20 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-13.742

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C100632

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 632 F-D

Pourvoi n° A 20-13.742




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021

1°/ M. [U] [L],

2°/ Mme [M] [C], épouse [L],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° A 20-13.742 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige les opposant à la société Caisse d'épargne CEPAC, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne CEPAC, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2019), soutenant que le taux effectif global figurant sur l'offre de prêt acceptée que leur avait consentie la société Caisse d'épargne CEPAC (la banque) était erroné en l'absence notamment de prise en compte des frais liés à la période de préfinancement, M. et Mme [L] ont assigné la banque en annulation de la stipulation des intérêts conventionnels et, subsidiairement, en déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts de la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent nécessairement, pour la totalité de ladite période, dans le calcul du taux effectif global, qu'en considérant, pour refuser d'intégrer les frais liés à la période de préfinancement dans le calcul du taux effectif global, qu'il n'était pas établi que le préfinancement s'étendrait sur toute la période et que les frais y afférents, qui dépendaient de la date de déblocage des fonds à l'initiative de l'emprunteur, n'étaient pas déterminables à la date de l'offre de prêt, après avoir pourtant constaté que le contrat de prêt prévoyait une période de préfinancement d'une durée maximale de trente mois, ce dont il résultait que les frais y afférents étaient déterminables lors de la signature dudit contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1, alinéa 1er, L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article R. 313-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 313-1, alinéa 1er, L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-1, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 :

3. Il résulte de ces textes que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global.

4. Pour rejeter la demande relative au caractère erroné du taux effectif global, l'arrêt retient que les frais de la période de préfinancement, qui étaient d'une durée maximale de trente mois et dont il n'était pas établi que le préfinancement s'étendrait sur toute la durée prévue, s'agissant de financer un bien déjà construit, dépendaient essentiellement de la date de déblocage des fonds, à l'initiative de l'emprunteur, et n'étaient donc pas déterminables à la date de l'offre.

