15 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.978

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01439

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - salaire - fixation - salaire variable - critères - objectifs fixés annuellement par l'employeur - caractère réalisable - preuve - charge - portée

Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Une cour d'appel, qui constate que l'employeur ne produit aucun élément de nature à établir que les objectifs qu'il a fixés au salarié à titre de condition de versement d'une rémunération variable étaient réalisables, décide à bon droit, sans inverser la charge de la preuve, que cette rémunération est due

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1439 FS-B sur le premier moyen

Pourvoi n° V 19-20.978




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

La société Vestner France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-20.978 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi Provence-Alpes-Côte-d'Azur, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

En présence de : M. [D] [F], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vestner France.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [F], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vestner France, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, Sornay, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à M. [F], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vestner France, de sa reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 mai 2019), M. [C] a été engagé par la société Vestner France (la société) en qualité de responsable régional des ventes à compter du 1er septembre 2013. Sa rémunération comprenait une partie fixe et une partie variable.

3. Le 22 février 2016, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail.

4. Par jugement du 20 février 2020, la société Vestner France a été placée en liquidation judiciaire et M. [F] a été désigné en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt, en premier lieu, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte du salarié produisait les effets d'une démission, débouté le salarié de toutes ses demandes indemnitaires à ce titre, en ce qu'il a condamné ce dernier à payer à l'employeur certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour inexécution du préavis et en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a encore débouté le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de rémunération variable et l'a condamné aux dépens, puis en second lieu, de le condamner à verser au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les exercices 2013, 2014 et 2015, outre les congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, ainsi qu'au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de congés payés, enfin de le condamner aux dépens de première instance et d'appel, à la remise des documents de fin de contrat et bulletins de paie et au remboursement des indemnités chômage aux organismes concernés, alors :

« 1°/ que pèse sur le salarié la charge de prouver le caractère irréaliste des objectifs fixés d'un commun accord avec son employeur ; qu'en reprochant à l'employeur de ne fournir aucun élément de nature à déterminer si les objectifs de l'année 2013 étaient réalisables, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°/ que le contrat est la loi des parties ; qu'en l'espèce, le contrat de travail conclu le 3 juillet 2013 entre M. [C] et la société Vestner France, prévoyait en son paragraphe 4 intitulé ''rémunération'' que ''le salarié bénéficie d'un intéressement sur les ventes réalisées, suivant le schéma décrit en annexe'', cette annexe définissant les modalités de la part variable de la rémunération ainsi que les objectifs à atteindre pour l'année 2013, sans qu'à aucun moment, il ne soit précisé que ces objectifs devaient être annuellement fixés tant dans leur quantum ou dans leur nature ; qu'il résultait donc clairement du contrat de travail du salarié que les objectifs fixés n'étaient pas discutés chaque année et qu'ils étaient de facto maintenus, faute d'un autre accord entre les parties ; qu'en retenant que si la formule décrite dans l'annexe 1 du contrat de travail était reconductible d'une année sur l'autre, les objectifs chiffrés qui y étaient mentionnés ne concernaient que la seule année 2013, sans tacite reconduction possible et en reprochant à l'employeur de ne pas avoir fixé d'objectifs ni pour l'année 2014, ni pour l'année 2015, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et, partant, a violé l'article 1134 devenu les articles 1103 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

7. Ainsi, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à établir que les objectifs qu'il avait fixés au salarié pour l'année 2013 étaient réalisables, a, sans inverser la charge de la preuve, décidé à bon droit que la rémunération variable au titre de cet exercice était due.

8. Procédant ensuite à l'interprétation, exclusive de dénaturation, du contrat de travail, rendue nécessaire par l'ambiguïté de ses termes, la cour d'appel a estimé que les objectifs avaient été fixés dans l'annexe 1 au contrat de travail, pour la seule année 2013, sans reconduction possible pour les années suivantes.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la cassation du chef de dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les exercices 2013 à 2015 et les congés payés afférents entraînera la cassation des chefs de dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié diverses indemnités de rupture, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en tout état de cause, la prise d'acte ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés à l'employeur font obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour dire fondée la prise d'acte du salarié du 9 janvier 2016, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de paiement de la rémunération variable de 2013 à 2015 en raison du caractère irréaliste des objectifs définis pour 2013 et de l'absence de fixation d'objectifs pour les années suivantes, absence de paiement antérieure de plusieurs années à la prise d'acte et n'ayant pas empêché la poursuite de son contrat de travail ; qu'en jugeant le manquement invoqué par le salarié suffisamment grave pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, quand il résultait de ses propres constatations que le manquement, à le supposer avéré, n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 1134 devenu 1103 et 1104 code civil et L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1235-1, alors en vigueur, du code du travail ;

