5 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-22.030

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00007

Titres et sommaires

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Brevets d'invention - Champ d'application - Droit au titre - Invention du salarié - Invention de mission - Contrat comportant une mission inventive - Actif comprenant un brevet - Eléments incorporels de l'actif d'une société - Acquisition - Cessionnaire - Dépôt de brevet - Possibilité

Titulaire du droit au brevet sur une invention de mission, l'employeur est libre de céder ce droit à un tiers, lequel peut déposer le brevet et opposer au salarié inventeur, qui en revendique l'attribution, la nature d'invention de mission de l'invention protégée, sur laquelle le salarié n'a jamais détenu de droit à un titre de propriété industrielle

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Brevets d'invention - Champ d'application - Droit au titre - Invention du salarié - Invention de mission - Contrat comportant une mission inventive - Actif comprenant un brevet - Eléments incorporels de l'actif d'une société - Acquisition - Cessionnaire - Dépôt de brevet - Effet - Opposabilité de la nature d'invention de mission au salarié inventeur

Texte de la décision

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2022




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 7 FS-B

Pourvoi n° P 19-22.030


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JANVIER 2022

M. [J] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 19-22.030 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Info Network Systems, société anonyme,

2°/ à la société Télécom Design, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [O], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Info Network Systems et Télécom Design, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Mollard, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Champalaune, conseiller, Mmes Comte, Bessaud, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 31 janvier 2018, pourvoi n° 16-13.262), M. [O] a été recruté en 2005 en qualité de responsable de projets par la société Icare développement, dont le dirigeant, avait déposé, le 2 septembre 2004, une demande de brevet français, publiée le 3 mars 2006 sous le numéro FR 2 847 727 et intitulée « dispositif portable de détection, d'alerte et de transmission d'informations relatives à une personne physique ». Il a été licencié, le 15 novembre 2006, pour motif économique, et a été embauché par la société Télécom Design, le 4 février 2008, en qualité d'ingénieur développement.

2. Parallèlement à cette embauche et selon autorisation du 16 avril 2008, les éléments incorporels de l'actif de la liquidation judiciaire de la société Icare développement, comprenant le brevet susvisé dont cette société était devenue propriétaire, ont été cédés de gré à gré à la société Info Networks Systems (la société INS), holding de la société Télécom Design, qui souhaitait investir dans le développement du dispositif de détection des chutes et d'alerte.

3. La société INS a, le 12 janvier 2009, déposé un brevet français intitulé « procédé de détection de chute », désignant M. [O] comme co-inventeur, qui a été publié le 16 juillet 2010 sous le numéro FR 09 50127.

4. Le brevet européen désignant la France, intitulé « procédé et dispositif de détection de chute », qui avait été déposé par la société INS le 11 janvier 2010 sous priorité du brevet français FR 09 50127 et avait été délivré et publié le 19 octobre 2011 sous le numéro EP 2 207 154, s'est substitué à ce brevet français le 19 juillet 2012.

5. Le 9 novembre 2012, la société INS a cédé ses droits sur les brevets français FR 09 50127 et européen EP 2 207 154 à la société Télécom Design.

6. Prétendant que le brevet français FR 09 50127 reprenait les revendications issues de travaux effectués avec ses propres moyens et contenues dans l'enveloppe Soleau qu'il avait déposée le 18 janvier 2008 à l'Institut national de la propriété industrielle, M. [O] a assigné les société INS et Télécom Design pour obtenir, notamment, le transfert à son profit de la propriété de ce brevet et du brevet européen EP 2 207 154 s'y étant substitué.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. M. [O] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en revendication de brevets, de provision et d'expertise, alors « que l'acquisition des éléments incorporels de l'actif d'une société, comprenant un brevet et le résultat de travaux effectués dans la continuité de ce brevet par un salarié investi d'une mission inventive qu'elle avait employé, ne confère pas au cessionnaire la qualité d'ayant droit de l'employeur, en sorte que ce cessionnaire, qui a déposé un brevet à partir de ces éléments, n'est pas fondé à opposer au salarié que l'invention, dont celui-ci est l'auteur et revendique la propriété, est une invention de mission lui appartenant ; qu'ajoutant que la société Télécom Design justifiait d'une chaîne régulière de droits lui conférant les propriétés de la demande de brevet FR 09 50127 et du brevet EP 2 207 154, peu important qu'elle ait ou non la qualité d'ayant droit de l'employeur de M. [O], de sorte qu'elle était fondée à opposer ces droits de propriété à ce dernier pour faire échec à son action en revendication portant sur ces deux brevets, tout en relevant que M. [O] avait réalisé ses travaux à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail avec la société Icare développement qui avait déposé un premier brevet, que la société INS avait repris les éléments incorporels de l'actif de la liquidation judiciaire de cette société comprenant ce brevet et en avait déposé un autre dans la continuité du premier, puis avait cédé le second à la société Télécom Design, lequel constituait les brevets FR 09 50127 et EP 2 207 154, la cour d'appel a violé les articles L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle et L. 611-7, 1, du même code. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle et L. 611-7, 1, du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-102 du 5 février 1994, que si l'inventeur est un salarié et que l'invention est faite dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, le droit au brevet sur cette invention appartient au seul employeur. Aucune disposition n'empêche celui-ci de céder ce droit à un tiers. Par conséquent, ayant cause du cédant, le cessionnaire qui dépose le brevet peut opposer au salarié inventeur, qui demande le transfert du brevet à son profit, la nature d'invention de mission de l'invention protégée par le brevet, sur laquelle le salarié n'a jamais détenu de droit à un titre de propriété industrielle.

