1 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.712

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01378

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er décembre 2021




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1378 F-D

Pourvoi n° F 20-12.712




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

La société Newrest France, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 20-12.712 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [L] [K] [J], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Randstad, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Newrest France, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Newrest France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Randstad.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2019), Mme [K] [J] a été mise à la disposition de la société Catering aérien développement devenue la société Newrest France (la société) en qualité d'agent de dressage par la société Randstad, suivant une cinquantaine de missions de travail temporaire du 31 mars 2006 au 7 décembre 2008 dont le motif énoncé était le surcroît d'activité.

3. Le 2 mai 2013, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses sommes, notamment, au titre de la rupture de la relation contractuelle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code de travail, d'indemnité de requalification, de rappel des salaires consécutifs à la requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité de procédure et de la condamner à délivrer divers documents, alors « que l'action en requalification de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice se prescrit par cinq ans à compter du terme du dernier contrat de la période en cause ; qu'en l'espèce, la salariée a travaillé au sein de la société d'abord selon plusieurs contrats au cours d'une première période du 31 mars 2006 au 28 avril 2007, et après une période d'interruption de près de quatorze mois, au cours d'une seconde période du 16 juin 2008 au 8 décembre 2008 ; qu'en retenant que l'action en requalification des contrats de mission introduite le 2 mai 2013 était recevable, y compris pour la période achevée le 28 avril 2007, cependant que la prescription quinquennale était acquise pour cette période dès le 28 avril 2012, de sorte que seule était recevable l'action en requalification des contrats conclus au cours de la seconde période du 16 juin 2008 au 8 décembre 2008, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-40 du code du travail, 2222 et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

6. Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

7. Selon l'article L. 1251-40 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1251-5, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

8. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de mission à l'égard de l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours énoncé au contrat de mission a pour point de départ le terme de ce contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat, et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir auprès de l'entreprise utilisatrice des droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

9. Ayant constaté que la salariée avait travaillé sur des missions identiques et toujours pour le même motif et que le terme du dernier contrat de mission était le 8 décembre 2008, la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, qu'il importait peu que ce dernier contrat fût séparé des précédents par des périodes interstitielles, en a exactement déduit que la demande en requalification de la salariée introduite le 2 mai 2013 contre la société était recevable.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief, alors :

« 2°/ que l'entreprise utilisatrice ne peut recourir au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et faire face à un besoin structurel de main d'œuvre ; qu'elle peut en revanche recourir au travail temporaire pour des tâches liées à l'activité normale et permanente de l'entreprise qui présentent un caractère imprévisible et temporaire et ne traduisent pas un besoin structurel de main-d'œuvre ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'emploi d'agent de dressage (des plateaux-repas) occupé par la salariée faisait partie de l'activité normale et permanente de la société qui avait pour activité la préparation et l'acheminement de plateaux repas à bord des avions, et en déduire que le recours à l'intérim pour des emplois d'agent de dressage faisait, toujours, partie de son activité normale et permanente et donc "répond à un besoin structurel de main d'œuvre", sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si les tâches confiées à l'intéressée ne présentaient pas un caractère imprévisible et temporaire exclusif d'un besoin structurel de main-d'œuvre, dès lors que le nombre d'agents de dressage travaillant variait considérablement chaque jour, établissant ainsi le caractère éminemment fluctuant de son activité et le caractère temporaire de l'emploi occupé par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5, L. 1251-5 et L. 1250-40 du code du travail ;

3°/ que l'accroissement temporaire d'activité peut résulter d'une surcharge non exceptionnelle de l'activité habituelle de l'entreprise, limitée dans le temps et dont la survenance n'est pas prévisible ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que l'activité de la société Newrest était constamment variable, si bien que l'accroissement d'activité n'avait aucun caractère temporaire et que la société ne démontrait pas un accroissement d'activité ayant pour origine des prestations supplémentaires et inhabituelles, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ne subissait pas des surcharges d'activité qui même non exceptionnelles et situées dans le champ de son activité habituelle étaient limitées dans le temps et dont la survenance était imprévisible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1250-40 du code du travail. »

Réponse de la Cour

12. Ayant apprécié souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a relevé que tous les éléments que faisait valoir la société étaient relatifs à son activité habituelle et constamment variable et constaté que la société ne démontrait pas que l'accroissement d'activité dont elle se prévalait avait pour origine des prestations supplémentaires et inhabituelles, a, retenu que l'accroissement d'activité invoqué n'avait aucun caractère temporaire et que le recours de la société à l'intérim pour des emplois d'agent de dressage de plateaux-repas répondait à un besoin structurel de main-d'oeuvre.

13. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

14. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel des salaires consécutifs à la requalification, outre congés payés afférents, et à délivrer divers documents, alors « que le travailleur temporaire engagé par plusieurs contrats de mission et dont le contrat de travail est requalifié en contrat à durée indéterminée le liant à l'entreprise utilisatrice ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées entre plusieurs missions que s'il établit s'être effectivement tenu à la disposition de l'entreprise pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les circonstances qu'en un peu moins de six mois, la salariée avait accompli vingt-sept missions pour le compte de la société, pour des durées d'un jour à un mois et un nombre d'heures quotidiennes variable, séparées de quelques jours et qu'elle n'avait jamais refusé une seule d'entre elles, circonstances inopérantes pour caractériser en quoi l'intéressée s'était tenue effectivement à la disposition permanente de la société pendant ces périodes pour effectuer un travail et accueillir sa demande de rappel de salaires pour les périodes interstitielles, la cour d'appel a privé a décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1251-40 et L. 1251-41 du code du travail, 1134 et 1315 devenus 1103 et 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. Ayant constaté que pendant la période d'un peu moins de six mois, la salariée avait accompli vingt-sept missions pour le compte de la société, pour des durées allant de un jour à un mois et un nombre d'heures quotidiennes variables, et qu'elle n'avait jamais refusé une seule de ces missions séparées de quelques jours, la cour d'appel, qui a estimé que ce rythme empêchait l'intéressée de travailler pour un autre employeur et l'obligeait à se tenir effectivement et constamment à la disposition de la société, en a justement déduit que la demande en paiement de salaire à ce titre devait être accueillie.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Newrest France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Newrest France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Newrest France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Newrest à payer à Mme [K] les sommes de 8 500 € à titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code de travail, 1 363,51 € à titre d'indemnité de requalification, 5 436,94 € à titre de rappel des salaires consécutifs à la requalification, 2 727 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, 725,38 € à titre de l'indemnité légale de licenciement, des frais irrépétibles, et condamné la société Newrest à délivrer divers documents ;

Aux motifs que sur la prescription de l'action en requalification invoquée par la société Newrest France, la société prétend qu'il y aurait eu deux périodes de travail, la première du 31 mars 2006 au 28 avril 2007, la seconde du 16 juin au 8 décembre 2008 ; que l'action de Mme [K] [J] ayant été introduire le 2 mai 2013, la prescription quinquennale édictée par la loi du 17 juin 2008 était acquise pour la première période, le 28 avril 2012 ; que toutefois, bien que les contrats de travail ne soient produits par aucune des parties, il est constant que Mme [K] [J] a travaillé sur des missions identiques et toujours pour le même motif aussi bien au cours de la première que de la seconde période ; qu'une attestation de la société RANDSTAD du 22 septembre 2008 fait d'ailleurs d'un emploi d'agent de dressage depuis le mars 2006 sans que la société Newrest ne justifie que Mme [K] [J] a été mise à disposition d'autres sociétés pendant cette période ; que le point de départ de la prescription d'une demande de requalification d'un contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée étant la date du dernier contrat, en l'espèce le décembre 2008, peu important qu'il soit séparé des précédents par des périodes interstitielles, la demande de Mme [K] [J], introduite le 2 mai 2013, dans les limites de la prescription alors applicable, dirigée contre la société Newrest est recevable ; que sur la requalification, selon l'articles L. 1251-5 et 6 du code du travail, le contrat de mission ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire appelée mission seulement dans les cas déterminés, parmi lesquels l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; celle-ci, en application de ces textes, ne peut donc recourir, de façon systématique, aux missions d'intérim pour faire appel à un besoin structurel de main d'oeuvre ; en cas de litige sur le motif de recours, il appartient à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de sa réalité ;

