21 janvier 2010
Cour d'appel de Paris
RG n° 08/10139

Pôle 5 - Chambre 9

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 21 JANVIER 2010



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10139



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - 1ère Chambre civile RG n° 07/03471





APPELANTE:



La S.M.J. représentée par Maître [I] [P] [P]

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

ès qualités de liquidateur de la SA SILLAGES, en remplacement de Maître [N] [Z]



représentée par la SCP FANET - SERRA, avoué à la Cour

assistée de Maître Isabelle CHENE, avocat au barreau de PARIS Toque : G 842



INTIMEE:



S.C.I. du [Adresse 5]

ayant son siège [Adresse 5]

[Localité 4]

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège



représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Maître Jean-Noël SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS Toque : D 409





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 18 Novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

qui en ont délibéré,



Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,



Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON



ARRET :



- contradictoire,



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, et par Monsieur Daniel COULON, Greffier présent lors du prononcé.





Le redressement judiciaire de la S.A. SILLAGES, ouvert par jugement du 4 juin 1993 du tribunal de commerce de Créteil, a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 2 juin 1994, désignant initialement Maître [Z] en qualité de liquidateur.

À cette époque, la S.A. SILLAGES est associée au sein de la SCI [Adresse 5], dont elle détient 98 % du capital, le solde étant détenu par Monsieur [D] [S], dirigeant à l'époque de la société SILLAGES et gérant de la SCI, et par l'épouse de ce dernier.



L'assemblée générale extraordinaire de la SCI [Adresse 5], objet d'un procès-verbal daté (en titre) du 30 septembre 2003, mais commençant par les mots 'l'an deux mil trois et le 1er décembre', lequel procès-verbal a été déposé le 9 mars 2004 en annexe du Registre du commerce et des sociétés, a notamment, d'une part, au titre de 'l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire' (deuxième résolution) :

- pris acte de la perte de la qualité d'associé de la S.A. SILLAGES depuis sa 'liquidation de biens' du 3 juin 1994,

- fixé à hauteur de 20.000 €, la valeur de la participation de la S.A. SILLAGES,

d'autre part, au titre de 'l'ordre du jour de l'assemblée générale extraordinaire'

- réduit le capital de la SCI à un montant de 30,28 €,

- l'augmentation du capital de la SCI par création de 98 parts de 15,24 € chacune, dévolues à Monsieur [D] [S], le montant du nouveau capital étant ainsi porté à 1.524 €, divisé en 100 parts de 15,24 € chacune, désormais détenu par Monsieur [D] [S] à hauteur de 99 % et par l'épouse de celui-ci à hauteur du 1 % restant.



Le 8 mars 2007, Maître [Z], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la S.A. SILLAGES, estimant ne pas avoir été convoqué à l'assemblée générale litigieuse, a attrait la SCI [Adresse 5] devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins essentiellement, dans le dernier état des demandes formulées en première instance, de l'entendre ordonner la nullité :

- à titre principal, de l'assemblée générale de la SCI [dont le procès-verbal a été] déposé le 9 mars 2004 [en annexe du Registre du commerce et des sociétés tenu] au greffe du tribunal de commerce de Créteil,

- subsidiairement, les deuxième, cinquième et sixième résolutions de l'assemblée,

- en tout état de cause, de communiquer, sous astreinte, les comptes et bilans de tous les exercices clos depuis le 31 décembre 1996 et de condamner la SCI à payer 10.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre des frais irrépétibles.



Ultérieurement, par jugement du 25 septembre 2007 du tribunal de commerce de Créteil, Maître [Z], parti en retraite, a été remplacé par Maître [P] [P] en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A. SILLAGES.



Par jugement contradictoire du 8 avril 2008, estimant que la S.A. SILLAGES avait perdu sa qualité d'associée de la SCI le jour de son placement en redressement judiciaire, le 4 juin 1993, le tribunal a déclaré irrecevable l'action de son liquidateur en retenant essentiellement que l'article 15 des statuts de la SCI stipulait que l'associé cesse de faire partie de la société au jour de sa mise en état de règlement judiciaire ou de liquidation des biens et que les parties ont pu valablement déroger à l'article 1860 du code civil, conditionnant la perte de la qualité d'associé au remboursement préalable des droits sociaux, ce texte n'étant pas d'ordre public.



