1 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-10.956

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100764

Titres et sommaires

REGIMES MATRIMONIAUX - Communauté entre époux - Actif - Substitut de revenus - Aide personnalisée au logement - Versement direct à l'organisme prêteur - Absence d'influence

L'aide personnalisée au logement accordée à l'acquéreur d'un bien affecté à sa résidence principale, selon la composition et les ressources de son foyer, constitue pour son bénéficiaire un substitut de revenus, de sorte que celle-ci entre en communauté, peu important qu'elle soit versée directement à l'organisme prêteur

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er décembre 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 764 F-B

Pourvoi n° X 20-10.956








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-10.956 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2019 par la cour d'appel de Colmar (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [L] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 octobre 2019), un arrêt a prononcé le divorce de M. [I] et de Mme [O], mariés sous le régime de la communauté légale.

2. Des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [O] fait grief à l'arrêt de dire que le montant de la récompense due par elle à la communauté doit inclure celui des aides personnalisées au logement, de fixer cette récompense à un certain montant et de rejeter ses autres prétentions, alors :

« 1°/ que l'aide personnalisée au logement, obtenue par un époux avant le mariage et versée directement à l'organisme prêteur qui en a déduit le montant des mensualités de remboursement du prêt finançant l'acquisition d'un bien propre, n'entre pas dans le patrimoine commun et n'ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1404, 1437 et 1469 du code civil ;

2°/ en tout état de cause, que la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont à la charge de la jouissance de ces biens sans que leur paiement avec des fonds communs ne donne droit à récompense au profit de la communauté ; que dès lors en jugeant que Mme [O] devait récompense au profit de la communauté de l'aide personnalisée au logement après avoir pourtant relevé que cette aide avait pour finalité d'alléger les frais de logement qui sont une charge qui incombe à la communauté, la cour d'appel a violé les articles 1401, 1403, 1433, 1437, 1469 et 1479 du code civil, ensemble les articles. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté, par motifs propres, que la communauté s'était acquittée du remboursement de l'emprunt contracté par Mme [O] pour l'acquisition d'un bien propre ayant servi de logement familial.

6. Elle a retenu à bon droit, tant par motifs propres qu'adoptés, que l'aide personnalisée au logement accordée à l'acquéreur d'un bien affecté à sa résidence principale, selon la composition et les ressources de son foyer, constitue pour son bénéficiaire un substitut de revenus, de sorte que celle-ci entre en communauté, peu important qu'elle soit versée directement à l'organisme prêteur.

7. Elle en a exactement déduit que l'aide personnalisée au logement versée directement par la caisse d'allocations familiales à l'organisme de crédit ayant consenti le prêt ne pouvait être soustraite de la récompense due par Mme [O] à la communauté au titre de la fraction en capital des échéances dont celle-ci s'était acquittée.

8. Le moyen, inopérant en sa seconde branche en ce qu'il critique un motif surabondant, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. Mme [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de récompense au titre du véhicule, alors « qu'un véhicule acquis pendant le mariage est un acquêt de la communauté, en sorte que son attribution en propre à l'un des époux ouvre droit à récompense au profit de la communauté ; qu'en jugeant que M. [I] ne devait pas récompense à la communauté du prix d'achat du véhicule Toyota, acquis en août 1997, pendant le mariage, au motif que ce véhicule n'aurait pas été payé au moyen de deniers communs, mais à l'aide d'un prêt dont les échéances auraient été remboursées par lui, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ces remboursements avaient été effectués avec des fonds propres ou communs, a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1401, 1402 et 1469 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1402, alinéa 1er, du code civil :

10. Aux termes de ce texte, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi.

11. Pour rejeter la demande de récompense au profit de la communauté, l'arrêt retient que le véhicule n'a pas été payé au moyen de deniers communs, mais financé grâce à un prêt pour lequel M. [I] a contracté une assurance et dont il a réglé les échéances.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher la nature propre ou commune des fonds employés au paiement des échéances durant le mariage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de récompense de Mme [O] au titre du véhicule, l'arrêt rendu le 22 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [O].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a dit que le calcul de la récompense due par Mme [O] à la communauté devait inclure le montant des APL, D'AVOIR fixé le montant de la récompense due par Mme [O] à la communauté à la somme de 49 980,02 € et D'AVOIR débouté Mme [O] de ses autres prétentions ;

AUX MOTIFS QUE « Mme [Z] [O] soutient que les montants versés au titre de l'aide personnalisée au logement concernant le prêt conventionné constituent des fonds propres, au motif que l'emprunt immobilier a été contracté par elle seule avant le mariage soit en 1985, qu'elle seule en a été bénéficiaire (les documents établis à ce titre tant par l'établissement bancaire créancier que par la Caisse d'Allocations Familiales n'ayant été adressés qu'à elle, y compris pendant le mariage), que les montants ont été versés non pas à la communauté, mais directement à l'établissement prêteur, et que les montants en cause n'ont pas le caractère de revenus, car ils ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu.

