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement repose sur une faute grave et d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes au titre de l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, du rappel de salaire pour mise à pied et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour faute grave du 29 avril 2016 reproche notamment à M. [F] d'avoir mis en place, sans l'en informer, un dispositif de surveillance des adresses de messageries de plusieurs collaborateurs sans avoir recueilli l'accord préalable de ces derniers et sans avoir respecté la réglementation en vigueur ; […] eu égard aux autres éléments produits, M. [F] est à l'initiative de la mise en place d'un dispositif permettant la sauvegarde du contenu de différentes boîtes de messagerie, ce qu'il ne conteste pas […] ; or, la sauvegarde informatique des comptes de messagerie professionnelle implique, dans le dispositif mis en place à l'initiative de M. [F], la réception en copie automatique de l'ensemble des courriels des collaborateurs concernés ; dès lors ce dispositif, peu important qu'il n'ait pas pour finalité le contrôle des salariés, doit être porté à la connaissance des salariés tout comme la durée de conservation des messages ; […] qu'il ressort des attestations que si les salariés concernés n'ont opposé aucun refus à la sauvegarde de leur messagerie professionnelle, il n'est pas établi qu'ils aient été informés expressément des implications d'une telle sauvegarde, des modalités d'accès à leurs données ainsi que de la durée de leur conservation ; que de plus, l'employeur soutient à bon droit que le dispositif, même s'il a pour objectif la sauvegarde des courriels et non le contrôle des salariés, ne respecte pas les obligations de déclaration auprès de la CNIL et aurait pu, de ce fait, entraîner la mise en cause de la responsabilité de la société ; qu'en conséquence, ce seul élément suffit à caractériser une violation grave des obligations découlant du contrat de travail et qui rend impossible le maintien du lien salarial, de sorte que, sans qu'il n'y ait lieu d'observer les autres griefs allégués par l'employeur, le licenciement repose sur une faute grave.

1° ALORS QUE la faute grave est la violation des obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que la mise en place par le directeur technique d'un dispositif ayant pour seul objet la sauvegarde de messagerie professionnelle de quatre salariés de l'entreprise ne constitue pas une faute grave ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

2° ALORS à tout le moins QUE la faute grave la violation des obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en omettant de rechercher, comme cela lui était demandé, en quoi la mise en place d'un dispositif de sauvegarde de la messagerie professionnelle de salariés relevant des fonctions de directeur technique du salarié bénéficiant d'une délégation de pouvoir, constituait une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

3° ALORS QUE, les juges sont tenus par les termes du litige fixés par la lettre de licenciement ; que l'employeur invoquait dans sa lettre de licenciement la mise en place fautive « d'un dispositif de contrôle de l'activité des salariés, sans rapport avec l'objectif de sauvegarde » de la messagerie professionnelle des salariés concernés ; qu'en retenant l'existence d'une faute grave peu important que le dispositif litigieux ne constituait pas un dispositif de contrôle des salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-6 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

4° ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motif ; qu'en se fondant sur le fait qu'il n'était pas établi que les salariés concernés par la sauvegarde de leur messagerie professionnelle aient été informés des implications d'une telle sauvegarde, alors qu'elle relevait que les attestations produites démontraient que ceux-ci avaient « sciemment » donné accès à leurs données professionnelles et reconnaissaient savoir que leur messagerie professionnelle était « copiée et sauvegardée par M. [F] », la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

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