17 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-25.149

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01296

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Durée hebdomadaire - Modulation - Accord de modulation - Application - Conditions - Détermination - Portée

L'accord de modulation qui relève de l'organisation collective du travail est, sauf disposition contractuelle contraire, applicable au salarié engagé postérieurement à sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Durée hebdomadaire - Modulation - Accord de modulation - Application - Accord du salarié - Défaut - Conditions - Engagement du salarié postérieur à la mise en oeuvre de l'accord - Portée

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 novembre 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1296 FS-B sur le premier moyen


Pourvois n°
D 19-25.149
X 20-16.223 JONCTION








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 NOVEMBRE 2021

1°/ la société Holding mondial protection, société par actions simplifiée, anciennement SAS Mondial protection,

2°/ la société Mondial protection France, société par actions simplifiée, venant aux droits de la société Holding mondial protection,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

ont formés respectivement les pourvois n° D 19-25.149 et X 20-16.223 contre le même arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans les litiges les opposant :

1°/ à M. [B] [B], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi Normandie, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation identiques annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Holding mondial protection et Mondial protection France, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [B], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 19-25.149 et X 20-16.223 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 septembre 2019), M. [B] a été engagé par contrat du 19 octobre 2007 à la vacation en qualité d'agent de sécurité confirmé par la société Mondial protection, aux droits de laquelle est venue la société Holding mondial protection et désormais la société Mondial protection France en suite d'une opération d'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions.

3. Par avenant du 7 mai 2008, le salarié est passé à temps complet.

4. Le 4 juin 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail ainsi que d'une demande de résiliation judiciaire.

5. Il a démissionné le 17 juillet 2013.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens des pourvois, pris en leur première branche

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Holding mondial protection et Mondial protection France ( les sociétés) font grief à l'arrêt de condamner la société Holding mondial protection à verser des dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause et de repos, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, une somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 et à supporter les dépens, alors « que les salariés engagés après l'instauration, par accord collectif, d'une modulation du temps de travail sont soumis à celle-ci dès lors que leur contrat de travail n'y déroge pas, peu important l'absence de mention de l'accord collectif dans le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le contrat de travail du 19 octobre 2007 prévoyait au titre de la rémunération et de la durée du travail une modulation du temps de travail dans le respect de la durée moyenne annuelle de 35 heures ; qu'en jugeant cependant que la modulation mise en place par l'accord collectif du 30 mars 2001 ne s'appliquait pas au salarié au prétexte que le contrat de travail ne faisait pas référence à cet accord, la cour d'appel a violé l'article L. 212-8 du code du travail devenu article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 212-8 devenu l'article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et l'accord Mondial protection sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 30 mars 2001 :

7. Selon le premier de ces textes, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1607 heures.

8. Il résulte du deuxième de ces textes que les accords conclus en application de l'article L. 3122-9 du code du travail restent en vigueur.

9. Pour condamner l'employeur à verser des dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause et de repos, un rappel de salaire outre congés payés afférents au titre des heures supplémentaires ainsi qu'une certaine somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos, l'arrêt retient que le contrat de travail du 19 octobre 2007 ne faisait pas référence à l'accord d'entreprise du 30 mars 2001, mais prévoyait, au titre de la rémunération et de la durée du travail, une modulation du temps de travail dans le respect de la durée moyenne annuelle de 35 heures de travail effectif, ce nombre d'heures étant réparti en fonction des plannings et vacations du site. Il ajoute que l'avenant de passage à temps complet, de même que l'avenant relatif à la qualification, renvoient sur ce chapitre aux clauses du contrat initial.

10. L'arrêt relève que l'employeur verse aux débats un avenant au contrat de travail du 15 décembre 2011 aux termes duquel il était prévu : « pour tout ce qui concerne la durée du travail il sera fait application des dispositions prévues à l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 30 mars 2001 pour le personnel direct. Cet accord a été renégocié avec les organisations syndicales le 4 novembre 2011 avec une prise d'effet au 1er janvier 2012. L'aménagement du temps de travail découlant de l'application de cet accord d'entreprise, le salarié ne saurait se prévaloir d'une organisation autre que celle ainsi définie, ce qu'il accepte expressément. Ainsi toute modification dudit accord ne pourra être considérée comme une modification du contrat de travail » et constate que cet avenant n'a pas été signé par le salarié.

