10 décembre 2009
Cour d'appel de Paris
RG n° 07/15065

Pôle 5 - Chambre 6

Texte de la décision

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2009



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/15065



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/10165





APPELANTE:



Madame [N] [Y] épouse [W]

demeurant [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]



représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à la Cour

dépôt du dossier de Maître Alain DRAP, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





INTIMÉES:



S.A. MCS ET ASSOCIES venant aux droits de la S.A. BRED BANQUE POPULAIRE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoué à la Cour

dépôt du dossier de Maître Philippe LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque E 578



Madame [J] [Y] prise en sa qualité de caution de la SARL PHILIPPINE

demeurant C/O Monsieur [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]



assignée et défaillante





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Octobre 2009, en audience publique, devant Madame Marie-Claude APELLE, Président, et Madame Claire DAVID, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire,



Un rapport a été présenté à l'audience conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.





Ces magistrats ont rendu compte dans le délibéré de la Cour, composée de :







Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Claire DAVID, Conseiller

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller



qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN







ARRÊT :



- par défaut



- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président, et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT , Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.



***





Mme [N] [Y] épouse [W] est appelante d'un jugement rendu le Tribunal de grande instance de Paris le 29 mai 2007, qui l'a condamnée solidairement avec Mme [J] [Y], sa s'ur, à payer à la société M.C.S. et associés la somme de neuf mille cent treize euros et soixante-dix centimes (9.113,70 €), correspondant au solde restant dû au titre du crédit consenti à la société à responsabilité limitée Philippine, dont elles s'étaient portées cautions, par la banque B.R.E.D.-Banque populaire, qui a cédé ensuite sa créance à la société intimée. Le jugement entrepris a également condamné Mme [N] [W] au paiement des intérêts sur cette somme, ainsi qu'à la somme de sept cent cents euros (700 €) au titre des frais irrépétibles.

L'appel ne concerne donc pas les dispositions du jugement qui ont condamné Mme [J] [Y], seule et non appelante, à payer à la société M.C.S. et associés la somme de quatre mille trois cent vingt-neuf euros et soixante-dix centimes (4.329,70 €), avec intérêts au taux contractuel à dater du 29 avril 2005.




Les faits dans la mesure où ils sont constants, et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :

En date du 1er janvier 1994, la société à responsabilité limitée Philippine, dont la gérante était Mme [F], a emprunté à la banque B.R.E.D. la somme de quatre-vint mille francs (80.000 F), remboursable en soixante (60) mensualités.

Mme [N] [Y] épouse [W] et Mme [J] [Y] se sont portées cautions.

Il est certain que la société Philippine n'a plus honoré les échéances du prêt, à une date qui n'est pas constante à la lecture des écritures : à partir d'août 1995 selon la société M.C.S., dès mai 1994 selon Mme [W].

Il est certain que Mme [W], mise en demeure par la banque en qualité de caution, a effectué des paiements d'un montant total de quatre mille six cent quatre-vingt-seize euros et quatre-vingt-quatorze centimes (4.696,94 €), suivant les énonciations du jugement entrepris.

Suivant actes d'huissier de justice en date des 29 juin et 1er juillet 2005, la société M.C.S. a assigné Mmes [J] [Y] et [N] [Y] épouse [W], en qualités de cautions de la société Philippine, en paiement de la somme de neuf mille cent treize euros et soixante-dix centimes (9.113,70 €) au titre du principal, de celle de quatre mille trois cent vingt-neuf euros et soixante-dix centimes (4.329,70 €) au titre des intérêts conventionnels et de celle de mille cinq cents euros (1.500 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

C'est cette procédure qui a abouti au jugement entrepris.



