3 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.006

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100675

Titres et sommaires

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 - Article 3 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 - Compétence en matière de responsabilité parentale - Obligation alimentaire accessoire - Critères spécifiques

Il résulte de l'article 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, et de l'article 3 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires que la compétence internationale en matière de responsabilité parentale dépend d'éléments de fait et de droit distincts de ceux qui commandent la compétence en matière de désunion. Il s'en déduit la compétence à l'égard de la demande d'obligation alimentaire, lorsqu'elle est accessoire à l'action relative à la responsabilité parentale

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 - Article 3 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 - Compétence en matière de responsabilité parentale - Compétence en matière de divorce - Critères distincts

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 novembre 2021




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 675 F-B

Pourvoi n° P 20-12.006

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 juin 2020.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 NOVEMBRE 2021

Mme [R] [P], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-12.006 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant à M. [U] [Z], domicilié [Adresse 2] (Belgique), défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [P], de Me Carbonnier, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 13 novembre 2019), Mme [P], de nationalité française, et M. [Z], de nationalité belge, se sont mariés en France le 2 septembre 1995.

2. Après avoir fixé leur résidence en Belgique où sont nés leurs trois enfants, ils se sont installés en Inde le 27 juillet 2012.

3. Le 14 juin 2013, alors que la famille se trouvait en France, l'épouse a saisi le juge aux affaires familiales d'une requête en divorce. Un arrêt du 11 décembre 2018, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 15 novembre 2017, pourvoi n° 15-16.265, Bull. 2017, I, n° 232) a constaté l'incompétence des juridictions françaises pour statuer sur cette requête.

4. Le 21 novembre 2014, M. [Z] a assigné Mme [P] en la forme des référés devant le juge aux affaires familiales pour voir ordonner une expertise psychiatrique des membres de la famille et voir fixer les modalités de son droit de visite et d'hébergement. Mme [P] a sollicité reconventionnellement l'exercice exclusif de l'autorité parentale et la condamnation du père à payer une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.


Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [P] fait grief à l'arrêt de déclarer le juge français incompétent pour statuer en la forme des référés, tant sur la responsabilité parentale que sur l'obligation alimentaire, alors « que l'instance dont avait à connaître la cour d'appel d'Orléans, statuant sur appel de l'ordonnance en la forme des référé du tribunal de grande instance de Montargis du 16 juillet 2015, avait été initiée par une assignation en la forme des référés délivrée par M. [Z] le 21 novembre 2014, à une époque où la mère et les enfants résidaient depuis plus de 15 mois en France, et ne concernait nullement le divorce des époux, initiée par une assignation en date du 14 juin 2013, ainsi que le faisait valoir Mme [P], dans ses écritures ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à la date de l'assignation en la forme des référés délivrée par M. [Z] le 21 novembre 2014, la mère et les enfants résidaient en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 et 3 du règlement (CE) n° 4/2009. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. M. [Z] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait.

8. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.

9. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

10. Vu l'article 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, et l'article 3 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires :

11. Aux termes du premier de ces textes, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

12. Le second dispose :
« Sont compétentes pour statuer en matière d'obligations alimentaires dans les États membres :
a) la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou
b) la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle, ou
c) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d'une action relative à l'état des personnes lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d'une des parties, ou
d) la juridiction qui est compétente selon la loi du for pour connaître d'une action relative à la responsabilité parentale lorsque la demande relative à une obligation alimentaire est accessoire à cette action, sauf si cette compétence est fondée uniquement sur la nationalité d'une des parties. »

13. La compétence internationale en matière de responsabilité parentale dépend d'éléments de fait et de droit distincts de ceux qui commandent la compétence en matière de désunion. Il s'en déduit la compétence à l'égard de la demande d'obligation alimentaire, lorsqu'elle est accessoire à l'action relative à la responsabilité parentale.

14. Pour décider que les juridictions françaises sont incompétentes, l'arrêt retient qu'après avoir fixé leur résidence en Belgique où sont nés leurs trois enfants, les époux se sont installés en Inde avec eux le 27 juillet 2012 et qu'à l'occasion d'un séjour de la famille en France, Mme [P] a, le 14 juin 2013, saisi le juge aux affaires familiales d'une requête en divorce. Il en déduit que les enfants n'avaient pas leur résidence habituelle en France, pas plus que leur père, par ailleurs, ressortissant belge.

15. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était tenue, si, le 21 novembre 2014, date de l'assignation en la forme des référés relative à l'exercice du droit de visite et d'hébergement, la résidence habituelle des enfants n'était pas située en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, écuyer et associés, avocat aux Conseils, pour Mme [P].

La demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que le juge français était incompétent pour statuer en la forme des référés tant sur la responsabilité parentale que sur l'obligation alimentaire, alors :

1°) que l'instance dont avait à connaître la cour d'appel d'Orléans, statuant sur appel de l'ordonnance en la forme des référé du tribunal de grande instance de Montargis du 16 juillet 2015, avait été initiée par une assignation en la forme des référés délivrée par M. [Z] le 21 novembre 2014, à une époque où la mère et les enfants résidaient depuis plus de 15 mois en France, et ne concernait nullement le divorce des époux, initiée par une assignation en date du 14 juin 2013, ainsi que le faisait valoir Mme [P], dans ses écritures (v. p. 12) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à la date de l'assignation en la forme des référés délivrée par M. [Z] le 21 novembre 2014, la mère et les enfants résidaient en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 et 3 du règlement (CE) n° 4/2009 ;

2°) qu'en application des articles 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 et 3 du règlement (CE) n° 4/2009, est compétent le juge où résident habituellement les enfants et le créancier d'aliments, peu importe qu'il ne soit pas compétent pour statuer sur le divorce des époux ; qu'en déduisant l'incompétence du juge français pour statuer en la forme des référés tant sur la responsabilité parentale que sur l'obligation alimentaire d'un arrêt du 11 décembre 2018 de la cour d'appel de Paris qui concernait la procédure de divorce, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à exclure la compétence du juge français pour statuer sur la responsabilité parentale et l'obligation alimentaire, a violé les dispositions précitées.

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