21 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-85.560

Assemblée plénière

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2021:PL90656

Titres et sommaires

COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE

Texte de la décision

COUR DE CASSATION FB


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Audience publique du 21 décembre 2021


M. Pascal CHAUVIN, président Cassation sans renvoi
faisant fonction de premier président

Arrêt n° 656 B+R
Pourvoi n° J 21-85.560





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 21 DÉCEMBRE 2021

M. [U] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (commission d'instruction) du 16 septembre 2021 qui, dans l'information suivie contre lui du chef de prises illégales d'intérêts, a confirmé l'ordonnance de cette commission, statuant sur une demande de mesure d'instruction complémentaire.

Le pourvoi est examiné par l'assemblée plénière en application de l'article 24 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Par ordonnance du 30 septembre 2021, le président de la première chambre civile, faisant fonction de premier président, a prescrit l'examen immédiat du pourvoi et fixé au 25 octobre 2021 l'expiration du délai imparti à la SCP Spinosi pour déposer un mémoire.

M. [Z] invoque, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation le 26 octobre 2021 par la SCP Spinosi, avocat de M. [Z].

Le rapport écrit de M. Dary, conseiller, et l'avis écrit de M. Desportes, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties.

Des observations complémentaires ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, assisté de M. Dureux, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi, l'avis de M. Desportes, auquel la SCP Spinosi, invitée à le faire, n'a pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2021 où étaient présents, M. Chauvin, président de la première chambre civile, faisant fonction de premier président, MM. Soulard, Cathala, Mme Teiller, présidents, Mme Duval-Arnould, doyenne de chambre faisant fonction de présidente, M. Guérin, Mme Taillandier-Thomas, conseillers faisant fonction de présidents, M. Dary, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Maunand, Mme de la Lance, doyens de chambre, Mme Darbois, M. Besson, Mme Auroy, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mme Antoine, MM. Pion, Jacques, Mme Daubigney, M. Martin, conseillers, M. Desportes, premier avocat général, Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, et après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 8 janvier 2021, la commission des requêtes de la Cour de justice de la République a transmis au procureur général près ladite Cour plusieurs plaintes visant M. [U] [Z] pour des faits de prises illégales d'intérêts, aux fins de saisine de la commission d'instruction.

3. Le 16 juillet 2021, à la suite d'un réquisitoire aux fins d'informer, M. [Z] a été mis en examen de ces chefs.

4. Le 20 juillet 2021, il a saisi la commission d'instruction d'une demande d'audition en qualité de témoin de M. [E] [F], procureur général près la Cour de cassation.

5. Par une décision, qualifiée d'ordonnance, du 17 août 2021, la commission d'instruction a statué sur cette demande.

6. M. [Z] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Vu les articles 18, 22 et 24 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République :


7. Il résulte de ces textes, éclairés par les travaux préparatoires de la loi organique, que les décisions de caractère juridictionnel rendues par la commission d'instruction, juridiction collégiale unique, qui exerce à la fois les fonctions d'instruction et de contrôle de l'instruction, sont des arrêts qui ne peuvent faire l'objet que de pourvois en cassation portés devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation.

8. La commission d'instruction a déclaré recevable l'appel interjeté contre la décision rendue le 17 août 2021.

9. En statuant ainsi, elle a méconnu les dispositions d'ordre public susvisées.

10. La cassation est, donc, encourue.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation doit être prononcée sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

12. En raison d'une incertitude sur la nature de la voie de recours à la date de l'appel et de la nécessité d'assurer un recours effectif à la personne mise en examen, le délai de pourvoi contre la décision du 17 août 2021 commencera à courir à compter du jour de la notification du présent arrêt.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation doit être prononcée sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

12. En raison d'une incertitude sur la nature de la voie de recours à la date de l'appel et de la nécessité d'assurer un recours effectif à la personne mise en examen, le délai de pourvoi contre la décision du 17 août 2021 commencera à courir à compter du jour de la notification du présent arrêt.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE IRRECEVABLE l'appel formé par M. [Z] contre la décision de la commission d'instruction du 17 août 2021 ;

DIT que le délai de pourvoi contre la décision du 17 août 2021 de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République commencera à courir à compter du jour de la notification du présent arrêt ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour de justice de la République et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le vingt et un décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [U] [Z].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de la commission d'instruction ayant décidé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] ».

Alors que, d'une part, la Commission d'instruction de la Cour de justice de la République rend, au cours de l'information, des décisions juridictionnelles sous la forme d'arrêts ; qu'en confirmant une ordonnance qu'elle avait précédemment rendue en réponse à une demande d'actes, au prix d'un excès de pouvoir manifeste qu'elle n'a pas relevé, la Commission d'instruction a violé les articles 18, 22 et 24 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, 81, 82-1, 186-1 et 593 du code de procédure pénale ;

Alors que, d'autre part et en tout état de cause, saisis d'une demande d'acte de la part de la défense, les mêmes magistrats ne peuvent statuer à la fois en première instance et en appel ; qu'en confirmant une ordonnance qu'elle avait elle-même rendue, statuant dans la même composition, la Commission d'instruction a méconnu l'exigence d'impartialité qui découle des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, de sorte que sa décision encourt l'annulation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de la commission d'instruction ayant décidé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] ».

