13 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-80.527

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CR01217

Texte de la décision

N° T 20-80.527 F-D

N° 01217


GM
13 OCTOBRE 2021


REJET


M. SOULARD président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 OCTOBRE 2021



M. [Q] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 26 novembre 2019, qui, pour corruption passive, faux et usage, l'a condamné à seize mois d'emprisonnement dont dix avec sursis, 5 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Q] [E], les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Bricoman, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La SA Bricoman (société Bricoman) a déposé plainte auprès du procureur de la République à l'encontre de M. [Q] [E], ancien salarié, responsable du service « édition et communication commerciale », notamment en charge des relations avec plusieurs sociétés sous-traitantes auxquelles étaient confiées la conception et l'impression de catalogues.

3. La plaignante a exposé avoir découvert de manière fortuite que M. [E] avait obtenu divers avantages en nature de ces sous-traitants et qu'un système de surfacturation avait été mis en place, permettant la rétrocession de commissions à M. [R] [M], qui apparaissait, via la société espagnole Morinia Business qu'il dirigeait, comme un intermédiaire obligé entre toutes ces sociétés et M. [E].

4. La société Bricoman a indiqué également que M. [E] et son épouse détenaient la totalité des parts d'une société de droit belge dénommée Che Publicité laquelle avait adressé quatorze factures à la société Morinia Business, d'un montant de 20 000 euros en moyenne, qui, selon elle, ne s'appuyaient sur aucune prestation réelle mais permettait la rétrocession à M. [E] des commissions versées par les imprimeurs à M. [M].

5. A l'issue de l'enquête préliminaire, une information judiciaire a été ouverte à l'issue de laquelle M. [E] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de confiance, recel d'abus de confiance, faux, usage de faux et corruption active.

6. Par jugement en date du 12 avril 2018, le tribunal correctionnel de Lille, après avoir requalifié les faits de corruption active en corruption passive, a relaxé le prévenu pour les faits d'abus de confiance commis courant 2004 et jusqu'au 25 novembre 2009, l'a déclaré coupable de recel de bien obtenu à l'aide d'un abus de confiance, faux, usage de faux et corruption passive, l'a condamné à seize mois d'emprisonnement dont dix avec sursis et 8 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

7. M. [E] et le procureur de la République ont formé appel de cette décision.

8. Devant la cour d'appel, le prévenu a soulevé l'incompétence des juridictions françaises pour juger des faits de faux et usage de faux, commis selon lui hors du territoire national, qui lui sont reprochés.


Examen des moyens

Sur les premier moyen, deuxième moyen pris en sa deuxième branche, troisième et quatrième moyens


9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le deuxième moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Le moyen, pris en sa première branche critique l'arrêt attaqué confirmatif d'avoir déclaré M. [E] coupable de faux en écriture privée et usage, alors :

« 1°/ que les faits de faux et usage de faux poursuivis ont été commis en Belgique par la société belge Che Publicité qui a établi et adressé à la société Morina Business, elle-même société espagnole, les factures litigieuses ; la plainte déposée en France par la société Bricoman ne visait pas les chefs de faux et usage de faux, et la société Bricoman n'établit pas avoir été la victime directe des agissements de faux et usage de faux dont s'agit ; ainsi la cour d'appel n'a pas justifié que la poursuite en France a été exercée dans les conditions spécifiques de l'article 113-8 du code pénal exigeant qu'elle soit précédée d'une plainte de la victime ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis, et a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

11. Selon les articles 113-7 et 113-8 du code pénal, les juridictions pénales françaises sont compétentes pour connaître de tout crime ou délit puni d'emprisonnement, commis par un français ou par un étranger hors du territoire de la République, lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction, la poursuite de ces délits qui ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public, devant être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis.

12. Cependant, la dénonciation prévue par l'article 113-8 du code pénal n'est pas requise lorsque la compétence de la juridiction française, pour connaître d'une infraction commise par un français ou un étranger en dehors du territoire de la République, procède de son indivisibilité avec une autre infraction commise en France.

13. Pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par le prévenu, l'arrêt attaqué énonce qu'outre qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les factures litigieuses ont réellement été établies en Belgique, la société Che Publicité n'étant en réalité qu'une coquille vide, la société Bricoman, dont la plainte est à l'origine des poursuites diligentées par le ministère public, est immatriculée en France.

14. C'est à tort que la cour d'appel a considéré que la plainte de la société Bricoman, qui n'était pas la victime directe des faits de faux et usage de faux allégués, a pu attribuer compétence aux lois et juridictions françaises en application des articles 113-7 et 113-8 du code pénal.

15. Cependant, la censure n'est pas encourue.

16. En effet, les motifs de l'arrêt, dont il résulte que les factures falsifiées au nom de la société Che Publicité ont été utilisées par le prévenu afin de couvrir la perception des commissions, produit du délit de corruption commis en France pour lequel il a été également poursuivi, établissent l'existence d'un lien d'indivisibilité entre les infractions reprochées au prévenu, commises, les unes en France, les autres à l'étranger.

17. Ainsi, le grief doit être écarté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2500 euros la somme que M. [E] devra payer à la société Bricoman en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt et un.

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