15 septembre 2010
Cour d'appel de Paris
RG n° 07/02055

Pôle 5 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2010



(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 07/02055



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/04948







APPELANTE



La société SUZA INTERNATIONAL FRANCE, S.A.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 8]

[Adresse 9]

[Localité 7]



représentée par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour

assistée de Me Bruno GREGOIRE SAINTE MARIE, avocat au barreau de Paris, toque J106

plaidant pour la SELARL FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE





INTIMÉES



La société PREFESSIONNAL COMPUTER ASSOCIES FRANCE, SA

Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 6]



représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Michèle SOLA, avocat au barreau de Paris, toque A133



La société GOOGLE FRANCE, SARL

Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour

assistée de Me Sébastien PROUST, avocat au barreau de Paris, toque J 025

substituant Me Alexandra NERI, avocat au barreau de Paris, toque J 025

plaidant pour [I] [X] LLP













COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 26 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN





ARRÊT :- contradictoire



- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.




***



Vu l'appel interjeté le 5 février 2007 par la société SUZA INTERNATIONAL FRANCE (SA), ci-après SUZA, du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 20 décembre 2006 (RG 05/04948) ;




Vu les dernières conclusions signifiées le 21 mai 2010 dans l'intérêt de la société appelante ;



Vu les ultimes écritures de la société PROFESSIONNAL COMPUTER ASSOCIES FRANCE (SA), ci-après PCA, et de la société GOOGLE FRANCE (SARL), intimées et incidemment appelantes, respectivement signifiées le 25 mai 2010 ;



Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 25 mai 2010 ;






SUR CE, LA COUR



Considérant qu'il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :



- les sociétés SUZA et PCA, exerçant concurremment une activité de commerce en gros de produits informatiques et électroniques sont titulaires, la première de la marque française semi-figurative 'ADVANCE' n° 01 3 097 595, déposée le 26 avril 2001 en classes 9 et 38, la seconde des marques françaises dénominatives 'HEDEN' n° 01 3 118 286 et 'MAX-IN POWER' n° 03 3 227 515 respectivement déposées le 23 août 2001 et le 14 mai 2003 en classe 9,



- la société SUZA a souscrit au service de référencement payant 'GOOGLE AdWords' qui propose à tout opérateur économique de procéder à la sélection d'un ou plusieurs mots-clés et de faire apparaître, en cas de concordance entre ce ou ces mots-clés et le ou les mots contenus dans la requête adressée par un internaute au moteur de recherche de GOOGLE, un lien commercial vers son site, accompagné d'un bref message publicitaire,



- le 27 janvier 2005, la société PCA faisait constater par huissier de justice que l'insertion des termes 'HEDEN', 'MAXINPOWER', 'PCA FRANCE' dans le moteur de recherche de GOOGLE, accessible à l'adresse http://www.google.fr , déclenchait l'affichage sous la rubrique 'liens commerciaux' de l'annonce suivante :

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- ce lien ayant été supprimé le 16 février 2005 suite à ses réclamations, elle découvrait les 18 et 23 février 2005 avec un agent de l'Agence pour la protection des programmes (APP) que la saisie des termes précités suscitait désormais, toujours sous le titre 'liens commerciaux' , le texte ainsi rédigé :

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- c'est dans ces circonstances qu'elle a, par exploit des 22 et 24 mars 2005, introduit à l'encontre de la société SUZA et de la société GOOGLE FRANCE la présente instance aux griefs de contrefaçon de ses droits de marque, de concurrence déloyale et parasitisme, de publicité trompeuse et mensongère,



