10 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.529

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01250

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Arrêt des poursuites individuelles - Effets - Déclaration de créance - Reprise de l'instance - Office du juge

Dès lors que, dans le cadre d'une instance en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective, une cour d'appel constate que les organes de la procédure étaient dans la cause, il lui appartenait de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif de la procédure collective, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 novembre 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1250 FS-B

Pourvoi n° F 20-14.529




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021

M. [T] [M], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 20-14.529 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [H], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'Entreprise Vavavoom,

2°/ à l'AGS CGEA [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [M], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 novembre 2019), M. [M] a été engagé en qualité de conseiller clientèle puis de chef d'équipe au sein d'une agence de location de véhicule, exploitée en dernier lieu par la société Vavavoom (la société). Le 22 décembre 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

3. Par jugement du 1er septembre 2017, le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et l'a condamné à verser au salarié diverses sommes au titre de la rupture. L'employeur a interjeté appel le 6 octobre 2017.

4. La société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 9 novembre 2017, la société [H] étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 625-3 du code de commerce :

6. Il résulte de ce texte que les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective étant poursuivies en présence des organes de la procédure ou ceux-ci dûment appelés, la demande en paiement d'une créance résultant d'un contrat de travail, antérieure au jugement d'ouverture est recevable dès lors que la juridiction prud'homale en est saisie avant l'ouverture de la procédure, et qu'après celle-ci, elle doit, après mise en cause des organes de la procédure, statuer sur son bien fondé et, le cas échéant, constater l'existence de la créance et en fixer le montant au passif de la procédure collective.

7. Pour déclarer irrecevables les demandes du salarié en paiement, l'arrêt retient que du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la société, le salarié ne pouvait que réclamer la fixation de sa créance à son passif, à l'exclusion de toute condamnation visant cette personne morale.

8. En statuant ainsi, alors qu'ayant constaté que le liquidateur judiciaire de la société était dans la cause, il lui appartenait de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes en paiement d'un préavis, du salaire impayé en raison d'une mise à pied et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société [H], en sa qualité de liquidateur de la société Vavavoom, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [H], en sa qualité de liquidateur de la société Vavavoom, à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [M]


Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes du salarié en paiement d'un préavis, du salaire impayé en raison d'une mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents.

AUX MOTIFS QUE l'article L. 622-21 du code du commerce, auquel renvoie l'article L. 641-3 au cas d'une liquidation judiciaire, pose le principe selon lequel le jugement d'ouverture de la procédure collective interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de l'EURL Vavavoom, le salarié ne pouvait que réclamer la fixation de sa créance à son passif, à l'exclusion de toute condamnation visant cette personne morale.

1° ALORS QUE le juge qui entend relever d'office la fin de non recevoir tirée de ce que les créances se heurtent à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles doit au préalable inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en faisant d'office application de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles pour reprocher au salarié d'avoir sollicité la condamnation de l'Eurl Vavavoom placée en liquidation judiciaire, sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16, alinéa 3, du code de procédure civile

2° ALORS en tout état de cause QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en déclarant irrecevables les demandes du salarié en ce qu'elles étaient dirigées contre le débiteur, l'Eurl Vavavoom, quand celui-ci demandait à ce que les condamnations prononcées en première instance contre la société Vavavoom soient déclarées opposables au liquidateur judiciaire, ce dont il résultait qu'il demandait la fixation des créances afférentes au passif de la procédure collective, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.