Aux termes de ses écritures signifiées le 17 septembre 2009, valant conclusions récapitulatives conformément à l'article 753 du Code de procédure civile, Mme [N] [Y] épouse [W] demande à la Cour de : dire que le contrat de cession qui lui est opposé est nul pour défaut de prix ; dire qu'en tout état, il ne lui permet pas d'exercer le droit de retrait prévu à l'article 1699 du Code civil ; dire que le cessionnaire n'a pu être saisi à son égard, en l'état d'un acte ne donnant aucune précision réelle et vérifiable sur la créance cédée et sur le prétendu débiteur ; en conséquence, déclarer l'action de la société M.C.S. irrecevable ; en outre, constater qu'antérieurement à la cession de créance, le 27 juin 2004, la société M.C.S. est intervenue comme mandataire chargé du recouvrement amiable ; en conséquence, déclarer nul le contrat de cession de créances du 24 juin 2004, comme contraire aux articles 1596 et 1597 du Code civil ; subsidiairement, constater que la banque B.R.E.D. a commis une faute en laissant prescrire l'action contre le propriétaire du fonds, privant par là-même Mme [W] de la possibilité d'être subrogée aux droits des sociétés B.R.E.D. et M.C.S. et associés contre le propriétaire ; en conséquence, dire, conformément à l'article 2314 du Code civil, que la société M.C.S. ne peut agir contre Mme [W], caution ; plus subsidiairement, dire que la banque B.R.E.D. a commis un dol envers les cautions, d'abord, en accordant au débiteur principal un prêt qui n'était pas susceptible d'être remboursé sur ses seules facultés, ensuite en dissimulant ce fait à la caution, qui était étrangère à l'activité de l'entreprise, enfin, en accordant un prêt dont la banque savait dès l'origine qu'il ne pourrait être remboursé par le seul emprunteur, puisque le contrat de location-gérance s'achevait dans moins de deux ans, tandis que les échéances du prêt s'étalaientt sur cinq ans ; en conséquence, déclarer nul le contrat de cautionnement souscrit ; plus subsidiairement encore, dire que la banque a commis une faute engageant sa responsabilité civile et, en conséquence, condamner la société M.C.S. à lui payer la somme de vingt mille euros (20.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; ordonner la compensation ; condamner la société M.C.S. à lui payer la somme de quatre mille euros (4.000€) par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



Au soutien de ses demandes, Mme [N] [W] fait valoir les arguments suivants:



Elle fait d'abord observer qu'en application de l'article 563 du Code de procédure civile, elle est recevable à soulever en cause d'appel tout moyen nouveau à l'action en paiement de la société M.C.S.

Elle expose ensuite que les premiers juges ont violé plusieurs dispositions de valeur internationale, législative et règlementaire en admettant que la débitrice de la créance soit disant cédée dans l'acte de cession passé entre la la banque B.R.E.D. et la société M.C.S. n'avait pas droit à autre chose que la communication d'une pièce où les mentions du prix étaient cancellées.

Le jugement entrepris a de la sorte méconnu les dispositions de l'article 15 du Code de procédure civile ainsi que celles de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui insèrent les principe de loyauté et d'égalité des armes dans le cadre du procès civil.

Le jugement entrepris a également violé les articles 1591 et 1692 du Code civil, qui disposent que le prix de cession doit être déterminé.

Il a également violé les dispositions de l'article 1699 du même code, qui permet à celui contre qui a été cédé un droit litigieux de s'en faire tenir quitte par le cessionnaire en lui remboursant le prix réel de la cession augmentés des seuls frais et coûts loyaux ainsi que des intérêts du jour du versement. Il s'agit là d'un droit qui ne souffre aucune restriction, a fortiori si les poursuites se fondent sur un acte de caution.

Mme [W] ajoute que la société M.C.S. ne saurait faire valoir que la créance ne présentait aucun caractère litigieux, au motif qu'aucune poursuite n'avait été intentée à l'encontre du débiteur principal ou des cautions. Admettre un tel argument reviendrait à admettre que le cédant pourrait retarder l'engagement des poursuites pour se prévaloir du caractère non litigieux de la créance, et ainsi donner une prime à la déloyauté. Mme [W] expose qu'elle pourrait alors opposer la règle nemo auditur.

Par ailleurs, la société M.C.S. a violé les dispositions des articles 1596 et 1597 du Code civil en se faisant d'abord donner un mandat ad litem par le créancier d'origine, la banque B.R.E.D., puis en devenant cessionnaire de la créance

A titre subsidiaire, si la Cour ne retenait pas les moyens et arguments sus-exposés, Mme [W] serait en droit de soulever la prescription de la dette du débiteur principal envers le créancier, d'où découle l'inexistence de la dette à l'égard des cautions.