- par le jugement déféré le tribunal a dit, pour l'essentiel, que la société GOOGLE (sic) n'était pas fondée à invoquer en l'espèce les dispositions de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), qu'en choisissant dans le programme 'AdWords' les mots-clés 'HEDEN' et 'MAXINPOWER' pour faire apparaître une annonce publicitaire pour des produits qu'elle propose à la vente et un lien commercial permettant d'accéder au site qu'elle exploite ou encore à un site tiers assurant la promotion de ses produits, la société SUZA a commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques 'HEDEN' et 'MAX-IN-POWER' appartenant à la société PCA, qu'en choisissant, aux mêmes fins que celles précédemment énoncées, le mot-clé 'PCA FRANCE', constitutif du nom commercial de la société PCA, la société SUZA s'est rendue, au préjudice de cette dernière, coupable de concurrence déloyale, que la société GOOGLE, faute d'avoir mis en place un contrôle a priori de la licéité de la sélection opérée par la société SUZA au titre des mots-clé et d'avoir retiré promptement les mots-clés illicites, a engagé sa responsabilité civile à l'égard de la société PCA, que la société GOOGLE et la société SUZA ont commis au préjudice de la société PCA des actes de publicité trompeuse et mensongère, statuant sur la demande reconventionnelle formée par la société SUZA, le tribunal a retenu à la charge de la société PCA des actes de contrefaçon par imitation de la marque 'ADVANCE', il a enfin, au titre des mesures réparatrices, interdit sous astreinte la poursuite des actes illicites, condamné la société SUZA à payer à titre de dommages-intérêts à la société PCA la somme de 30 000 euros du chef de contrefaçon outre la somme de 10 000 euros du chef de concurrence déloyale, condamné la société GOOGLE à payer à la société PCA la somme de 1000 euros à raison de la faute commise à son préjudice, condamné in solidum les sociétés GOOGLE et SUZA à payer à la société PCA la somme de 20 000 euros pour publicité trompeuse et mensongère et précisé, pour ce qui concerne cette dernière condamnation, que GOOGLE sera garantie par SUZA à hauteur de 50%, condamné la société PCA à payer à la société SUZA une indemnité de 30 000 euros au titre de la contrefaçon de marque, rejeté le surplus des demandes en particulier celles formées au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,



- la société SUZA prie la cour de débouter la société PCA de toutes ses demandes, de dire et juger que la société PCA a contrefait par imitation la marque 'ADVANCE' dont elle est propriétaire et a persisté à commettre ces actes illicites après le jugement, en conséquence, de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction sous astreinte de 3000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt et une condamnation au paiement d'une indemnité qui sera fixée, à titre principal à 3 954 569 euros, à titre subsidiaire à 1 977 284 euros, de retenir en outre à sa charge des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, de lui interdire sous astreinte la poursuite de ces actes et de la condamner à lui payer une indemnité à fixer à dire d'expert et, par provision, la somme de 600 000 euros, d'ordonner sous astreinte la publication de l'arrêt à intervenir sur les pages d'accueil des trois sites internet exploités par la société PCA sur une durée de 3 mois et dans 5 titres de la presse écrite dans la limite d'un coût de 10 000 euros HT à la charge de la société PCA, de condamner cette dernière à lui verser la somme de 35 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,



- indiquant expressément renoncer à son action en contrefaçon contre la société GOOGLE FRANCE, la société PCA conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions fixant ses préjudices, retenant à sa charge des actes de contrefaçon de la marque 'ADVANCE' appartenant à la société SUZA, rejetant ses demandes formées au fondement du parasitisme et demande à la cour, statuant à nouveau des chefs infirmés, de condamner la société SUZA à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 100 000 euros du chef de la contrefaçon et la somme de 200 000 euros au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, de condamner la société GOOGLE FRANCE à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de la faute civile, de condamner in solidum les sociétés SUZA et GOOGLE FRANCE à lui verser la somme de 100 000 euros pour publicité trompeuse et mensongère, prononcer des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication sur le site internet de la société SUZA et dans 5 journaux de la presse écrite pour un coût de 20 000 euros, de dire et juger que la marque figurative 'ADVANCE' est nulle pour atteinte à son droit d'auteur sur le logo 'HEDEN' et en tout état de cause pour dépôt frauduleux, qu'en conséquence aucun acte de contrefaçon ne saurait lui être imputable, de débouter les sociétés SUZA et GOOGLE FRANCE de l'ensemble de leurs demandes, de les condamner in solidum à lui verser la somme de 25 000 euros au titre des frais irrépétibles,