3°/ que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués sont la véritable cause de son départ ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, qu'outre que le salarié n'avait jamais réclamé une rémunération variable jusqu'à la prise d'acte, il avait rompu son contrat de travail suite à la proposition de poste faite par une société concurrente mi-décembre 2015, qu'il avait acceptée, qu'ayant ainsi trouvé un autre emploi, il avait souhaité se soustraire à l'accomplissement de son préavis, préférant prendre acte de la rupture de son contrat de travail, de sorte que le salarié avait, en réalité, orchestré son départ et opportunément tenté d'imputer à l'employeur la rupture de son contrat de travail ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié n'était pas en réalité motivée par sa volonté de quitter l'entreprise afin de rejoindre une entreprise concurrente, tout en bénéficiant des conséquences financières d'une rupture imputée à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 et 1104 code civil et des articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1235-1, alors en vigueur, du code du travail. »

Réponse de la Cour

11. D'abord, le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen, pris en sa première branche, tiré d'une cassation par voie de conséquence.

12. Ensuite, la cour d'appel, qui a constaté que les manquements de l'employeur, pendant plusieurs années, avaient privé le salarié de sa rémunération variable contractuelle, a pu en déduire, sans procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que ces manquements avaient empêché la poursuite du contrat de travail.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [F], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vestner France, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F], ès qualités, et le condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vestner France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte du salarié produisait les effets d'une démission, en ce qu'il a débouté le salarié de toutes ses demandes indemnitaires à ce titre, en ce qu'il l'a condamné à payer à l'employeur les sommes de 6 750 euros au titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis, et de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement d'un rappel de rémunération variable et en ce qu'il l'a condamné aux dépens, d'AVOIR statuant à nouveau et y ajoutant, condamné l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes de 23 333,33 euros au titre de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les exercices 2013, 2014 et 2015 et 2 333,33 euros au titre des congés payés y afférents, de 32 500 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi, de 6 750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 675 euros au titre des congés payés y afférents, de 2 376,99euros au titre d'indemnité de licenciement, de 3 483,84 euros au titre d'indemnité compensatrice de congés payés, d'AVOIR condamné l'employeur à remettre au salarié les documents de fin de contrat et les bulletins de paie conformes à l'arrêt, d'AVOIR dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, d'AVOIR dit que l'employeur devrait rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois, d'AVOIR rappelé que les condamnations portaient intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances de nature salariale et de la décision qui les a allouées pour les créances indemnitaires et les frais irrépétibles, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel de salaire
Le paragraphe 4.1 du contrat de travail sur la rémunération est ainsi libellé : « En contrepartie de sa prestation de travail, le salarié percevra un salaire annuel brut à hauteur de 54 000 euros payables en douze mensualités brutes fixes à hauteur de 4 500 euros chacune, et après déduction des charges sociales légales. ['] Par ailleurs, le salarié bénéficie d'un intéressement sur les ventes réalisées, suivant le schéma décrit en annexe ».
L'annexe 1 dudit contrat précise :
« Objectifs de [W] [C] pour 2013
Les objectifs dans les différentes activités sont :
- contrat de maintenance ascenseurs = + 100 unités
- vente modernisation et travaux 1000K€
- vente neuve : 30 appareils
Part variable sur les objectifs de vente, de modernisation et travaux, vente neuve (nb d'ascenseurs) et progression (+ 100 asc)
A 80 % de l'objectif 4000 €
A 90 % de l'objectif 5000 €
A 100 % de l'objectif 7000 euros
Au delà de 1000 k€, 1,5 % du chiffre d'affaires réalisé avec un plafond de primes à 10 000 € cumulé
A calculer au prorata temporis pour le dernier trimestre 2013. »
S'agissant de l'année 2013, il résulte de ce qui précède que Monsieur [W] [C] s'est bien vu assigner des objectifs chiffrés. Il ne conteste pas ne pas les avoir réalisés et soutient qu'ils n'étaient pas réalisables. La SAS Vestner France ne fournit aucun élément de nature à déterminer s'ils l'étaient. En conséquence, la rémunération variable est due au prorata temporis.
S'agissant des années 2014 et 2015, la SAS Vestner France ne communique aucun document corroborant ses allégations selon lesquelles les objectifs 2013 ont été maintenus sur le même niveau les années suivantes conformément aux discussions régulières entre Monsieur [W] [C] et sa hiérarchie. Par ailleurs, si la formule de calcul décrite dans l'annexe 1 du contrat de travail est reconductible d'une année sur l'autre, les objectifs chiffrés sur lesquels elle se fonde ne peuvent s'interpréter autrement que pour la seule année 2013, sans tacite reconduction possible pour les années suivantes. Dès lors que la SAS Vestner France n'a pas fixé d'objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement.
En conséquence, la SAS Vestner France sera condamnée à payer à Monsieur [W] [C] la somme de 23 333,33 euros correspondant aux rémunérations variables dues au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 et celle de 2 333,33 euros au titre des congés payés y afférents. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens » ;

