13 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-11.890

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO10544

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10544 F

Pourvoi n° N 20-11.890




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société Géo France finance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-11.890 contre l'ordonnance rendue le 15 janvier 2020 par le premier président de la cour d'appel de Rennes, dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Géo France finance, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Géo France finance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Géo France finance et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, la somme de 2 500 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Géo France finance.

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance ayant autorisé les fonctionnaires habilités de la Direction nationale des enquêtes fiscales « à procéder, conformément aux dispositions de l'article L. 16 B, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci-après ou des documents et des supports d'informations illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver : Locaux et dépendances sis [Adresse 4], présumés être occupés par la SARL GSM et/ou [F] [T] et/ou [E] [M] et/ou toute autre entité animée et/ou détenue directement ou indirectement par [F] [T] » ;

AUX MOTIFS QUE dans sa requête au juge des libertés et de la détention, l'administration exposait que « la société Geo France Finance (était) présumée majorer indûment le montant de sa TVA déductible et de ses charges et ainsi (était) présumée ne pas procéder à la passation régulière de ses écritures comptables ». Il était plus précisément évoqué : - une déduction de TVA pour des montants conséquents ressortant de factures établies par deux de ses fournisseurs alors que la société ne pouvait, en raison d'un concert frauduleux, ignorer qu'elle n'avait pas été collectée en sa totalité, - ainsi qu'une majoration de ses achats réalisés auprès d'un autre fournisseur.
Aux termes des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable au présent litige, « — Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support.
II... Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite... Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée... Il désigne le chef du service qui nomme l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement... L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV ».