- la société GOOGLE FRANCE poursuit à titre principal sa mise hors de cause, à titre subsidiaire le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société PCA, à titre infiniment subsidiaire l'entière garantie de la société SUZA pour toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre, en toute hypothèse, la condamnation de la société PCA à lui verser la somme de 50 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;



Sur la demande de mise hors de cause de la société GOOGLE FRANCE,



Considérant que la société GOOGLE FRANCE soutient en cause d'appel qu'elle est étrangère aux faits litigieux et qu'en conséquence, les prétentions émises par la société PCA sont mal dirigées à son endroit ;



Qu'elle fait à cet égard valoir que l'éditeur exclusif de tous les sites 'GOOGLE' de par le monde, quelle qu'en soit l'extension nationale, est la société américaine GOOGLE Inc. laquelle est l'unique titulaire des noms de domaine donnant accès à ces sites, en particulier du nom de domaine www.google.fr , et par ailleurs la seule à exploiter commercialement ces sites au moyen notamment de la vente d'espaces publicitaires dans le cadre du service de référencement 'GOOGLE AdWords' qu'elle a conçu et développé ; qu'elle-même ne déploie pour la maison mère qu'une mission d'assistance auprès de la clientèle française consistant concrètement à effectuer des démonstrations destinées aux professionnels et aux agences publicitaires et à répondre à toutes demandes de renseignements des utilisateurs sans jamais participer à la commercialisation du service n'ayant la charge ni des souscriptions ni des facturations ;







Que la société PCA soutient, pour voir maintenir en la cause la société GOOGLE FRANCE, que les encarts publicitaires contestés sont apparus sur le site 'GOOGLE FRANCE' , nécessairement rattaché par le public français à la société éponyme laquelle est présentée, dans une interview donnée par Mats Carduner, au Journal du Net de février 2005 comme exploitant le service 'AdWords' dans ce pays, et se comporte comme telle ainsi qu'il résulte des pièces de la procédure qui établissent que c'est elle-même qui a instruit la plainte de la société PCA et inscrit les mots-clés 'HEDEN', 'MAXINPOWER', 'PCA FRANCE' sur la 'trademarks monitor list' du système 'AdWords' de manière à faire obstacle à leur utilisation par un annonceur non autorisé ;



Considérant, ceci étant exposé, que le contrat de service conclu le 16 mai 2002 entre la société GOOGLE Inc. et la société GOOGLE FRANCE stipule en son article 2-1 que, notamment, En fournissant un support d'assistance à la vente, le Prestataire de Services (la société GOOGLE FRANCE) comprend et accepte qu'il n'a pas l'autorité d'engager la Société (la société GOOGLE Inc.) ou de contracter pour le compte de celle-ci, pour agir en tant que mandataire ou déclarer qu'il est autorisé à agir en tant que mandataire pour le compte de la Société, pour créer ou accepter toute obligation pour le compte de la Société ou au nom de la Société, ou signer tout contrat pour le compte de la Société . Plus spécifiquement, le Prestataire de Services ne devra pas négocier de contrats ou de licences pour le compte de la Société, ou accepter des commandes pour le compte de la Société et il devra informer les clients ou clients potentiels des restrictions de compétence pesant sur lui ;



Que le contrat précise encore à l'article 3-2 que, GOOGLE Inc. peut à sa seule discrétion et à tout moment modifier ou suspendre les services Web offerts, modifier les prix correspondants ainsi que les conditions générales et à l'article 3-4 que, GOOGLE Inc. (ou son licencié le cas échéant) retient toute propriété, droits et intérêts sur les services Web . En vertu de ce Contrat, GOOGLE FRANCE n'est investi d'aucun titre sur les services Web et n'est titulaire d'aucune licence ;