Quelque soit la qualification du contrat de cautionnement, fût-il un contrat de cautionnement solidaire, la caution ne peut être recherchée que dans la mesure où la dette du débiteur principal existe toujours.

Or, il est indéniable que l'emprunt a été contracté par la société Philippine en janvier 1994 et que cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés en mai 1994 : la défaillance du débiteur principal est acquise à la date de sa radiation du registre du commerce, puisque, du fait de cette radiation, il n'est plus à l'évidence en mesure de faire face à son engagement.

La disparition du débiteur principal a déterminé la déchéance du terme et l'exigibilité de la dette.

Le délai décennal de prescription en matière commerciale à donc commencé à courir à partir de mai 1994. En avril 2005, quand l'assignation a été délivrée, l'action contre le débiteur principal, la société Philippine, était prescrite.

Or, conformément à l'article 2290 du Code civil, la caution ne peut être tenue au-delà de ce qui est dû par le débiteur principal.

S'agissant de l'application de l'article 2314 du Code civil, Mme [N] [W] rappelle que la faute du créancier décharge la caution, dans la mesure où elle fait perdre à celle-ci son recours subrogatoire.

Or, le prêt a été accordé «'à l'occasion de la location-gérance'».

Il s'agit donc d'une dette dont le propriétaire du fonds est débiteur solidaire conformément à l'article L. 144-7 du Code de commerce.

Il s'ensuit que la banque, en laissant prescrire son action contre le propriétaire du fonds, a fait perdre à Mme [W], comme caution, le droit d'être subrogé au créancier contre le propriétaire du fonds, de sorte que, conformément à l'article 2314 du Code civil, la banque ne peut plus lui opposer le contrat de cautionnement.

À titre plus subsidiaire, il y a lieu de constater que le comportement de la banque B.R.E.D. envers Mme [W] est fautif à plusieurs égards :

Tout d'abord, elle s'est abstenue d'informer la caution de la situation du débiteur, en violation de l'article L. 111-1 du Code de la consommation. Or, les pièces communiquées montrent qu'il existait dès l'origine, une impossibilité absolue de remboursement par l'emprunteur : le dossier de prêt ne prévoyait pas même un chiffre d'affaires prévisionnel.

De plus, le prêt a été accordé en janvier 1994 et était de quatre-vingt mille francs

(80.000 F) en principal, remboursable sur soixante (60) mois, alors que le contrat de location-gérance s'achevait en septembre 1995 de sorte que l'exploitation du fonds pris en location-gérance ne permettait pas de rembourser le prêt au-delà de vingt mois au maximum.

Mme [W] estime que la banque a pris les cautions «'en otages'», alors qu'elle savait parfaitement que le débiteur principal ne pouvait pas rembourser le crédit.

Les agissements de la banque s'analysent en un dol, qui détermine la nullité du contrat de cautionnement.

La société M.C.S. ne saurait opposer la prescription de cinq ans en matière de nullité, dès lors que ses turpitudes n'ont été révélées que par la communication de ses pièces en cours de procédure.

Le comportement fautif de la banque a causé à Mme [W] un préjudice, qui doit être réparé par la condamnation de la société M.C.S., venant aux droits de la banque B.R.E.D, à lui payer la somme de vingt mille euros (20.000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Il y aura lieu d'ordonner la compensation.



Suivant conclusions signifiées le 14 octobre 2009, valant écritures récapitulatives par application de l'article 753 du Code de procédure civile, la société M.C.S. et associés, venant aux droits de la société B.R.E.D.-Banque Populaire, demande à la Cour de : déclarer irrecevables comme nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, les prétentions de Mme [W] fondées sur les articles 1591, 1692 et 1699 du Code civil ; confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ; condamner Mmes [J] [Y] et [N] [Y] épouse [W] à lui payer la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; condamner Mmes [Y] et [W], solidairement, à lui payer la somme de sept cents euros (700 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.