Il convient préalablement de rappeler que conformément à ces dispositions, le juge n'a pas à rechercher si les infractions de fraude sont d'ores et déjà caractérisées et leur preuve rapportée, points qui ressortent de la seule compétence du juge de l'impôt, mais doit, en revanche, s'assurer qu'il existe effectivement des éléments laissant présumer que la personne concernée se serait soustraite à ses obligations fiscales (déclaratives ou de payement) au titre, s'agissant d'une personne morale, de l'impôt sur les sociétés ou de la TVA, notamment en faisant passer sciemment des écritures inexactes (ou fictives) dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts. La présomption que supposent ces dispositions est une présomption simple. L'origine licite des pièces produites par l'administration à l'appui de sa requête ne fait, en l'espèce, l'objet d'aucune contestation - seule leur pertinence et leur caractère incomplet ou tronqué étant discutés - celles-ci résultant soit d'informations disponibles sur Internet, soit de l'exercice de droits de communication et d'enquête et demandes d'assistances internationales, soit encore de la consultation de fichiers administratifs (TTC) ou d'attestations délivrées par des agents de la DGFIP. Il sera enfin rappelé que cette procédure a été lancée dans un contexte particulier puisque la société Geo France Finance faisait alors l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité en cours depuis le mois d'octobre 2017 (procédure résultant de deux avis adressés les 28 septembre 2017 et 21 mars 2018 portant sur la période courant du 22 décembre 2014 au 30 novembre 2017).
Il ressort des pièces versées aux débats que la société Geo France Finance a déclaré pour l'exercice clos au 31 décembre 2015 un chiffre d'affaires de 2 564 207 euros et résultat fiscal déficitaire de 172 468 euros, pour l'exercice provisoirement clos au 31 décembre 2016 un chiffre d'affaires de 76 610 601 euros et un résultat fiscal déficitaire de 22 509 047 euros et, pour l'exercice clos au 30 novembre 2017 (après modification des dates d'ouverture et de clôture de l'exercice social), un chiffre d'affaires (sur 23 mois) de 199 130 043 euros et résultat fiscal bénéficiaire de 300 450 euros après imputation du déficit de l'exercice précédent (2015). En matière de taxe sur la valeur ajoutée, la société Geo France Finance a déclaré, suivant l'analyse non contestée effectuée par l'administration, en 2015, des livraisons intracommunautaires pour un montant total de 2 375 911 euros, en 2016, des opérations imposables pour un montant total de 9 901 000 euros et, en 2017, pour 183 610 644 euros. Elle a notamment comptabilisé des charges relatives à l'achat d'ampoules à LED :
- en 2016, auprès de la société European Trading Materials (ETM) pour un montant total HT de 66 480 353 euros et a déduit au titre de la TVA une somme de 13 296 011 euros, -en 2017, auprès de la société Beloofd Is Beloofd BV pour un montant total de 29 888 800 euros, ainsi que des charges relatives à la mise à disposition de locaux et prestations logistiques pour l'opération « mesampoulesgratuites.fr » contractées auprès de la société Manufacture Française des Ardennes : -en 2016, pour un montant total HT de 11 666 666,68 euros et un montant de TVA de 2 333 333,32 euros, - en 2017, pour un montant total HT de 9 513 791,31 euros et un montant de TVA de 1 902 758,26 euros.
L'administration a relevé que ces chiffres ne concordaient pas avec ceux déclarés par les sociétés European Trading Materials (qui n'a souscrit aucune déclaration en matière d'impôt sur les sociétés et a déclaré au titre de la TVA, en 2016, des opérations imposables pour un montant de 1 227 885 euros), Manufacture Française des Ardennes (qui n'a déposé aucune déclaration de résultat en matière d'impôts sur les sociétés et qui, en matière de TVA a déclaré des ventes ou prestations de service imposables d'un montant de 3 859 316 euros en 2016 et de 3 411 724 euros en 2017) et Beloofd Is Beloofd BV (qui a déclaré des livraisons intracommunautaires en 2017 à destination de la société Geo France Finance pour un montant s'élevant à la somme de 22 371 165 euros). Lors de la vérification de comptabilité dont la société Geo France Finance a fait l'objet, l'inspectrice en charge du dossier a dressé, le 27 novembre 2018, un procès-verbal de rejet de la comptabilité (pièce 6-1, annexe 2) exposant sur 18 pages les motifs de cette décision et relevant, en conclusions, pour les exercices concernés et notamment pour les années 2016 et 2017, les irrégularités suivantes : - « la permanence du chemin de révision n'est pas garantie. Les références de la pièce justificative empêchent la permanence du chemin de révision comptable entre les pièces justificatives et les écritures comptables (ensemble des fichiers d'écritures comptables), - l'intangibilité des écritures validées n'est pas garantie (fichiers d'écritures comptables de la période du 01/01/2017 au 30/11/2017 dans lequel des produits ont été supprimés), -l'absence de pièces justificatives relatives à la livraison effective des ampoules LED achetées venant à l'appui des écritures d'achat d'ampoules LED et à l'appui de la détermination des stocks d'ampoules LED (fichiers d'écritures comptables des périodes du 01/01/2016 au 31/12/2016 et du 01/01/2017 au 30/11/2017), - la majorité des achats comptabilisés relèvent d'écritures centralisées (fichiers d'écritures comptables de l'exercice clos le 31/12/2015) ».
Si la société Geo France Finance conteste ce procès-verbal tant au regard de son cadre légal que des justificatifs et du traitement informatique des données qu'elle a communiqués dans le cadre de la vérification, il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président ou de son délégataire de porter une appréciation sur ce procès-verbal dont la connaissance ressort du juge de l'impôt, mais seulement de prendre en considération la présomption qui en résulte. Il sera toutefois précisé que le procès-verbal de constat dressé à la requête de la société Agence pour la Rénovation des Sols le 28 mai 2019 (pièce n° 6 de l'appelante) ne peut constituer un inventaire des ampoules acquises par la société Geo France Finance ne serait-ce que par ce que le propriétaire des ampoules n'est pas précisé (« propriété d'un tiers lequel utilise le site aux fins de stockage ») et que l'huissier lui-même indique qu'il a procédé par sondage compte tenu du volume important, illustré par plusieurs photographies. Ce procès-verbal atteste cependant d'un nombre très important d'ampoules stockés à [Localité 1], [Adresse 2] dans des locaux qui semblent avoir été ceux de la société Manufacture Française des Ardennes avant sa cession (et sa dissolution).

