1 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-19.113

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00838

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er décembre 2021




Rejet


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 838 F-D

Pourvoi n° P 20-19.113




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

M. [S] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-19.113 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société La Redoute, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [Y], de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société La Redoute, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2020), M. [Y] a travaillé comme photographe pour la société de vente par correspondance La Redoute depuis 1991.

2. Reprochant à la société La Redoute une rupture brutale de la relation commerciale établie, sans lettre de rupture et sans préavis, au mois de novembre 2015, M. [Y] l'a assignée en réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que le fait de rompre une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée des relations commerciales, constitue une rupture brutale engageant la responsabilité de son auteur ; que la cour d'appel a relevé que la société La Redoute avait, à partir de 2015, cessé de passer toute commande de photos auprès de M. [Y] sans pour autant constater que celle-ci lui avait préalablement notifié la rupture en lui laissant un préavis suffisant ; qu'il en résultait que la société La Redoute avait brutalement rompu la relation commerciale établie avec M. [Y] depuis vingt-cinq ans ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

2°/ que la rupture d'une relation commerciale établie doit être notifiée de manière non équivoque et être précédée d'un préavis suffisant ; qu'en relevant, pour exclure le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie avec M. [Y], que la société La Redoute lui avait indiqué, dans une lettre du 26 février 2013, que le niveau des commandes de photos pour les catalogues serait susceptible" d'être réduit à partir de janvier 2014 et qu'il lui paraissait important d'assurer à son partenaire un délai de prévenance optimal afin de lui permettre de lancer une démarche de recherche d'autres clients ou encore que par une lettre du 19 novembre 2014, la société La Redoute avait annoncé à M. [Y] que le niveau des commandes de "shoots photos" allait être réduit à partir de 2015, cependant que ces lettres ne faisaient nullement état d'une intention claire et non équivoque de la société La Redoute de mettre un terme définitif à la relation commerciale établie avec M. [Y] depuis vingt-cinq ans, ni d'un délai de préavis défini, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

3°/ que le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie n'exclut pas son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis ; qu'en affirmant que le changement radical dans les prestations commandées", ayant conduit la société La Redoute à mettre un terme à toute commande de photos à partir de 2015, n'était pas imprévisible", la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie avec l'exposant, en violation de l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

4°/ que à moins qu'elles soient constitutives d'un cas de force majeure, les difficultés économiques rencontrées par un opérateur économique ne dispensent pas ce dernier, lorsqu'il décide de mettre un terme aux relations commerciales établies avec un partenaire commercial, de l'obligation de lui notifier préalablement la rupture et de lui laisser un délai de préavis suffisant eu égard à la durée de leurs relations ; que pour exclure le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie avec M. [Y], la cour d'appel s'est fondée sur la baisse de chiffre d'affaires subie par la société La Redoute à compter de l'exercice 2004-2005 ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi cette baisse de chiffre d'affaires constituait un cas de force majeure, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

5°/ que la partie qui conclut à la confirmation du jugement entrepris sans énoncer de moyen nouveau est réputée s'en approprier les motifs, de sorte que la cour d'appel qui infirme ce jugement doit en réfuter les motifs déterminants ; qu'au cas d'espèce, pour infirmer le chef du jugement ayant jugé que la société La Redoute avait rompu de façon brutale les relations commerciales établies avec M. [Y], dont ce dernier sollicitait la confirmation, la cour d'appel a retenu que la remise en question, à compter de 2015, de la totalité des prestations attachées à la réalisation des catalogues imprimés s'expliquait par le changement de modèle économique dans la vente à distance, davantage tournée vers la vente en ligne ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs des premiers juges suivant lesquels l'évolution des techniques de communication ne constituait pas un cas de force majeure justifiant une rupture immédiate de la relation, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

