19 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.812

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO10059

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10059 F

Pourvoi n° Q 20-12.812




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022

1°/ M. [G] [V], domicilié [Adresse 2],

2°/ la société Eaux vives, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Q 20-12.812 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [J] [E], épouse [O], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à M. [C] [Y], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Carbonnier, avocat de M. [V] et de la société Eaux vives, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [E], épouse [O], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [V] et la société Eaux vives aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et la société Eaux vives et les condamne à payer à M. [Y] et Mme [E], épouse [O], chacun la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.

MOYENS ANNEXES à la présente décision


Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. [V] et la société Eaux vives.


PREMIER MOYEN CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les actions formées par Monsieur [V] à l'encontre de Madame [O],

AUX MOTIFS QUE « M. [V], s'il prétend reprocher à Mme [O] son "éviction" de la Société Prodiv, n'indique pas précisément quelle serait la portée de cette éviction, ni de quelles fonctions il prétend avoir été privé. S'agissant des fonctions de directeur général, il n'est pas contestable que c'est l'assemblée générale remue 10 novembre 2009 qui a décidé l'éviction de M. [V]. Ce dernier prétend que cette assemblée générale n'était pas valide. Néanmoins il lui appartenait, pour contester la validité de l'assemblée générale et mettre en cause la dirigeante de la société Prodiv, d agir dans un délai de trois ans à compter du 10 novembre 2009. Son action à ce titre était donc prescrite le 10 novembre 2012. S'agissant des fonctions de directeur commercial, il importe de remarquer que M. [V] n'a jamais eu de lien contractuel avec la société Prodiv, puisqu'il a, de son propre aveu, renoncé à un contrat salarié. Il ne peut, à titre personnel, reprocher à Mme [O] la rupture des relations contractuelles relatives au contrat de prestation signé entre la société Eaux Vives et la société Prodiv, étant du reste relevé qu'au du moment de ces faits Mme [O] n'était plus dirigeante de la société Prodiv ayant été démise de ses fonctions en mars 2010. S'agissant des avances consenties par M. [V] à la société Prodiv, aucun fait fautif précis ne peut être reproché à Mme [O], leur non-remboursement ayant résulté de la liquidation judiciaire de la société Prodiv, intervenue alors que Mme [O] n'en était plus dirigeante. Il est rappelé par ailleurs que M. [V] n'a jamais été associé de la société Prodiv, il ne saurait donc se prévaloir d'une quelconque éviction à ce titre. L'appelant n'invoque précisément aucun fait fautif daté qui pourrait, postérieurement au 10 novembre 2009, constituer un point de départ de la prescription de l'action à l'égard de Mme [O]. En conséquence, il y a lieu de déclarer l'action de M [V] prescrite à l'égard de Mme [O]. Le jugement entrepris sera réforme en ce sens » (arrêt, p. 7 et 8),

1°) ALORS QUE l'action en responsabilité contre le dirigeant social se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ;

Que Monsieur [V] reprochait à Madame [O] trois séries de faits dommageables, à savoir son éviction progressive de la société Prodiv, le défaut de remboursement des avances de trésorerie à hauteur de 18 204,06 euros malgré les multiples demandes en ce sens et le défaut du remboursement du capital d'un prêt dirigeant d'un montant de 200 000 euros souscrit au seul profit de la société Prodiv (conclusions d'appel de Monsieur [V], p. 8) ;

Qu'en disant son action prescrite au regard des seuls faits d'évictions de la société Prodiv, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE l'action en responsabilité contre le dirigeant social se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ;

Que la cour d'appel a elle-même relevé que Madame [O] a été « démise de ses fonctions [de dirigeante] en mars 2010 » (arrêt, p.7), soit à une période non atteinte par la prescription ;

Qu'en s'abstenant de rechercher si l'ensemble des faits reprochés à Madame [O] ne s'étaient pas prolongés jusqu'à sa démission en mars 2010, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE le dirigeant social est responsable à l'égard des tiers des fautes intentionnelles d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales ;