Que ces dispositions contractuelles, exemptes de toute ambiguïté, établissent que la société GOOGLE Inc. dispose de l'entière maîtrise du programme 'GOOGLE AdWords' sa filiale, la société GOOGLE FRANCE, se voyant expressément refuser tout pouvoir d'engager et de représenter la société mère et partant, toute implication dans le contenu, le fonctionnement, l'exploitation du service ;



Considérant que la société PCA n'est pas pertinente à opposer que les relations internes aux sociétés GOOGLE Inc. et GOOGLE FRANCE ne seraient ni apparentes ni explicites ;



Qu'en effet, force est de relever au vu du procès-verbal de constat effectué par huissier de justice le 15 janvier 2007, que le site www.google.fr affiche en page d'accueil un lien intitulé 'à propos de GOOGLE' ouvrant sur la rubrique 'informations sur la société' laquelle est exclusivement dédiée à GOOGLE Inc, l'utilisateur se voyant rappeler l'histoire de cette société, décrire l'ensemble des services mis à la disposition du public au nombre desquels le service 'AdWords', énoncer les noms et fonctions des membres de l'équipe de direction et du conseil d'administration et enfin communiquer l'adresse du siège social : [Adresse 1] ;



Que, sous le même lien, la rubrique ' Procédure pour les plaintes relatives aux marques- Marques déposées en dehors des Etats-Unis et du Canada' donne à lire la mention suivante : Si vous êtes propriétaire d'une marque (ou si vous représentez le propriétaire d'une marque ) et si vous souhaitez nous communiquer une réclamation relative à l'utilisation par un annonceur d'un terme correspondant à votre marque comme mot-clé ou dans le cadre du texte de son annonce(...) Merci d'envoyer ce message écrit avec les indications susmentionnées à l'adresse suivante : GOOGLE Inc, Attn : GOOGLE AdWords Trademarks Complaints, [Adresse 2] ;



Que le site www.google.fr ne cite aucunement la société GOOGLE FRANCE, seule étant indiquée la présence en France d'une 'agence commerciale', [Adresse 4] ;



Qu'il appert de ces éléments que seule la société GOOGLE Inc est présentée au public comme responsable de l'édition et de l'exploitation de l'ensemble des services proposés par cette société sur le réseau internet et accessibles en France à l'adresse www.google.fr ;



Que s'agissant tout particulièrement du service 'AdWords', l'interview de Mats Carduner invoquée par la société PCA ne laisse nullement accroire qu'il serait directement exploité en France par la société GOOGLE FRANCE force étant de constater que la personne interrogée, présentée par le Journal du Net comme investie des fonctions de 'directeur France GOOGLE', libellé qui ne renseigne aucunement sur la nature de ses liens avec la société GOOGLE FRANCE, se borne à communiquer des informations générales sur les avantages du référencement payant sur internet, à vanter les spécificités du système 'AdWords' et à annoncer une progression du marché français en 2004 sans jamais faire état de la participation propre de GOOGLE FRANCE sauf à indiquer à la suite de la question 'quelles sont les perspectives de GOOGLE FRANCE pour 2005 '' : Grâce à nos dispositifs de géolocalisation, la sensibilisation du marché, notamment en régions, apparaît comme une de nos priorités . Nous visons également une plus grande proximité avec les agences afin de leur fournir tous les éléments d'information dont elles ont besoin pour répondre aux attentes et interrogations des annonceurs , réponse qui vient corroborer les allégations de la société GOOGLE FRANCE selon lesquelles sa mission auprès de la clientèle française est de la renseigner et de l'assister ;



Que par ailleurs, rien ne permet d'affirmer que le site accessible à l'adresse www.google.fr serait nécessairement perçu comme associé à la société GOOGLE FRANCE, le 'code pays' (fr pour la France) étant regardé par tout usager d'internet comme indiquant seulement le rattachement du site concerné avec le marché de ce pays ;



Qu'en tout état de cause, les pièces de la procédure démontrent qu'une simple consultation du site de l'AFNIC enseigne que le titulaire du nom de domaine www.google.fr, est la société GOOGLE Inc.