6°/ que la notification de la rupture de la relation commerciale établie assortie de l'octroi d'un préavis suffisant doit être préalable à la rupture et implique le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures pendant la durée du préavis ; qu'en affirmant que la circonstance que La Redoute ait écrit à M. [Y] la lettre du 8 mai 2016 prévoyant la fin des relations commerciales au 31 décembre 2017, alors que les commandes avaient déjà cessé depuis plusieurs mois" était indifférente", cependant qu'elle caractérisait, tout au contraire, la brutalité de la rupture à défaut, précisément, d'avoir été précédée d'une notification assortie d'un délai de préavis suffisant, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt relève d'abord que, de 2008 à 2013, la société La Redoute a connu un résultat d'exploitation annuel très fortement déficitaire atteignant, pour l'année 2013, 85 millions d'euros, que son effectif moyen est passé de 5 153 à 2 612 salariés et que son chiffre d'affaires annuel était de 1 172 187 600 euros en 2010 puis de 1 025 531 400 euros en 2012. Il retient que ces baisses sont dues à la crise du modèle économique de la vente par correspondance au moyen d'un « catalogue papier », qui faisait l'objet d'investissements coûteux, notamment en photographies soignées pour la présentation des articles, incluant un nombre significatif des clichés à forte valeur ajoutée, avec mise en situation élaborée des marchandises. L'arrêt constate ensuite que la société La Redoute a informé M. [Y], par lettres des 26 février 2013 et 19 novembre 2014, que le contexte économique imposait une réduction du nombre de photographies destinées au « catalogue papier » et un développement des photographies destinées au site internet, la société La Redoute ayant quitté un modèle économique obsolète de vente à distance, entré dans une crise grave de nature à entraîner la disparition de l'entreprise et fondé sur un coûteux catalogue imprimé, pour se tourner vers un autre modèle de vente à distance fondé sur l'internet. Il relève encore que lors d'un entretien du 3 décembre 2015, la société La Redoute a demandé à M. [Y] de réaliser une prestation différente de l'année précédente, en s'alignant sur une offre concurrente, ce qu'il a refusé, proposant un niveau de prix peu compétitif. Il relève enfin que M. [Y] ne bénéficiait d'aucune clause d'exclusivité ni d'aucun engagement sur le niveau des commandes.

5. En l'état de ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que la société La Redoute, qui avait procédé à des ruptures partielles dûment annoncées et qui n'a totalement rompu la relation qu'après que son partenaire avait refusé de s'adapter aux nouvelles exigences du marché sur lequel elle intervenait, et dès lors que le partenaire commercial n'a pas un droit à une relation inchangée et ne peut refuser toute adaptation commandée par l'évolution économique, la cour d'appel a pu retenir, sans avoir à caractériser les éléments constitutifs de la force majeure, que l'arrêt des commandes de photographies destinées au « catalogue papier » par la société La Redoute à M. [Y], inhérente à un marché en crise, n'engageait pas la responsabilité de celle-ci.

6. Le moyen, inopérant en ses première, deuxième, troisième, cinquième et sixième branches, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y] et le condamne à payer à la société La Redoute la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [Y].

