13 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.449

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100621

Titres et sommaires

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Ordonnance du juge des libertés et de la détention - Appel - Procédure - Assistance d'un avocat lors de l'audience - Obstacle insurmontable - Caractérisation

Statuant sur une demande de prolongation d'une mesure de rétention administrative, un premier président de cour d'appel retient à bon droit que le mouvement de grève du barreau constitue un obstacle insurmontable à l'assistance d'un conseil et n'a pas à s'interroger sur la possibilité d'un renvoi qui ne lui est pas demandé

Texte de la décision

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 621 F-B

Pourvoi n° V 20-12.449

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 juin 2020.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

M. [O] [S], domicilié chez M. [F] [B], avocat, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-12.449 contre l'ordonnance rendue le 28 janvier 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet de police de Paris, domicilié [Adresse 2],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.



Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [S], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du préfet de police de Paris, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 28 janvier 2020), et les pièces de la procédure, le 22 janvier 2020, M. [S], de nationalité mauritanienne, en situation irrégulière sur le territoire français, a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté d'expulsion.

2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi, le 23 janvier 2020, par M. [S] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 512-1, III, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le 24 janvier, par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 552-1 du même code.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention, ainsi que les exceptions de nullité soulevées, et de décider de la prolongation de la mesure, alors « que, subsidiairement, le principe des droits de la défense impliquent que soit garanti le droit à un avocat ; qu'en énonçant, pour prolonger le maintien en rétention de M. [S], que ce dernier a été entendu à son audience à laquelle aucun avocat de permanence n'était présent, en raison d'un mouvement de grève du barreau de Paris, que si le retenu a demandé à être assisté d'un avocat, il aurait existé des « circonstances insurmontables conduisant à cette situation et la procédure répondant à bref délai », sans caractériser un obstacle insurmontable ayant empêché l'assistance d'un avocat dans le délai imparti pour se prononcer, qui n'expirait que le lendemain à 12 h 45, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 552-1 et R. 552-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

Réponse de la Cour

5. Le premier président a relevé qu'en raison d'un mouvement de grève du barreau de Paris, aucun avocat de permanence n'était présent à l'audience malgré la demande de M. [S] d'en bénéficier et que la procédure répondait à un bref délai.

6. De ces constatations et énonciations, le premier président, qui n'avait pas à s'interroger sur la possibilité d'un renvoi qui ne lui était pas demandé, en a exactement déduit qu'il existait un obstacle insurmontable à l'assistance d'un conseil.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée

D'AVOIR déclaré recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, ordonné la jonction des deux procédures, rejeté la requête en contestation de la décision de placement en rétention, rejeté les exceptions de nullité soulevées, ordonné la prolongation du maintien de M. [S] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 28 jours, soit jusqu'au 21 février 2020,

AUX MOTIFS QUE « vu l'appel motivé interjeté le 27 janvier 2020, à 14 h 09, par Me [F] [B] ; Me [B] n'ayant pas plaidé le dossier, à la suite du contact téléphonique avec Me [W], celui-ci ayant indiqué l'impossibilité, sauf décision contraire spécifique du barreau, de suivi de dossier en appel pour des conseils ayant, en première instance, assuré la défense d'un étranger au titre de la commission d'office » ;

1°) ALORS QUE le principe des droits de la défense implique que soit garanti le droit à un avocat ; que le délégué du premier président de la cour d'appel statue après audition de l'intéressé ou de son conseil, s'il en a un ; qu'il résulte des pièces du dossier et des énonciations de la décision attaquée que Me [B], qui représentait M. [S] en première instance, a interjeté appel de l'ordonnance et des conclusions de donner acte déposées à 11 h 19 que le retenu a « manifesté expressément son souhait d'être assisté par cet avocat pour l'audience du 28 janvier 2020 » ; qu'en entendant le retenu, sans son avocat, lors même que ce dernier était présent à l'audience, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne L 552-1 du ceseda, ensemble le principe du respect des droits de la défense ;