Alors que la juridiction saisie d'une demande d'actes n'a d'autre choix que d'y faire droit ou de la refuser ; que commet un excès de pouvoir la juridiction qui, saisie d'une demande tendant à l'audition d'un témoin, se borne à ordonner la réalisation d'un autre acte aux termes de son dispositif ; qu'en confirmant l'ordonnance statuant sur la demande d'audition de M. [F] présentée par la défense par laquelle la Commission d'instruction a jugé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] », la Commission d'instruction a commis un excès de pouvoir, en violation des articles 18 et 22 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, et des articles 81, 82-1, 187 et 593 du code de procédure pénale.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de la commission d'instruction ayant décidé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] ».

Alors que, d'une part, le d) de l'article 6§3 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit le droit pour l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins ; que M. [Z] est mis en examen en qualité de Garde des Sceaux pour avoir saisi l'Inspection générale de la Justice, par l'intermédiaire de sa directrice de cabinet Mme [A], aux fins de de réalisation d'une enquête administrative visant trois magistrats du Parquet national financier ; qu'il ressort des éléments objectifs figurant au dossier, et notamment de l'audition de Mme [A], que M. [F] a eu des conversations téléphoniques le 15 et 16 septembre 2020 avec Mme [A], portant précisément sur les éventuelles poursuites disciplinaires contre les magistrats du Parquet national financier ; qu'il est donc établi que M. [F] est ainsi intervenu dans le cadre du processus de décision d'ouverture d'une enquête administrative, cette décision étant l'objet même de la mise en examen ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'audition de M. [F], la Commission d'instruction de la Cour de justice de la République a violé les articles 18 et 22 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, le principe du contradictoire et les droits de la défense ;

Alors que, d'autre part, le refus d'entendre un témoin proposé par la défense doit se justifier par des motifs pertinents tirés de l'utilité ou non de ce témoignage pour la manifestation de la vérité ; que dès lors qu'il est objectivement établi que M. [F] a été contacté par le Directeur de cabinet du Garde des Sceaux au sujet des faits désormais reprochés à M. [Z], son audition est utile à la manifestation de la vérité ; que le fait que M. [F] représente le ministère public devant la Cour de justice de la République ne saurait faire obstacle à son audition en qualité de témoin, quand bien même l'attribution de ce statut devrait avoir pour conséquence un changement de représentant du ministère public dans le cadre de ce dossier ; qu'en opposant la qualité d'autorité de poursuite de M. [F] pour refuser son audition, la Commission d'instruction a de nouveau méconnu les textes et principes précités ;

Alors qu'en outre, la Commission d'instruction a relevé que « l'existence même de ces échanges des 15 et 16 septembre n'étant pas contestée, les analyses discordantes qu'ils peuvent susciter quant à leur nature et portée, ne sauraient justifier l'audition en qualité de témoin de M. le Procureur général qui a la qualité de partie à la procédure depuis le réquisitoire introductif » (Arrêt attaqué, p. 9) ; que ce faisant, elle a non seulement admis l'existence d'échanges avec M. [F] au sujet des faits objets de la mise en examen, mais relevé qu'en l'état des éléments du dossier, il existait des « analyses discordantes qu'ils peuvent susciter quant à leur nature et portée », ce qui justifiait avec d'autant plus de force l'audition du principal intéressé ; que ce faisant, la Commission d'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, et méconnu les textes et principes précités ;

Alors qu'enfin, le principe du contradictoire et le droit de faire interroger des témoins impliquent la possibilité d'une véritable audition contradictoire, sans qu'un courrier établi spontanément

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE IRRECEVABLE l'appel formé par M. [Z] contre la décision de la commission d'instruction du 17 août 2021 ;

DIT que le délai de pourvoi contre la décision du 17 août 2021 de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République commencera à courir à compter du jour de la notification du présent arrêt ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour de justice de la République et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le vingt et un décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [U] [Z].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de la commission d'instruction ayant décidé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] ».

Alors que, d'une part, la Commission d'instruction de la Cour de justice de la République rend, au cours de l'information, des décisions juridictionnelles sous la forme d'arrêts ; qu'en confirmant une ordonnance qu'elle avait précédemment rendue en réponse à une demande d'actes, au prix d'un excès de pouvoir manifeste qu'elle n'a pas relevé, la Commission d'instruction a violé les articles 18, 22 et 24 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, 81, 82-1, 186-1 et 593 du code de procédure pénale ;

Alors que, d'autre part et en tout état de cause, saisis d'une demande d'acte de la part de la défense, les mêmes magistrats ne peuvent statuer à la fois en première instance et en appel ; qu'en confirmant une ordonnance qu'elle avait elle-même rendue, statuant dans la même composition, la Commission d'instruction a méconnu l'exigence d'impartialité qui découle des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, de sorte que sa décision encourt l'annulation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de la commission d'instruction ayant décidé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] ».