Après avoir rappelé les relations ayant existé entre les parties, la société M.C.S. fait valoir ce qui suit :

Elle soutient préliminairement, au visa de l'article 564 du Code de procédure civile, que les prétentions formées par Mme [W] sur le fondement des articles 1591, 1692 et 1699 du Code civil sont irrecevables comme ayant été formées pour la première fois en cause d'appel.

La société M.C.S. expose ensuite, s'agissant des dispositions de l'article 1690 du Code civil, que le mode de signification de la cession de créance est indifférent : l'article susvisé n'exige nullement une signification de la cession par voie d'huissier ; elle peut être valablement faite par assignation devant une juridiction ou des conclusions, pourvu que l'acte de cession de créance soit porté à la connaissance du débiteur cédé.

En l'espèce, l'acte de cession de créance a été porté à la connaissance de Mme [W] par signification des écritures le 21 mars 2006.

La société M.C.S. en déduit que l'acte de cession est opposable à l'appelante.

Sur la question de la régularité de l'acte de cession de créances, la société M.C.S. et associés soutient tout d'abord qu'elle n'est pas obligée de communiquer un prix de cession, puisqu'une cession de créance serait valide même si elle était faite à titre gratuit.

Elle ajoute que, de toute manière, elle produit aux débats l'acte de cession de créances démontrant qu'il y a bien eu cession globale et contre un prix déterminé.

Il s'ensuit que l'article 1591 du Code civil a bien été respecté.

S'agissant des dispositions des articles 1699 et suivants du Code civil, elles ne sont pas applicables, le droit cédé n'étant pas litigieux à la date de la cession : il n'existait ni contestation sur le fond du droit, ni procès en cours.

Sur la prescription décennale de l'article 110-4 du Code de commerce invoquée par Mme [W], la société M.C.S. réplique que la lecture de l'extrait K-bis révèle que la société Philippine a été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés le 5 août 2004, et non en mai 1994, comme le soutient Mme [W].

La dette n'est donc nullement devenue exigible en mai 1994 du fait de la disparition du débiteur principal.

En outre, si le décompte produit par la société M.C.S. et associés fixe la première échéance impayée au mois d'octobre 1995, les cautions ont effectué des paiements mensuels de cent vingt-et-un euros et quatre-vingt-seize centimes (121,96 €) pendant vingt-neuf (29) mois, puis de trente-cinq euros (35 €) pendant treize (13) mois, un dernier versement de mille euros (1.000 €) étant effectué le 19 mai 2005.

Du fait de ces règlements, la prescription de l'article 110-4 du Code commerce n'a pu courir.

Du reste, la radiation du débiteur du registre du commerce ne peut avoir pour effet de faire disparaître une dette.

S'agissant des dispositions des articles 1596 et 1597 du Code civil, la société M.C.S. soutient qu'elle a d'abord reçu mandat de recouvrer la créance, puis, après résiliation de ce mandat, est devenu cessionnaire de la créance ; il y deux actes distincts et la créance n'a été acquise qu'après résiliation du mandat de recouvrement, d'où il suit que les dispositions des articles 1596 et 1597 susvisés ne sont pas applicables.

S'agissant du dol invoqué par l'appelante, la société M.C.S. conteste avoir dissimulé à la caution la situation difficile du débiteur principal, puisque, dès le 5 avril 1996, elle a informé Mme [W] par courrier recommandé du montant des sommes dues par la société Philippine.

Elle a ensuite accepté des paiements mensuels de huit cents francs (800 F), puis relancé à de multiples reprises les deux cautions au sujet de leurs obligations.

Dans ces conditions, il ne peut y avoir eu de dissimulation dolosive.