1°) ALORS QUE pèse sur le salarié la charge de prouver le caractère irréaliste des objectifs fixés d'un commun accord avec son employeur ; qu'en reprochant à l'employeur de ne fournir aucun élément de nature à déterminer si les objectifs de l'année 2013 étaient réalisables, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°) ALORS QUE le contrat est la loi des parties ; qu'en l'espèce, le contrat de travail conclu le 3 juillet 2013 entre M. [C] et la société Vestner France, prévoyait en son paragraphe 4 intitulé « rémunération » que « le salarié bénéficie d'un intéressement sur les ventes réalisées, suivant le schéma décrit en annexe », cette annexe définissant les modalités de la part variable de la rémunération ainsi que les objectifs à atteindre pour l'année 2013, sans qu'à aucun moment, il ne soit précisé que ces objectifs devaient être annuellement fixés tant dans leur quantum ou dans leur nature (production n° 5) ; qu'il résultait donc clairement du contrat de travail du salarié que les objectifs fixés n'étaient pas discutés chaque année et qu'ils étaient de facto maintenus, faute d'un autre accord entre les parties ; qu'en retenant que si la formule décrite dans l'annexe 1 du contrat de travail était reconductible d'une année sur l'autre, les objectifs chiffrés qui y étaient mentionnés ne concernaient que la seule année 2013, sans tacite reconduction possible et en reprochant à l'employeur de ne pas avoir fixé d'objectifs ni pour l'année 2014, ni pour l'année 2015, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et, partant, a violé l'article 1134 devenu les articles 1103 et 1104 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte du salarié produisait les effets d'une démission, en ce qu'il a débouté le salarié de toutes ses demandes indemnitaires à ce titre, en ce qu'il l'a condamné à payer à l'employeur les sommes de 6 750 euros au titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis, et de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement d'un rappel de rémunération variable et en ce qu'il l'a condamné aux dépens, d'AVOIR statuant à nouveau et y ajoutant, condamné l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes de 23 333,33 euros au titre de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les exercices 2013, 2014 et 2015 et 2 333,33 euros au titre des congés payés y afférents, de 32 500 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi, de 6 750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 675 euros au titre des congés payés y afférents, de 2 376,99 euros au titre d'indemnité de licenciement, de 3 483,84 euros au titre d'indemnité compensatrice de congés payés, d'AVOIR condamné l'employeur à remettre au salarié les documents de fin de contrat et les bulletins de paie conformes à l'arrêt, d'AVOIR dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, d'AVOIR dit que l'employeur devrait rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois, d'AVOIR rappelé que les condamnations portaient intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances de nature salariale et de la décision qui les allouait pour les créances indemnitaires et les frais irrépétibles, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la prise d'acte et ses effets.
La prise d'acte de la rupture entraîne la cessation immédiate du contrat de travail.
La rupture n'est justifiée qu'en cas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, ce qu'il appartient aux juges d'apprécier souverainement sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de prise d'acte.
Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul en cas de harcèlement ou si les faits invoqués sont discriminatoires ou si le salarié est protégé. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.
En l'espèce, Monsieur [W] [C] soutient que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est justifiée par les manquements suivants de la SAS Vestner France :
- absence de paiement de la partie variable de son salaire durant l'intégralité de la relation contractuelle en raison du caractère irréalisable des objectifs définis pour 2013 et de l'absence de fixation d'objectifs pour les années suivantes,
- absence de mise à disposition des moyens nécessaires à l'exécution de ses prestations,
- conditions de travail difficiles et anxiogènes.
Il résulte des développements qui précèdent que le premier de ces manquements est établi.
Compte tenu de son incidence sur la rémunération du salarié et de son renouvellement pendant plusieurs années, il est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En conséquence, la prise d'acte produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Monsieur [W] [C] est fondé à obtenir l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, l'indemnité légale de licenciement qu'il sollicite dont les montants ne sont pas discutés. La SAS Vestner France Hainaut sera en outre déboutée de sa demande tendant à la condamnation de Monsieur [W] [C] au paiement d'une indemnité pour préavis non exécuté. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Compte tenu de son ancienneté, de son âge au moment de la rupture du contrat de travail, de son salaire de référence et de sa situation postérieure, ayant repris une activité de directeur dès le 1er mars 2016 dans une entreprise concurrente, le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi sera exactement réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 32500 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Monsieur [W] [C] prétend que 24 jours de congés payés non pris n'ont pas fait l'objet d'une indemnisation au moment du solde de tout compte. Il fournit un bulletin de paie objet de la pièce 23 qui est inexploitable faute d'être lisible. Toutefois, la SAS Vestner France ne conteste pas la réalité de ces 24 jours de congés payés acquis et non pris et se borne à indiquer que Monsieur [W] [C] n'explique pas en quoi ce solde ne lui a pas été réglé alors qu'il lui appartient d'en établir le paiement.
En conséquence, la SAS Vestner France sera condamnée au paiement de la somme que Monsieur [W] [C] sollicite au titre d'indemnité compensatrice de congés payés, dont elle ne discute pas le montant, et le jugement déféré sera infirmé en ce sens » ;