Maître [P] [P], ès qualités, a interjeté appel le 26 mai 2008.

Entre temps, par jugement du 15 janvier 2009 du tribunal de commerce de Créteil, la selarl SMJ, représentée par Maître [P] [P], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A. SILLAGES, lequel nouveau liquidateur est volontairement intervenu à l'instance devant la cour par conclusions signifiées les 12 et 13 mars 2009 en reprenant les écritures précédemment signifiées par Maître [P] [P] en ses anciennes qualités.




Vu les dernières écritures signifiées le 28 mai 2009 par la selarl SMJ, ès qualités, représentée par Maître [P] [P], réclamant 5.000 € de frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en sollicitant à nouveau, le bénéfice des demandes antérieurement formulées en première instance ;



Vu les dernières conclusions signifiées le 26 décembre 2008, par la SCI [Adresse 5] réclamant 10.000 € de frais non compris dans les dépens et poursuivant essentiellement, la confirmation du jugement, outre la condamnation du liquidateur de la S.A. SILLAGES à lui payer 10.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive ;




SUR CE, la cour :



Considérant que la selarl SMJ ne conteste pas, ès qualités, que l'ouverture de la procédure collective était de nature à faire perdre à la S.A. SILLAGES sa qualité d'associée de la SCI [Adresse 5] ;



Que le liquidateur judiciaire estime cependant que :

- cette perte de qualité n'est pas systématique en ce que, selon lui, la société civile doit le demander expressément,

- et que celle-ci doit préalablement, en application de l'article 1860 du code civil, rembourser la valeur des droits sociaux de l'associé évincé, l'évaluation, à défaut d'accord amiable, devant se faire dans les conditions de l'article 1843-4 du même code, alors que la SCI a unilatéralement fixé cette valeur à hauteur de 20.000 € sans justification ;



Que soutenant le caractère d'ordre public des dispositions de l'article 1860 du code civil, la société SMJ en déduit que son administrée est toujours associée de la SCI et, invoquant le défaut de convocation régulière du liquidateur de la société SILLAGES, demande l'annulation de l'assemblée litigieuse ou, à défaut, l'annulation des 2ème [perte de la qualité d'associée], 5ème [réduction du capital] et 6ème [augmentation de capital] résolutions comme violant les article 23 et 27 des statuts de la SCI sur les délibérations des assemblées générales extraordinaires ;



Que le liquidateur judiciaire de la S.A. SILLAGES reproche aussi à la SCI [Adresse 5], la violation de l'article 1855 du code civil sur la communication annuelle des livres et documents sociaux aux associés ;



Considérant que pour sa part, la SCI [Adresse 5] soulève à nouveau, l'irrecevabilité de l'action du liquidateur ès qualités en soutenant qu'il n'a pas d'intérêt à agir, en invoquant l'article 15 des statuts de la SCI ;



Qu'il en déduit que la société SILLAGES n'est plus associée de la SCI depuis la date de la déclaration de cessation des paiements, le 18 mai 1993 ou, au plus tard, du 24 mars 1994 'proche du jugement de liquidation judiciaire' [conclusions page 9], l'ancienne associée demeurant simplement créancière de la valeur de ses parts sociales, laquelle, selon l'intimée, doit être évaluée à la date de la disparition de la qualité d'associé ;



Qu'observant, en tout état de cause, que durant toute la période postérieure, le liquidateur judiciaire de la société SILLAGES s'est désintéressé de la gestion de la SCI, l'intimée soutient que la société SILLAGES n'étant plus associée de la SCI [Adresse 5], son liquidateur n'a pas qualité pour demander la nullité d'une assemblée ou de certaines résolutions seulement, ni davantage pour solliciter la communication des comptes;