Que Monsieur [V] reprochait à Madame [O] une « éviction […] alors même qu'il a contribué au financement des activités de la SAS PRODIV par l'apport au capital de la SAS PRODIV de 294 000 € correspondant à la totalité de son patrimoine financer personnel et par des avances personnelles de 18 204,06 €, […] et de ce qu'il a également souscrit un prêt personnel dirigeant de 200 000 € auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Antoine dont le montant à été versé à la SAS PRODIV » (conclusions de M. [V], p. 7) ;

Qu'en disant qu'aucun fait fautif précis ne pourrait être reproché à Madame [O] (arrêt, p.8), sans rechercher si l'ensemble de ces agissements ne caractérisait pas un manquement de Madame [O] à son devoir de loyauté envers Monsieur [V], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-251 alinéa 1er et L. 227-8 du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les actions formées par Monsieur [G] [V] à l'encontre de Monsieur [Y],

AUX MOTIFS QUE « Le gérant de fait est celui qui effectue des actes de gestion de la société concernée et dispose de pouvoirs de contrôle ou de décision effectifs. L'intéressé doit se comporter usuellement comme un gestionnaire de la société pour se voir attribuer cette qualité. Le seul fait d'être un actionnaire majoritaire ne peut suffire a caractériser la qualité de gérant de fait même si l'intéressé accomplit des actes ponctuels de gestion ou s'il lui arrive de surveiller la marche des affaires sociales dans le cadre des droits des associés. Les éléments versés à la procédure par M. [V] ne permettent cependant pas d'établir, pour le cas de M. [Y], un comportement habituel de gestionnaire. Il n'apparaît pas qu'il ait effectué régulièrement des actes de gestion ni exercé un pouvoir de direction générale. Il n'est ainsi pas démontré qu'il aurait bénéficié d'une délégation de signature ou qu'il aurait par exemple mené des négociations de contrats. Les courriels d'instructions envoyés à M [V], à deux reprises seulement constituent des actes ponctuels dont il ne peut être extrapolé un comportement récurrent ou habituel. Quant aux témoignages de Mme [T] et de M. [M], il convient de relever qu'ils émanent d'anciens employés de la société CSI Finances. Ils ne peuvent, en l'absence d'autres éléments objectifs, suffire à caractériser la gestion de fait qu'aurait exercé M. [Y]. Il ressort de cette analyse que M. [Y] ne peut être considéré comme ayant exercé la gestion de fait de la société Prodiv. Par conséquence, l'action de M. [V] dirigée contre lui, ès qualité de représentant de fait de la société Prodiv, doit être déclarée irrecevable. Le jugement entrepris sera réformé en ce sens » (arrêt, p. 8 et 9),

1°) ALORS QUE le dirigeant de fait est celui qui exerce en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société ;

Que la cour d'appel à elle-même relevé que Monsieur [Y] a adressé des « courriels d'instructions » (arrêt, p. 8) à Monsieur [V] concernant la politique commerciale de la société Prodiv ;

Qu'en s'abstenant d'en déduire une activité positive de gestion et de direction de la société Prodiv par Monsieur [Y], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

2°) ALORS QUE le dirigeant de fait est celui qui exerce en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société ;

Que la cour d'appel a encore relevé que Madame [T], gérante de la société Clémence Production qui était présidente de la société Prodiv, n'était en fait qu'une « employée de la société CSI Finances » (arrêt, p. 8) appartenant à Monsieur [Y] ; qu'il s'en évinçait que la présidence de la société Prodiv était finalement exercée par une personne sous le lien de subordination de Monsieur [Y] ;

Qu'en disant cependant que Monsieur [Y] ne serait pas le gérant de fait de la société Prodiv, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé de plus fort l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

3°) ALORS QUE le dirigeant de fait est celui qui exerce en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société ;

Que Monsieur [V] faisait valoir que c'est Monsieur [Y] qui lui a remis « en mains propres […] dans son bureau la lettre de résiliation unilatérale de la convention de prestations de services avec la SARL EAUX VIVES (annexe 85) » (conclusions de Monsieur [V], p. 10) ;

Qu'en disant cependant que Monsieur [Y] ne serait pas le gérant de fait de la société Prodiv, sans s'expliquer sur cette participation active à la direction de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

TROISIEME MOYEN CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les actions formées par la société Eaux vives,

