13 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-20.194

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01122

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1122 F-D

Pourvoi n° P 20-20.194




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 OCTOBRE 2021

Mme [Z] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-20.194 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [U] [M], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [P] [X], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de liquidateur judiciaire de M. [M],

3°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de Marseille, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme [G], après débats en l'audience publique du 31 août 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020), Mme [G] a été engagée par M. [M] le 1er octobre 2013 en qualité d'agent commercial.

2. La salariée a été victime d'un accident du travail le 1er septembre 2014 et placée en arrêt de travail.

3. Licenciée le 24 décembre 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

4. Par jugement du 10 septembre 2019, le tribunal de commerce de Cannes a placé M. [M] en liquidation judiciaire et désigné M. [X] en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que l'inaptitude à son poste était d'origine professionnelle et que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement et à ce que soient fixées au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur les sommes de 46 441,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 161,03 euros au titre des congés payés afférents au préavis, 1 935,05 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information préalable des motifs s'opposant à son reclassement, 3 870,10 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure irrégulière de licenciement et 9 112,25 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de délivrance d'une attestation Pôle emploi conforme, alors « que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail s'appliquent lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier eux-mêmes l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude sans pouvoir se référer aux seules mentions figurant sur des courriers de l'organisme de sécurité sociale, des arrêts maladies ou des bulletins de paie ; qu'en considérant que Mme [G] ne pouvait bénéficier de la législation protectrice des victimes d'accidents du travail au motif que, si elle avait bien été victime d'un accident du travail le 1er septembre 2015, l'ensemble des arrêts de travail n'était pas produit et les fiches d'inaptitudes versées aux débats visaient une maladie ou un accident non professionnel, sans rechercher par elle-même, sans se référer aux arrêts de travail et fiches d'inaptitude, si l'inaptitude de la salariée constituant le motif de son licenciement n'avait pas été causée, au moins partiellement, par l'accident du travail dont elle avait été victime, ni si l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi nº 2016-1088 du 8 août 2016 et des articles L. 1226-12, L. 1226-14 et L. 1226-15 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-10 en sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 applicable en la cause, l'article L. 1226-14 et l'article L. 1226-15 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, du code du travail :

6. Il résulte du premier de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie.

7. Aux termes du deuxième, la rupture du contrat de travail pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle et impossibilité de reclassement ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9. Selon le troisième, en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires.

8. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail, et la demande en paiement de certaines sommes à titre d'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt retient que si Mme [G] a été victime d'un accident du travail le 1er septembre 2014, les arrêts de travail qu'elle produit, qui visent un accident du travail, ne justifient la suspension de son contrat de travail que jusqu'au 25 février 2015, que les arrêts de travail postérieurs ne sont pas produits, que les fiches d'inaptitude des 16 novembre et 2 décembre 2015 visent une maladie ou un accident non professionnel et qu'il n'est donc pas établi que l'inaptitude de la salariée soit d'origine professionnelle.

9. En se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait par ailleurs que la salariée, victime d'un accident du travail le 1er septembre 2014, avait été arrêtée depuis cette date jusqu'à la déclaration d'inaptitude, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'inaptitude n'avait pas au moins partiellement pour origine cet accident du travail, a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation prononcée ne peut s'étendre aux autres chefs de dispositif visés par le moyen que la critique formulée par celui-ci n'est pas susceptible d'atteindre.

11. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de Mme [G] au passif de M. [M] à la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et rejette les demandes de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail et d'indemnité spéciale de licenciement sur les motifs s'opposant au reclassement, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [X], ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [X], ès qualités, à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [G]


Mme [G] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que l'inaptitude à son poste était d'origine professionnelle et que M. [M] avait manqué à son obligation de reclassement et à ce que soient fixées au passif de la liquidation judiciaire de M. [M] les sommes de 46 441,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 161,03 euros au titre des congés payés afférents au préavis, 1 935,05 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information préalable des motifs s'opposant au reclassement de la salariée, 3 870,10 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière de licenciement et 9 112,25 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de délivrance d'une attestation Pôle emploi conforme ;

ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail s'appliquent lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier eux-mêmes l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude sans pouvoir se référer aux seules mentions figurant sur des courriers de l'organisme de sécurité sociale, des arrêts maladies ou des bulletins de paie ; qu'en considérant que Mme [G] ne pouvait bénéficier de la législation protectrice des victimes d'accidents du travail au motif que, si elle avait bien été victime d'un accident du travail le 1er septembre 2015, l'ensemble des arrêts de travail n'était pas produit et les fiches d'inaptitudes versées aux débats visaient une maladie ou un accident non professionnel (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 5), sans rechercher par elle-même, sans se référer aux arrêts de travail et fiches d'inaptitude, si l'inaptitude de la salariée constituant le motif de son licenciement n'avait pas été causée, au moins partiellement, par l'accident du travail dont elle avait été victime, ni si l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi nº 2016-1088 du 8 août 2016 et des articles L. 1226-12, L. 1226-14 et L. 1226-15 du même code.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.