2°) ALORS QUE le principe des droits de la défense implique que soit garanti le droit à un avocat ; qu'il ne résulte d'aucune règne ni d'aucun principe liant le juge qu'un avocat ayant, en première instance, assuré la défense d'un étranger, au titre d'une commission d'office, ne peut le représenter en cause d'appel ; qu'il résulte des pièces du dossier et des énonciations de la décision attaquée que Me [B], qui représentait M. [S] en première instance, a interjeté appel de l'ordonnance ; qu'en outre, il résulte des conclusions de donner acte déposées à 11 h 19 que le retenu a « manifesté expressément son souhait d'être assisté par cet avocat pour l'audience du 28 janvier 2020 » ; qu'en entendant le retenu, sans son avocat, en se fondant, pour considérer que Me [B] ne pouvait pas plaider le dossier, qu'il résultait d'une conversation téléphonique avec un avocat « l'impossibilité, sauf décision contraire spécifique du barreau, de suivi de dossier en appel pour des conseils ayant en première instance, assuré la défense d'un étranger au titre de la commission d'office », usage interne aux avocats qui, applicable aux seules interventions en cause d'appel à titre payant, ne présente aucun caractère normatif et qui ne liait pas le juge, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, L. 552-1 du ceseda, ensemble le principe du respect des droits de la défense ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, le principe des droits de la défense impliquent que soit garanti le droit à un avocat ; qu'en énonçant, pour prolonger le maintien en rétention de M. [S], que ce dernier a été entendu à son audience à laquelle aucun avocat de permanence n'était présent, en raison d'un mouvement de grève du barreau de Paris, que si le retenu a demandé à être assisté d'un avocat, il aurait existé des « circonstances insurmontables conduisant à cette situation et la procédure répondant à bref délai », sans caractériser un obstacle insurmontable ayant empêché l'assistance d'un avocat dans le délai imparti pour se prononcer, qui n'expirait que le lendemain à 12 h 45, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 552-1 et R. 552-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée

D'AVOIR, rejeté les exceptions de nullité soulevées, ordonné la prolongation du maintien de M. [S] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 28 jours, soit jusqu'au 21 février 2020,

AUX MOTIFS QUE « la cour constate que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour sans qu'il soit nécessaire d'apporter quelque observation ; y ajoutant ou substituant uniquement sur le moyen tiré d'une ordonnance rendue avant celle faisant l'objet de l'appel et de la violation des droits, qu'aucun élément ne permet d'attester de cette bizarrerie, l'ordonnance ayant été rendue sur les 2 requêtes à 17 h 30, le moyen ne peut qu'être rejeté » ;

ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à une absence de motifs ; que dans sa déclaration d'appel, M. [S] soutenait, en étayant ce moyen d'attestations d'avocats et par des conclusions de donner-acte versées aux débats, que son conseil n'avait pas pu être entendu lors de l'audience s'étant tenue devant le juge des libertés et de la détention et que M. [S] avait été finalement entendu, lors même que la décision avait d'ores et déjà été prise et que cette situation méconnaissait le droit à un procès équitable (déclaration d'appel et conclusions, p. 1) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, qui était étayé par des éléments de preuve, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée

D'AVOIR, rejeté les exceptions de nullité soulevées, ordonné la prolongation du maintien de M. [S] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 28 jours, soit jusqu'au 21 février 2020,

AUX MOTIFS QUE « sur le moyen tiré de l'entièreté de la procédure a été transmise à la préfecture » et la violation de l'article 11 du code de procédure pénale, outre que le moyen n'est pas compréhensible au regard des piuces de procédure, n'ayant pas été soutenu en première instance au visa des « conclusions » figurant en procédure, s'agissant d'une exception de procédure, le moyen est au visa de l'article 74 du code de procédure civile irrecevable » ;

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