8 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-13.364

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C100777

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 777 F-D

Pourvoi n° Q 20-13.364

Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [C]-[N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 1er octobre 2020.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

La société HSBC France, aux droits de laquelle vient la société HSBC Continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-13.364 contre le jugement rendu le 17 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Pau (procédure surendettement), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [T] [C]-[N], épouse [G], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à l'association départementale de tutelle des majeurs protégés (ADTMP), association tutélaire, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de représentant légal de Mme [T] [C]-[N], épouse [G],

3°/ à la société Crédit immobilier de France développement (CIFD), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société HSBC Continental Europe, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [C]-[N] et de l'association départementale de tutelle des majeurs protégés, ès qualités, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société HSBC France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Crédit immobilier de France développement.

Faits et procédure

2. Selon le jugement attaqué (Pau, 17 décembre 2019), rendu en dernier ressort, après avoir saisi, par déclaration du 31 mai 2018, la commission de surendettement des particuliers d'une demande tendant au traitement de sa situation financière, Mme [C]-[N] épouse [G] a formé, par lettre du 30 octobre 2018, une demande de vérification de ses créances auprès de la Banque de France.

3. Constatant la prescription d'une créance de la société HSBC France, le tribunal a fixé son montant à zéro euro.

Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense

4. Mme [C]-[N] épouse [G] conteste la recevabilité du pourvoi formé par la société HSBC France. Elle soutient que la décision s'est bornée à fixer le montant de sa créance, sans mettre fin à l'instance.

5. Cependant, le juge de l'exécution ayant écarté de la procédure la créance de la société HSBC, sa décision a mis fin à l'instance à l'égard de ce créancier.

6. Le pourvoi est donc recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La banque fait grief au jugement de fixer le montant de la créance de Mme [C]-[N] épouse [G] devant être retenue à la procédure de traitement des situations de surendettement pour un montant nul, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que le juge a relevé d'office la prescription de l'action de la société HSBC France sur le fondement du délai biennal prévu par l'article L. 218-2 du code de la consommation pour fixer et retenir pour un montant nul la créance de la société HSBC France à l'encontre de Mme [G] à la procédure de surendettement ouverte à son égard ; qu'en statuant ainsi le tribunal d'instance, qui n'a pas sollicité les observations des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Si dans une procédure orale, il peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, cette présomption cède devant la preuve contraire.

9. Pour fixer le montant des créances de la banque à la somme de zéro euro, le jugement retient qu'est applicable l'article L. 218-2 du code de la consommation prévoyant une prescription de deux ans, que la déchéance du terme du contrat est intervenue le 20 février 2013 et que les procédures d'exécution entamées ultérieurement par le créancier se sont soldées par des jugements constatant la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière, de sorte qu'elles ont été privées rétroactivement de tout effet, notamment prescriptif.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résulte du jugement et des pièces de la procédure que le moyen tiré de la prescription a été relevé d'office, sans que les parties en aient été avisées et aient été invitées à présenter leurs observations, le tribunal a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il fixe et retient la créance de la société HSBC France à la somme de zéro euro, le jugement rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Pau ;

Condamne Mme [C]-[N] épouse [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société HSBC Continental Europe

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que la créance de la société HSBC France à l'égard de Mme [G] d'un montant de 66.672,92 euros devait être fixée et retenue pour un montant nul, à la procédure de traitement des situations de surendettement ouverte à l'égard de Mme [G] ;

Aux motifs que « En application de l'article L. 218-2 du code de la consommation, « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Cet article s'applique aux crédits immobiliers (Civ 1ère 28 novembre 2012, n° 11-26.508). La déchéance du terme du contrat est intervenue le 20 février 2013. Les procédures d'exécution entamées ultérieurement par le créancier se sont soldées par des jugements constatant la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière. Ces procédures ont donc à chaque fois été privées rétroactivement de tout effet, notamment prescriptif. En l'état, cette créance sera en conséquence fixée à la somme de 0 euro » ;

1°) Alors que, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que le juge a relevé d'office la prescription de l'action de la société HSBC France sur le fondement du délai biennal prévu par l'article L. 218-2 du code de la consommation pour fixer et retenir pour un montant nul la créance de la société HSBC France à l'encontre de Mme [G] à la procédure de surendettement ouverte à son égard ; qu'en statuant ainsi le tribunal d'instance, qui n'a pas sollicité les observations des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) Alors que, en tout état de cause, l'article L. 218-2 du code de la consommation n'est applicable qu'à l'action des professionnels pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, qu'en appliquant cette disposition pour fixer et retenir pour un montant nul la créance de la société HSBC France à l'encontre de Mme [G] à la procédure de surendettement ouverte à son égard, sans avoir constaté que la société HSBC France, qui se prévalait d'une hypothèque consentie par Mme [G] au titre d'un prêt accordé à un tiers en vue de l'acquisition de son fonds de commerce, avait fourni un quelconque bien ou service à Mme [G] au sens de l'article L. 218-2 du code de la consommation, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.

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