4 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-13.568

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C201004

Titres et sommaires

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Cas - Conclusions de l'appelant - Défaut de notification des conclusions à l'intimé - Irrégularité de forme affectant la notification - Conditions - Annulation de l'acte - Preuve d'un grief

Il résulte des articles 114 et 911 du code de procédure civile que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai requis, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l'invoque, du grief que lui a causé l'irrégularité

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 novembre 2021




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1004 F-P

Pourvoi n° M 20-13.568




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2021

La société Le Bâteau Lavoir, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° M 20-13.568 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2019 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [U] [F], domicilié [Adresse 5]),

2°/ à la société [O] [B], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Le Bateau Lavoir,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Le Bâteau Lavoir, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [F], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 octobre 2019), la société Le Bateau Lavoir (la société) a interjeté appel d'une ordonnance du juge-commissaire d'un tribunal de commerce ayant statué sur une déclaration de créance de M. [F].

2. La déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant ont été signifiées à M. [F] à un domicile élu dont l'adresse était erronée.

3. M. [F] a soulevé la caducité de la déclaration d'appel, faute de signification régulière des conclusions d'appelant dans le délai requis.

Sur le moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors :

« 1°/ que l'irrégularité d'un acte ne peut être sanctionnée qu'au titre des irrégularités de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile ou des irrégularités de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile, sans pouvoir l'être au titre de l'inexistence de l'acte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 114 et 117 du code de procédure civile ;

2°/ que l'erreur, quant à l'adresse du destinataire, constitue une irrégularité de forme, de sorte que la nullité ne peut être prononcée que si le demandeur établit l'existence d'un grief, constaté par le juge dans l'exercice de son pouvoir souverain ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, sans constater que la preuve d'un grief était rapportée eu égard aux circonstances, les juges du fond ont violé l'article 114 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 114 et 911 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ces textes que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai imparti par l'article 911 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l'invoque, du grief que lui a causé l'irrégularité.

6. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que la signification d'un acte à une adresse inexacte correspond à une absence de
signification tant de la déclaration d'appel que des conclusions subséquentes avant l'expiration des délais imposés par les articles 908 et 911 du code de procédure civile et qu'il n'y a pas à rechercher si l'irrégularité a causé ou non un grief à l'intimé dès lors que la sanction, à savoir la caducité, est encourue au titre non pas d'un vice de forme mais de l'absence de signification des actes.

7. En statuant ainsi, alors que les actes de la procédure, signifiés à une adresse erronée, étaient affectés d'un vice de forme susceptible d'entraîner leur nullité sur la démonstration, par M. [F], du grief qu'il lui causait, la cour d'appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel sans que les actes de signification aient été annulés dans les conditions prévues par l'article 114 du code de procédure civile, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate que les époux [H] [F] ne sont pas intervenants volontaires à la présente procédure, l'arrêt rendu le 10 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne M. [F] et la société [O] [B] en qualité de liquidateur de la société Le Bateau Lavoir aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société Le Bateau Lavoir la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Le Bâteau Lavoir