Qu'il est encore établi et non contesté au demeurant que le site accessible au nom de domaine précité est hébergé sur des serveurs qui appartiennent à la société GOOGLE Inc.et situés à Mountain View en Californie ;



Qu'il n'est pas justifié enfin que la société GOOGLE FRANCE disposerait d'une quelconque initiative dans le fonctionnement du service, la seule circonstance selon laquelle elle aurait, sur la plainte de la société PCA, supprimé les mots-clés litigieux étant à cet égard dénuée de toute pertinence dès lors que la société GOOGLE Inc s'engage expressément dans la rubrique 'Procédure pour plaintes relatives aux marques' précédemment évoquée, à procéder à cette suppression immédiatement après qu'il aura été vérifié que la marque revendiquée est utilisée par un annonceur dans le cadre du service ;



Qu'il s'infère de l'ensemble de ces éléments que la société GOOGLE FRANCE est fondée à demander sa mise hors de cause ;





Sur les demandes formées à l'encontre de la société SUZA,



* sur la demande en contrefaçon,



Considérant qu'il est constant que la société SUZA a réservé pour mots-clé, dans le cadre du service de référencement payant sur internet 'GOOGLE AdWords', les signes verbaux 'HEDEN' et 'MAXINPOWER', que ces signes sont identiques aux marques dont la société PCA est titulaire, étant à cet égard observé que si le premier reproduit sans modification ni ajout tous les éléments de la marque dénominative 'HEDEN', le second, considéré dans son ensemble au côté de la marque 'MAX-IN POWER' recèle des différences si insignifiantes (suppression d'un tiret et d'un espace blanc) qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen, que l'emploi de ces signes a pour objet et pour effet de déclencher l'affichage de liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits identiques à ceux pour lesquels les marques opposées ont été enregistrées ;



Qu'en l'état de ces éléments, c'est à raison que les premiers juges ont examiné la demande en contrefaçon au regard des dispositions de l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle en vertu desquelles Sont interdits , sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que :'formule, façon, système, imitation, genre, méthode', ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;



Considérant que pour contester la contrefaçon, la société SUZA fait valoir essentiellement que le choix d'un signe identique à une marque en tant que mot-clé destiné à déclencher l'affichage d'un lien commercial pointant vers un site internet ne constitue pas un usage à titre de marque dès lors notamment qu'il n'y a pas de désignation de produits ou services par le signe choisi pour mot-clé et que ce signe n'est pas reproduit dans l'annonce où figure le lien commercial ;



Mais considérant qu'il résulte des dispositions précitées, appréciées au regard de l'article 5, paragraphe 1, a) de la directive 89/104 , que le titulaire de la marque est habilité à interdire l'usage, sans son consentement, d'un signe identique à ladite marque par un tiers, lorsque cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque ;



Qu'il appert des faits de l'espèce, que la sélection par l'annonceur d'un signe identique à une marque d'autrui en tant que mot-clé voué à déclencher l'affichage de son message publicitaire constitue à l'évidence un usage de ce signe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique, c'est-à- dire dans la vie des affaires et non dans le domaine privé ;



Que l'avantage économique qui est ici recherché par l'annonceur consiste à faire connaître ses propres produits à l'internaute désireux de trouver des informations ou des offres sur les produits du titulaire de la marque et, par là-même, à lui proposer une alternative par rapport aux produits couverts par la marque, circonstance qui caractérise à la charge de l'annonceur l'usage d'un signe identique à la marque d'autrui pour des produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée ;



Qu'il importe dès lors de vérifier si l'usage en question porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance ;



Or considérant que la cour relève, au vu des procès-verbaux versés aux débats par la société PCA et tout particulièrement des captures d'écran qui y sont annexées :