11. L'arrêt précise que l'article L. 3122-6 du code du travail instauré par l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, n'est pas applicable à la cause, la décision de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail ayant été prise avant publication de cette loi.

12. L'arrêt déduit de l'ensemble de ces éléments que dès lors, l'employeur en l'absence de signature de l'avenant de modification du contrat de travail, ne pouvait opposer au salarié les dispositions de l'accord d'établissement du 4 juillet 2011 dont il ne démontre pas qu'elles lui étaient plus favorables que les dispositions contractuelles qu'il entendait modifier, que de plus, les mentions relatives à l'organisation du temps de travail figurant au contrat du 19 octobre 2007 sont trop imprécises pour permettre de considérer qu'elles renvoient à l'accord d'entreprise de 2001, en sorte que les demandes présentées par le salarié doivent être examinées au regard des dispositions de la convention collective et du code du travail.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la modulation avait été mise en œuvre par l'employeur avant l'engagement du salarié et que le contrat de travail ne comportait pas de dérogation à cette organisation collective du travail applicable dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur les deuxièmes et troisièmes moyens des pourvois, pris en leur première branche, réunis

Enoncé du moyen

14. Par leur deuxième moyen, les sociétés font grief à l'arrêt de condamner la société Holding mondial protection à verser des dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt du chef du travail dissimulé, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

15. Par leur troisième moyen, les sociétés font grief à l'arrêt de requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société Holding mondial protection à verser des sommes en conséquence et de la débouter de sa demande de préavis, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a, sur la base essentiellement du non-paiement des heures supplémentaires, requalifié la démission de M. [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [B] des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés y afférents, et en ce qu'il a ordonné à la société Holding mondial protection de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités et débouté la société de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

16. La cassation du premier moyen, emporte la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif se rapportant à la condamnation de la société Holding mondial protection à verser des dommages-intérêts pour travail dissimulé, à la requalification de la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la condamnation de la société Holding mondial protection à verser des sommes en conséquence et au rejet de sa demande préavis, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie la démission de M. [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la société Holding mondial protection à verser à M. [B] 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause et de repos, 19 313,57 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires outre congés payés afférents, 751,31 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 797,64 euros à titre d'indemnité de licenciement, 3 268,44 euros à titre de rappel d'indemnité de préavis outre congés payés afférents, 9 805,33 euros de dommages-intérêts pour travail dissimulé, déboute la société Holding mondial protection de sa demande au titre du préavis et de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonne à la société Holding mondial protection de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, condamne la société Holding mondial protection à verser une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des dépens, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un.

Le conseiller referendaire rapporteur le president






Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens identiques produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Holding mondial protection, demanderesse au pourvoi n° D 19-25.149, et la société Mondial protection France, demanderesse au pourvoi n° X 20-16.223


PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [B] les sommes de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect des temps de pause et de repos, 19 313,57 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires outre 1 931,35 euros au titre des congés payés afférents, 751,31 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, et 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS QUE « sur les règles applicables : Pour s'opposer aux demandes au titre des heures supplémentaires, l'employeur invoque les dispositions de l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 30 mars 2001 instituant une modulation du temps de travail ainsi que l'accord d'établissement sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail du 4 juillet 2011. Le salarié fait valoir qu'il n'a jamais eu connaissance de l'existence d'un tel accord, qu'il n'a pas signé l'avenant au contrat de travail du 15 décembre 2011, qu'il n'est pas justifié du dépôt de l'accord auprès du conseil de prud'hommes de Caen et auprès de l'inspection du travail, qu'il n'a jamais bénéficié d'un état mensuel de ses horaires et d'un entretien annuel relatif au temps de travail et au temps de repos, que par conséquent cet accord ne lui est pas opposable et qu'il a poursuivi sa prestation sur une base hebdomadaire de 35 heures. Il fonde ses demandes sur les dispositions de la convention collective notamment l'accord du 18 mai 1993 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail et celles du code du travail (article L . 3121-22, L. 3121-10). Un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié sans son accord exprès, seules les mesures plus favorables pouvant se substituer aux clauses du contrat. En l'espèce, le contrat de travail du 19 octobre 2007 ne fait pas référence à l'accord d'entreprise du 30 mars 2001, mais prévoyait, au titre de la rémunération et de la durée du travail, une modulation du temps de travail dans le respect de la durée moyenne annuelle de 35 heures de travail effectif, ce nombre d'heures étant réparti en fonction des plannings et vacations du site, sans plus de précisions. L'avenant de passage à temps complet, de même que l'avenant relatif à la qualification, renvoient sur ce chapitre aux clauses du contrat initial. La société verse aux débats un avenant au contrat de travail du 15 décembre 2011 aux termes duquel il était prévu : « pour tout ce qui concerne la durée du travail il sera fait application des dispositions prévues à l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 30 mars 2001 pour le personnel direct. Cet accord a été renégocié avec les organisations syndicales le 4 novembre 2011 avec une prise d'effet au 1er janvier 2012. L'aménagement du temps de travail découlant de l'application de cet accord d'entreprise, le salarié ne saurait se prévaloir d'une organisation autre que celle ainsi définie, ce qu'il accepte expressément. Ainsi toute modification dudit accord ne pourra être considérée comme une modification du contrat de travail ». Or cet avenant n'a pas été signé par le salarié. L'article L. 3122-6 du code du travail instauré par l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, n'est pas applicable à la cause, la décision de mise en oeuvre effective de modulation du temps de travail ayant été prise avant publication de cette loi. Dès lors, l'employeur, en l'absence de signature de l'avenant de modification du contrat de travail, ne peut opposer au salarié les dispositions de l'accord d'établissement du 4 juillet 2011 dont il ne démontre pas qu'elles lui étaient plus favorables que les dispositions contractuelles qu'il entendait modifier. De plus, les mentions relatives à l'organisation du temps de travail figurant au contrat du 19 octobre 2007 sont trop imprécises pour permettre de considérer qu'elles renvoient à l'accord d'entreprise de 2001, au demeurant elles ne pourraient concerner que les règles applicables aux salariés engagés à la vacation ce qui n'était plus le cas de M. [B]. Il convient par conséquent d'étudier les demandes de M. [B] au visa de la convention collective et du code du travail. Sur le temps de pause et de repos : M. [B] soutient que les plannings étaient souvent modifiés au dernier moment ce qui explique les surcharges et ratures, qu'ils ne respectaient pas l'accord du 18 mai 1993 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail et les articles L. 3132-2 et L. 3171-4 du code du travail puisque, à de nombreuses reprises, le temps de repos entre deux postes de travail ainsi que le temps de pause n'ont pas été respectés. Il ajoute que le non-respect des durées du travail impacte l'état de santé des salariés et augmente les risques d'accident. La société répond que les plannings surchargés et raturés par le salarié sont dépourvus de valeur probante, seules les mentions imprimées étant celles des plannings tels qu'elle les a transmis au salarié et que ce dernier n'a jamais formulé aucune contestation de ce chef. Il importe de rappeler que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne, qui incombe au seul employeur. L'article L. 3132-33 du code du travail, qui est la transposition de la directive européenne de 1003/88 CE dispose que « dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur ». L'article 2 de l'accord du 18 mai 1993 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail prévoit que le temps de repos entre deux services ne peut être inférieur à 12 heures et que 24 heures de repos doivent être prévues après 48 heures de travail. L'article 3 du même texte dispose que le temps de pause visé à l'article L. 3121-33 du code du travail est porté à 30 minutes continues (départ/retour poste) et que ce temps est rémunéré et assimilé à du temps de travail effectif. [B] Enfin, selon l'article L. 3132-2 du code du travail le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre premier. Il y a lieu de constater que M. [B] ne sollicite pas le paiement des temps de pause mais des dommages et intérêts pour violation des règles sur le temps de pause et le temps de repos. La société, en se bornant à critiquer la valeur probante des plannings produits par le salarié, renverse la charge de la preuve et ne démontre pas qu'elle a respecté les règles ci-dessus rappelées en la matière. Les plannings versés aux débats ne portent mention d'aucun temps de pause, les bulletins de salaire ne mentionnent pas non plus de temps de pause rémunérés. La lecture des plannings montre également un manquement à la réglementation sur le temps de repos de 24 heures imposé après 48 heures de travail. Au vu de ces éléments et du préjudice en résultant pour la santé du salarié, il y a lieu de condamner la société à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef. (…) Sur les heures supplémentaires : Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient, cependant, à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. L'article L. 3243-3 du même code énonce que l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Le salarié calcule le nombre d'heures supplémentaires et le montant de la contrepartie de celles-ci selon les règles énoncées à l'article L. 3121-22 du code du travail. La cour ne dispose pas d'élément permettant de considérer que le temps de travail était aménagé par période selon les dispositions facultatives de l'article 2 de l'accord du 18 mai 1993 ni, a fortiori, sur la durée de ses périodes, en conséquence il n'y a pas lieu d'appliquer les modalités de calcul des heures supplémentaires prévues à l'article 6 de l'accord susvisée mais l'article L. 3121-22 du code du travail. Le salarié verse aux débats l'essentiel de ses plannings pour la période d'avril 2008 à décembre 2012, les feuilles de présence des agents et les bulletins de paie correspondant. Ces plannings comportent des mentions dactylographiées ainsi que des mentions manuscrites correspondant à des ajouts, des suppressions ou des corrections. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre. Or, celui-ci qui conteste la validité des plannings surchargés et donc critique la fiabilité de ces éléments, ne produit aucun élément de nature à établir précisément les horaires réalisés par le salarié. La cour a ainsi acquis la conviction que M. [B] a réalisé sur la période d'avril 2008 à décembre 2012 le nombre d'heures supplémentaires réclamé. En considération du taux horaire non contesté, des règles de majorations fixées par l'article L. 3121-22 du code du travail dans sa version applicable au litige, la société sera condamnée à payer au salarié les sommes de 19 313,57 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 1 931,35 euros au titre des congés payés. (…) Sur les demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos : Dès lors qu'à la demande de l'appelant, la cour écarte l'application de l'accord de 2011 à la relation contractuelle, ce dernier ne peut solliciter que soit retenu le contingent d'heures qui y est mentionné. En application de l'article 18 IV de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et des articles L. 3121-11 et suivants du code du travail dans leur version applicable au litige, les heures effectuées au delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. La contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. Selon la convention collective, et en application de l'article D. 3121-24 du code du travail, le contingent annuel d'heures supplémentaires qui doit être pris en compte est de 329. M. [B] n'ayant pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire sous forme de repos en 2010 et 2011 alors que le contingent était dépassé, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, celle-ci comportant à la fois le montant de l'indemnité de contrepartie obligatoire sous forme de repos et le montant de l'indemnité de congés payés afférents. Compte-tenu du nombre de salariés dans l'entreprise et du taux horaire de rémunération de M. [B], ce dernier est fondé à solliciter la somme de 751,31 euros bruts. »,