Sur les présomptions de soustraction au payement de l'impôt : 1 — par la majoration des achats : la société Beloofd Is Beloofd BV a émis à destination de la société Geo France Finance quatre factures (pièce 6-2) dont l'une, celle du 30 avril 2017, d'un montant de 17 313 274,40 euros a fait l'objet d'un avoir (crédit note) du même montant le 20 novembre 2017. La discussion porte donc sur les trois factures des 7 juin, 21 juillet et 11 septembre 2017 d'un montant de 29 888 800 euros HT (TVA 0 %) (…) : Or, il ressort de l'extraction (pièce 11) du fichier de Traitement de la TVA intra-Communautaire (TTC) que la société Beloofd Is Beloofd a déclaré avoir effectué à destination de la société Geo France Finance et au cours du 3ème trimestre 2017 des livraisons pour un montant de 22 371 165 euros, chiffre qui ne concorde pas avec les factures comptabilisées. L'administration expose que la société Geo France Finance a sciemment majoré ses charges, au moyen de factures inexactes, en raison d'une collusion avec la société néerlandaise, dirigée et/ou contrôlée en fait par Monsieur [T]. Pour ce faire, elle se fonde sur les réponses apportées par les autorités fiscales des Pays Bas à la demande d'assistance administrative internationale qu'elle lui a adressée (pièce 9) et plus particulièrement sur celles figurant en page 6/7. D'ailleurs, seules les réponses apportées en page 6/7, rédigées comme l'ensemble de celles-ci en anglais, ont été traduites par l'administration (pièce 9-1).
La société Geo France Finance conteste cette pièce faisant valoir que la copie remise au juge des libertés et de la détention est incomplète puisqu'une page (6) a été partiellement occultée et que cette page est d'autant plus importante qu'il s'agit des questions posées par l'administration française lesquelles ont pu orienter les réponses.
La pièce n° 9 se compose de 7 pages. L'examen de cette pièce permet effectivement de constater que les questions posées en page 6 par l'administration requérante à l'administration requise ont effectivement été (grossièrement) occultées dans le document remis au juge des libertés et de la détention. Cette façon de procéder qui traduit un manque de loyauté à l'égard de ce magistrat et qui ne permet pas d'apprécier la portée des réponses, justifie que cette pièce soit écartée. Dès lors, la collusion alléguée entre les sociétés Geo France Finance et Beloofd Is Beloofd BV, qui ne repose sur aucun autre élément (puisque seule cette pièce met en évidence le rôle qu'auraient joué dans cette société Messieurs [W], [Z], [T] et [H]), ne peut être regardée comme établie et la fraude de ce chef présumée.

2 — par le truchement de déduction de TVA :
La société European Trading Materials a émis les cinq factures suivantes de ventes d'ampoules à LED à la société Geo France Finances qui les a mises en payement (pièces 6-2 et 6-3) :