Alors que la juridiction saisie d'une demande d'actes n'a d'autre choix que d'y faire droit ou de la refuser ; que commet un excès de pouvoir la juridiction qui, saisie d'une demande tendant à l'audition d'un témoin, se borne à ordonner la réalisation d'un autre acte aux termes de son dispositif ; qu'en confirmant l'ordonnance statuant sur la demande d'audition de M. [F] présentée par la défense par laquelle la Commission d'instruction a jugé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] », la Commission d'instruction a commis un excès de pouvoir, en violation des articles 18 et 22 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, et des articles 81, 82-1, 187 et 593 du code de procédure pénale.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de la commission d'instruction ayant décidé que « les auditions concomitantes de Mme [A], MM. [B] et [O], témoins, en présence de M. le Procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près de la Cour de justice de la République, utiles à la manifestation de la vérité, auront lieu le 15 septembre 2021 à partir de 9 heures, en présence des avocats de M. [U] [Z] ».

Alors que, d'une part, le d) de l'article 6§3 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit le droit pour l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins ; que M. [Z] est mis en examen en qualité de Garde des Sceaux pour avoir saisi l'Inspection générale de la Justice, par l'intermédiaire de sa directrice de cabinet Mme [A], aux fins de de réalisation d'une enquête administrative visant trois magistrats du Parquet national financier ; qu'il ressort des éléments objectifs figurant au dossier, et notamment de l'audition de Mme [A], que M. [F] a eu des conversations téléphoniques le 15 et 16 septembre 2020 avec Mme [A], portant précisément sur les éventuelles poursuites disciplinaires contre les magistrats du Parquet national financier ; qu'il est donc établi que M. [F] est ainsi intervenu dans le cadre du processus de décision d'ouverture d'une enquête administrative, cette décision étant l'objet même de la mise en examen ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'audition de M. [F], la Commission d'instruction de la Cour de justice de la République a violé les articles 18 et 22 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, le principe du contradictoire et les droits de la défense ;

Alors que, d'autre part, le refus d'entendre un témoin proposé par la défense doit se justifier par des motifs pertinents tirés de l'utilité ou non de ce témoignage pour la manifestation de la vérité ; que dès lors qu'il est objectivement établi que M. [F] a été contacté par le Directeur de cabinet du Garde des Sceaux au sujet des faits désormais reprochés à M. [Z], son audition est utile à la manifestation de la vérité ; que le fait que M. [F] représente le ministère public devant la Cour de justice de la République ne saurait faire obstacle à son audition en qualité de témoin, quand bien même l'attribution de ce statut devrait avoir pour conséquence un changement de représentant du ministère public dans le cadre de ce dossier ; qu'en opposant la qualité d'autorité de poursuite de M. [F] pour refuser son audition, la Commission d'instruction a de nouveau méconnu les textes et principes précités ;

Alors qu'en outre, la Commission d'instruction a relevé que « l'existence même de ces échanges des 15 et 16 septembre n'étant pas contestée, les analyses discordantes qu'ils peuvent susciter quant à leur nature et portée, ne sauraient justifier l'audition en qualité de témoin de M. le Procureur général qui a la qualité de partie à la procédure depuis le réquisitoire introductif » (Arrêt attaqué, p. 9) ; que ce faisant, elle a non seulement admis l'existence d'échanges avec M. [F] au sujet des faits objets de la mise en examen, mais relevé qu'en l'état des éléments du dossier, il existait des « analyses discordantes qu'ils peuvent susciter quant à leur nature et portée », ce qui justifiait avec d'autant plus de force l'audition du principal intéressé ; que ce faisant, la Commission d'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, et méconnu les textes et principes précités ;

Alors qu'enfin, le principe du contradictoire et le droit de faire interroger des témoins impliquent la possibilité d'une véritable audition contradictoire, sans qu'un courrier établi spontanément et sans prestation de serment par le témoin puisse pallier cette carence ; que c'est à tort que la Commission d'instruction a relevé, pour justifier sa décision, que « M. [F] a indiqué par écrit le contexte de cet échange, et le document qu'il a fourni n'est pas argué de faux » (Arrêt attaqué, p. 9), ces motifs confirmant à eux seuls la qualité de témoin utile à la manifestation de la vérité de M. [F], et ne pouvant justifier qu'il ne soit pas procédé à une véritable audition, à l'instar des autres témoins ; que de nouveau, les textes et principes précités ont été violés.

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