17 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.336

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01294

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Succession de contrats à durée déterminée - Validité - Conditions - Délai de carence - Respect - Exclusion - Cas - Détermination

Lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail autorisent la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, sans qu'il y ait lieu à application d'un délai de carence. Dès lors, viole le texte susvisé la cour d'appel qui requalifie en un contrat à durée indéterminée quatre contrats à durée déterminée successivement conclus par un même salarié en remplacement de quatre salariés absents au motif qu'un délai de carence n'avait pas été appliqué entre ces contrats

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Qualification donnée au contrat - Demande de requalification - Requalification par le juge - Exclusion - Cas - Succession de contrats pour remplacement de salariés absents - Conditions - Détermination

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Cas de recours autorisés - Absence d'un salarié - Conditions - Absence temporaire - Définition - Portée

Texte de la décision

SOC.

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 novembre 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1294 FS-B

Pourvoi n° U 20-18.336






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 NOVEMBRE 2021

La société Argedis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-18.336 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [O] [G] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Argedis, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2020) et les pièces de la procédure, M. [G] [G] a été engagé en qualité d'assistant de vente par la société Proseca aux droits de laquelle vient la société Argedis, suivant quatre contrats à durée déterminée successifs à compter du 5 juillet 2011. Victime, le 26 décembre 2011, d'une agression sur son lieu de travail, il a été mis en arrêt pour accident du travail.

2.Le 4 juillet 2017, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappel de salaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture de ce contrat requalifié était nulle, d'ordonner la réintégration du salarié et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification et de rappels de salaire, alors « que le code du travail – dans sa version applicable aux faits de l'espèce, antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et à l'ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017 – distingue nettement l'hypothèse de contrats de travail à durée déterminée "successifs avec le même salarié", régie par ses articles L. 1244-1 à L. 1244-2, laquelle couvre notamment le cas des contrats successifs conclus avec un même salarié en remplacement de différents salariés absents (article L. 1244-1 du code du travail), de celle des contrats de travail à durée déterminée "successifs sur le même poste ", régie par ses articles L. 1244-3 à L. 1244-4, laquelle couvre notamment le cas des contrats successifs conclus avec un même salarié en remplacement d'un seul et même salarié faisant l'objet d'une nouvelle absence (article L. 1244-4 du code du travail) ; que dès lors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que l'employeur avait conclu avec le salarié, au cours des années 2011 et 2012, successivement quatre contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement de quatre salariés absents distincts, ces contrats devaient être regardés comme étant exclusivement régis par l'article L. 1244-1 du code du travail ; qu'en retenant au contraire que s'appliquaient à ces contrats les articles L. 1244-3 à L. 1244-4 du code du travail et que l'employeur aurait dû, en conséquence, respecter entre chacun des contrats conclus le délai de carence prévu à l'article L. 1244-3 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1244-1 du code du travail, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1244-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

4.Selon ce texte, les dispositions de l'article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans le cas du remplacement d'un salarié absent ou d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu.

5. Pour requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire la rupture de la relation de travail nulle et condamner l'employeur à diverses sommes, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1244-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, que le délai de carence de l'article L. 1244-3 du même code n'est pas applicable notamment lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé. Il relève que les quatre contrats souscrits visent des remplacements de quatre salariés absents distincts, le premier du 5 juillet au 15 août 2011, le second du 16 août au 12 septembre 2011, le troisième du 13 septembre au 2 octobre avec prolongation pour le même salarié jusqu'au 4 novembre, et le dernier du 16 novembre au 30 novembre prolongé pour le même salarié jusqu'au 12 décembre, puis jusqu'au 31 janvier 2012. Il en déduit que le délai de carence devait s'appliquer entre ces contrats pour les différents salariés remplacés de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée est acquise en application des dispositions de l'article L. 1245-1 du même code.

6. En statuant ainsi, alors que lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail autorisent la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, sans qu'il y ait lieu à application d'un délai de carence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les demandes de dommages-intérêts pour violation des obligations de formation et de sécurité rattachées à l'accident du travail doivent être formées devant le tribunal judiciaire, l'arrêt rendu le 3 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [G] [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Argedis ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Argedis

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR requalifié les contrats à durée déterminée ayant lié monsieur [G] [G], salarié, à la société Argedis, employeur, en un contrat à durée indéterminée, dit que la rupture de ce contrat de travail ainsi requalifié était nulle, ordonné la réintégration de monsieur [G] [G] au sein de la société Argedis au poste qu'il occupait avant la rupture du contrat de travail ou à un poste équivalent et condamné la société Argedis à payer au salarié les sommes de 2.000 € d'indemnité prévue à l'article L. 1245-2 du code du travail, de 10.000 € de rappel de salaire, à titre provisionnel, sur les salaires dus entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration effective et de 190 € de rappel de salaire pour la période du 11 au 15 novembre 2011 ;

1°/ ALORS QUE le code du travail – dans sa version applicable aux faits de l'espèce, antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 et à l'ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017 – distingue nettement l'hypothèse de contrats de travail à durée déterminée « successifs avec le même salarié », régie par ses articles L. 1244-1 à L. 1244-2, laquelle couvre notamment le cas des contrats successifs conclus avec un même salarié en remplacement de différents salariés absents (article L. 1244-1 du code du travail), de celle des contrats de travail à durée déterminée « successifs sur le même poste », régie par ses articles L. 1244-3 à L. 1244-4, laquelle couvre notamment le cas des contrats successifs conclus avec un même salarié en remplacement d'un seul et même salarié faisant l'objet d'une nouvelle absence (article L. 1244-4 du code du travail) ; que dès lors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que l'employeur avait conclu avec le salarié, au cours des années 2011 et 2012, successivement quatre contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement de quatre salariés absents distincts (arrêt, p. 2, in fine), ces contrats devaient être regardés comme étant exclusivement régis par l'article L. 1244-1 du code du travail ; qu'en retenant au contraire que s'appliquaient à ces contrats les articles L. 1244-3 à L. 1244-4 du code du travail et que l'employeur aurait dû, en conséquence, respecter entre chacun des contrats conclus le délai de carence prévu à l'article L. 1244-3 du code du travail (arrêt, p. 2, § 11, p. 3 § 1), la cour d'appel a violé l'article L. 1244-1 du code du travail, par refus d'application ;

2°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les articles L. 1244-3 à L. 1244-4 du code du travail ne s'appliquent qu'en l'état de contrats de travail à durée déterminée successifs portant sur le même poste de travail ; qu'en appliquant néanmoins ces textes au cas d'espèce, sans caractériser une identité entre les postes de travail successivement occupés par le salarié au titre des quatre contrats de travail conclus avec l'employeur au cours des années 2011 et 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1244-3 du code du travail ;

3°/ ALORS, ENFIN, QUE la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs de manière ininterrompue avec un même salarié pour remplacer successivement plusieurs salariés distincts absents, est légale ; qu'il n'en va autrement que lorsqu'est caractérisé un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir durablement un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en retenant cependant que l'employeur n'aurait pas pu valablement conclure successivement quatre contrats de travail à durée déterminée différents avec monsieur [G] [G] en vue de remplacer quatre salariés absents distincts, sans rechercher si la conclusion de ces quatre contrats de travail successifs aurait été de nature à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1244-1 du code du travail.

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