20 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-86.294

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CR01160

Titres et sommaires

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Procédure devant la cour - Débats - Témoins - Audition - Rejet - Appel sur la seule action civile - Règles applicables

L'article 513, alinéa 2, du code de procédure pénale, n'est pas applicable lorsque seule l'action civile est dévolue à la cour d'appel. Ne méconnaît pas ces dispositions la cour d'appel qui, saisie de la seule action civile, rejette une demande d'audition de témoins, par des motifs qui relèvent de son appréciation souveraine

Texte de la décision

N° R 19-86.294 FS-B

N° 01160


ECF
20 OCTOBRE 2021


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 OCTOBRE 2021



Mme [O] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 19 septembre 2019, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs d'abus de faiblesse et rétribution insuffisante d'une personne dépendante ou vulnérable, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [O] [I], les observations de la SCP Marlange et de La Burgade et de la SCP Foussard et Froger, avocats de Mme [F] [E], épouse [H], et Mme [U] [W], parties civiles, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Guéry, Mmes Leprieur, Sudre, Issenjou, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 14 mai 2018, le tribunal correctionnel a relaxé Mme [O] [I] des chefs de soumission d'une personne vulnérable ou dépendante à des conditions de travail indignes et traite d'un être humain, l'a déclarée coupable et l'a condamnée des chefs d'abus de faiblesse au préjudice des époux [V] et de rétribution insuffisante d'une personne dépendante ou vulnérable au préjudice de Mme [U] [W].

3. Le tribunal a prononcé sur les intérêts civils.

4. Mme [I] a relevé appel des seules dispositions civiles.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen


5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'audition de témoins régulièrement cités et présents, formée par Mme [I], alors « qu'en retenant qu'il n'y a pas lieu d'entendre les trois témoins régulièrement cités par la prévenue pour la première fois en appel, puisque chacun avait établi des attestations écrites communiquées dans le dossier de plaidoirie de la défense, déjà produites en première instance, dont la lecture suffit à informer la cour de la teneur de leur témoignage, la cour d'appel a méconnu les articles 513, alinéa 2, et 593 du code de procédure pénale, ainsi que l'article 6, § 3, d) de la Convention européenne des droits de l'homme dans la mesure où les témoins cités par le prévenu doivent être entendus dans les règles prévues aux articles 435 à 457 du code de procédure pénale, dès lors qu'ils n'ont pas été entendus par les premiers juges. »



Réponse de la Cour

7. Pour rejeter la demande d'audition de trois témoins cités à l'audience de la cour d'appel par Mme [I], l'arrêt attaqué énonce qu'elle souhaite qu'ils soient entendus pour la première fois en appel, afin de confirmer ses absences de la pharmacie et la réalité de l'aide apportée aux époux [V].

8. Les juges ajoutent qu'il n'y a pas lieu d'entendre ces personnes qui ont, chacune, établi des attestations écrites communiquées dans le dossier de plaidoirie de la défense, déjà produites en première instance et dont la lecture suffit à informer la cour de la teneur de leur témoignage.

9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu l'article 513, alinéa 2, du code de procédure pénale.

10. En effet, lorsque seule l'action civile est dévolue à la cour d'appel, les dispositions susvisées ne sont pas applicables. L'opportunité de procéder à l'audition d'un témoin, compte tenu des indications qui lui sont données par les parties, relève de son appréciation souveraine.

11. Le moyen doit en conséquence être écarté.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement contesté s'agissant des sommes allouées à Mme [W] au titre de son préjudice moral, et a condamné Mme [I] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice moral, alors « qu'en augmentant à la somme de 8 000 euros la réparation du préjudice moral prétendument subi par Mme [W] du fait du délit de rétribution insuffisante d'une personne dépendante ou vulnérable, sans s'expliquer sur aucun des éléments de preuve invoqués par Mme [I] à l'appui de ses conclusions d'appel, de nature à remettre en cause l'existence d'un tel préjudice, en permettant d'établir le traitement bienveillant dont Mme [W] avait bénéficié, en profitant de cours de français, en voyant ses billets d'avion réglés par son employeur, en fréquentant librement son fiancé avant de s'installer avec lui, après une cérémonie de fiançailles organisée par Mme [I], et en étant réglée de ses salaires en espèces, comme le prouvait la fourniture des dépôts en espèces effectués par Mme [W] en Tunisie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des articles 1240 du code civil, et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

13. Pour infirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des éléments de la cause que Mme [W] a, sur la période de prévention, courant décembre 2013 jusqu'au 31 décembre 2016, travaillé de nombreuses heures par jour au profit de Mme [I] pour une rémunération dérisoire, ce, dans un état de dépendance totale vis-à-vis de son employeur, ne disposant pas d'un logement personnel, ne maîtrisant pas la langue française et n'ayant pas de famille en France.

14. Les juges concluent que le préjudice moral en découlant est avéré et sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros.

15. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, dès lors que les juges ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel a justifié sa décision.

16. Le moyen sera donc écarté.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2500 euros la somme que Mme [O] [I] devra payer à Mme [F] [E], épouse [H], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille vingt et un.

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