SUR CE





1.- Sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société M.C.S. et associés sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile :



Considérant qu'en application de l'article 564 du Code de procédure civile, les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ou opposer compensation ;

Considérant que les prétentions développées par Mme [W] dans ses écritures d'appel, fondées sur les articles 1591, 1692 et 1699 du Code civil, visent exclusivement à contester l'action en paiement de la société M.C.S. et associées, venant aux droits de la société B.R.E.D.-Banque Populaire, et à invoquer la compensation ; que, plus particulièrement, Mme [W] est en droit de soulever pour la première fois en cause d'appel la question de la régularité de l'acte de cession de créances, qui conditionne le bien fondé de l'action en paiement dirigée à son encontre ;

Qu'il s'ensuit que le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société M.C.S. et associés n'est pas fondé ;



2.- Sur la validité de l'acte de cession de créance :



Considérant qu'en application de l'article 1699 du Code civil, le débiteur d'un droit litigieux peut exercer le retrait en remboursant au retrayé le prix que celui-ci est tenu de payer à son cédant ; que l'article 1700 du même code précise que la créance est censée être litigieuse s'il y a procès ou contestation sur le fond du droit ;



Considérant tout d'abord que l'article 1700 susvisé ne restreint pas la notion de créance litigieuse à l'existence d'un procès, mais dispose, tout différemment, que, dans le cas d'un procès au fond à la date de la cession, le juge est tenu de tenir la créance cédée pour litigieuse, sans exclure d'autres hypothèses de créances litigieuses ;



Considérant que, le 5 avril 1996, la société M.C.S.-Département Aster, agissant comme mandataire de la banque (dont la raison sociale figure en référence de la lettre) mais sans le préciser expressément, a écrit à Mme[N] [W], dans un courrier intitulé en gros caractère «'MISE EN DEMEURE'» :

«'NOUS VOUS METTONS EXPRESSEMENT EN DEMEURE DE nous régler la somme de : 63.779,59 francs sous huitaine.

Passé ce délai [...], nous exigerons de vous, non plus la somme de 63.779,59 francs représentant, au titre du présent rappel, le montant des arriérés de paiement majoré des pénalités, mais les sommes totales exigibles en cas de résiliation forcée du contrat.

Notre créance, devenue exigible, sera recouvrée par les moyens d'exécution forcée par l'intermédiaire de notre huissier conformément au Code de procédure civile.

Par ailleurs, vous serez inscrit aux fichiers CPII et FICP répondant aux normes de la Commission nationale Informatique et Liberté (interrogés par toute la profession bancaire pour l'obtention future des crédits). Seul le règlement immédiat de votre arriéré pourra suspendre les poursuites'» [les passages soulignés le sont par la Cour] ;



Considérant qu'une lettre rédigée dans des termes identiques a été adressée par le cabinet M.C.S. le même jour à la société Philippine et à Mmes [L] [F] et [J] [Y], cofidéijusseurs, d'autres courriers en des termes identiques étant adressés par l'organisme de recouvrement de créances au débiteur principal et aux trois cautions dans les mois suivants ;



Considérant que, le 4 août 1996, puis les 29 août 1996, 28 octobre 1997, 16 février 1998, le cabinet M.C.S.-Département Aster a écrit à Mme [N] [W] pour exiger un payement sous peine de «'reprendre les poursuites'» [la Cour souligne] ; que la menace de «'reprendre les poursuites'» a été à nouveau réitérée par le cabinet M.C.S. à l'encontre de Mme [W] dans des courriers des 16 juillet 2001 et 5 juillet 2004 ;



Considérant que les termes : «'Un nouvel incident nous obligerait à reprendre les poursuites à votre encontre'» [courrier du 29 août 1996], sauf à violer la sémantique la plus commune par faveur pour une partie, en l'espèce le créancier, signifient que le mandataire du créancier tenait que les poursuites avaient été entreprises, faute de quoi il n'aurait pu menacer à plusieurs reprises Mme [W] de les «'reprendre'» ; qu'en outre, le cabinet M.C.S. avait indiqué à Mme [W], le 5 avril 1996, qu'il les engageait si le règlement ne lui parvenait pas «'sous huitaine'» ;

Qu'enfin de multiples courriers, entre 1996 et 2001, ont menacé Mme [N] [W] des «'moyens d'exécution forcée par l'intermédiaire de notre huissier'» (ex. courrier du 30 avril 1997] ;



