19 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-22.316

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO10041

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10041 F

Pourvoi n° G 17-22.316




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022

1°/ M. [Y] [K],

2°/ Mme [F] [N], épouse [K],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° G 17-22.316 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2017 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [V] [B], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société JMPH Mahoga One,

2°/ à la société Crédit mutuel de [Localité 4], société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M.et Mme [K], de la SCP Waquet,Farge et Hazan, avocat de la société Crédit mutuel de [Localité 4], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Il y a lieu de donner acte à M. et Mme [K] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [B], prise en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société JMPH Mahoga One.

2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M.et Mme [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [K] et les condamne à payer à la société Crédit mutuel de [Localité 4] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin empêché.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [K].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme [K] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre le Crédit Mutuel de [Localité 4] et d'AVOIR condamné M. et Mme [K], en leurs qualités de cautions de la Sarl JMPH, à payer à la société Crédit Mutuel de [Localité 4] la somme de 39.975,39 €, outre les intérêts au taux conventionnel ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient de rappeler que le devoir de mise en garde de l'établissement de crédit n'existe qu'à l'égard des cautions non averties ; que l'averti est celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis ; que M. [K], gérant de la société, rappelle qu'il a occupé les fonctions de directeur des achats de la société Cora après avoir été formateur pour la distribution de produits frais de la société Somardis exerçant sous l'enseigne Mach ; que Mme [K] était propriétaire de la moitié des parts de la société, directrice de celle-ci ; que les seuls revenus du couple étaient tirés de dividendes de la société ; que c'est donc à raison que le premier juge a retenu que M. et Mme [K], laquelle était intéressée à la bonne marche de la société, doivent être considérés comme des cautions averties, ce qui dispensait le Crédit Mutuel de son devoir de mise en garde ; que par ailleurs, lors de l'octroi du crédit, le 17 octobre 2008, les appelants indiquent eux-mêmes qu'ils disposaient de revenus mensuels de 4.700 € et d'une maison, selon eux d'une valeur de 850.000 €, vendue 550.000 € au mois de septembre 2010 ; qu'ils étaient donc en mesure de garantir le crédit par un cautionnement d'un montant de 60.000 €, tant à l'aide de leurs revenus qu'à l'aide de leur patrimoine ; en l'absence de toute faute du Crédit Mutuel, le jugement doit être confirmé ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE, sur la demande principale, il résulte des écritures même des demandeurs que « M. [K] est un bon professionnel de la distribution des produits alimentaires, en ce sens qu'il sait acheter, acheminer et revendre de tels produits » ; qu'en l'absence de tout élément objectif comptable produit par les demandeurs, il n'est pas établi que cette activité entamée en 1999 avec l'aide d'un premier concours bancaire pour réaliser des investissements ait donné lieu à des incidents et que les échéances de remboursement n'aient pas été honorées correctement ; qu'il n'est pas non plus argué que la Sarl JMPH Maghoga se soit engouffrée dans les mois ou même années suivants dans « une impasse financière », comme elle-même a exposé y avoir été conduit par les agissements du Crédit Mutuel ; qu'il n'est pas non plus démontré en quoi le total des autres crédits consentis en 2000, 2002 et 2004 serait disproportionné avec les capacités financières de l'entreprise ou que ces concours bancaires auraient financé des pertes

récurrentes ; qu'il ressort en conséquence que M. [K] qui disposait d'une réelle compétence dans son domaine d'activité pour en apprécier sa structuration, c'est-à-dire le risque de faire son chiffre d'affaires en majeure partie avec un seul client, et qui a su honorer le prêt relatif aux investissements initialement prévus, a disposé de toutes les informations utiles pour apprécier l'opportunité des autres crédits obtenus ensuite, démontrant ainsi son niveau de connaissance élevé des mécanismes de crédit et techniques bancaires, conforme à la définition d'un emprunteur averti ; qu'à supposer même que les époux [K] ne soient pas des emprunteurs avertis, les motifs invoqués par ces derniers à l'appui de leur argumentation, à savoir le défaut de mise en garde contre le fait d'avoir un seul client, de financer des investissements manifestement disproportionnés à leurs capitaux propres ainsi qu'à leur capacité de remboursement pour la période allant de 1999 à 2005 puis, pour la période postérieure au cours de laquelle un règlement amiable est mis en place d'accorder de nouveaux crédits entraînant une confusion de leur patrimoine, sont impropres à établir que le Crédit Mutuel n'aurait pas, avant d'octroyer ses concours, vérifié les capacités financières de ses clients et que les crédits accordés auraient été excessifs au regard de leurs facultés de remboursement, ce qui aurait dû conduire la banque, si tel avait été le cas, à les alerter sur les risques et la lourdeur de l'endettement découlant de l'octroi des prêts ; qu'en effet, en l'absence de toute démonstration comptable apportée à la présente instance par les demandeurs que leurs ressources aient été inférieures à leur capacité de remboursement, il n'est pas contesté, encore une fois que le premier prêt accordé en 1999 a été honoré, ni que les suivants ne l'aient pas été non plus ; que de même, la perte du chiffre d'affaires de la Sarl JMPH a pour origine exclusive la rupture brutale des relations commerciales avec le groupe Match qui lui permettait de réaliser près de 50 % de son activité, et non pas l'octroi ultérieur de nouveau crédits, lesquels au demeurant sont intervenus bien après la période au cours de laquelle avait été mis en place le plan de règlement amiable ; que par voie de conséquence, il résulte de tout ce qui précède que les époux [K] devant être considérés comme des emprunteurs avertis, le Crédit Mutuel n'était pas tenu à une obligation de mise en garde à leur égard lors de l'octroi des crédits et n'a commis aucune faute à leur égard, comme les demandeurs ont tenté de le soutenir ; que sur la demande reconventionnelle, il n'est pas contesté qu'au titre du contrat de prêt professionnel en date du 17 octobre 2008 de 50.000 €, les époux [K] se sont portés cautions solidaire à hauteur de 60.000 €, et qu'à la suite du jugement de liquidation judiciaire de la Sarl JMPH en date du 17 juin 2010 du tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance auprès de Me [B], ès-qualités de liquidateur, pour la somme de 46.547,77 € dont 39.975,39 € au titre du capital restant dû ; que les mises en demeure adressées aux époux [K] étant demeurées vaines, le Crédit Mutuel est parfaitement fondé à se prévaloir de la renonciation de la caution au bénéfice de discussion qu'ils ont rédigés et signés, afin d'obtenir leur condamnation