la société Newrest fait valoir qu'elle conclut avec les compagnies aériennes des contrats de prestations fonction de leurs besoins, dépendant des aléas du trafic aérien et du taux de remplissage des avions, si bien qu'il n'existe aucune visibilité ni prévisibilité, n'a qu'une faible proportion de clients réguliers, lesquels exigent une réactivité et une mobilisation immédiate, doit donc, pour assurer sa pérennité, faire appel à de la main d'oeuvre dont le nombre peut varier en fonction des périodes d'activité, voire au jour le jour ; que les variations soudaines de production correspondent précisément à l'accroissement temporaire d'activité ; elle ajoute qu'il est possible dans le secteur d'activité de l'hôtellerie et de la restauration, dont elle relève, de recourir à des contrats à durée déterminée d'usage et que l'article 15 de la convention collective applicable prévoit expressément le recours au travail temporaire ; toutefois, il n'est pas contesté par la société Newrest que l'emploi d'agent de dressage (à savoir le dressage des plateaux repas) qui était occupé par Mme [K] [J] fait partie intégrante de son activité normale et permanente puisqu'elle a pour activité la préparation et l'acheminement des plateaux repas à bord des avions, ce qui exclut la conclusion d'un contrat d'usage et il est d'ailleurs constant que ce n'est pas ce type de contrat qui a été conclu avec Mme [K] [J] ; que l'ensemble des autres éléments que fait valoir la société Newrest sont tous relatifs à son activité habituelle laquelle, comme elle l'explique, est constamment variable si bien que l'accroissement d'activité n'a aucun caractère temporaire ; son recours à l'intérim pour des emplois d'agent de dressage de plateaux repas, qui font partie de son activité normale et permanente, répond à un besoin structurel de main d'oeuvre ; en conséquence, dès lors qu'elle ne démontre pas que l'accroissement d'activité dont elle se prévaut avait pour origine des prestations supplémentaires et inhabituelles, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a requalifié l'ensemble des missions en un seul contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 31 mars 2006 ; que sur le rappel de salaires, Mme [K] [J] prétend qu'au cours des périodes interstitielles séparant deux missions, elle est restée à la disposition de l'employeur et sollicite en conséquence un rappel de salaires sur la base d'un plein temps pendant la période non prescrite du 2 mai au 8 décembre 2008 ; qu'il ressort des pièces produites (bulletins de paie, attestation Pole emploi) que pendant cette période, un peu moins de 6 mois, Mme [K] [J] a accompli 27 missions pour le compte de la société Newrest, pour des durées allant de un jour à un mois et pour un nombre d'heures quotidiennes variables, ces missions étant séparées de quelques jours et qu'elle n'a jamais refusé une seule d'entre elles ; ce rythme l'empêchait de travailler pour un autre employeur et l'obligeait de se tenir effectivement et constamment à la disposition de la société Newrest si bien qu'il convient de faire droit à sa demande de rappel de salaires à ce titre ; que compte tenu du montant de son salaire brut horaire (8,99 Euros) Mme [K] [J] aurait dû percevoir, pour un travail à temps plein, un salaire brut mensuel de 1.363,51 Euros soit, pour une période de 7 mois, la somme de 9.544,57 Euros ; il convient, après déduction des sommes effectivement payées pendant cette période, de faire droit à la demande de rappel de salaires et les congés payés afférents, le jugement étant réformé sur ce point ; que sur les conséquences de la requalification, en vertu de l'article L. 1251-41 du code du travail, lorsqu'il est fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui est accordé une indemnité, à la charge de l'entreprise utilisatrice, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [K] [J] une somme de 1.363,51 Euros qui constitue une juste réparation de son préjudice ; que le contrat de travail ayant été rompu à l'issue de la dernière mission d'intérim, cette rupture, du fait de la requalification et en l'absence d'engagement de la procédure et de motivation du licenciement, est un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il convient de confirmer le jugement sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement, lesquelles, du fait de la requalification, sont conformes à l'ancienneté de Mme [K] [J] et au montant de sa rémunération ; que le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture, en application de l'article L 1235-3 adapté à la situation de Mme [K] [J] sera confirmé ;

Alors 1°) que l'action en requalification de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice se prescrit par cinq ans à compter du terme du dernier contrat de la période en cause ; qu'en l'espèce, Mme [K] [J] a travaillé au sein de la société Newrest France d'abord selon plusieurs contrats au cours d'une première période du 31 mars 2006 au 28 avril 2007, et après une période d'interruption de près de 14 mois, au cours d'une seconde période du 16 juin 2008 au 8 décembre 2008 ; qu'en retenant que l'action en requalification des contrats de mission introduite le 2 mai 2013 était recevable, y compris pour la période achevée le 28 avril 2007, cependant que la prescription quinquennale était acquise pour cette période dès le 28 avril 2012, de sorte que seule était recevable l'action en requalification des contrats conclus au cours de la second période du 16 juin 2008 au 8 décembre 2008, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-40 du code du travail, 2222 et 2224 du code civil ;