Qu'indiquant avoir adressé un chèque de 20.000 € à Maître [Z], alors liquidateur de la société SILLAGES, ce dernier l'ayant refusé par courrier du 10 janvier 2007, l'intimée observe également, que tout en contestant l'évaluation de la valeur des droits sociaux antérieurement détenus par son administrée, Maître [P] [P] ne sollicite pas pour autant la désignation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil, la SCI [Adresse 5] estimant qu'en tout état de cause, il serait aujourd'hui forclos pour se prévaloir d'une évaluation par expert [conclusions page 10] ;



Que soutenant qu'il n'existe pas de délai pour prendre en compte la perte de la qualité d'associé, [conclusions page 9], la SCI expose que l'assemblée de 2003 avait pour objet de régulariser la situation issue de la perte de la qualité d'associée de la S.A. SILLAGES depuis '1993 ou 1994 ' ;



Qu'elle estime aussi que la convocation de la S.A. SILLAGES au lieu de son siège social, et non à l'adresse de son liquidateur judiciaire, est conforme aux statuts et à la loi et qu'en se prévalant à ce titre d'une prétendue nullité de l'assemblée, non invoquée en première instance, la demande de Maître [P] [P] ès qualités est nouvelle en cause d'appel ;



Qu'estimant aussi que l'article 1860 du code civil n'est pas d'ordre public, et même qu'à défaut, l'article 1134 du code civil 'est d'une force supérieure d'ordre public qui a vocation à l'emporter sur les dispositions de l'article 1860 ' [conclusions page 10], elle soutient qu'aux termes de l'article 15 des statuts, les parties ont entendu déroger aux dispositions de l'article 1860 du code civil, de sorte que la société SILLAGES a perdu la qualité d'associée par l'effet de la procédure collective ouverte à son encontre et dès avant la perception de la valeur de ses droits sociaux ;



Que la SCI [Adresse 5] estime encore, outre que la société SILLAGES n'a plus la qualité d'associée, que la demande de communication des livres et documents sociaux en application de l'article 1855 du code civil, est nouvelle en cause d'appel et, en conséquence, doit être rejetée ;



ceci ayant été rappelé,



Considérant liminairement qu'en stipulant que 'si un associé est mis en état de règlement judiciaire, de liquidation des biens [...], cet associé cesse de faire partie de la société' et qu'il 'n'en est plus que le créancier et a droit à la valeur de ses droits sociaux déterminés conformément à l'article 1843-4 du code civil', l'article 15 des statuts de la SCI [Adresse 5] permet d'évincer un associé de la société lorsqu'il se trouve dans les liens d'une procédure collective ;



Que dès lors, s'agissant d'exclure un associé sans qu'il ait exprimé une volonté formelle de se retirer, l'interprétation de la stipulation statutaire doit être restrictive, étant observé qu'il ne se déduit pas du texte de l'article 15 précité, la volonté de déroger à l'article 1860 du code civil, puisqu'il se conforme expressément à ce dernier sur les modalités d'évaluation des droits sociaux de l'associé évincé ;



Considérant par ailleurs, qu'en disposant que 's'il y a [...] liquidation de biens ou règlement judiciaire atteignant l'un des associés [...], il est procédé, dans les conditions énoncées à l'article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l'intéressé, lequel perdra alors la qualité d'associé ', l'article 1860 du code civil est d'application impérative, la situation, éventuellement contraire ou différente, n'étant pas réservée par le législateur ;



Qu'il se déduit de l'application cumulée des dispositions de l'article 1860 du code civil et des stipulations de l'article 15 des statuts, que la perte de la qualité d'associé est consécutive au remboursement des droits sociaux ;



Qu'en ayant annulé les parts initialement détenues par la S.A. SILLAGES en réduisant le capital à un montant de 30,28 €, alors qu'elle s'était bornée dans la résolution précédente à fixer unilatéralement l'indemnisation à hauteur de 20.000 € sans avoir préalablement recueilli l'accord des organes de la procédure collective de l'associé évincé, ni procédé dans les conditions énoncées à l'article 1843-4 du code civil, pourtant prévues par l'article 15 des statuts, l'assemblée dite du 30 septembre 2003 de la SCI [Adresse 5] a outrepassé ses pouvoirs, la perte de la qualité d'associé ne pouvant pas être préalable au remboursement des droits sociaux ;