AUX MOTIFS QUE « le seul non-règlement de ces sommes par la société Prodiv n'est pas suffisant pour déduire une décision fautive du gérant détachable de ses fonctions. Aucun des éléments produits par la société Eaux Vives ne permet d'attester d'une volonté délibérée et fautive de lui refuser les sommes qui lui étaient dues. Il s'avère que la société Eaux Vives était, pour ces sommes, créancière de la société Prodiv. L'ouverture de la procédure collective de cette dernière a entrainé la nomination d'un mandataire judiciaire qui avait alors monopole pour agir pour l'ensemble des créanciers sociaux. Les créances dont se prévaut la société Eaux Vives n'apparaissent pas résulter d'un préjudice personnel, mais s'inscrivent parmi les pertes financières indistinctement et collectivement subies par tous les créanciers. II est d'ailleurs à remarquer qu'une partie de la créance aujourd'hui réclamée a M. [Y] a été déclarée par la société Eaux Vives à la procédure collective, ce qui atteste que cette dernière avait bien conscience qu'il s'agissait là d'un préjudice inhérent à la procédure collective. La société Prodiv a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 mai 2011. La liquidation a été close pour insuffisance d'actifs le 23 février 2016. L'assignation de la société Eaux Vives, signifiée le 21 décembre 2012, est donc intervenue alors que le mandataire judiciaire avait le monopole des poursuites, y compris à l'égard de représentants sociaux pour d'éventuelles fautes de gestion. Elle est de ce fait irrecevable. Il est rappelé qu'en vertu de l'article L. 643-11 du Code de commerce, le jugement de clôture de la liquation judiciaire pour insuffisance d'actifs ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf exceptions prévues audit article, mais dont aucune n'est caractérisée en l'espèce. Il se déduit de cette analyse que l'irrecevabilité des prétentions de la société Eaux Vives, retenue à bon droit par le premier juge, devra être confirmée » (arrêt, p. 9 et 10),

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la demande de la société EAUX VIVES porte sur l'indemnisation des contrats de prestations de service (25 887,83 €), honoraires facturés et non réglés et sur l'indemnisation de la rupture abusive du contrat de prestations commerciales évaluée à 147.000 €. L'absence de règlement des prestations facturées à 25 887,83 € tient à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ; la créance a du reste été déclarée au passif. Ces créances qui ne sont revêtues d'aucune spécificité par rapport au préjudice subi par la collectivité des créanciers. S'agissant de la rupture des relations commerciales préalablement à l'ouverture d'une procédure collective, la société EAUX VIVES n'a pas démontré qu'elle était engagée à moyen ou long terme avec la société [Prodiv]. Le contrat de prestations de service dont elle fait état n'est pas versé aux débats. Par ailleurs, la perte par un actionnaire de son apport à une société, objet d'une procédure collective, n'est pas un préjudice distinct de celui de la collectivité des créanciers. Dans ces conditions, la SARL EAUX VIVES sera déclarée irrecevable en son action » (jugement, p. 8),

1°) ALORS QUE le créancier peut engager une action en responsabilité personnelle à l'encontre du dirigeant d'une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, en se prévalant d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions ;

Que la société Eaux vives se prévalait d'une décision fautive de Monsieur [Y] résultant de la rupture anticipée par la société Prodiv du contrat de prestation de services, treize mois avant son terme, sans régler les échéances déjà échues et à une époque où la société Prodiv était encore in bonis et réalisait des investissements nouveaux (conclusions de Monsieur [V] et la société eaux vives, p. 12 et 13) ;

Qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du Code civil ;

2°) ALORS QUE le créancier peut engager une action en responsabilité personnelle à l'encontre du dirigeant d'une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, en se prévalant d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions ;

Que la société eaux vives démontrait encore l'existence d'un refus délibéré et fautif de Madame [O] puis Monsieur [Y] de restituer des avances de trésorerie, par des relances restées vaines plusieurs années durant lesquelles la société Prodiv était in bonis (conclusions de Monsieur [V] et la société Eaux vives, p. 13) ;

Qu'en ne s'expliquant pas non plus sur ce point, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil et des articles L. 225-251 alinéa 1er et L. 227-8 du code de commerce.

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