Date des factures
Montant HT
TVA
Total TTC
Date mise en paiement


18/03/16
3424988
684998
4109985
19/03/16


10/05/16
3835986
767197
4603183
02/06/16


13/06/16
12919380
2583876
15503256
15/06/16


28/06/16
19750000
3950000
23700000
29/06/16


03/11/16
26550000
5310000
31860000
Non daté


Total
66 480 354
13 296 071
79 776 424



La société G Groupe X, société à responsabilité limitée dont l'associé unique et gérant est Monsieur [F] [T], par ailleurs président de la société Geo France Finance pendant la période considérée, a constitué le 2 mai 2015 une filiale à 100 % la société à responsabilité limitée [Adresse 7] dont la gérance a été confiée à Monsieur [K] [Z] (pièce 4-4-1).
Cette société a elle-même constitué le 28 mai 2015 la société française à responsabilité limitée Huo devenue, après cession de parts à la société Kinco Investment Limited et changement de dénomination et d'objet social (14 avril 2016), European Trading Materials, le capital de cette entité étant alors réparti (pièce 4-4-4) entre la société [Adresse 7] à hauteur de 54 % et la société Kinco Investment Limited à hauteur de 46 %. La gérance de cette société a été confiée, dès l'origine, à Monsieur [Z]. La société Kinco Investment Limited est une société de droit hongkongais dont les parts sociales étaient détenues en août 2018 depuis 2005 par une société de Belize, Faith Essential Ltd, et dont le directeur est Monsieur [F], [I], [G] [T] (pièces 4-4-3 et 4-4-3-1). Il résulte de la pièce 4-4-4 que cette société était représentée le 18 octobre 2016, lors de l'assemblée générale de la société European Trading Materials, par son gérant, Monsieur P. [X], identité paraissant correspondre à [A] [X], né le [Date naissance 1] 1990, salarié de la société G Groupe X, chargé de développement (pièce 12-2), directeur de la société Green Global Venture (associée à hauteur de 35 % au capital de la société Geo France Finance) et représentant de la société Timble Venture Pte Ltd, cf. supra (pièce 3-2). Il peut ainsi être présumé, comme l'expose l'administration, que la société European Trading Materials a été constituée par deux sociétés dans lesquelles Monsieur [F] [T] et la société G Groupe X avaient des intérêts. La société G Groupe X a cédé la totalité du capital de la société [Adresse 7] au gérant de cette entité, Monsieur [Z], le 3 mai 2016 (pièce 4-4-2) et non comme l'expose le conseil de la société Geo France Finance (P Boudriot, courrier du 7 février 2019, pièce 6-1 annexes) le 15 septembre 2015. La société European Trading Materials a exercé son activité jusqu'au 27 décembre 2016 date à laquelle, après cession concertée des parts sociales à la société de droit roumain RS Services Support Europe, celle-ci a procédé à sa dissolution (pièce 8). La société Europan Trading Materials a déclaré, en 2016, au titre de la TVA des opérations pour un montant total de 1 227 885 euros (pièce 4-3), très inférieur au total de ses factures rappelées ci-dessus (et, en outre, étranger aux ventes d'ampoules à LED suivant les constatations effectuées par les agents de la DNEF, même pièce). La société Geo France Finance soutient qu'elle est totalement étrangère à l'activité de la société European Trading Materials puisqu'au moment où celle-ci a commencé à l'exercer, la société G Groupe X avait cédé ses parts dans la société mère ([Adresse 7]) à Monsieur [Z]. Cette argumentation ne peut être suivie. En effet et contrairement à ce qui est soutenu, au jour où la cession des parts est intervenue (3 mai 2016), la société European Trading Materials était déjà en affaire avec la société Geo France Finance depuis au moins un mois de demi puisque la première facture émise pour la vente d'ampoules à LED remonte au 18 mars 2016, facture aussitôt réglée, et que le montant de cette facture excédait déjà largement le montant des opérations déclarées au titre de la TVA pour l'ensemble de l'année (3 424 998 euros HT / 1 227 885 euros). Par ailleurs, la société Kinco Investment Ltd, dans laquelle Monsieur [T] était intéressé (cf supra) est demeurée associée jusqu'à la cession concertée de l'ensemble des parts sociales de la société European Trading Materials à la société roumaine RS Services Support Europe qui a aussitôt procédé à sa dissolution ainsi qu'il a déjà été indiqué. De plus, Monsieur [Z] lui-même n'est pas étranger à la société G Groupe X puisqu'il a été nommé par cette dernière gérant - au moment de leur constitution - de sa filiale à 100 %, la société [Adresse 7] et de sa sous filiale. Il sera enfin relevé que les factures établies par la société Business By Air au nom de la société European Tradings Materials ont toutes été adressées à l'attention de Monsieur [O] [W] (pièce 7), « personne à contacter à l'adresse mail [Courriel 1] », responsable grands comptes de la société Partager la Croissance - PLC - (pièce 7-2), filiale de la société Geo France Finance (à 66,54 %, pièce 2-2), et dont le président était, en 2016 et 2017, Monsieur [F] [T] (pièce 7-4). Il résulte de ces différents éléments que la société Geo France Finance, et son gérant Monsieur [F] [T], ne pouvaient ignorer, en raison de leur position, que la société European Trading Materials n'avait pas réglé en amont la totalité de la TVA qu'elle a déduite. La société Manufacture Française des Ardennes a émis les quatre factures suivantes de mise à disposition de locaux et prestations logistiques pour l'opération « mesampoulesgratuites.fr » à destination de la société Geo France Finances (pièces 6-2 et 6-3)


