19 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.377

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO10043

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10043 F

Pourvoi n° B 20-17.377




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022

1°/ M. [O] [P],

2°/ Mme [L] [E], épouse [P],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° B 20-17.377 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [P], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [P], et les condamne à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin empêché.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de M. et Mme [P] aux fins que soit prononcée la nullité et à tout le moins la caducité des engagements de caution de M. et Mme [P], et de les avoir condamnés à payer la somme de 350.155,27 € en principal,

AUX MOTIFS QUE le défaut de désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu'un vice de forme, qui exige en conséquence la démonstration d'un grief par celui qui s'en prévaut ; que les époux [P] font valoir qu'en l'espèce, l'absence dans les conclusions en défense de la CCM de l'organe qui la représente leur cause un grief, dans la mesure où ils sont mis dans l'impossibilité d'en vérifier les pouvoirs ; qu'il n'est pas contesté par l'intimée que l'ensemble des actes de procédure pris pour son compte mentionnent de manière très générale qu'elle agit "poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié audit siège" ; que toutefois, il résulte des propres écritures des époux [P] que l'organe qui est légalement habilité à représenter la CCM est le président de son conseil d'administration, qui est également le président de la caisse, lequel représente cette dernière vis-à-vis de tous, conformément à l'article 20 des statuts de la CCM ; qu'il en résulte à l'évidence qu'en dépit de l'absence de mention de cet organe dans les actes procéduraux émanant de leur adversaire, les appelants avaient une parfaite connaissance de son identité, de sorte qu'ils étaient en mesure de vérifier l'étendue de ses pouvoirs ; que cela est d'autant moins contestable que, comme l'ont relevé les premiers juges, les époux [P] étaient opposés à la même CCM dans le cadre de nombreuses procédures judiciaires, ainsi qu'il résulte de l'exposé des faits figurant en première partie du présent arrêt ; qu'il n'est donc pas fait la démonstration d'un grief justifiant l'annulation des actes contestés ; que les époux [P] font ensuite valoir que ces mêmes actes sont nuls en raison d'une irrégularité de fond tenant à l'absence de pouvoir du président de la caisse, faute de justification d'une délibération du conseil d'administration mettant en place la réponse au procès contre les époux [P], et autorisant son président à agir à cette fin ; qu'ils se fondent à cet effet sur l'article 364 du Règlement Général de Fonctionnement de la CCM, selon lequel le conseil d'administration a la charge de l'engagement et de la poursuite de procès ; que d'une part, le seul défaut de justification du pouvoir du représentant d'une personne morale ne constitue pas une irrégularité de fond ; que d'autre part, comme l'ont à juste titre souligné les premiers juges, l'article 364 du Règlement Général de Fonctionnement régit les procédures initiées par la caisse elle-même, ce qui ne correspond pas au cas d'espèce, où l'instance a été engagée par les époux [P], alors que l'article 20 des statuts de la caisse fait du président le représentant de celle-ci vis-à-vis de tous

1) ALORS QUE le défaut d'indication, dans un acte d'huissier de justice, de l'organe représentant la personne morale du requérant constitue un vice de forme, sanctionné par la nullité de l'acte s'il en est résulté un grief ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que, dans tous les actes de procédure, le Crédit Mutuel était représenté par « son représentant légal » ; que cette mention ne permettait pas de vérifier que ce « représentant » était celui désigné par les statuts comme ayant le pouvoir d'engager le Crédit Mutuel, société coopérative ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 648 et 114 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le fait que M. et Mme [P] aient connaissance de ce que l'organe habilité à représenter la CCM était le président de son conseil d'administration ne suffisait pas à établir que la CCM était effectivement représentée par son président dans le cadre de chacun des actes litigieux, qui mentionnaient seulement que la CCM était représentée par son représentant, sans préciser que cette personne était bien le président ; qu'en se prononçant au regard de motifs inopérants, la cour d'appel a violer les articles 648 et 114 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE le défaut de pouvoir constitue un vice de fond, sanctionné par la nullité de l'acte ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 117 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE pour considérer qu'une délibération du conseil d'administration n'était pas nécessaire, la cour d'appel a énoncé que l'article 364 du Règlement Général de Fonctionnement du Crédit Mutuel n'était pas applicable s'agissant d'une procédure dans laquelle le Crédit Mutuel était défendeur ; qu'en s'abstenant de rechercher si la demande reconventionnelle formée par le Crédit Mutuel ne devait pas le faire considérer, dans la limite de cette demande, comme demandeur, de sorte qu'une décision du conseil d'administration était nécessaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 117 du code de procédure civile ensemble l'article 1103 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de M. et Mme [P] aux fins que soit prononcée la nullité et à tout le moins la caducité des engagements de caution de M. et Mme [P] et de les avoir condamnés à payer la somme de 350.155,27 € en principal ;

