9 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-82.533

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CR01326

Titres et sommaires

INSTRUCTION - expertise - ordonnance aux fins d'expertise - notification aux avocats des parties - dérogation - insuffisance de motivation - nullité - condition - allégation et établissement d'un grief

Lorsque l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations ne sont pas suffisamment explicités pour justifier l'absence de transmission aux parties d'une ordonnance de commission d'expert conformément aux dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale, l'annulation de cette ordonnance et des opérations subséquentes est subordonnée au fait que la partie requérante justifie que l'impossibilité de solliciter l'adjonction d'un expert ou que l'énoncé de la mission de l'expert désigné ont porté atteinte à ses intérêts. Si c'est à tort que la chambre de l'instruction énonce que l'absence de transmission de l'ordonnance de commission d'expert n'a pas porté atteinte aux droits de la défense, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que le demandeur n'a pas établi ni même allégué l'existence d'un grief résultant de l'absence de transmission de cette ordonnance

Texte de la décision

N° U 21-82.533 F- B

N° 01326


GM
9 NOVEMBRE 2021


REJET


M. SOULARD président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 NOVEMBRE 2021



M. [O] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 6 avril 2021, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 14 juin 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme de Lamarzelle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [O] [G], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme de Lamarzelle, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. À la suite de l'ouverture d'une information judiciaire du chef d'homicide volontaire, le juge d'instruction, par ordonnance du 25 mai 2020, a nommé deux experts aux fins de procéder à l'autopsie de la victime. Les conclusions du rapport d'autopsie ont été notifiées aux parties le 14 décembre suivant.

3. Par requête du 20 novembre 2020, M. [G], qui avait été mis en examen du chef de meurtre le [Date décès 1] 2020, a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de l'ordonnance de commission d'expert et du rapport d'expertise.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande en nullité visant l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant une expertise en urgence aux fins d'autopsie, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 161-1 du code de procédure pénale, la désignation d'un expert intervient après une procédure contradictoire permettant aux parties – et notamment au mis en examen de modifier ou compléter la mission de l'expert (les questions posées) ou de modifier ou compléter la désignation même de l'expert (adjonction d'un autre expert) ; que la violation de ces dispositions et la méconnaissance du contradictoire qu'elles édictent emportent par elles-mêmes la violation des droits de la défense ; qu'il ne peut y être dérogé qu'en cas d'urgence et lorsque les opérations d'expertise ne peuvent être différées pendant le délai de dix jours imparti pour la procédure contradictoire de l'article 161-1, § 1, ou de risque d'entrave à l'accomplissement des investigations ; qu'en l'absence de l'une ou de l'autre de ces conditions, l'absence du respect de la procédure de l'article 161-1 du code de procédure pénale constitue en elle-même une atteinte aux droits de la défense ; que la chambre de l'instruction qui ne constate aucune des hypothèses dérogatoires de l'article 161-1, § 3, du code de procédure pénale, et se borne à se fonder sur l'attitude du mis en examen après le dépôt du rapport (absence de demande de contre-expertise) pour exclure toute atteinte aux droits de la défense, a violé les articles 161-1, 206 et 593 du code de procédure pénale, l'article préliminaire du code de procédure pénale et les droits de la défense ;

2°/ qu'une expertise aux fins d'autopsie ne comporte aucun caractère d'urgence en soi ; que faute d'établir la moindre urgence de nature à justifié le recours à l'article 161-1, § 3, du code de procédure pénale et l'absence du respect de la procédure de l'article 161-1, § 1, du même code, la chambre de l'instruction a encore violé ce texte, outre les droits de la défense. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 161-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction adresse sans délai copie de la décision ordonnant une expertise au procureur de la République et aux parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour lui demander de modifier ou compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts désignés tout expert de leur choix. Il ne peut être dérogé à cette obligation que lorsque les opérations d'expertise et le dépôt des conclusions par l'expert doivent intervenir en urgence et ne peuvent être différés pendant le délai de dix jours susvisé ou lorsqu'il existe un risque d'entrave aux investigations.

6. La Cour de cassation juge que la transmission de l'ordonnance de commission d'expert aux parties est une formalité substantielle, prévue à peine de nullité (Crim., 13 octobre 2009, pourvoi n° 09-83.669, Bull. crim. 2009, n° 167), et que l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations permettant d'y déroger doivent être précisément caractérisés par le juge d'instruction ou par la chambre de l'instruction (Crim., 11 mars 2014, n° 13-86.965, Bull. crim. 2014, n° 71 et Crim., 15 juin 2016, n° 16-80.347, Bull. crim. 2016, n° 185).

7. Il résulte toutefois des articles 802 et 171 du code de procédure pénale que la méconnaissance d'une formalité substantielle n'entraîne la nullité de l'acte vicié que lorsqu'il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne.

8. Ainsi, lorsque l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations ne sont pas suffisamment explicités pour justifier l'absence de transmission aux parties d'une ordonnance de commission d'expert, l'annulation de cette ordonnance et des opérations subséquentes est subordonnée au fait que la partie requérante justifie que l'impossibilité de solliciter l'adjonction d'un expert ou que l'énoncé de la mission de l'expert désigné ont porté atteinte à ses intérêts.

9. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité selon lequel l'ordonnance de commission d'experts aux fins d'autopsie n'a pas été communiquée au demandeur, l'arrêt attaqué retient que les conclusions du rapport d'expertise ont été notifiées à l'intéressé qui n'a pas formulé d'observation ni déposé de demande tendant à une contre-expertise ou un complément d'expertise, de sorte qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense.


10. C'est à tort que la chambre de l'instruction énonce qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense, dès lors que la transmission de l'ordonnance de commission d'expert aux parties prévue par l'article 161-1 du code de procédure pénale a pour objectif de permettre une discussion contradictoire au stade de l'instruction quant à la possibilité d'adjoindre un expert aux experts désignés et au contenu de leur mission.

11. Pour autant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que le demandeur n'a pas établi ni même allégué l'existence d'un grief résultant de l'absence de transmission de cette ordonnance.

12. Ainsi le moyen doit être écarté.

13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt et un.

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