Date
facture
Montant HT
TVA
Total TTC
Date mise en payement


25/12/16
8212491,97
1642498,39
9854990,36
Non précisée


25/12/16
3454174,71
690834,93
4145009,64
Non précisée


30/06/17
2381400

476280
2857680
Non précisée


30/06/17
7132391,31
1426478,26
8558869,57
Non précisée


total
21 180 457,99
4 236 091,58
25 416 549,57



La société par actions simplifiée Manufacture Française des Ardennes a été constituée le 27 mai 2014 par son associé unique la société G Groupe X. [Localité 3] président a été Monsieur [F] [T] de sa constitution à sa démission le 28 juillet 2017.
La société G Groupe X a cédé, par acte du 20 juin 2017 enregistré le 21 juillet 2017, à la société [Adresse 6] la totalité des parts, qu'elle détenait, de la société Manufacture Française des Ardennes qui, après changement de dénomination en « Usine de France », a été dissoute dès le 20 juillet 2017 et radiée du registre du commerce et des sociétés le 23 octobre 2017 (pièce 5). Cette société a déposé entre les mois de janvier et d'août 2017 des déclarations de TVA (modèle 3310-CM) faisant un état d'un chiffre d'affaires imposable de 3 411 724 euros, très inférieur au montant de ses factures (25 416 549,57 euros) comme des sommes qu'elle a encaissées de la société Geo France Finance en 2017 (20 286 800 euros). Aucune argumentation n'est développée par l'appelante concernant ce volet du dossier. Compte tenu de la position de dirigeant de Monsieur [F] [T] dans les trois sociétés Geo France Finance (directement ou par l'intermédiaire de la société Geo Europe Sprl à compter du 30 juin 2017), G Groupe X et Manufacture Française des Ardennes pendant toute la période considérée, il peut être présumé que la première de ces sociétés ne pouvait ignorer que la dernière n'avait pas réglé la totalité de la TVA concernée par cette affaire. Il sera, au demeurant, observé que le processus suivi dans les deux cas est strictement identique : constitution de sociétés éphémères qui n'ont souscrit aucune déclaration en matière d'impôt sur les sociétés et n'ont effectué de déclarations de TVA que très partielles, qui ont rapidement (une ou deux années d'activité) été cédées à des sociétés étrangères (roumaine ou bulgare), lesquelles ont aussitôt procédé à leur dissolution, alors que la société Geo France Finance a déduit la totalité de la TVA en cause. Les éléments rassemblés par l'administration relatifs aux factures European Trading Materials et Manufacture Française des Ardennes permettent donc de présumer, comme il est prétendu, une fraude à la TVA commis par l'ensemble informel de sociétés dirigées par Monsieur [F] [T] dont la société Geo France Finance fait partie, et ce quand bien même la preuve des faits relatifs à la majoration des charges liées aux ventes d'ampoules à LED par la société Beloofd Is Beloofd BV n'est pas établie au regard des pièces soumises au juge après rejet de la pièce incomplète n° 9. Au cours de la procédure de vérification, il est apparu que certaines factures (Bauge Sarl, assureur Generali, pièces 6-4, Doc Consulting, Orange Business Service, Google, pièces 6-5) destinées à la société Geo France Finance étaient envoyées à l'adresse [Adresse 5], chez « GSM, à [Localité 2] » — où cette dernière société ne déclare au demeurant aucun établissement (pièce14-1) — GSM Documentis (enseigne GSM) étant une filiale à 100 % de la société G Groupe X (pièce 201), dont le gérant est Monsieur [F] [T] (pièce 14). Au regard des présomptions ainsi établies, l'ordonnance critiquée sera donc confirmée ;