solidaire au paiement du capital restant dû de 39.975,39 €, outre les intérêts au taux contractuel actualisés conformément à l'article 1154 du code civil ;

1) ALORS QU'engage sa responsabilité vis-à-vis d'une caution la banque qui octroie un concours au débiteur principal dans des circonstances de fait exclusives de toute bonne foi ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [K] faisaient expressément valoir que le CMSM avait consenti ses concours dans des circonstances exclusives de toute bonne foi, dès lors que leur remboursement par la société JPMH, à l'exception du prêt de 50.000 € d'octobre 2008, avait pour corollaire divers incidents de paiement au préjudice des fournisseurs survenus dès l'année 2004, et ayant entraîné l'interdiction pour la société JPMH d'émettre des chèques, l'utilisation par les époux [K] de leur compte bancaire personnel pour les besoins de la société, ainsi que la constitution de la société Vinext dans le seul but de permettre la poursuite de l'activité de la société JMPH malgré son interdiction bancaire, ce dont le CMSM avait parfaitement connaissance (cf. pp. 18 et 19) ; qu'en écartant toute responsabilité du CMSM à l'égard des époux [K] sans rechercher si cette banque n'avait pas octroyé ses concours à la société JPMH dans des circonstances de fait exclusives de toute bonne foi, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 alinéa 3 et 1147 du code civil, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;

2) ALORS QU'engage sa responsabilité la banque qui, ou bien pratique une politique de crédit ruineux pour l'entreprise devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières, ou bien apporte un soutien artificiel à une entreprise dont elle connaissant ou aurait dû connaître, si elle s'était informée, la situation irrémédiablement compromise ; qu'en l'espèce, les époux [K] faisaient expressément valoir, dans leurs conclusions d'appel, qu'à l'issue de l'exercice clos le 30 juin 2008, les capitaux propres de la société JMPH étaient de – 323.165 €, que les dettes financières s'élevaient à 212.088 € pour un capital social de 20.000 €, de sorte que la société était dans une situation irrémédiablement compromise au jour de l'emprunt du 17 octobre 2008 (cf. pp. 22,23 et 26) ; qu'en écartant toute responsabilité du CMSM à l'égard des époux [K] sans rechercher si cette banque n'avait pas soutenu abusivement la société JMPH, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3) ALORS QUE la banque qui consent un prêt est tenu à l'égard de la caution non avertie d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de ses engagements ; que dans ses conclusions, M. [K] faisait valoir qu'il avait « acquis ses compétences professionnelles en qualité de salarié dans le secteur de la grande distribution », et que s'il avait « occupé les fonctions de directeur des achats de Cora (établissement de Guadeloupe) après avoir été formateur pour la distribution de produits frais au sein de la

société Somardis exerçant sous l'enseigne Match à Saint Barth en 1993 et 1994 », il n'avait, lorsqu'il a constitué la société JMPH, « jamais géré d'entreprise ni occupé de fonctions de gestion financière, ni exercé d'activité professionnelle indépendante » (cf. p. 16) ; que pour considérer que M. [K] avait la qualité de caution avertie, la cour d'appel s'est bornée à relever que celui-ci « gérant de la société…a occupé les fonctions de directeur des achats de la société Cora après avoir été formateur pour la distribution de produits frais de la société Somardis exerçant sous l'enseigne Mach » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir la qualité de caution avertie de M. [K], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

4) ALORS QUE la banque qui consent un prêt est tenu à l'égard de la caution non avertie d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de ses engagements ; que dans ses conclusions, Mme [K] faisait valoir qu'elle avait « été associée de JMPH à compter du mois d'avril 2004, à la suite de la cession de parts de M. [Z] [K] », qu'elle exerçait alors « les fonctions d'assistante de direction », et qu'elle n'avait pas reçu « de formation et ne bénéfici(ait) d'aucune expérience particulière dans le domaine de la gestion des entreprises ou de celui de l'activité professionnelle indépendante » (cf. p. 17) ; que pour considérer que Mme [K] avait la qualité de caution avertie, la cour d'appel s'est bornée à retenir que celle-ci « était propriétaire de la moitié des parts de la société, directrice de celle-ci », et que les seuls revenus du couple étant tirés des dividendes de la société, elle « était intéressée à la bonne marche de la société » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir la qualité de caution avertie de Mme [K], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

5) ALORS, en toute hypothèse, QU'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la disproportion s'apprécie lors de la conclusion du cautionnement, au regard du montant de l'engagement et des biens et revenus de la caution, et en prenant en considération l'endettement global de celle-ci, y compris celui résultant d'autres cautionnements ; qu'en retenant qu'à la date de l'octroi du crédit, le 17 octobre 2008, les époux [K] étaient en mesure de garantir le crédit par un cautionnement de 60.000 €, tant à l'aide de leurs revenus que de leur patrimoine, sans prendre en considération leur endettement global, y compris celui résultant de leurs précédents engagements de cautions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation (devenu article L. 332-1 du même code).

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