15 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-81.775

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2021:SO09014

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021







M. CATHALA, président



Avis n° 9014 FP-D

Pourvoi n° Z 20-81.775







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


La chambre criminelle, saisie du pourvoi n° Z 20-81.775 formé par Mme [P] [V] et la société Clic and Walk, a sollicité, le 22 juin 2021, l'avis de la chambre sociale.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [V] et de la société Clic and Walk, l'avis de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 2 décembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Mariette, MM. Rinuy, Pion, Ricour, Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Monge, Le Lay, conseillers, Mmes Ala, Prache, Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a émis le présent avis.


1. La question soumise à la chambre sociale est ainsi formulée :

« L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

I. Le particulier qui accepte, par l'intermédiaire d'une plateforme numérique gérée par une société, d'exécuter des missions consistant à lui fournir des données sur ses habitudes de consommation, à recueillir des informations ou à prendre des photographies, dans la rue ou dans des magasins, de produits ou de supports de communication de marques et d'enseignes, en contrepartie de points-cadeaux ou de quelques euros, est-il placé dans un lien de subordination à l'égard de cette société lorsque :

- il est libre d'accepter les missions proposées, de les abandonner en cours d'exécution et de gérer son temps comme il l'entend ;

- il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, mais doit les exécuter conformément aux directives précises figurant sur la plateforme et connues avant acceptation ;

- la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d'exécution non conforme ?

II. Effectue-t-il une prestation de travail dès lors que les données collectées le sont pour le compte de la société donneuse d'ordres, qui les revend ensuite à des sociétés clientes ?

Le caractère occasionnel de l'exécution de telles missions et la faible rémunération sont-ils exclusifs de l'existence d'une prestation de travail ?

Doit-on tenir compte pour caractériser l'existence d'une prestation de travail du fait que les utilisateurs de la plateforme déclarent exécuter les missions qui leur sont proposées, non en leur qualité de consommateur, mais afin de percevoir une rémunération ? »

2. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 13 nov. 1996, n° 94-13.187, Bull. V n° 386, Société générale).

3. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle (Ass. plén., 4 mars 1983, n° 81-11.647, 81-15.290, Bull. 1983, Ass. plén, n° 3 ; Soc., 19 décembre 2000, n° 98-40.572, Bull. Civ. V n° 437 ; Soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, publié).

4. En conséquence, la chambre sociale est d'avis que n'exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination, le particulier qui accepte, par l'intermédiaire d'une plateforme numérique gérée par une société, d'exécuter des missions consistant à lui fournir des données sur ses habitudes de consommation, à recueillir des informations ou à prendre des photographies, dans la rue ou dans des magasins, de produits ou de supports de communication de marques et d'enseignes, en contrepartie de points-cadeaux ou de quelques euros, dès lors qu'il est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées, ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d'exécution non conforme.

5. Compte tenu de la réponse apportée au paragraphe précédent, il n'y a pas lieu de répondre aux première et deuxième questions de la partie II de la demande d'avis.


ORDONNE la transmission du dossier et de l'avis à la chambre criminelle.

Ainsi fait et émis par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-et-un.

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