8 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.432

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C300870

Titres et sommaires

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Point de départ - Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action - Cas - Action paulienne - Acte de donation-partage de la nue-propriété d'un immeuble d'habitation

Ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer l'action paulienne que le point de départ du délai de prescription en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits. Dès lors, une cour d'appel retient exactement que, le créancier étant réputé avoir eu connaissance de l'acte d'appauvrissement dès la date de sa publication au service de la publicité foncière, l'action paulienne qu'il engage plus de cinq ans après cette date est prescrite

ACTION PAULIENNE - Exercice - Prescription - Point de départ - Détermination - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Actions personnelles ou mobilières - Point de départ - Détermination - Portée

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 870 FS-B

Pourvoi n° Y 20-18.432


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 mars 2021.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

La caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-18.432 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2020 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [K] [G],

2°/ à Mme [I] [J],

domiciliées toutes deux [Adresse 3],

3°/ à M. [C] [J], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, de la SCP Boullez, avocat de Mme [G] et de Mme [I] et M. [C] [J], après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 avril 2020), le 10 mars 2009, Mme [G], associée d'une société en nom collectif, s'est portée caution solidaire de cette société au profit de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie (la CRCAM).

2. Par acte authentique du 12 juillet 2011, publié au service de la publicité foncière le 7 septembre suivant, Mme [G] a consenti à ses deux enfants, M. [C] [J] et Mme [I] [J], une donation-partage de la nue-propriété d'un immeuble d'habitation lui appartenant.

3. Après la liquidation judiciaire de la société et la condamnation de la caution, la CRCAM a, les 20 et 23 décembre 2016, assigné Mme [G], M. [C] [J] et Mme [I] [J] en inopposabilité de la donation-partage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La CRCAM fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action paulienne, alors « que le délai de la prescription applicable à l'action paulienne suppose, pour commencer de courir, que le créancier connaisse, ou doive à tout le moins connaître, l'existence de l'acte qu'il entend voir déclarer inopposable à son endroit ; que la publication de cet acte au service de la publicité foncière ne fait pas, à elle seule, courir le délai de la prescription ; qu'en retenant, pour fixer dans l'espèce le point de départ du délai de la prescription de l'action paulienne au 7 septembre 2011, qu'« il est établi par le relevé des formalités publiées que » la donation-partage dont Mme [K] [G] a gratifié, le 12 juillet 2011, Mme [I] [J] et M. [C] [J] « a fait l'objet d'une publication au service de la publicité foncière le 7 septembre 2011, de sorte qu'ayant été régulièrement porté[e] à la connaissance des tiers du fait de sa publication, la [Crcam de Normandie] est réputée avoir eu connaissance de son existence dès cette date et avoir été ainsi en mesure d'exercer ses droits pendant un délai de cinq ans à compter du 7 septembre 2011 », la cour d'appel, qui, du coup, ne justifie pas que la Crcam de Normandie avait ou aurait dû avoir le 7 septembre 2011 la connaissance effective de la donation-partage du 12 juillet précédent, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a exactement retenu que l'action paulienne, qui vise à rendre inopposable à un créancier l'acte fait par l'un de ses débiteurs en fraude de ses droits, était une action de nature personnelle soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

6. Il est jugé que ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer son action que le point de départ en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits (3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.156, en cours de publication).

7. Ayant exactement retenu que, l'acte de donation-partage ayant été régulièrement porté à la connaissance des tiers du fait de sa publication au service de la publicité foncière le 7 septembre 2011, la banque était réputée avoir connaissance de son existence dès cette date, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action qu'elle avait engagée plus de cinq ans après était prescrite.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, M. [C] [J] et Mme [I] [J] et condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie à payer à la SCP Boullez la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.








MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie

La Crcam de Normandie fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Caen, 2 avril 2020) D'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite l'action paulienne que la Crcam de Normandie formait contre Mme [K] [G], Mme [I] [J] et M. [C] [J]

• ALORS QUE le délai de la prescription applicable à l'action paulienne suppose, pour commencer de courir, que le créancier connaisse, ou doive à tout le moins connaître, l'existence de l'acte qu'il entend voir déclarer inopposable à son endroit ; que la publication de cet acte au service de la publicité foncière ne fait pas, à elle seule, courir le délai de la prescription ; qu'en retenant, pour fixer dans l'espèce le point de départ du délai de la prescription de l'action paulienne au 7 septembre 2011, qu'« il est établi par le relevé des formalités publiées que » la donation-partage dont Mme [K] [G] a gratifié, le 12 juillet 2011, Mme [I] [J] et M. [C] [J] « a fait l'objet d'une publication au service de la publicité foncière le 7 septembre 2011, de sorte qu'ayant été régulièrement porté[e] à la connaissance des tiers du fait de sa publication, la [Crcam de Normandie] est réputée avoir eu connaissance de son existence dès cette date et avoir été ainsi en mesure d'exercer ses droits pendant un délai de cinq ans à compter du 7 septembre 2011 », la cour d'appel, qui, du coup, ne justifie pas que la Crcam de Normandie avait ou aurait dû avoir le 7 septembre 2011 la connaissance effective de la donation-partage du 12 juillet précédent, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

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