5.En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat prévoyait une période de préfinancement d'une durée maximale de trente mois, de sorte que le montant des frais liés à cette période étaient déterminables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M.et Mme [L], l'arrêt rendu le12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Caisse d'épargne CEPAC aux dépens ,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caisse d'épargne CEPAC à payer à M. et Mme [L] in solidum la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [L]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le caractère erroné du taux effectif global, les époux [L] soutiennent que le taux effectif global est erroné en ce qu'il ne prend pas en compte les frais d'assurance décès-invalidité, ni les frais relatifs à la période de préfinancement ; que la banque réplique que l'inexactitude du taux effectif global au-delà d'une décimale n'est pas démontrée, que l'assurance décès-invalidité n'était pas exigée pour le déblocage du prêt, que les appelants ne justifient pas de la date de souscription de cette assurance et que les frais en résultant n'étaient pas déterminables au moment de la souscription du prêt ; que, s'agissant des frais de la période de préfinancement, elle fait valoir qu'ils ne sont pas plus déterminables et que leur prise en compte systématique pour la totalité de la période aboutirait à la communication d'un taux effectif global nécessairement faux à l'emprunteur ; que, sur ce, en application de l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de l'offre de prêt, dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; que, toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat ; qu'il résulte de l'offre de prêt acceptée par les appelants que le taux effectif global comprend les frais de dossier et les frais de garantie qui ont fait l'objet d'une évaluation ; qu'il n'est rien précisé à la rubrique « autres conditions » et la rubrique « assurances » stipule : « choix volontaire de ne pas retenir d'assurance proposée par le prêteur » ; que l'article 3 des conditions générales du prêt prévoit que « le contrat de prêt est formé dès que le prêteur aura reçu l'acceptation des emprunteurs et des cautions, s'il y a lieu. Il deviendra définitif sous réserve que les garanties prévues dans la présente offre aient été régularisées et dès lors que les emprunteurs auront justifié : - de leur admission dans une assurance décès-invalidité lorsqu'elle aura été prévue aux conditions particulières de la présente offre (...) » ; que les conditions particulières ne contiennent pas d'autre disposition que celle rappelée ci-dessus qui exprime le choix des emprunteurs de ne pas recourir à l'assurance groupe souscrite par le prêteur ; qu'aucune des dispositions tant des conditions particulières que des conditions générales ne conditionne l'octroi du prêt à la souscription d'une assurance quelconque par les emprunteurs ; que l'article 8 des conditions générales invoquées par les appelants précise quant à lui qu'« en cas d'adhésion des emprunteurs auprès d'une autre compagnie d'assurance que celle proposée par le prêteur, ceux-ci devront se reporter aux conditions générales fixées par cette compagnie ; que dans l'éventualité de l'annulation de cette assurance pour quelque cause que ce soit, les emprunteurs s'obligent à souscrire une nouvelle assurance, dans des conditions au moins égales à celles initialement souscrites, en désignant le prêteur comme bénéficiaire ; à défaut, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du prêt » ; que toutefois cette disposition n'impose pas la souscription d'une assurance pour l'octroi du prêt mais constitue une obligation dont l'inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme ; que les frais de l'assurance décès-invalidité, laquelle n'était pas une condition de l'octroi du prêt, n'avaient pas à être intégrés dans le calcul du taux effectif global ; qu'il en va de même des frais de la période de préfinancement, d'une durée maximale de 30 mois, mais dont rien ne permettait d'affirmer que le préfinancement s'étendrait sur toute la période, alors qu'il s'agissait de financer un bien déjà construit ; que les frais de la période de préfinancement qui dépendaient essentiellement de la date de déblocage des fonds, à l'initiative de l'emprunteur, non déterminable à la date de l'offre, n'ont pas à être pris en compte pour le calcul du taux effectif global ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts en raison du caractère erroné du taux effectif global, l'article L. 312-33 du code de la consommation prévoit dans sa version en vigueur au jour de l'acceptation de l'offre de prêt : « Le prêteur ou le bailleur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 sera puni d'une amende de 150 000 euros (...).Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge » ; que l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa version en vigueur au jour de l'acceptation de l'offre de prêt édicte donc une sanction spécifique de l'erreur impactant le taux effectif global d'un crédit immobilier ; qu'en application de l'adage Lex specialia generalibus derogant, les lois spéciales dérogent aux règles générales, les époux [L] ne sont pas fondés à invoquer l'article 1907 du code civil, d'où il est tiré une sanction générale en cas d'erreur sur le taux effectif global quelle que soit la nature du prêt ; qu'en l'état de ces éléments, la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels entre en voie de rejet de même que les demandes subséquentes ; que, sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison du caractère erroné du taux effectif global, l'article L. 312-33 du code de la consommation prévoit dans sa version en vigueur au jour de l'acceptation de l'offre de prêt : « Le prêteur ou le bailleur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 sera puni d'une amende de 150 000 euros (...).Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge » ; que la sanction prévue par l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa version en vigueur au jour de l'acceptation de l'offre de prêt est la possibilité pour le juge de déchoir le prêteur du droit aux intérêts en tout ou partie ; que la déchéance du droit aux intérêts est une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l'application que la détermination ; qu'à supposer qu'une irrégularité ait été commise, le juge peut estimer qu'elle ne justifie pas la déchéance même partielle du droit aux intérêts ; que l'irrégularité du taux effectif global en matière de crédit immobilier justifie une déchéance du droit aux intérêts à concurrence du seul préjudice qui en résulte pour l'emprunteur ; que les époux [L] ne peuvent prétendre avoir subi un quelconque préjudice consistant dans la perte de chance de contracter à un taux plus avantageux dans la mesure où ils ne justifient d'aucune offre de prêt concurrente ; qu'en l'état de ces éléments, la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels entre en voie de rejet de même que les demandes subséquentes ;

ALORS, 1°), QUE les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent nécessairement, pour la totalité de ladite période, dans le calcul du taux effectif global ; qu'en considérant, pour refuser d'intégrer les frais liés à la période de préfinancement dans le calcul du taux effectif global, qu'il n'était pas établi que le préfinancement s'étendrait sur toute la période et que les frais y afférents, qui dépendaient de la date de déblocage des fonds à l'initiative de l'emprunteur, n'étaient pas déterminables à la date de l'offre de prêt, après avoir pourtant constaté que le contrat de prêt prévoyait une période de préfinancement d'une durée maximale de 30 mois, ce dont il résultait que les frais y afférents étaient déterminables lors de la signature dudit contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1, alinéa 1er, L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article R. 313-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 ;

ALORS, 2°), QUE l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge ; qu'en retenant, par des motifs réputés adoptés, qu'en présence d'une irrégularité affectant le taux effectif global, il était loisible au juge de ne pas prononcer la déchéance, même partielle, du droit aux intérêts, quand une telle sanction revêt un caractère automatique et que les juges du fond ont pour seule latitude de déterminer la proportion dans laquelle la déchéance est prononcée, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1, alinéa 1er, L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;


ALORS, 3°), QUE l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge ; qu'une telle proportion doit être fixée par le juge au regard, non seulement du préjudice subi par l'emprunteur, mais aussi de la gravité du manquement du prêteur ; qu'en considérant, pour refuser, par motifs réputés adoptés, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, sur la circonstance que les emprunteurs n'avaient subi aucun préjudice, sans égard pour le manquement commis par le prêteur et sa gravité, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1, alinéa 1er, L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

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