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. [Y] de ses demandes en dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU' «à l'appui de sa demande, M. [Y] soutient essentiellement et en droit, que l'absence d'écrit fait présumer la brutalité de la rupture, tout comme la cessation de toute commande, tandis qu'une résiliation à effet immédiat et sans justification présente un caractère brutal appelant réparation ; que M. [Y] fait valoir, en fait, qu'au mois de novembre 2015, La Redoute a, de manière imprévisible, cessé de passer commande sans l'en informer et sans qu'aucun écrit notifiant la rupture ne lui ait été adressé ; que M. [Y] indique que la lettre du 8 mai 2016 prévoyant la fin des relations commerciales au 31 décembre 2017 ne peut avoir pour effet de régulariser l'illégalité flagrante de la rupture qui lui a été imposée, d'autant plus que la rupture est consommée depuis le mois de novembre 2015 ; que toutefois, la Cour relève qu'il est établi par les extraits des comptes de La Redoute que celle-ci a connu un résultat d'exploitation annuel très fortement déficitaire de 2008 à 2013 atteignant, pour cette dernière année, une perte d'exploitation de l'ordre de 85 millions d'euros ; que sur la même période, l'effectif moyen de l'entreprise est passé de 5.153 salariés à 2.612 salariés ; que significativement, le chiffre d'affaires annuel de La Redoute, de 1.172.187.600 euros en 2010 est passé à 1.135.539.000 euros en 2011, et à 1.025.531.400 euros en 2012 ; que cette situation s'explique par la crise du modèle économique qui avait fait le succès de l'entreprise, celui de la vente par correspondance au moyen d'un catalogue papier, vecteur de la notoriété de l'enseigne et support traditionnel des commandes des consommateurs ; que dans le modèle ainsi remis en question, le catalogue faisait l'objet d'investissements coûteux, notamment en photographies soignées pour la présentation des articles, incluant un nombre significatif de clichés à forte valeur ajoutée, avec mise en situation élaborée des marchandises ; qu'or, M. [Y] est précisément un photographe publicitaire spécialisé dans les clichés dits "still life", qu'il explique lui-même en présentant son activité que son objectif professionnel est de "sublimer les objets pour procurer une expérience émotionnelle aux clients et prospects" ; que de plus en plus apprécié au fil du temps par la société La Redoute, M. [Y] a reçu des commandes de ce partenaire commercial depuis 1991, dépassant avec lui un chiffre d'affaires de 100.000 euros au cours de l'exercice 1996-1997 (M. [Y] arrête son exercice comptable au 30 septembre de chaque année), de 200.000 euros en 1999-2000 et de 300.000 euros en 2003-2004 ; que cette progression quasiment continue tout au long de ces années s'est inversée à partir de l'exercice 2011-2012, après une baisse brutale, en dessous de 200.000 euros (soit 163.711 euros contre 228.705 euros lors de l'exercice précédent) ; que lors de l'exercice 2015-2016, ce chiffre d'affaires est repassé en dessous de 100.000 euros ; qu'alors que le chiffre d'affaires est repassé en dessous de 300.000 euros puis, lors de l'exercice 2011-2012, après une baisse brutale, en dessous de 200.000 euros (soit 163.711 euros contre 228.705 euros lors de l'exercice précédent) ; qu'alors que le chiffre d'affaires annuel de M. [Y] avec La Redoute avait déjà fortement baissé, ce donneur d'ordre lui a écrit le 26 février 2013 pour l'éclairer sur le niveau d'activité prévisible et pour lui indiquer que le contexte économique difficile avait déterminé sa décision de réduire fortement le nombre de page du catalogue pour les saisons prochaines ; que La Redoute a précisé dans cette lettre : "…nous vous indiquons dès à présent que le niveau de commandes de photos pour les catalogues que nous avions avec vous est susceptible d'être réduit à partir de janvier 2014…il nous paraissait aujourd'hui important de vous assurer un délai de prévenance optimale afin de vous permettre de lancer une démarche de recherche d'autres clients" ; que cette lettre est à mettre en relation avec les chiffres d'affaires suivants réalisés par M. [Y] avec La Redoute : 163.711 en 2011-2012, 166.627 euros en 2012-2013, 188.513 euros en 2013-2014 et 129.366 euros en 2014-2015, cet exercice ayant marqué une dernière baisse brutale ; que par lettre du 19 novembre 2014, la société La Redoute a écrit à nouveau à M. [Y] pour lui annoncer que le niveau de commandes de "shoots photos" allait être réduit à partir de 2015 et pour lui dire qu'elle avait décidé de "mettre en place un studio photos en interne pour le shooting du prêt à porter web" ; qu'il résulte d'un courriel du 24 décembre 2015 adressé par M. [Y] à des interlocuteurs de La Redoute que, le 18 novembre 2015, le donneur d'ordres l'avait convoqué pour un entretien le 3 décembre suivant, afin de faire le point sur la collaboration "web", et qu'au cours de cet entretien, il lui avait été demandé une prestation différente de l'année précédente, avec un travail supplémentaire sur le rendu, pour le prix de laquelle il lui avait été suggéré de s'aligner sur une offre concurrente à 37 euros ; que ce courriel établit non seulement que le prestataire a refusé de se soumettre au test de cette nouvelle prestation qui était demandée par le donneur d'ordre, le prestataire ayant sur ce point fait valoir l'ancienneté de la relation, gage selon lui suffisant d'adaptation technique à cette nouvelle demande, et a proposé d'y répondre au tarif de 52 euros par visuel ; que cependant, La Redoute produit la proposition des photographes concurrents [W] et [U] qui, en réponse à une demande du 4 décembre 2015, offrent de faire les prise de vue textiles pour internet, sans cintre sur fonds gris avec ombre, frais de préparation inclus, au prix de 42,50 euros HT ; qu'il doit être ainsi retenu que M. [Y] a effectué une offre de prestation à un niveau de prix peu compétitif, en réponse aux besoins nouveaux et impérieux de La Redoute pour après 2015, marqués par la décision de s'adapter aux nouvelles conditions de la vente à distance ; qu'or M. [Y], sollicité de longue date par La Redoute pour des photographies destinées au catalogue traditionnel, produit un tableau de l'évolution du nombre des photographies qu'il a réalisées pour ce donneur d'ordre (sa pièce n° 31) ; que ce document démontre qu'il n'a été sollicité que pour des photographies pour catalogues ("print") jusqu'en 2015, année au cours de laquelle on ne lui a plus demandé, au contraire, que des photographies pour internet ("web") ; que c'est vainement que M. [Y] affirme qu'à partir de 2008/2009 (mais ses conclusions, page 4/20 figurent un point d'interrogation au sujet de ces dates) les photographies étaient destinées aussi bien au web qu'au papier, dès lors qu'est indifférente la circonstance que des photographies réalisées pour l'impression dans le catalogue puissent être utilisées également sur internet ; qu'en effet, il est constant que les photographies uniquement destinées à l'internet sont beaucoup moins coûteuses pour le donneur d'ordre (55 euros contre 99 euros, selon les propres écritures de M. [Y]) ; que ce qui importe, en l'espèce, c'est que La Redoute a quitté un modèle économique obsolète de vente à distance, entré dans une crise grave de nature à entraîner la disparition de l'entreprise et fondé sur un coûteux catalogue imprimé, pour se tourner vers un autre modèle de vente à distance fondé sur l'internet ; que La Redoute a pu ainsi, sans commettre le délit de rupture brutale de relation commerciale établie :

