19 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.205

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300047

Titres et sommaires

SOCIETE CIVILE - associés - obligations - dettes sociales - paiement - action du créancier social - prescription quinquennale - point de départ - détermination - portée

La poursuite préalable et vaine de la société ne constitue pas le point de départ de la prescription de l'action du créancier contre l'associé d'une société civile, qui est le même que celui de la prescription de l'action contre la société. L'effet interruptif de prescription résultant de la saisine du juge de l'exécution consécutive au commandement valant saisie immobilière délivré à une société civile ayant pris fin à la date de l'ordonnance d'homologation du projet de distribution du prix de vente, la dette de cette société était prescrite à l'expiration d'un délai de cinq ans ayant couru à compter de cette date, de sorte que l'action en paiement de la même dette engagée postérieurement à l'encontre de l'associé était irrecevable

Texte de la décision

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Cassation sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 47 FS-B

Pourvoi n° Z 20-22.205






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

Mme [R] [X], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-22.205 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2020 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Le Crédit mutuel, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Le Crédit mutuel, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 25 juin 2020), par acte authentique des 11 et 12 mai 2007, la caisse de Crédit mutuel Maine, Anjou et Basse-Normandie (la caisse) a consenti à la société civile immobilière Hippopotame (la SCI), ayant notamment pour associée Mme [X], un prêt immobilier d'un montant de 142 000 euros, remboursable en deux cent quarante mensualités.

2. La SCI n'ayant pas respecté les échéances du remboursement du prêt, la caisse a engagé des poursuites de saisie immobilière à son encontre.

3. Après avoir autorisé la vente amiable du bien saisi, puis constaté la réalisation de la vente, le juge de l'exécution a, par ordonnance du 3 janvier 2012, homologué le projet de distribution.

4. La distribution n'ayant pas permis de remplir la caisse de l'intégralité de ses droits, celle-ci a fait délivrer à la SCI, le 27 février 2017, un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

5. Après établissement d'un procès-verbal de carence le 6 mars 2017, la caisse l'a assignée le 14 juin suivant en paiement des sommes restant dues.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [X] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action engagée par la caisse et de la condamner au paiement, alors « que l'action en paiement exercée par le créancier à l'encontre des associés d'une société civile se prescrit comme l'action en paiement exercée à l'encontre de cette société ; qu'en jugeant que le point de départ du délai de prescription de l'action exercée par le Crédit mutuel à l'encontre de Mme [X], associée de la SCI Hippopotame, au titre du prêt impayé par cette dernière et sur le fondement de l'article 1857 du code civil, était la date à laquelle les diligences de la banque à l'encontre de la société s'étaient avérées infructueuses, c'est-à-dire lors de l'établissement du procès-verbal de carence du 6 mars 2017, quand l'action du créancier à l'encontre de l'associé d'une société civile se prescrit comme son action à l'encontre de la société et qu'en l'espèce, la prescription quinquennale, interrompue par la procédure de saisie immobilière, avait recommencé à courir à compter de la clôture de l'ordre, le 3 janvier 2012, en sorte que l'action engagée le 14 juin 2017 à l'encontre de Mme [X] était prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2241 et 2242 du code civil, ensemble l'article 1858 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1857, 1858, 2231, 2241 et 2242 du code civil :

7. En vertu du premier de ces textes, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

8. Aux termes du deuxième, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'associé, débiteur subsidiaire du passif social, est en droit d'opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société et que la poursuite préalable et vaine de la société ne constitue pas le point de départ de la prescription de l'action du créancier contre l'associé, qui est le même que celui de la prescription de l'action contre la société.

10. Selon le troisième texte, l'interruption de la prescription efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

11. En application des quatrième et cinquième textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et l'interruption résultant de cette demande produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

12. Pour dire recevable l'action engagée contre Mme [X], l'arrêt retient que la distribution, à l'issue de la procédure de saisie immobilière, ne suffit pas à caractériser les vaines poursuites au sens des dispositions de l'article 1858 du code civil et que le caractère infructueux des diligences du créancier est caractérisé par l'échec de la procédure de saisie-vente diligentée à l'encontre de la SCI le 27 février 2017, qui a conduit à l'établissement d'un procès-verbal de carence le 6 mars 2017, date qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action du créancier contre l'associé.

13. En statuant ainsi, alors que, l'effet interruptif de prescription résultant de la saisine du juge de l'exécution ayant pris fin le 3 janvier 2012, date de l'ordonnance d'homologation du projet de distribution du prix de vente, et un nouveau délai de cinq ans ayant couru à compter de cette date, la créance de la caisse était prescrite le 27 février 2017, date du commandement aux fins de saisie-vente, de sorte que l'action engagée par l'assignation délivrée le 14 juin 2017 à Mme [X] était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Tel que suggéré par le mémoire en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevable comme prescrite l'action de la caisse de Crédit mutuel Maine, Anjou et Basse-Normandie à l'encontre de Mme [X] ;

Condamne la caisse de Crédit mutuel Maine, Anjou et Basse-Normandie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel Maine, Anjou et Basse-Normandie et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme [X]

Mme [X] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'action engagée par la Caisse de crédit mutuel à son encontre et de l'avoir condamnée à lui verser la somme de 34 386,47 € augmentée des intérêts au taux de 3,95 % à compter du 25 novembre 2016 ;

1°) Alors que l'action en paiement exercée par le créancier à l'encontre des associés d'une société civile se prescrit comme l'action en paiement exercée à l'encontre de cette société ; qu'en jugeant que le point de départ du délai de prescription de l'action exercée par le Crédit mutuel à l'encontre de Mme [X], associée de la SCI Hippopotame, au titre du prêt impayé par cette dernière et sur le fondement de l'article 1857 du code civil, était la date à laquelle les diligences de la banque à l'encontre de la société s'étaient avérées infructueuses, c'est-à-dire lors de l'établissement du procès-verbal de carence du 6 mars 2017, quand l'action du créancier à l'encontre de l'associé d'une société civile se prescrit comme son action à l'encontre de la société et qu'en l'espèce, la prescription quinquennale, interrompue par la procédure de saisie immobilière, avait recommencé à courir à compter de la clôture de l'ordre, le 3 janvier 2012, en sorte que l'action engagée le 14 juin 2017 à l'encontre de Mme [X] était prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2241 et 2242 du code civil, ensemble l'article 1858 du code civil ;

2°) Alors que subsidiairement, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en jugeant que la distribution du prix à l'issue de la procédure de saisie immobilière ne suffisait pas à caractériser les vaines poursuites, dès lors qu'il n'avait pas été démontré que toute autre poursuite aurait été privée d'efficacité du fait de l'insuffisance du patrimoine social, sans rechercher si, à cette date, le Crédit mutuel n'était pas en mesure de savoir que toute autre poursuite contre la SCI était vaine, faute d'actif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 1858 du code civil ;

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