10. Ayant retenu que l'invention développée par M. [O] avait la nature d'invention de mission, que le droit au brevet sur cette invention appartenait donc à la société Icare développement, que l'ensemble des actifs incorporels de cette société avaient été cédés à la société INS, laquelle avait déposé les brevets français FR 09 50127 et européen EP 2 207 154, ensuite cédés à la société Télécom Design, c'est à juste titre que la cour d'appel en a déduit que la société Télécom Design, ayant cause du premier titulaire du droit au brevet sur l'invention, était fondée à opposer son droit de propriété sur ces brevets à M. [O] pour faire échec à son action en revendication desdits brevets.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. [O].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [O] de ses demandes de revendication de brevets, de provision et d'expertise ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'action en revendication des brevets FR 127 et EP 154, pour agir en revendication de ces deux brevets, dont il est définitivement jugé qu'il en est l'unique inventeur, M. [O] soutient en substance, d'une part, qu'il s'agirait non d'une « invention de salarié » mais d'une « invention libre », particulièrement en ce que son développement serait postérieur à son licenciement par la société Icare Développement, d'autre part, et en tout état de cause, que les sociétés Info Network Systems et Télécom Design, qui n'auraient pas la qualité d'ayant droit de l'employeur, ne seraient pas fondées à lui opposer que l'invention serait une invention de mission leur appartenant au sens de l'article L. 611-7, 1, du code de la propriété intellectuelle ; que les sociétés Info Network Systems et Télécom Design affirment au contraire que l'invention revendiquée par M. [O] doit recevoir la qualification d'invention de mission comme ayant été exécutée alors que celui-ci était salarié de la société Icare Développement ; que s'agissant d'un actif incorporel né directement dans le patrimoine de cette société, celle-ci avait la faculté de la céder à la société Info Network Systems, aucune disposition législative n'interdisant ou ne restreignant une telle cession ; que ceci étant exposé et au préalable, qu'il sera rappelé que l'arrêt rendu le 30 juin 2015 est définitif en ce qu'il a dit que M. [O] était l'unique inventeur des brevets FR 127 et EP 154 et en ce qu'il a ordonné en conséquence le retrait des noms de MM. [K] et [X] en qualité de co-inventeurs ; qu'ensuite, et contrairement à ce que soutient M. [O], celui-ci ne produit aucun élément de preuve suffisant permettant d'en déduire qu'il aurait développé l'invention revendiquée postérieurement à son licenciement le 15 novembre 2006 par la société Icare Développement ; que l'attestation de ses parents, selon laquelle il a souvent travaillé jour et nuit, week-end compris, ne précise aucunement la date à laquelle ces travaux auraient été effectués, ce témoignage faisant au surplus état du travail sur ce projet chez Icare Développement et chez Télécom Design mais non sur la période intermédiaire entre ces deux emplois : que le témoignage de M. [E], chef d'entreprise dont les bureaux étaient mitoyens à ceux de la société Icare Développement, s'il atteste de ce que M. [O] n'aurait « jamais cessé de travailler même après son licenciement d'Icare Développement », ne procède que par simple affirmation d'ordre général sans l'étayer par aucun élément objectif précis ; qu'enfin, le dépôt le 18 janvier 2008 par M. [O] d'une enveloppe Soleau à l'INPI, dont il n'est pas contesté qu'elle contient les caractéristiques des revendications des brevets FR 127 et EP 154, si elle permet de confirmer en tant que de besoin qu'il est l'auteur de cette invention, ne permet pas pour autant d'en déterminer la date ; qu'en sens inverse, d'abord, il ressort suffisamment des éléments de la cause que M .[O] a été embauché à compter du 1er août 2005 par la société Icare Développement et qu'il y est demeuré jusqu'à son licenciement le 15 novembre 2006 ; que recruté en qualité de « responsable de projet, de qualification employé non cadre, et de groupe D, seuil 1 », son contrat de travail précise qu'« à ce titre, il sera notamment chargé de développer, rentabiliser et faire évoluer tous les produits de la société Icare Développement, de programmer et d'installer tout type de logiciel, d'en assurer la formation et la maintenance », et que « ces fonctions et attributions sont stipulées évolutives au cours de l'exécution du présent contrat » ; que peu après, le 29 septembre 2005, la société Icare Développement a déposé auprès de l'Oséo Anvar Aquitaine une demande d'aide à l'innovation ayant pour objet le recrutement d'un ingénieur chargé de participer au développement du système de téléassistance médical « Vitalbase », marque déposée le 14 janvier 2005 par M. [Y] et sous le nom de laquelle celui-ci souhaitait commercialiser les produits issus du brevet FR 727 ; que par convention du 4 janvier 2006, visant expressément le contrat de travail de M. [O] du 1er août 2005, l'Oséo Anvar accordait à la société Icare Développement une aide à l'innovation d'un montant de 16.000 € ayant pour objet le recrutement de M. [O] pour effectuer des tâches de recherche et développement ; qu'il est ainsi suffisamment établi que la fonction conférée à M. [O] ne