1°) ALORS QUE la cassation du chef de dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 23 333,33 euros de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les exercices 2013 à 2015, et les congés payés afférents entraînera la cassation des chefs de dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié diverses indemnités de rupture, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE la prise d'acte ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés à l'employeur font obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour dire fondée la prise d'acte du salarié du 9 janvier 2016, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de paiement de la rémunération variable de 2013 à 2015 en raison du caractère irréaliste des objectifs définis pour 2013 et de l'absence de fixation d'objectifs pour les années suivantes, absence de paiement antérieure de plusieurs années à la prise d'acte et n'ayant pas empêché la poursuite de son contrat de travail ; qu'en jugeant le manquement invoqué par le salarié suffisamment grave pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, quand il résultait de ses propres constatations que le manquement, à le supposer avéré, n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 1134 devenu 1103 et 1104 code civil et L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1235-1, alors en vigueur, du code du travail ;

3°) ALORS QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués sont la véritable cause de son départ ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuves à l'appui, qu'outre que le salarié n'avait jamais réclamé une rémunération variable jusqu'à la prise d'acte, il avait rompu son contrat de travail suite à la proposition de poste faite par une société concurrente mi-décembre 2015, qu'il avait acceptée, qu'ayant ainsi trouvé un autre emploi, il avait souhaité se soustraire à l'accomplissement de son préavis, préférant prendre acte de la rupture de son contrat de travail, de sorte que le salarié avait, en réalité, orchestré son départ et opportunément tenté d'imputer à l'employeur la rupture de son contrat de travail (conclusions d'appel de l'exposante p. 3 et 4, p. 11 in fine, p. 13 et 14 ; productions n° 6 à 9) ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié n'était pas en réalité motivée par sa volonté de quitter l'entreprise afin de rejoindre une entreprise concurrente, tout en bénéficiant des conséquences financières d'une rupture imputée à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 et 1104 code civil et des articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1235-1, alors en vigueur, du code du travail.

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