Aux termes de l'article 1404 alinéa 1 du code civil « Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. ».

En vertu des dispositions de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, l'aide personnalisée au logement est accordée au titre de la résidence principale, et son domaine comprend notamment les logements occupés par leurs propriétaires, construits, acquis ou améliorés, à compter du 5 janvier 1977, au moyen de formes spécifiques d'aides de l'Etat ou de prêts, notamment au propriétaire qui est titulaire de l'un des prêts définis par les articles R. 331-32 et suivants et qui supporte les charges afférentes à ce prêt.

Conformément à l'article L. 351-9 du code de la construction et de l'habitation, l'A.P.L. est versée directement à l'établissement prêteur.

Les ressources prises en compte pour le calcul de l'A.P.L. sont celles perçues par la personne qui demande l'A.P.L., son conjoint, concubin, partenaire pacsé, et toutes les autres personnes vivant habituellement au foyer c'est-à-dire celles qui y résident depuis plus de 6 mois au moment de la demande ou au début de la période de versement de l'allocation.

L'A.P.L. a pour finalité d'alléger les frais de logement, qui sont une charge du mariage qui incombe à la communauté, et elle est censée remédier à une insuffisance de revenus. Comme l'a retenu le premier juge, elle constitue donc un substitut de revenus et doit à l'évidence, à ce titre, tomber en communauté.

Outre la motivation du premier juge que la cour reprend pour sienne, il convient de relever que si Mme [Z] [O] se prévaut de ce que l'allocation est l'accessoire du prêt conventionné, et affirme qu'elle était seul emprunteur du prêt conventionné, en alléguant dans ses écritures que « Monsieur [I] affirme pour la première fois avoir été co-emprunteur du prêt immobilier, mais n'en apporte strictement aucune preuve », cette affirmation est inopérante puisqu'il a d'ores et déjà été retenu dans l'arrêt précité du 21 juin 2012 que M. [I] est co-emprunteur depuis le 22 décembre 2016.

Si Mme [Z] [O] se rapporte par ailleurs aux dispositions de la convention temporaire qui excluaient la prise en considération de l'A.P.L. pour les remboursements des échéances du prêt conventionné, elle ne peut valablement soutenir que M. [I] ne peut revenir sur un consentement donné dans le cadre d'une convention élaborée au cours d'une procédure de divorce par consentement mutuel qui n'a pas prospéré.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu le caractère commun des A.P.L. versées directement à l'organisme de crédit, et en ce qu'il a retenu qu'il n'y a pas lieu de déduire les montants dont la communauté était bénéficiaire et par là-même a été appauvrie, de la récompense due par Mme [O] à la communauté sur la base d'un remboursement du prêt conventionné à hauteur de 21 800 euros ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « En l'espèce, il est constant que Mme [O] avait souscrit antérieurement au mariage feux emprunts en vue de financer la construction de son immeuble, à hauteur respectivement de 420 000 francs et de 46 000 francs et il n'est pas contesté que la communauté a remboursé ces emprunts et est fondée à invoquer un droit à récompense à ce titre.

Ces emprunts ont également été remboursés au moyen de l'allocation personnalisée au logement versée directement par la caisse d'allocation familiale à l'organisme prêteur.

L'allocation personnalisée de logement étant nécessairement calculée en fonction e la situation financière de son bénéficiaire et de la consistance de la famille, elle doit être regardée comme un substitut de revenus, de sorte qu'un caractère commun doit être retenu.

Le versement direct de cette prestation à l'organisme prêteur ne fait pas obstacle à son entrée dans l'actif de la communauté.