se limitait pas à la commercialisation du dispositif portable de détection de chute issu du brevet FR 727, mais comportait aussi une composante d'innovation et de recherche développement, en d'autres termes une mission inventive ; qu'ensuite cet apport inventif de M. [O], allant au-delà du brevet FR 727, est attesté par le rapport établi par M. [L], lequel a effectué sous sa direction un stage dans la société Icare Développement entre le mois de juin et le mois d'août 2006 ; qu'il résulte notamment de ce rapport ; -que ce stagiaire a eu pour mission de finaliser le développement d'un algorithme de chute, ainsi que sa validation, -que cet algorithme propose un diagnostic de chute à l'aide de capteurs accélérométriques trois axes localisés au poignet, -qu'on cherche à ne détecter que les chutes suivies d'inconscience, pour lesquelles le porteur se trouve dans l'incapacité d'effectuer l'appel volontaire, -que par conséquent, l'alerte n'est donnée qu'au bout d'un certain temps après l'événement identifié comme étant une chute probable, -que la solution utilise les réseaux de neurones pour la reconnaissance de l'événement chute, ainsi que les chaînes de Markov pour la remise en contexte de la chute par analyse stochastique de l'activité du porteur, permettant ainsi d'éviter les fausses alarmes, -que le projet était déjà bien avancé lorsqu'il est arrivé, -que la fonction de détection de chute a énormément évolué au cours du stage, -qu'on a pu dégager une nouvelle façon de noter les événements observés et ainsi de bien faire la différence entre une chute réelle et des mouvements de la vie quotidienne, -que la société Icare Développement, au moment où il a intégré le stage, était en phase finale de développement d'une solution de détection de chute et que M. [O] travaillait dessus depuis octobre 2005 soit huit mois, -que la société Icare Développement comportait trois employés, son gérant, M. [Y], sa comptable et M. [O], ayant une mission de développeur de la solution de détection de chute, -qu'en juillet, « on » a travaillé ensemble sur la validation finale du produit, -que l'extraction de la gravité est effectuée à partir d'un solide de Platon, -que ce système est « breveté » par la société Icare Développement, -que pour connaître la position de la gravité on réalise une addition de tous les vecteurs centre > sommet et on obtient la gravité probable, la somme des probabilités des sommets étant égale à 1, -qu'il y a eu de nombreuses évolutions pour tester les différents solides de Platon, que le dodécaèdre, qui donne des résultats d'une grande fiabilité, est trop gourmand en coût de calcul, que le tétraèdre est trop imprécis et que le cube offre des résultats très acceptables pour la précision recherchée, -que pour fiabiliser le système de détection de chute, on a décidé d'utiliser un automate mettant en oeuvre une chaîne de Markov cachée, processus stochastique dans lequel la prédiction du futur à partir du présent ne nécessite pas la connaissance du passé et que cet automate comprend quatre états : repos, actif, chute et inconscient ; que la cour observe qu'il ressort notamment de ce rapport, de première part. qu'entre le mois de juin et le mois d'août 2006, M. [O] a développé au sein de la société Icare Développement une intense activité de recherche développement d'un procédé de bracelet détecteur de chute ; que de deuxième part, cette activité a permis de dégager les principales caractéristiques techniques que l'on retrouve dans les revendications des brevets litigieux : le déclenchement différé d'un signal d'alerte afin d'éviter les fausses alertes (R1), une extraction de la composante gravité consistant à utiliser une sphère de rayon unitaire discrétisée en plusieurs sommets et un calcul stochastique (R2, R3, R4), à l'aide d'un maillage uniforme ayant recours aux solides platoniciens (R5), préférentiellement un cube (R6), dans lesquels l'ensemble des sommets représente les états d'une chaîne de Markov utilisée au sein d'un modèle de Markov caché (R7, R8) où une version simplifiée des états sont un état repos, un état actif, un état chute et un état d'inconscience (R9, R10, R11 ; qu'il sera ajouté, d'une part, que la racine carrée retenue dans le jugement comme non mentionnée dans le rapport [L] n'apparaît pas non plus dans les revendications du brevet ; que d'autre part, si l'autonomie caractérisant la revendication 13 n'apparaît pas non plus explicitement dans ce rapport, M. [O] n'établit par aucune pièce que celle-ci aurait été développée postérieurement à son départ d'Icare Développement ; qu'enfin, il ressort de ce rapport de stage que l'invention était en phase de validation finale au mois de juillet 2006 ; que si les deux attestations que M. [L] a fournies à M. [O], qui sont contradictoires entre elles, ne peuvent qu'être écartées faute de valeur probante dans un sens ou dans un autre, le caractère opérationnel de l'invention à la fin de l'année 2006 résulte notamment de l'attestation de M. [Z], gérant de la société Les Etudes Electroniques, prestataire de services en rapport avec la société Icare Développement pour la réalisation du dispositif, selon lequel les premiers tests positifs permettaient de passer aux premières études d'industrialisation lesquelles n'ont pu intervenir du fait des difficultés financières rencontrées par la société