15 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-15.878

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01341

Texte de la décision

SOC.

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Cassation


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1341 FS-D

Pourvoi n° X 20-15.878




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

La société Arcelormittal France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine, a formé le pourvoi n° X 20-15.878 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [H] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arcelormittal France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Capitaine, Gilibert, Lacquemant, conseillers, M. Silhol, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 mars 2020), M. [B] a travaillé en qualité d'électricien, du 7 août 1978 au 30 avril 2012, sur le site de Montataire, exploité par la société Arcelormittal France venant aux droits de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une somme en réparation de son préjudice d'anxiété, alors « que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il appartient donc au salarié, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés établissant la réalité de son anxiété, qui ne peuvent se déduire de la seule exposition à l'amiante et de l'existence d'un suivi médical post-exposition à l'amiante ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir que le défendeur au pourvoi n'établissait pas la réalité du préjudice d'anxiété dont il demandait la réparation ; qu'en se bornant à relever que le salarié justifiait d'un suivi médical post-exposition à l'amiante, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun des éléments personnels et circonstanciés de nature à établir l'anxiété du salarié, a statué par des motifs impropres à caractériser un préjudice d'anxiété personnellement subi par le salarié et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave et a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

5. Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'un tel risque.

6. Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés.

7. Pour condamner la société à payer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que la relation de type causal entre l'inhalation de poussières ou fibres d'amiante et les risques pour la santé du salarié exposé, notamment ceux de développer des lésions pleurales et des pathologies comme le mésothéliome engageant le pronostic vital, est établie par les études scientifiques et épidémiologiques menées depuis plus d'un siècle évoquées par le salarié, que le salarié produit le compte-rendu d'une scanographie du thorax et justifie d'un suivi médical post exposition à l'amiante, que par ces éléments, il établit souffrir d'une inquiétude permanente de voir se déclencher chez lui à tout moment une pathologie engageant son pronostic vital, réactivée par les examens médicaux et le fait que d'anciens collègues de travail déclarent une maladie professionnelle liée à l'amiante, qu'il caractérise ainsi un préjudice d'anxiété personnel, actuel et certain.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser le préjudice d'anxiété personnellement subi par le salarié et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Arcelormittal France.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine, aux droits de laquelle vient la société Arcelormittal France, à payer au défendeur au pourvoi la somme de 7 000 euros au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE « La relation de type causal entre l'inhalation de poussières ou fibres d'amiante et les risques pour la santé du salarié exposé, notamment ceux de développer des lésions pleurales et des pathologies comme le mésothéliome engageant le pronostic vital, est établie par les études scientifiques et épidémiologiques menées depuis plus d'un siècle évoquées par le salarié qui verse aux débats de nombreux articles à ce sujet dont les enseignements ne sont pas sérieusement démentis par la société. Il apparaît que ces pathologies peuvent apparaître plusieurs années après l'exposition quelles que soient la quantité inhalée, la fréquence et la durée de l'exposition. Différents rapports et études convergents fournis par le salarié mettent en évidence une augmentation des décès attribuables à une exposition à l'amiante. Le salarié produit le compte-rendu d'une scanographie du thorax et justifie d'un suivi médical post exposition à l'amiante. Par ces éléments, il établit souffrir d'une inquiétude permanente de voir se déclencher chez lui à tout moment une pathologie engageant son pronostic vital, réactivée par les examens médicaux et le fait que d'anciens collègues de travail déclarent une maladie professionnelle liée à l'amiante. Il caractérise ainsi un préjudice d'anxiété personnel, actuel et certain. Au résultat de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que M. [H] [B] justifie avoir été exposé de manière habituelle à l'inhalation de poussière d'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave et souffrir ainsi du fait de son employeur, qui n'établit pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective sa sécurité et protéger sa santé, d'un préjudice d'anxiété. Eu égard aux éléments de préjudice versés en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation de la réparation due au salarié » ;

ALORS QUE l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il appartient donc au salarié, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés établissant la réalité de son anxiété, qui ne peuvent se déduire de la seule exposition à l'amiante et de l'existence d'un suivi médical post-exposition à l'amiante ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir que le défendeur au pourvoi n'établissait pas la réalité du préjudice d'anxiété dont il demandait la réparation ; qu'en se bornant à relever que le salarié justifiait d'un suivi médical post-exposition à l'amiante, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun des éléments personnels et circonstanciés de nature à établir l'anxiété du salarié, a statué par des motifs impropres à caractériser un préjudice d'anxiété personnellement subi par le salarié et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave et a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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