Par suite, il n'y pas lieu de déduire les montants versés au titre de l'allocation personnalisée de logement du montant de la récompense due par Mme [O] à la communauté » ;

ALORS QUE l'aide personnalisée au logement, obtenue par un époux avant le mariage et versée directement à l'organisme prêteur qui en a déduit le montant des mensualités de remboursement du prêt finançant l'acquisition d'un bien propre, n'entre pas dans le patrimoine commun et n'ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1404, 1437 et 1469 du code civil ;

ALORS, en tout état de cause, QUE la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont à la charge de la jouissance de ces biens sans que leur paiement avec des fonds communs ne donne droit à récompense au profit de la communauté ; que dès lors en jugeant que Mme [O] devait récompense au profit de la communauté de l'aide personnalisée au logement après avoir pourtant relevé que cette aide avait pour finalité d'alléger les frais de logement qui sont une charge qui incombe à la communauté, la cour d'appel a violé les articles 1401, 1403, 1433, 1437, 1469 et 1479 du code civil, ensemble les articles.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé le montant de la récompense due par Mme [O] à la communauté à la somme de 49 980,02 € ;

AUX MOTIFS QUE « Il convient donc de retenir la valeur du bien à la date du mariage, fin 1986, soit non pas 58 200, mais 97 000 euros, étant rappelé que la période de remboursement des emprunts par la communauté court à compter du 1er janvier 1987 jusqu'au 10 juillet 1998.

Si Mme [O] se prévaut par ailleurs de la valeur du bien en 1998, date de la jouissance divise, M. [I] rappelle à juste titre que la valorisation s'effectue à la date du partage.

La cour retient en conséquence que le calcul de la récompense, selon la règle du profit subsistant, tient compte des montants remboursés tels que chiffrés ci-avant, de la valeur du bien à la date du mariage (fin 1986), et de la valeur actuelle du bien, soit :

- pour le prêt AIADC :
748,88 x 215 000 =1 659,88 euros
97 000
- pour le prêt conventionné :

21 800,25 x 215 000 = 48 320,14 euros
97 000

Le montant total de la récompense due par Mme [O] à la communauté est en conséquence de 49 980,02 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens » ;

ALORS QUE le profit subsistant, auquel s'élève la récompense dont est redevable un époux pour l'acquisition d'un bien propre à l'aide de deniers communs, doit être calculé compte tenu de la valeur du bien fixée au jour de la date de la jouissance divise choisie par les parties ; qu'en déterminant la récompense due par Mme [O] à la communauté en prenant en compte la valeur actuelle du bien et non la valeur à la date de jouissance divise convenue entre les parties, la cour d'appel a violé les articles 1437, 1467 et 1469 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande de récompense au titre du véhicule automobile ;

AUX MOTIFS QUE « Mme [Z] [O] prétend que M. [I] doit une récompense à la communauté à hauteur d'un montant de 18 420 euros au titre de l'attribution d'un véhicule commun Toyota.

Mme [O] se rapporte à l'appui de ses prétentions à la convention temporaire datée du 20 mars 1998 (son annexe 6), aux termes de laquelle les parties ont convenu du partage anticipé d'une partie de leur actif, soit notamment de leurs véhicules Toyota pour Mme le modèle Corola (année 1990) et pour M. le modèle Picnic (année 1998), et d'une partie de leur passif concernant notamment la prise en charge par M. [I] des échéances du prêt de 100 000 francs contracté sur sept ans et ayant permis de financer l'achat de ce véhicule Toyota Picnic.

Il ressort toutefois de ce document que le véhicule en cause a été payé non pas au moyen de deniers communs, comme l'allègue Mme [O], mais que son achat a été financé par un prêt pour lequel M. [I] a contracté une assurance le 1er août 1997 (annexe 8 de Mme [O]), et dont les échéances ont été payées par M. [I].

La cour relève par ailleurs que si Mme [O] prétend à une récompense due par M. [I] pour le prix d'achat de ce véhicule, elle indique dans ses écritures qu'elle-même "aurait consenti une avance de 3 048,98 e' pour ce véhicule, après avoir prétendu auprès du premier juge que l'achat avait été financé par des fonds propres, sous forme d'un chèque émis par les parents de l'épouse.

En l'état des données du débat soumises à la cour, le bien fondé des prétentions de Mme [O] n'est pas démontré, et celles-ci seront également rejetées à hauteur d'appel » ;

ALORS QU'un véhicule acquis pendant le mariage est un acquêt de la communauté, en sorte que son attribution en propre à l'un des époux ouvre droit à récompense au profit de la communauté ; qu'en jugeant que M. [I] ne devait pas récompense à la communauté du prix d'achat du véhicule Toyota, acquis en août 1997, pendant le mariage, au motif que ce véhicule n'aurait pas été payé au moyen de deniers communs, mais à l'aide d'un prêt dont les échéances auraient été remboursées par lui, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ces remboursements avaient été effectués avec des fonds propres ou communs, a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1401, 1402 et 1469 du code civil.

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