Icare Développement ; qu'en définitive, M. [O] succombe à démontrer que l'invention faisant l'objet des brevets FR 127 et EP 154 serait une invention « libre » dont le développement serait postérieur à son licenciement de la société Icare Développement ; qu'il ressort au contraire de ce qui précède que cette invention a été faite par ce salarié dans l'exécution de son contrat de travail auprès de la société Icare Développement comportant une mission inventive qui correspondait à ses fonctions effectives ; que M. [O] soutient ensuite qu'en tout état de cause les sociétés Info Network Systems et Télécom Design, qui n'auraient pas la qualité d'ayant droit de l'employeur, ne seraient pas fondées à lui opposer que l'invention serait une invention de mission leur appartenant au sens de l'article L. 611-7, 1 du code de la propriété intellectuelle ; que cependant, et tout d'abord, alors qu'il a été examiné ci-dessus que cette invention a été faite par M. [O] dans l'exécution de son contrat de travail comportant une mission inventive qui correspondait à ses fonctions effectives, qu'il découle des dispositions de l'article L 611-7,1 du code de la propriété intellectuelle que l'invention appartient alors de plein droit â l'employeur, en l'espèce la société Icare Développement et non au salarié inventeur ; que M. [O] ne justifie pas par quel mécanisme juridique il serait ensuite venu aux droits de la société Icare Développement ; que bien qu'il ne l'invoque pas, la cour ne peut qu'observer que le prononcé de la liquidation judiciaire de cette société et même de sa radiation pour clôture d'actif n'a pu avoir eu pour effet de transférer cet actif incorporel à un ancien salarié au préjudice de la masse des créanciers ; que M. [O] ne justifie ainsi pas de sa qualité à agir en revendication ; qu'ensuite, cette invention, même n'ayant pas fait l'objet d'une demande de brevet, constituait un savoir-faire, actif incorporel appartenant à la société Icare Développement ; qu'aucun texte ne l'interdisant ou la restreignant, cette société, ou les organes de la procédure s'y substituant en cas de la procédure collective, avaient la possibilité d'en effectuer la cession ; qu'en l'espèce, la société Icare Développement ayant été placée en liquidation judiciaire, c'est conformément aux dispositions de l'article L. 642-19 du code de commerce, que, sur requête du mandataire liquidateur et par ordonnance du 16 avril 2008, le juge commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux a ordonné la vente de gré à gré des éléments incorporels dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de la société Icare Développement au profit de la société Info Network Systems moyennant la somme de 10.000 € ; que ni la requête ni l'ordonnance ne comportant de formule restrictive, cette cession concernait nécessairement l'ensemble des éléments incorporels dépendant de l'actif de la liquidation de cette société, incluant ainsi toute invention même n'ayant pas fait l'objet d'une demande de brevet ; qu'il sera observé, à cet égard, qu'il résulte des courriels échangés courant décembre 2007 entre M. [X] et M. [O], antérieurement donc tant à l'embauche de ce dernier le 4 février 2008 par la société Télécom Design qu'au placement le 27 février 2008 de la société Icare Développement sous liquidation judiciaire, qu'il entrait alors dans les prévisions de ces deux personnes que la société Télécom Design rachèterait les actions de « la structure Icare » valorisée sur la base « du premier et du second brevet (à déposer) », ce second brevet à déposer visant à l'évidence le résultat des travaux examinés ci-dessus effectués par M. [O] dans la continuité du brevet FR 727 au sein de la société Icare Développement ; qu'ainsi, alors que l'ordonnance du 16 avril 2018 ordonnait la vente de gré à gré des éléments comprenant le brevet FR 727 ainsi que les éléments afférents à l'exploitation dudit brevet, cette dernière formule, encore une fois non limitative, comprenait nécessairement l'invention litigieuse ; qu'ayant ainsi acquis régulièrement cette invention de la société Icare Développement, et alors qu'aucun texte n'en interdisait ou en limitait l'exploitation, c'est légitimement que la société Info Network Systems a successivement déposé une demande de brevet français puis une demande de brevet européen visant la France sous priorité du précédent, lesquels sont devenus les brevets FR 127 et EP 154 ; qu'enfin, c'est tout aussi régulièrement que, par un contrat du 9 novembre 2012, la société Info Network Systems a cédé à la société Télécom Design un ensemble de marques et de brevets, comprenant le brevet FR 727, la demande de brevet FR 127 et le brevet EP 154 ; que le 9 janvier 2013, cette cession a été inscrite au Registre national des brevets ; qu'il en découle ainsi que la société Télécom Design, qui justifie d'une chaîne régulière de droits lui conférant les propriétés de la demande de brevet FR 1 27 et du brevet EP 154, peu important qu'elle ait ou non la qualité d'ayant droit de l'employeur, est fondée à opposer ces droits de propriété à M. [O] pour faire échec à son action en revendication portant sur ces deux brevets ; que le jugement sera dès lors réformé et M. [O] débouté de son action en revendication et de ses demandes accessoires de provision et d'expertise (v. arrêt, p. 14 à 17) ;

