5 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-86.007

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00131

Titres et sommaires

INSTRUCTION - Ordonnances - Appel - Appel de la partie civile - Ordonnance de mise en accusation - Ordonnance ayant requalifié les faits - Recevabilité

La faculté, ouverte par l'article 186-3 du code de procédure pénale à la partie civile, si elle estime que les faits sont de nature criminelle, de relever appel de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d'instruction, s'étend au cas où le renvoi, pour un délit connexe, est ordonné devant la juridiction criminelle.

Texte de la décision

N° V 21-86.007 F-B

N° 00131


SL2
5 JANVIER 2022


DECHEANCE
REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 JANVIER 2022



MM. [Y] [U], [I] [W] [D] et [K] [Z] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 5 octobre 2021, qui les a renvoyés devant la cour d'assises des mineurs du Calvados sous l'accusation d'assassinat.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Y] [U], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mmes [F] [C], [S] [X] épouse [C], [O] [C], MM. [V] [C], [E] [P], Mme [J] [A], épouse [P], M. [N] [P], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans la nuit du 17 mai 2019 à [Localité 1], [R] [P] a été mortellement blessé par arme à feu au cours d'une altercation avec plusieurs personnes.

3. Au cours de l'information, MM. [I] [D], [K] [Z] et [Y] [U] ont été mis en examen pour assassinat.

4. Par ordonnance du 7 juin 2021, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de plusieurs personnes devant la cour d'assises du Calvados, parmi lesquelles MM. [D] et [U], ces derniers, après requalification, sous la prévention du délit connexe de violences commises en réunion et n'ayant pas entraîné d'incapacité, et a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [Z].

5. M. [G] a relevé appel de cette ordonnance, ainsi que six parties civiles, qui ont contesté la disqualification opérée par le juge d'instruction et réclamé la mise en accusation pour assassinat de M. [D], de M. [U] et de M.[Z].

Déchéance des pourvois formés par MM. [K] [Z] et [I] [D]

6. MM. [Z] et [D] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par un avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leurs pourvois par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré les appels des parties civiles recevables et a, en conséquence, infirmé les dispositions de l'ordonnance du 7 juin 2021 sur ce point, prononcé la mise en accusation d'[Y] [U] devant la cour d'assises des mineurs du Calvados pour avoir à Hérouville-Saint-Clair, entre le 18 et 19 mai 2021, avec préméditation ou guet-apens, volontairement donné la mort à [R] [P], alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 186, alinéa 2, du code de procédure pénale la partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non informer, de non-lieu et des ordonnances faisant griefs à ses intérêts civils ; que l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ayant seulement requalifié les faits de la poursuite ne fait pas grief, au sens de l'article 186, alinéa 2, du code de procédure pénale, aux intérêts de la partie civile dont les droits demeurent entiers devant la juridiction de jugement ; qu'il n'en va pas différemment d'une requalification retenant une qualification délictuelle en lieu et place d'une qualification criminelle ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'appel des parties civiles contre les dispositions de l'ordonnance de mise en accusation requalifiant les faits reprochés à M. [U] et le mettant en accusation pour les faits ainsi requalifiés, la chambre de l'instruction a violé les articles 186, 186-3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en déclarant recevable l'appel des parties civiles contre les dispositions de l'ordonnance de mise en accusation concernant M. [U], cependant qu'elle relevait elle-même « que s'agissant des dispositions relatives à M. [U], mis en examen pour des faits qualifiés crimes et mise en accusation devant la cour d'assises pour des faits de nature délictuelle, il ne peut être soutenu qu'elles font grief aux intérêts civils des appelants, au sens de l'article 186 alinéa 2 du code de procédure pénale, puisqu'elles laissent intact le droit des parties civiles d'obtenir réparation de leur préjudice devant une juridiction de jugement », la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 186, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en retenant, pour déclarer recevable l'appel interjeté par les parties civiles, que « si le juge d'instruction avait fait le choix d'ordonner la disjonction des poursuites et le renvoi de M. [U] (…) devant le tribunal correctionnel, la partie était recevable à interjeter appel en application de l'article 186-3 du code de procédure pénale » et qu'il se déduit de l'article préliminaire du code de procédure pénale, selon lequel l'autorité judiciaire veille à la garantie des droits des victimes, que le « droit d'appel d'une partie civile ne saurait dépendre de l'appréciation souveraine du juge d'instruction de renvoyer une personne, initialement renvoyée pour crime, pour laquelle il estime, contrairement à la partie civile, que les faits doivent être disqualifiés en délit, devant une cour d'assises », la chambre de l'instruction a .statué par des motifs impropres à justifier la recevabilité de l'appel des parties civiles, dont les droits sont préservés par la mise en accusation de M. [U], fût-ce pour un délit connexe, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire, 186, 186-3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

8. Pour déclarer recevable l'appel des parties civiles, la chambre de l'instruction énonce que le juge d'instruction a choisi de saisir la cour d'assises des infractions connexes au crime comme le lui permet l'article 181, alinéa 2, du code de procédure pénale, et a donc rendu une ordonnance de mise en accusation non susceptible d'appel par la partie civile dans l'hypothèse d'une interprétation littérale de l'article 186-3 du même code, que toutefois, si le juge d'instruction avait fait le choix d'ordonner la disjonction des poursuites et le renvoi de MM. [U] et [D] devant le tribunal correctionnel, la partie civile aurait été recevable à interjeter appel en application de ce même article.

9. La chambre de l'instruction ajoute que, selon les dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale, l'autorité judiciaire veille à la garantie des droits des victimes au cours de la procédure ; l'arrêt ajoute encore que le droit d'appel d'une partie civile ne saurait dépendre du choix souverain du juge d'instruction de renvoyer une personne, initialement poursuivie pour crime, pour laquelle il estime, contrairement à l'avis de la partie civile, que les faits doivent être disqualifiées en délit, devant la cour d'assises saisie d'un crime pour lequel une autre personne est mise en accusation, ou devant le tribunal correctionnel, après disjonction.

10. En l'état de ces motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

11. En effet, la faculté, ouverte par l'article 186-3 du code de procédure pénale à la partie civile, si elle estime que les faits sont de nature criminelle, de relever appel de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d'instruction, s'étend au cas où le renvoi, pour un délit connexe, est ordonné devant la juridiction criminelle.

12. Le moyen ne peut donc être admis.

13. Par ailleurs, la procédure est régulière et les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par MM. [Z] et [D] :

CONSTATE la déchéance des pourvois ;

Sur le pourvoi formé par M. [U] :

LE REJETTE ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [Y] [U] devra payer aux parties représentées par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-deux.

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