AUX MOTIFS QUE les appelants invoquent pour la première fois à hauteur d'appel la nullité du prêt du 18 juillet 2006, au motif qu'il s'agirait d'un crédit de structure prohibé par l'article 524 du Règlement Général de Fonctionnement, lequel interdit aux caisses d'octroyer les prêts et crédits figurant sur une nomenclature établie par la chambre syndicale de la fédération, nomenclature incluant notamment les "crédits de structure (pour équilibrer ta situation financière)" en matière de crédit aux entreprises ; qu'à la lecture de l'acte notarié, le prêt litigieux est un prêt relais dont l'objet est le suivant : "reprise du découvert actuel sur le 17299945 et financement des travaux nécessaires à la finition d'un bien » ; que d'une part, cet objet ne correspond pas à un objectif de restructuration financière, mais au financement de l'activité de marchand de biens de l'emprunteur ; qu'ensuite, et surtout, il doit être relevé que le prêt a été consenti, non pas aux époux [P], qui ne sont intervenus qu'en qualité de cautions, mais à la société Effixel, qui n'a pas été mise en cause dans le cadre de la présente instance, de sorte qu'il ne saurait en l'état être statué sur la nullité de ce prêt,

1) ALORS QUE le crédit ayant pour objet la reprise d'un précédent crédit non remboursé constitue une opération de restructuration financière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le crédit litigieux était un crédit relais dont l'objet était la reprise du découvert actuel et le financement des travaux nécessaires à la finition d'un bien immobilier ayant fait l'objet d'un premier prêt ; qu'en considérant cependant qu'il ne s'agissait pas d'une opération de restructuration financière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 1103 du code civil ;

2) ALORS QUE la caution est en droit d'opposer au créancier les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; qu'en disant que M. et Mme [P] ne pouvaient, en leur qualité de caution, opposer à la banque la nullité du prêt consenti en violation du règlement de fonctionnement du Crédit Mutuel, la cour d'appel a violé l'article 2313 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de M. et Mme [P] aux fins que soit prononcée la nullité et à tout le moins la caducité des engagements de caution de M. et Mme [P] et de les avoir condamnés à payer la somme de 350.155,27 € en principal ;

AUX MOTIFS QUE les époux [P] se sont portés cautions au titre du crédit du 5 avril 2004 à hauteur du montant prêté, soit 345 000 E en principal, outre intérêts, commissions, frais et accessoires, et ont hypothéqué deux biens immobiliers en garantie du remboursement de ce prêt ; que la CCM produit un "dossier patrimoine" renseigné et signé le 29 janvier 2003 par les époux [P], et complété par eux le 10 décembre 2005 ; qu'il sera rappelé qu'une banque est en droit de se fier aux indications patrimoniales fournies par les cautions sans avoir à procéder à la vérification de leur pertinence, sauf en cas d'anomalie apparente, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence ; que les appelants sont donc mal fondés à contester désormais les chiffres et évaluations qu'ils ont eux-mêmes portés à la fiche de renseignements patrimoniaux ; qu'il ressort de ce document que les ressources mensuelles des appelants s'élevaient à 3 300 E (soit 200 E de salaire pour M. [P], 2 000 E pour son épouse et 1 100 E de revenus fonciers), pour des charges de 80 E par mois, et que leur patrimoine, composé d'une résidence principale à [Localité 4] ainsi que de 100 % des parts de trois SCI présentait une valeur nette totale de 426 000 E en janvier 2003 ; que le patrimoine immobilier s'est, postérieurement au 29 janvier 2003, accru d'un appartement T4 à [Localité 5] et d'une maison secondaire à [Localité 3], pour atteindre une valeur nette, estimée par les appelants eux-mêmes, de 610 000€ au 10 décembre 2005 ; qu'il en résulte sans ambiguïté que, lors de la souscription du premier engagement de caution, donné pour un principal de 345 000 E, il n'existait aucune disproportion manifeste ; que c'est ce qu'ont pertinemment retenu les premiers juges ; qu'au titre du prêt du 18 juillet 2006, les époux [P] se sont engagés à hauteur de 264 000€. Cet engagement vient certes s'ajouter au précédent ; que toutefois, lors de l'actualisation de la fiche patrimoniale au 10 décembre 2005, les cautions ont estimé la valeur de leur patrimoine immobilier à 610 000€, et celle des parts des trois SCI dont ils possédaient la totalité (SCI Marceau, SC1 Saint Joseph, SCI Kalliste), à 1 400 000 E en valeur nette ; que là encore, il ne peut être fait état d'une disproportion manifeste.

1) ALORS QUE la banque ne peut se prévaloir d'un crédit manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution ; que l'importance de l'engagement s'apprécie au regard de la situation patrimoniale de la caution au jour de son engagement ; que pour considérer que l'engagement de M. et Mme [P] n'était pas disproportionné, la cour d'appel s'est fondée sur leur patrimoine tel qu'ils l'avaient déclaré, constitué d'une résidence principale, des parts de trois SCI, d'un appartement à Dijon et d'une maison à Champdôtre, représentant une valeur nette de 610.000 € au 10 décembre 2005 ; qu'en se fondant, pour apprécier la situation des cautions le 5 avril 2005, jour de leur engagement, au regard de leur situation le 10 décembre 2005, la cour d'appel a violé l'article L341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable ;

2) ALORS QUE la banque ne peut se prévaloir d'un crédit manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution ; que la cour d'appel a relevé que M. et Mme [P], à l'occasion du second engagement, avaient ajouté à leur patrimoine déclaré 6 mois plus tôt, la valeur des parts des trois SCI, pour un montant de 1.400.000 € ; qu'en recherchant pas s'il ne résultait pas de l'ajout, 6 mois après la précédente déclaration, d'un patrimoine de 1.400.000 €, correspondant à des SCI pourtant déjà prises en compte au titre du premier prêt, une anomalie apparente qui devait nécessairement alerter la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable.

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