1. ALORS QUE les salariés engagés après l'instauration, par accord collectif, d'une modulation du temps de travail sont soumis à celle-ci dès lors que leur contrat de travail n'y déroge pas, peu important l'absence de mention de l'accord collectif dans le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (p. 6, § 4) que le contrat de travail du 19 octobre 2007 prévoyait au titre de la rémunération et de la durée du travail une modulation du temps de travail dans le respect de la durée moyenne annuelle de 35 heures ; qu'en jugeant cependant que la modulation mise en place par l'accord collectif du 30 mars 2001 ne s'appliquait pas au salarié au prétexte que le contrat de travail ne faisait pas référence à cet accord, la cour d'appel a violé l'article L. 212-8 du code du travail devenu article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

2. ALORS QU'une clause du contrat de travail reste applicable tant qu'elle n'a pas été modifiée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail du 19 octobre 2007 prévoyait au titre de la rémunération et de la durée du travail une modulation du temps de travail dans le respect de la durée moyenne annuelle de 35 heures et que l'avenant de passage à temps complet renvoyait sur ce chapitre aux clauses du contrat initial (arrêt, p. 6, § 4) ; que dès lors, la modulation du temps de travail continuait à s'appliquer au salarié, l'accord collectif du 30 mars 2001 s'appliquant à tous les salariés de l'entreprise, qu'ils travaillent à la vacation ou à temps complet, de sorte qu'en affirmant au contraire que les stipulations du contrat de travail du 19 octobre 2007 prévoyant une modulation du temps de travail ne pouvaient concerner que les règles applicables aux salariés engagés à la vacation, ce qui n'était plus le cas de M. [B], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 212-8 du code du travail devenu article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et l'accord collectif du 30 mars 2001.


DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [B] les sommes de 9 805,33 € à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé et 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié. Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Au vu de l'importance des manquements relatifs au paiement du temps de travail accompli, la preuve du caractère intentionnel du manquement de l'employeur est établie ce qui justifie sa condamnation au paiement de la somme de 9 805,33 euros »,

1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt du chef du travail dissimulé, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2. ALORS en toute hypothèse QUE la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; qu'en se bornant à énoncer qu'au vu de l'importance des manquements relatifs au paiement du temps de travail accompli, la preuve du caractère intentionnel du manquement de l'employeur était établie, sans rechercher si ce dernier n'avait pas simplement appliqué de bonne foi le régime de modulation mis en place dans l'entreprise, prévu par accord collectif, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé l'élément intentionnel du travail dissimulé et a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.


TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié la démission de M. [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [B] les sommes de 10 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 797,64 € à titre d'indemnité de licenciement, 3 268,44 € à titre de rappel d'indemnité de préavis et 326,84 € au titre des congés payés y afférents, et 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, d'AVOIR ordonné à la société Holding mondial protection de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités, et d'AVOIR débouté la société de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,

AUX MOTIFS QUE « 2/ Sur la rupture du contrat de travail : M. [B] fait valoir que les manquements de l'employeur (sanction pécuniaire prohibée, non paiement des heures supplémentaires, manquements aux temps de repos et au temps de pause) justifient la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de la société. Cette dernière répond que dès lors que le salarié a démissionné avant même d'attendre la décision du conseil de prud'hommes, il n'y a pas lieu de statuer sur une demande de résolution judiciaire ; que la démission a été donnée librement de sorte qu'elle ne peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, à titre subsidiaire, les griefs invoqués n'étant ni sérieux ni fondés, la résolution du contrat de travail ne saurait être prononcée à ses torts et que, très subsidiairement, il conviendra de diminuer le montant des dommages et intérêts qui pourrait être alloué. Le salarié peut obtenir du conseil de prud'hommes la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquements de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Si au moment où le juge statue, le salarié a démissionné, l'action devient sans objet mais le salarié peut obtenir réparation si les griefs invoqués sont établis. Si le salarié demande la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture le juge doit prendre en considération les manquements de l'employeur invoqués à l'appui de la demande de résiliation. En l'espèce, la démission de M. [B] est équivoque en ce qu'il écrit : « Je fais suite aux derniers événements intervenus après l'audience de conciliation : refus de congés acceptés verbalement, contrôle systématique, harcèlement' je ne peux poursuivre ma prestation de travail dans ces conditions. Je suis contraint de démissionner de mon contrat de travail compte tenu du contexte de travail. » Les manquements de l'employeur sont avérés ainsi qu'il a été dit plus haut (non-respect des temps de pause et des temps de repos, non paiement intégral des heures supplémentaires) et sont suffisamment graves pour justifier la requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera par conséquent infirmé de ce chef. Le salarié peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés et indemnité de licenciement) mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement. Ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement, non contestés dans leur quantum, seront précisés au dispositif de l'arrêt. Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. [B] est en droit de solliciter l'indemnisation de son préjudice né de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la cause. Ne justifiant pas de sa situation postérieure à sa démission, au vu de son ancienneté il lui sera alloué la somme de 10 000 euros. Cette solution conduit à rejeter la demande reconventionnelle de la société tendant au paiement d'une indemnité de préavis »,

1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a, sur la base essentiellement du non-paiement des heures supplémentaires, requalifié la démission de M. [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [B] des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés y afférents, et en ce qu'il a ordonné à la société Holding mondial protection de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités et débouté la société de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis ;

2. ALORS QUE la prise d'acte de la rupture n'est justifiée qu'en cas de manquement suffisamment grave qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à énoncer que les manquements de l'employeur étaient avérés (non-respect des temps de pause et des temps de repos, non-paiement intégral des heures supplémentaires) et étaient suffisamment graves pour justifier la requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi ces manquements, anciens, avaient rendu impossible la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1237-2 du code du travail.
Le greffier de chambre

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