Qu'à cet égard il convient en outre de relever, qu'en adressant l'indemnisation unilatéralement fixée de 20.000 €, le 5 décembre 2006, au liquidateur de la S.A. SILLAGES, alors que l'annulation des parts initialement détenues par l'intéressée avait été effectuée par l'assemblée litigieuse dite du 30 septembre 2003, la SCI [Adresse 5] a évincé l'associée intéressée plus de trois ans avant une tentative d'indemnisation, au demeurant inefficace en l'absence d'accord des parties ou de la mise en oeuvre des conditions prévues par l'article 1843-4 du code civil ;



Considérant aussi, que la SCI [Adresse 5] n'ignorait pas que la S.A. SILLAGES était en liquidation judiciaire, ni l'adresse de son mandataire liquidateur puisque le gérant de la SCI était l'ancien dirigeant de la S.A. SILLAGES en fonction au moment de l'ouverture de la procédure collective ;



Qu'en convoquant le liquidateur de la S.A. SILLAGES au siège social de la société en liquidation judiciaire (qui était également le siège social de la SCI [Adresse 5], auteur de la convocation) et non à son étude, la SCI [Adresse 5] a sciemment cherché à ce que la convocation à son assemblée dite du 30 septembre 2003, ne touche pas en temps utile l'organe concerné de la procédure collective, d'autant qu'elle contrôlait l'arrivée du courrier à l'adresse du [Adresse 2] et qu'elle n'allègue pas avoir informé la Poste pour que le courrier spécifique, contenant la convocation destinée à la société SILLAGES, soit réexpédié au mandataire liquidateur, représentant pourtant légalement la personne morale détenant 98 % du capital social de la SCI ;



Que dès lors, même sur seconde convocation, l'assemblée générale, extraordinaire et ordinaire dite du 30 septembre 2003, ne pouvait pas valablement se réunir avec les associés représentant seulement 2 % du capital social, compte tenu de la manoeuvre ci-dessus décrite;



Qu'il sera en conséquence, fait droit à la demande principale de nullité de l'assemblée générale du 30 septembre 2003 de la SCI [Adresse 5] ;



Que la société SILLAGES étant toujours associée de la SCI [Adresse 5], à défaut de remboursement de ses droits sociaux dans les conditions énoncées à l'article 1843-4 du code civil, il sera également fait droit à la demande de communication de tous les comptes et bilans de tous les exercices sociaux de la SCI, clos depuis le 31 décembre 1996, sans qu'il soit nécessaire de l'assortir d'une astreinte, lesdits documents devant nécessairement être produits dans le cadre de la saisine, par la partie la plus diligente, de l'expert prévu par les conditions de mise en oeuvre de l'article 1843-4 du code civil ;



Considérant que le mandataire judiciaire liquidateur ne précise pas en quoi la résistance opposée par la SCI [Adresse 5], serait abusive, ni ne justifie davantage de la réalité du préjudice allégué qui en résulterait ;



Que succombant dans ses prétentions, la SCI [Adresse 5] n'est pas fondée dans ses demandes de dommages et intérêts pour procédure prétendument abusive, ni au titre de ses frais irrépétibles ;



Qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à l'appelante, ès qualités, la charge définitive de ses frais irrépétibles ;



PAR CES MOTIFS:



Infirme le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,



Annule l'assemblée générale de la SCI [Adresse 5] datée du 30 septembre 2003, dont le procès-verbal a été déposé le 9 mars 2004 en annexe du Registre du commerce et des sociétés tenu au greffe du tribunal de commerce de Créteil,



Ordonne la communication, par la SCI [Adresse 5] au liquidateur de la S.A. SILLAGES ès qualités, de tous les comptes et bilans de tous les exercices sociaux de la SCI, clos depuis le 31 décembre 1996,



Rejette les demandes de dommages et intérêts des parties,



Déboute en outre, la SCI [Adresse 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la SCI [Adresse 5] aux dépens de première instance et d'appel et à verser cinq mille euros (5.000 €) de frais irrépétibles à la selarl SMJ, représentée par Maître [P] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A. SILLAGES,



Admet la SCP FANET-SERRA, avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER, LE PRESIDENT,













D. COULON P. MONIN-HERSANT

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