- d'une part et dès 2012, réduire ainsi qu'elle l'a fait le montant des commandes auprès du prestataire, puisque ce donneur d'ordres connaissait lui-même une forte diminution de ses ventes,

- d'autre part, à partir de 2015 et non sans en avoir averti le prestataire de manière à lui permettre de réorienter son activité, remis en question la totalité des prestations les plus coûteuses attachées au catalogue imprimé, lesquelles constituaient la totalité du chiffre d'affaires généré par la relation commerciale litigieuse ;

qu'ainsi, au cours de l'année 2015, le changement radical dans les prestations commandées, qui n'a pas procédé d'une stratégie volontaire de La Redoute, mais qui, sans avoir été ni imprévisible, ni soudain, ni violent, a constitué un inconvénient imposé à M. [Y] par le changement de modèle économique dans la vente à distance, a constitué une rupture non fautive de la relation commerciale établie, au terme de laquelle le donneur d'ordre a recouvré sa liberté à l'égard du prestataire, qui ne bénéficiait d'aucune clause d'exclusivité ni d'aucun engagement sur le niveau des commandes ; que peu importe à cet égard que, d'une manière générale, le nouveau modèle économique a continué de requérir l'usage de photographies, en plus ou moins grande quantité, dès lors qu'il s'est agi de prestations distinctes et de bien moindre coût que celles qui avaient exclusivement constitué, jusqu'à ce changement, la demande de services de La Redoute envers M. [Y] ; que ne peut donc davantage être imputée à la faute du donneur d'ordre la circonstance que, à cause de ce changement de modèle économique, les prestations de moindre ambition réservées à l'internet qui, désormais, étaient les seules utiles à La Redoute, ont fait de sa part l'objet de la recherche de solutions alternatives, peu important que ce soit en sollicitant une offre de services à moindre coût ou en internalisant la prestation en cause ; que ce fut, par conséquent, sans faute du donneur d'ordres que celui-ci a finalement choisi de ne plus solliciter M. [Y] à compter de la fin de l'année 2015 ; que la circonstance que La Redoute ait écrit à M. [Y] la lettre du 8 mai 2016 prévoyant la fin des relations commerciales au 31 décembre 2017, alors que les commandes avaient déjà cessé depuis plusieurs mois, est donc indifférente en l'espèce ; qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être réformé et que M. [Y] doit être débouté de toutes ses demandes indemnitaires » ;