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, confirmant l'ordonnance entreprise, il a déclaré caduque la déclaration d'appel formé par la SARL LE BATEAU LAVOIR contre l'ordonnance du 4 octobre 2017 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la caducité de la déclaration d'appel : Les conclusions de déféré de la SARL Le Bateau Lavoir, enregistrées à la cour le 08-04-2019, sont recevables, car transmises dans le délai de 15 jours suivant la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, conformément aux prescriptions de l'article 916 du code de procédure civile. - Sur le bien-fondé de la caducité, l'article 902 du code de procédure civile dispose que lorsque les intimés n'ont pas constitué avocat dans le délai d'un mois à compter de la lettre envoyée par le greffe, celui-ci avise l'appelant afin qu'il procède à la signification de l'acte d'appel dans le mois de l'avis, et ce à peine de caducité de l'appel. L'article 908 précise qu'à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. L'article 911 ajoute que sous la même sanction, les conclusions doivent être signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avocat. Dans le cas présent, la SARL Le Bateau Lavoir a fait signifier sa déclaration d'appel à l'intimé par acte en date du 13-12-2017 et ses conclusions d'appel par acte en date du 30-01-2018. Ces actes visait le domicile élu par l'intimé chez les époux [H] [F] à [Adresse 2]. Cependant, il est établi et d'ailleurs non contesté que cette adresse était erronée, le numéro du domicile élu étant le 21 et non le 2, l'adresse exacte figurant sur diverses pièces de première instance. L'huissier instrumentaire, Maître [Y], indique au sein ses actes que le destinataire est absent et que le domicile est confirmé par la voisine du rez-de-chaussée droit. . Il précise dans un courrier en date du 18-01-2019 qu'il a procédé à une enquête de voisinage, notamment auprès de la voisine du rez-de-chaussée de l'immeuble qui tient une petite boutique de décoration à l'angle de la rue et que celle-ci lui a confirmé sans hésitation que le nom du destinataire de l'acte lui était connu et lui a précisé que l'entrée de l'immeuble se faisait sur le côté. Manifestement, ces investigations, réduites à l'audition d'une seule personne qui n'a pas confirmé le domicile, se contentant de connaître le nom de l'intimé, n'étaient pas suffisantes puisqu'on réalité aucune personne répondant au nom de [F] n'était domicilié au [Adresse 2]. L'intimé fait ainsi la démonstration que l'acte d'huissier est affecté d'une erreur d'adresse. L'argument selon lequel l'intimé connaissait l'existence de l'appel au travers d'écrits signifiés le 23-02-2018 dans le cadre d'une autre procédure devant une autre juridiction ne saurait, ainsi que l'a justement retenu le conseiller de la mise en état, pallier l'absence de diligences régulières dans la présente procédure. La signification d'un acte à une adresse inexacte correspond à une absence de signification tant de la déclaration d'appel que des conclusions subséquentes avant l'expiration des délais imposés par les articles sus visés. Il n'y a pas à rechercher si l'irrégularité a causé ou non un grief à l'intimé dès lors que la sanction, à savoir la caducité, est encourue au titre non pas d'un vice de forme mais de l'absence de signification des actes.» ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « La SARL le bateau lavoir a fait signifier à monsieur [F] alors non constitué sa déclaration d'appel et ses conclusions remises au greffe le 19 janvier 2018 par actes d'huissier délivrés respectivement le 13 décembre 2017 et le 30 janvier 2018 au domicile élu par l'intimé "chez monsieur et madame [H] [F] [Adresse 2]". Il est établi que cette adresse ne correspond pas à celle déclarée par monsieur [U] [F], située au [Adresse 3] et reprise dans les actes de la procédure de première instance. Alors qu'elle ne conteste pas que ce n'était pas l'adresse déclarée par son contradicteur la SARL le bateau lavoir n'en a pas moins domicilié monsieur [F] au [Adresse 2] dans sa déclaration d'appel et dans ses conclusions déposées au greffe en application de l'article 908 du code de procédure civile et fait signifier l'une et l'autre les 13 décembre 2017 et 30 janvier 2018 à cette dernière adresse. Le caractère erroné de l'adresse de signification étant avéré il s'en déduit que l'huissier de justice instrumentaire qui indique dans son acte que le domicile lui a été confirmé par une voisine, n'a pas procédé aux vérifications suffisantes car si tel était le cas il aurait nécessairement constaté que les époux [H] [F] ne résidaient pas au 2 mais au [Adresse 3]. Maître [Y] se borne d'ailleurs à indiquer dans un courrier du 18 janvier 2019 qu'il a effectivement interrogé "la voisine du rez de chaussée de l'immeuble qui tient une petite boutique de décoration et de bibelots (à l'angle de la rue). Cette dernière m'a confirmé sans hésitation que le nom du destinataire de l'acte lui était connu, m'indiquant par la même occasion que l'entrée de l'immeuble se faisait par le côté", ce qui ne valait pas pour autant preuve que monsieur [F] habitait au numéro [Adresse 2]. La signification à une adresse erronée équivaut à une absence de signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante à l'intimé non constitué dans les délais imposés par les articles 902 et 911 du code de procédure civile. Le fait que monsieur [F] ait eu connaissance de l'existence de l'appel au travers de conclusions qui lui ont été signifiées le 23 février 2018 par les époux [E] dans le cadre d'une autre procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Paris est indifférent et ne peut pallier l'absence de signification régulière de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante à l'adresse déclarée par monsieur [F] dans les délais impartis. Le non-respect de ces délais est sanctionné non par l'irrecevabilité de l'appel mais par la caducité de la déclaration d'appel.» ;

ALORS QUE, PREMIÈREMENT, l'irrégularité d'un acte ne peut être sanctionnée qu'au titre des irrégularités de fond au sens de l'article 117 du Code de procédure civile ou des irrégularités de forme au sens de l'article 114 du Code de procédure civile, sans pouvoir l'être au titre de l'inexistence de l'acte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 114 et 117 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, l'erreur, quant à l'adresse du destinataire, constitue une irrégularité de forme, de sorte que la nullité ne peut être prononcée que si le demandeur établit l'existence d'un grief, constaté par le juge dans l'exercice de son pouvoir souverain ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, sans constater que la preuve d'un grief était rapportée eu égard aux circonstances, les juges du fond ont violé l'article 114 du Code de procédure civile.

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