Considérant par ailleurs que Mme [W] a, dans un courrier du 27 mai 1996, indiqué qu'elle n'avait pas de trace du dossier de caution référencé BR2/LDRA/0059976414 dont excipait le cabinet M.C.S., a demandé la production de cet acte et s'est étonné du caractère erratique des montants de la dette alléguée, qui variait suivant les courriers de mise en demeure et/ou de rappel ; qu'il s'ensuit que le litige portait sur le fond même de la créance, au sens de l'article 1700 du Code civil susvisé ;



Considérant que la créance alléguée étant litigieuse de l'aveu même du créancier ou de son mandataire, par ailleurs professionnel du recouvrement, qui a, à plusieurs reprises, menacé de «'reprendre les poursuites'» et de recourir à l'«'exécution forcée'», il est indifférent que la présente instance n'ait été engagée que par assignation postérieure à la date de l'acte de cession de créance ; que toute autre interprétation de la notion de créance litigieuse aboutirait nécessairement, contre la volonté du législateur et pour privilégier une partie contre la lettre de la loi, à légitimer la fraude qui consiste à choisir la date de la cession d'un ensemble de créances, incluant des créances objectivement litigieuses, pour un prix global, en vue de faire obstacle au droit de retrait du débiteur cédé;



Considérant que la créance alléguée à l'égard de Mme [N] [W] étant litigieuse, la créance ne pouvait être incluse dans la cession d'un lot consenti à un prix global, mais devait faire l'objet d'une cession mentionnant le prix de la cession de la créance déterminée, que ce soit dans un acte spécial ou dans le corps de l'acte de cession globale, de manière à permettre au débiteur cédé d'exercer le droit de retrait qui lui est garanti par l'article 1699 du Code civil ;



Considérant qu'il découle de ces constatations que les parties à la cession de créance ont violé les dispositions susvisées, de sorte que Mme [W] est fondée à voir déclarer inopposable la cession de créance à son égard ;

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, les autres moyens et arguments développés par les parties sur ce point étant dès lors inopérants, il échet de débouter la société M.C.S. et associés de sa demande en payement contre Mme [W] ;







3.- Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par Mme [N] [W] :



Considérant que le grief de défaut d'information de la caution par la banque B.R.E.D. sur l'impossibilité absolue pour l'emprunteur de faire face à ses engagements dès la signature du contrat de cautionnement n'est pas démontré par les pièces produites aux débats ; que le fait de ne pas avoir attiré l'attention de la caution sur le fait que la location-gérance s'achevait avant l'échéance du prêt ne constitue pas, faute d'autres circonstances établies, une faute, l'activité de l'entreprise cautionnée n'étant nullement insusceptible de se poursuivre, dans les mêmes lieux ou dans d'autres, après l'expiration du contrat de location-gérance ;



Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter Mme [W] de sa demande en dommages-intérêts ;



4.- Sur l'exécution provisoire :



Considérant qu'en conséquence du rejet de l'action en paiement de la société M.C.S., il échet d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a a ordonné l'exécution provisoire ;



5.- Sur les demandes au titre des frais irrépétibles :



Considérant que, eu égard à la nature et aux circonstances de l'espèce, il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de Mme [N] [W] les frais irréptibles qu'elle a dû exposer en première instance et en cause d'appel ; que la société M.C.S. et associés sera condamnée à lui payer la somme de mille euros (1.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;



Considérant que la société M.C.S. et associés, partie succombante, doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles ;



6.- Sur les dépens :



Considérant que la société M.C.S. et associés, partie succombante, doit être condamnée aux dépens ;





PAR CES MOTIFS,





Déboute la société M.C.S. et associés de son exception d'irrecevabilité des moyens nouveaux en cause d'appel.



Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, y compris l'exécution provisoire ordonnée.



Déboute la société M.C.S. et associés de toutes ses demandes.



Condamne la société M.C.S. à payer à Mme [N] [Y] épouse [W] la somme de mille euros (1.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.



Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples.



Condamne la société M.C.S. et associés aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice, s'agissant de ceux d'appel, pour la S.C.P. Fisselier-Chiloux-Boulay de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.















LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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