Alors 2°) que l'entreprise utilisatrice ne peut recourir au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre ; qu'elle peut en revanche recourir au travail temporaire pour des tâches liées à l'activité normale et permanente de l'entreprise qui présentent un caractère imprévisible et temporaire et ne traduisent pas un besoin structurel de main d'oeuvre ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'emploi d'agent de dressage (des plateaux repas) occupé par Mme [K] [J] faisait partie de l'activité normale et permanente de la société Newrest qui avait pour activité la préparation et l'acheminement de plateaux repas à bord des avions, et en déduire que le recours à l'intérim pour des emplois d'agent de dressage faisait, toujours, partie de son activité normale et permanente et donc « répond à un besoin structurel de main d'oeuvre », sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si les tâches confiées à Mme [K] [J] ne présentaient pas un caractère imprévisible et temporaire exclusif d'un besoin structurel de main d'oeuvre, dès lors que le nombre d'agents de dressage travaillant variait considérablement chaque jour, établissant ainsi le caractère éminemment fluctuant de son activité et le caractère temporaire de l'emploi occupé par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5, L. 1251-5 et L. 1250-40 du code du travail ;

Alors 3°) que l'accroissement temporaire d'activité peut résulter d'une surcharge non exceptionnelle de l'activité habituelle de l'entreprise, limitée dans le temps et dont la survenance n'est pas prévisible ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que l'activité de la société Newrest était constamment variable, si bien que l'accroissement d'activité n'avait aucun caractère temporaire et que la société ne démontrait pas un accroissement d'activité ayant pour origine des prestations supplémentaires et inhabituelles, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ne subissait pas des surcharges d'activité qui même non exceptionnelles et situées dans le champ de son activité habituelle étaient limitées dans le temps et dont la survenance était imprévisible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-5, L. 1251-6 et L. 1250-40 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Newrest à payer à Mme [K] la somme de 5 436,94 € à titre de rappel des salaires consécutifs à la requalification, les congés payés y afférents, et condamné la société Newrest à délivrer divers documents ;

Aux motifs que sur le rappel de salaires, Mme [K] [J] prétend qu'au cours des périodes interstitielles séparant deux missions, elle est restée à la disposition de l'employeur et sollicite en conséquence un rappel de salaires sur la base d'un plein temps pendant la période non prescrite du 2 mai au 8 décembre 2008 ; qu'il ressort des pièces produites (bulletins de paie, attestation Pole emploi) que pendant cette période, un peu moins de mois, Mme [K] [J] a accompli 27 missions pour le compte de la société Newrest, pour des durées allant de un jour à un mois et pour un nombre d'heures quotidiennes variables, ces missions étant séparées de quelques jours et qu'elle n'a jamais refusé une seule d'entre elles ; ce rythme l'empêchait de travailler pour un autre employeur et l'obligeait de se tenir effectivement et constamment à la disposition de la société Newrest si bien qu'il convient de faire droit à sa demande de rappel de salaires à ce titre ; que compte tenu du montant de son salaire brut horaire (8,99 Euros) Mme [K] [J] aurait dû percevoir, pour un travail à temps plein, un salaire brut mensuel de 1.363,51 Euros soit, pour une période de 7 mois, la somme de 9.544,57 Euros ; il convient, après déduction des sommes effectivement payées pendant cette période, de faire droit à la demande de rappel de salaires et les congés payés afférents, le jugement étant réformé sur ce point ;

Alors que le travailleur temporaire engagé par plusieurs contrats de mission et dont le contrat de travail est requalifié en contrat à durée indéterminée le liant à l'entreprise utilisatrice ne peut prétendre à rappel de salaire au titre des périodes non travaillées entre plusieurs missions que s'il établit s'être effectivement tenu à la disposition de l'entreprise pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les circonstances qu'en un peu moins de 6 mois, Mme [K] [J] avait accompli 27 missions pour le compte de la société Newrest France, pour des durées d'un jour à un mois et un nombre d'heures quotidiennes variables, séparées de quelques jours et qu'elle n'avait jamais refusé une seule d'entre elles, inopérantes pour caractériser en quoi Mme [K] [J] s'était tenue effectivement à la disposition permanente de la société Newrest France pendant ces périodes pour effectuer un travail et accueillir sa demande de rappel de salaires pour les périodes interstitielles, la cour d'appel a privé a décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1251-40 et L. 1251-41 du code du travail, 1134 et 1315 devenus 1103 et 1353 du code civil.

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