1°) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, sont contraires aux articles 66 de la Constitution et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en tant qu'elles aboutissent à considérer que « les motifs et le dispositif des ordonnances rendues en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui les a rendues et signées (et) que la circonstance que ces décisions soient rédigées dans les mêmes termes que d'autres décisions visant les mêmes personnes et rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence, est sans incidence sur leur régularité » ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, en application de l'article 61-1 de la Constitution, de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, tel qu'interprété par la Cour de cassation privera de base légale l'ordonnance attaquée ;

2°) ALORS QUE lorsqu'elle sollicite une autorisation de visite délivrée sur requête, l'administration est tenue d'un devoir de loyauté vis-à-vis du juge ; que la constatation d'un manquement avéré de l'administration à son devoir de loyauté à l'égard du magistrat saisi d'une demande d'autorisation de visite entraîne l'annulation de l'ordonnance ainsi délivrée ; qu'en refusant d'annuler l'ordonnance d'autorisation de visite entachée d'un tel vice après avoir considéré que seule la pièce grossièrement caviardée devait être écartée, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

3°) ALORS QUE tenue d'un devoir de loyauté vis-à-vis du juge, l'administration fiscale doit fournir au juge des libertés et de la détention les pièces à charge et à décharge ; que l'autorisation de visite domiciliaire doit être annulée lorsqu'il apparaît que l'administration requérante a dissimulé au juge des libertés et de la détention des pièces de nature à modifier son appréciation sur l'existence des présomptions de fraude alléguées ; qu'en se bornant à affirmer que les éléments rassemblés par l'administration relatifs aux factures European Trading Materials et Manufacture Française des Ardennes permettaient de présumer une fraude à la TVA commise par l'ensemble informel de sociétés dirigées par M. [F] [T] dont la société Geo France Finance fait partie, sans vérifier, comme il y avait été invité, si l'administration fiscale requérante n'avait pas dissimulé au juge ayant autorisé la visite des éléments à décharge en sa possession et susceptibles de modifier son appréciation, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

4°) ALORS QUE l'autorisation de visite domiciliaire doit être annulée lorsqu'il apparaît que l'administration requérante a dissimulé au juge des libertés et de la détention des pièces de nature à modifier son appréciation sur l'existence des présomptions de fraude alléguées ; qu'en se fondant exclusivement sur les pièces fournies par l'administration fiscale à l'appui de sa requête, pour conclure à l'existence de liens capitalistiques entre les sociétés GFF et ETM, sans vérifier, comme il y avait été invité si cette analyse de l'administration des liens unissant les deux sociétés n'était pas, elle aussi, tronquée, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel a privé de plus fort sa décision de base légale au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

5°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société GFF avait fait valoir que l'existence de liens juridiques et capitalistiques avec la société ETM n'était pas établie à la constitution de celle-ci contrairement à ce que prétend désormais l'administration dans la mesure où, au moment de sa constitution, la société HUO ultérieurement dénommée ETM avait une activité sans aucun lien avec les faits visés par l'administration fiscale relatifs à la commercialisation d'ampoules (conclusions p. 14) ; qu'en se bornant à analyser les pièces fournies par l'administration fiscale à l'appui de sa requête, pour conclure à l'existence de liens capitalistiques entre les sociétés GFF et ETM, sans répondre à ce moyen déterminant, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QU'un document établi par l'administration fiscale elle-même ne peut pas être retenu à titre de présomption ; qu'en décidant le contraire le conseiller délégué a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

7°) ALORS QU'en matière de visites domiciliaires, les personnes concernées doivent pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ; qu'il appartient au conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel saisi d'un tel recours de procéder à un examen concret des éléments de fait et de droit qui lui sont soumis, afin d'apprécier le bien-fondé de la mesure ; qu'en affirmant qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du premier président ou de son délégataire de porter une appréciation sur le procès-verbal de rejet de comptabilité établi par l'administration fiscale dont la connaissance ressortit du juge de l'impôt, mais seulement de prendre en considération la présomption qui en résulte, quand l'essentiel des présomptions relevées résultaient de ce document, le conseiller délégué a méconnu l'étendue de son contrôle et de ses pouvoirs et violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

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