1°) ALORS QU'une invention ne peut être considérée comme une invention de mission que si elle est susceptible d'application industrielle, et donc en mesure d'être fabriquée, à un moment où le salarié était encore au service de son employeur ; qu'en retenant que l'invention de M. [O] était une invention de mission dès lors qu'elle était en phase de validation finale au mois de juillet 2006, lorsqu'il était encore au service de la Société Icare Développement, sans pour autant constater, quand pourtant que cela était contesté, que le détecteur de chutes breveté pouvait être fabriqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-10 et L. 611-15 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QUE (subsidiairement) l'acquisition des éléments incorporels de l'actif d'une société, comprenant un brevet et le résultat de travaux effectués dans la continuité de ce brevet par un salarié investi d'une mission inventive qu'elle avait employé, ne confère pas au cessionnaire la qualité d'ayant droit de l'employeur, en sorte que ce cessionnaire, qui a déposé un brevet à partir de ces éléments, n'est pas fondé à opposer au salarié que l'invention, dont celui-ci est l'auteur et revendique la propriété, est une invention de mission lui appartenant ; qu'ajoutant que la société Télécom Design justifiait d'une chaîne régulière de droits lui conférant les propriétés de la demande de brevet FR 127 et du brevet EP 154, peu important qu'elle ait ou non la qualité d'ayant droit de l'employeur de M. [O], de sorte qu'elle était fondée à opposer ces droits de propriété à ce dernier pour faire échec à son action en revendication portant sur ces deux brevets, tout en relevant que M. [O] avait réalisé ses travaux à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail avec la société Icare développement qui avait déposé un premier brevet, que la société Info Network Systems avait repris les éléments incorporels de l'actif de la liquidation judiciaire de cette société comprenant ce brevet et en avait déposé un autre dans la continuité du premier, puis avait cédé le second à la société Télécom Design, lequel constituait les brevets FR 127 et EP 154, la cour d'appel a violé les articles L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle et L. 611-7, 1, du même code.

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