- que l'insertion dans le moteur de recherche de GOOGLE des mots-clé 'HEDEN' et 'MAXINPOWER' suscite l'apparition immédiate et simultanée, tant des résultats 'naturels' de la recherche que des liens commerciaux,

- que ces liens commerciaux sont affichés alors que, dans le même temps, la marque introduite en tant que critère de la recherche demeure exposée dans la fenêtre qui lui est destinée située en partie haute de l'écran,

- que l'internaute est encore moins à même d'opérer une discrimination entre les résultats 'naturels' de sa recherche et les liens commerciaux quand ces derniers visent également des produits de la marque objet de sa recherche, ainsi, le mot-clé 'HEDEN' déclenche, sous la rubrique liens commerciaux' , l'affichage, au côté de l'annonce publicitaire dédiée aux produits 'ADVANCE', du message suivant : HEDEN passez à la loupe tous les prix des produits HEDEN et économisez! monsieurprix.com/Heden ;



Que dans ces circonstances, l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif serait fondé à regarder les produits 'ADVANCE' et les produits 'HEDEN' comme provenant d'une même entreprise ou d'entreprises économiquement liées ;



Que par voie de conséquence, est caractérisée une atteinte à la fonction essentielle de la marque qui consiste, dans le domaine du commerce électronique, à permettre à l'internaute parcourant les annonces affichées en réponse à une recherche au sujet de la marque, de distinguer les produits ou services du titulaire de cette marque de ceux qui ont une autre provenance ;



Qu'il s'infère de ces observations que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu à la charge de la société SUZA des actes de contrefaçon des marques 'HEDEN' et 'MAX-IN POWER' dont la société PCA est titulaire ;



*Sur la demande en concurrence déloyale et parasitisme,



Considérant qu'il est pareillement constant que la société SUZA a sélectionné le signe PCA constitutif du nom commercial de la société concurrente PCA en tant que mot-clé appelé à déclencher, dans les conditions précédemment évoquées, l'affichage de liens promotionnels visant les produits qu'elle commercialise rédigés comme suit :



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Considérant que le principe de la liberté du commerce implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement utilisé, sous certaines conditions toutefois, tenant, notamment, à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit, attentatoire à un exercice paisible et loyal du commerce car de nature à provoquer un détournement de la clientèle ;



Que la cour relève en l'espèce, au vu des procès-verbaux versés aux débats, que l'internaute qui introduit le signe PCA comme critère de sa recherche, qu'il convient de regarder comme attachant un intérêt particulier aux produits offerts à la vente par la société PCA, voit apparaître en première ligne sous la rubrique 'liens commerciaux' les annonces publicitaires précitées, lesquelles renvoient respectivement à des adresses de sites internet (www.suza.fr et www.informatique.kelkoo.fr) sans communiquer le moindre élément permettant d'identifier la personne physique ou morale pour laquelle ces annonces sont faites ;



Qu'au regard de ces circonstances, l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif serait fondé à croire que les produits 'ADVANCE' sont commercialisés par la société PCA de sorte que, le risque de confusion sur l'origine des produits se trouve en l'espèce caractérisé ;



Considérant que la société PCA fait grief au jugement déféré d'avoir estimé que le parasitisme invoqué n'était pas caractérisé ;



Mais considérant que s'il apparaît à l'évidence qu'en faisant le choix du signe PCA à titre de mot-clé, la société SUZA a cherché 'à se placer dans le sillage' de cette société, cette circonstance a été nécessairement prise en compte pour retenir à sa charge des faits de concurrence déloyale et, en tout état de cause, n'a pas généré pour la société PCA un préjudice distinct de celui qui sera réparé au titre de la concurrence déloyale ;



*Sur la demande pour publicité trompeuse et mensongère,



Considérant que la société PCA fait grief à la société SUZA d'avoir, en rédigeant des messages publicitaires dont l'apparition est générée par la saisie des marques et du nom commercial de la société PCA, sciemment cherché à tromper les internautes à la recherche des produits de la société PCA ;