1°/ ALORS QUE le fait de rompre une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée des relations commerciales, constitue une rupture brutale engageant la responsabilité de son auteur ; que la cour d'appel a relevé que la société La Redoute avait, à partir de 2015, cessé de passer toute commande de photos auprès de M. [Y] sans pour autant constater que celle-ci lui avait préalablement notifié la rupture en lui laissant un préavis suffisant ; qu'il en résultait que la société La Redoute avait brutalement rompu la relation commerciale établie avec M. [Y] depuis 25 ans ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

2°/ ALORS QUE la rupture d'une relation commerciale établie doit être notifiée de manière non équivoque et être précédée d'un préavis suffisant ; qu'en relevant, pour exclure le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie avec M. [Y], que la société La Redoute lui avait indiqué, dans une lettre du 26 février 2013, que le niveau des commandes de photos pour les catalogues serait « susceptible » d'être réduit à partir de janvier 2014 et qu'il lui paraissait important d'assurer à son partenaire un délai de prévenance optimal afin de lui permettre de lancer une démarche de recherche d'autres clients (cf. arrêt p. 4, dernier § et p. 5, §1) ou encore que par une lettre du 19 novembre 2014, la société La Redoute avait annoncé à M. [Y] que le niveau des commandes de "shoots photos" allait être réduit à partir de 2015 (cf. arrêt p. 5, §3), cependant que ces lettres ne faisaient nullement état d'une intention claire et non équivoque de la société La Redoute de mettre un terme définitif à la relation commerciale établie avec M. [Y] depuis 25 ans, ni d'un délai de préavis défini, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

3°/ ALORS QUE le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie n'exclut pas son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis ; qu'en affirmant que « le changement radical dans les prestations commandées », ayant conduit la société La Redoute à mettre un terme à toute commande de photos à partir de 2015, n'était pas « imprévisible » (cf. arrêt p. 6, §3), la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie avec l'exposant, en violation de l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

4°/ ALORS QU' à moins qu'elles soient constitutives d'un cas de force majeure, les difficultés économiques rencontrées par un opérateur économique ne dispensent pas ce dernier, lorsqu'il décide de mettre un terme aux relations commerciales établies avec un partenaire commercial, de l'obligation de lui notifier préalablement la rupture et de lui laisser un délai de préavis suffisant eu égard à la durée de leurs relations ; que pour exclure le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie avec M. [Y], la cour d'appel s'est fondée sur la baisse de chiffre d'affaires subie par la société La Redoute à compter de l'exercice 2004-2005 ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi cette baisse de chiffre d'affaires constituait un cas de force majeure, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;

5°/ ALORS QUE la partie qui conclut à la confirmation du jugement entrepris sans énoncer de moyen nouveau est réputée s'en approprier les motifs, de sorte que la cour d'appel qui infirme ce jugement doit en réfuter les motifs déterminants ; qu'au cas d'espèce, pour infirmer le chef du jugement ayant jugé que la société La Redoute avait rompu de façon brutale les relations commerciales établies avec M. [Y], dont ce dernier sollicitait la confirmation, la Cour d'appel a retenu que la remise en question, à compter de 2015, de la totalité des prestations attachées à la réalisation des catalogues imprimés s'expliquait par le changement de modèle économique dans la vente à distance, davantage tournée vers la vente en ligne (cf. arrêt p. 6, § 1 et §4) ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs des premiers juges suivant lesquels l'évolution des techniques de communication ne constituait pas un cas de force majeure justifiant une rupture immédiate de la relation (cf. jugement p. 7, §8), la Cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

6°/ ALORS QUE la notification de la rupture de la relation commerciale établie assortie de l'octroi d'un préavis suffisant doit être préalable à la rupture et implique le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures pendant la durée du préavis ; qu'en affirmant que « la circonstance que La Redoute ait écrit à M. [Y] la lettre du 8 mai 2016 prévoyant la fin des relations commerciales au 31 décembre 2017, alors que les commandes avaient déjà cessé depuis plusieurs mois » était « indifférente » (cf. arrêt p. 6, §7), cependant qu'elle caractérisait, tout au contraire, la brutalité de la rupture à défaut, précisément, d'avoir été précédée d'une notification assortie d'un délai de préavis suffisant, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.

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