Or considérant que force est de relever que la société PCA ne justifie aucunement des prétendus actes délibérés de tromperie qui ne sauraient être caractérisés du seul fait pour un annonceur, d'utiliser à titre de mot-clé, dans le cadre d'un service de référencement payant, les marques ou nom commercial d'une société concurrente ;



Qu'en conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a retenu à la charge de la société SUZA des actes de publicité trompeuse ;



Sur les demandes de la société SUZA à l'encontre de la société PCA,



*Sur la demande en contrefaçon,



Considérant que la société SUZA, titulaire de la marque semi-figurative n° 01 3 097 595 'ADVANCE', déposée le 21 avril 2001 pour désigner notamment des produits informatiques, reproche à la société PCA de porter atteinte à ses droits en faisant usage, pour désigner des produits identiques à ceux couverts par l'enregistrement, du logo 'HEDEN'qui constituerait selon elle une imitation de la marque en reproduisant notamment l'élément figuratif de forme ovale ;



Considérant que la société PCA conteste toute contrefaçon en invoquant un droit antérieur d'auteur sur le logo incriminé et le caractère frauduleux du dépôt effectué en violation de ce droit ;



Mais considérant que la société PCA ne produit le moindre élément de preuve à l'appui des allégations selon lesquelles le logo aurait été créé en 1999, qu'elle n'établit pas davantage une utilisation de ce logo antérieurement à l'enregistrement de la marque dès lors que les seules pièces datées produites pour justifier d'une telle utilisation sont des photocopies dénuées aux yeux de la cour de toute valeur probante ;



Que la demande en annulation de la marque pour atteinte à un droit antérieur et dépôt frauduleux ne saurait en conséquence prospérer ;



Considérant que la marque opposée est constituée d'un cartouche ovale à fond noir entouré d'un liseré rouge, au sein duquel est inscrite, en lettres majuscules de couleur rouge disposées en éventail, la dénomination 'ADVANCE', dont la première lettre, A, dépasse le cadre du cartouche ;



Considérant que le logo attaqué 'HEDEN' n'étant pas identique à la marque première faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous ses éléments constitutifs, l'action en contrefaçon doit être examinée au regard de l'article L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle aux termes duquel: Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public/ a) (...), b) l'imitation d'une marque ou l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;



Considérant qu'il est constant que les produits concernés sont identiques ;



Qu'il importe dès lors de rechercher, au terme d'une appréciation globale de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce qui doit être fondée, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;



Or considérant que les signes en cause produisent, au plan auditif, des sonorités parfaitement distinctes ; qu'ils ne présentent aucune proximité au plan conceptuel, 'ADVANCE' étant susceptible d'évoquer le progrès et 'HEDEN' le paradis ;



Considérant au plan visuel, que le logo incriminé est composé d'un élément figuratif de forme ovoïde, de couleur bleu, entouré d'un liseré jaune, dans lequel est inscrite, en lettres épaisses au fond rouge et aux contours blancs, la dénomination 'HEDEN' dont les deux branches de la première lettre, H, sortent du cadre, sur le pourtour de l'élément figuratif, en partie inférieure, est indiquée la mention 'le partenaire des pros' ;



Qu'il ressort de la comparaison des signes des différences tenant d'abord à l'élément figuratif lui-même, certes de forme ovale dans les deux cas, mais un ovale très arrondi, de couleur bleu indigo et entouré de jaune pour ce qui est du logo 'HEDEN', très étendu en longueur, de couleur noire et bordé de rouge pour ce qui est de la marque invoquée, ensuite à la forme et à la couleur des caractères composant l'élément dénominatif, le mot 'HEDEN' étant composé de lettres hautes de couleur rouge mais entourées de blanc et sur un fond bleu, les lettres du mot 'ADVANCE' étant certes aussi de couleur rouge mais plus courtes et inscrites sur un fond noir ;



Que les différences ainsi relevées confèrent aux signes en présence une apparence d'ensemble distincte exempte de toute confusion, le logo 'HEDEN' frappant d'emblée par sa clarté, à raison notamment de la couleur blanche en partie centrale du logo, la marque 'ADVANCE', produisant à raison de la présence de son caractère bicolore rouge et noir une impression plus sombre ; que de surcroît, il ne peut échapper à l'observation que les dénominations 'ADVANCE' et 'HEDEN' qui occupent dans chacun des signes une place centrale sont radicalement différentes, notamment pour n'avoir en commun ni la syllabe d'attaque ni la séquence de chute ;



Considérant qu'il s'évince de l'appréciation globale résultant de la comparaison des signes opposés au plan visuel, phonétique et conceptuel, que les signes en cause produisent une impression distincte au regard de laquelle le facteur tenant à l'identité des produits concernés n'est pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé qui ne serait pas fondé à attribuer à ces produits une origine commune ou à les associer comme provenant d'entreprises économiquement liées ;



Que le jugement sera réformé en ce qu'il a retenu des actes de contrefaçon de marque au préjudice de la société SUZA ;



*Sur la demande en concurrence déloyale,



Considérant que la société SUZA reproche à la société PCA de reproduire systématiquement à l'identique les modèles qu'elle commercialise en reprenant non seulement leurs éléments techniques mais aussi leur apparence extérieure, qu'elle en veut pour preuve la reproduction de ses boîtiers 842 U, A 310 et de ses blocs de connexion PC-DOC, PC-DOC2, et de vendre les modèles reproduits à des prix inférieurs ;



Or considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée à l'aune du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce ;



Et considérant que les premiers juges ont exactement relevé, pour écarter le grief de concurrence déloyale, que les produits incriminés, libres de droits, sont également commercialisés par des concurrents autres que la société PCA, que la société SUZA ne justifie pas des investissements intellectuels, humains ou financiers qu'elle aurait consacré à la conception, à l'élaboration ou encore à la promotion des produits concernés, que la pratique de prix inférieurs n'est aucunement condamnable ;



Considérant que la société SUZA prétend en cause d'appel que la société PCA se serait livrée à de ' l'espionnage industriel' en utilisant les services d'un de ses préposés, chauffeur-livreur ;



Que ces affirmations sont dénuées de tout fondement ;



Sur les mesures réparatrices,



Considérant que les premiers juges ont pertinemment retenu que le préjudice résultant pour la société PCA des suites des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale retenus à la charge de la société SUZA avait été très limité ( 39 clics ayant été enregistrés sur les liens commerciaux contestés ) et procédé à une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 30 000 euros au titre de la contrefaçon et de 10 000 euros au titre de la concurrence déloyale ;



Considérant que la mesure d'interdiction de poursuivre les actes illicites moyennant une astreinte, dont le tribunal s'est réservé la liquidation, de 150 euros par infraction constatée passé le délai de 4 mois après la signification du jugement est pertinente en son principe et proportionnée dans ses modalités et mérite en conséquence confirmation ;



Considérant que les demandes de publication judiciaire ne sont pas justifiées eu égard notamment à l'ancienneté du litige ;



Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes formées au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;













PAR CES MOTIFS,





Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SUZA à payer à la société PCA à titre de dommages-intérêts, la somme de 30 000 euros au titre de la contrefaçon et la somme de 10 000 euros au titre de la concurrence déloyale, prononcé à l'encontre de la société SUZA une mesure d'interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, rejeté la demande en concurrence déloyale de la société SUZA,



Le réformant pour le surplus,



Met hors de cause la société GOOGLE FRANCE,



Déboute la société PCA de sa demande pour publicité trompeuse,



Déboute la société SUZA de sa demande en contrefaçon,



Rejette les demandes de publication judiciaire,



Rejette les demandes formées au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ,



Fait masse des dépens et dit qu'il seront partagés par moitié entre les sociétés SUZA et PCA et recouvrés, pour ceux afférents à la procédure d'appel, par les avoués en la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .







LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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