10 mai 2010
Cour d'appel de Paris
RG n° 09/25078

Pôle 6 - Chambre 1

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1



ARRET DU 10 Mai 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/25078



Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 27 Octobre 2009 par M. Le premier vice-président du Tribunal de grande instance de PARIS section RG n° 09/57233









APPELANTE



ASSISTANCE PUBLIC HÔPITAUX DE [Localité 4] agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour,

assistée de Me Sophie UETTWILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P261







INTIMES



COMITÉ D'HYGIÈNE DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL CENTRAL DE L'AP-HP pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour,

assistée de Me Sylvie LE TOQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K093



Madame [L] prise en sa qualité de secrétaire du CHSQCT Central de l'AP-HP

Hôpital [3] - Local CGT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour,

assistée de Me Sylvie LE TOQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K093







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 22 Mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves GARCIN, Président

Madame Marie-Bernadette LEGARS,

Madame Claire MONTPIED, Conseillère

qui en ont délibéré





Greffier : Madame Sandie FARGIER, lors des débats





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Yves GARCIN, président et par Madame Sandie FARGIER, greffier.




Vu l'appel interjeté, par déclaration au greffe enregistrée le 10 décembre 2009, par l' Assistance Publique -Hôpitaux de Paris - ci après, APHP - à l'encontre de l'ordonnance rendue le 27 octobre 2009 par M. le premier Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, qui statuant en la forme des référés sur délégation du Président de ce Tribunal , à la suite de la saisine de l'APHP, a :

- débouté l'APHP de l'ensemble de ses demandes,

- condamné l'APHP à payer au CHSCT central de l'APHP, 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'APHP aux entiers dépens ;




Vu les conclusions signifiées le 5 février 2010 aux termes desquelles l'APHP , demande à la Cour de :

à titre principal,

vu l'arrêté du 2 décembre 1985,

- constater l'absence de droit du CHSCT central de l'APHP de recourir à un expert rémunéré par l'APHP,

en conséquence,

- annuler les délibérations du CHSCT central de l'APHP des 6 et 23 juillet 2009 en ce qu'elles décident de recourir à une expertise sur les incidences de la mise en place du nouveau référentiel de formation infirmière au sein de l'APHP,

à titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'article L 4614-12 du code du travail,

- constater que la réforme des études d'infirmières ne constitue pas un projet d'aménagement important impactant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés de l'APHP,

en conséquence,

-annuler les délibérations du CHSCT central des 6 et 23 juillet 2009 relatives à l'expertise confiée au cabinet ISAST

en tout état de cause,

- condamner le CHSCT central de l'APHP à lui verser 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pour ceux la concernant pourra être recouvré par la SCP PETIT LESENECHAL, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Vu les conclusions signifiées le 16 février 2010 aux termes desquelles Mme [L] , agissant en qualité de secrétaire du CHSCT central de l'APHP et le CHSCT central de l'APHP entendent voir :

- confirmer l'ordonnance dont appel,

y ajoutant,

- condamner l'APHP à payer 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP C.Bommart-Forster et E. Fromentin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;








SUR CE LA COUR



Considérant qu'il est constant que :

- l'APHP comprend 38 hôpitaux devant être regroupés en 11 groupes hospitaliers et 750 services en cours de regroupement au sein de 173 pôles .

- l'APHP compte parmi ses 91.800agents en 2008 , 17.000 infirmiers lesquels ont été formés au sein de 17 instituts de formations des soins infirmiers ( IFSI) qui existent à l'APHP

- les IFSI comptent 338,70 agents,

- la réforme en cours de la formation des infirmiers diplômés d'Etat , ayant débuté en septembre 2009 pour s'achever en 2012, a pour objet la mise en place d' une coopération avec 7 universités pour permettre aux étudiants de bénéficier du 'grade' de licence d'université,

- par décision du 6 juillet 2009 , le CHSCT central de l'APHP a voté le principe du recours à une expertise portant sur les incidences de la mise en place du nouveau référentiel de formation infirmier au sein de l'APHP , en septembre 2009 et notamment celles relatives à la santé physique et psychique , l'organisation du travail et les conditions de travail des personnels des instituts de formation en soins infirmiers,

- par décision du 23 juillet 2009, le CHSCT central de l'APHP a désigné le cabinet ISAST pour mener cette expertise,

- contestant à titre principal le droit du CHSCT central de l'APHP de recourir à une expertise et estimant , à titre subsidiaire , que la décision du 6 juillet est irrégulière, faute d'avoir été inscrite à l'ordre du jour, et en ce que ce projet ne constituait pas un projet important autorisant le recours à l'expertise, l'APHP saisissait le juge des référés le 4 août 2009, pour voir prononcer l'annulation de cette délibération ;



Sur le droit du CHSCT central de l'APHP de recourir à l'expertise



Considérant que l'APHP considère que le code du travail n' accorde le droit recourir à l'expertise qu' aux seuls CHSCT d' établissements et que le CHSCT central de l'APHP, à l'origine de la délibération litigieuse, serait dépourvu de ce droit ;



Considérant que si l'article L 4611-1 du code du travail prévoit la mise en place d' un CHSCT dans tout établissement de 50 salariés au plus, rien n'interdit la mise en place de comités centraux d'hygiène et sécurité ; que tel est le cas à l'APHP où a été institué, par arrêté du 2 décembre 1985, un 'comité central d'Hygiène de sécurité et des conditions de travail ainsi que des comités locaux d'hygiène et sécurité et des conditions de travail ;



Considérant que l'arrêté de 1985 précité, dans son titre trois , a prévu des dispositions communes au comité central et aux comités locaux de l'APHP, dont il ressort que leurs missions sont identiques et qu'ils ont tous à être consultés avant les décisions d'aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification ou d'un changement des équipements ou de l'organisation du travail ; que cet arrêté qui confie à tous les CHS des pouvoirs d'enquête ne prévoit expressément le recours à l'expertise ni pour les comités locaux, ni pour le CHSCT central de l'APHP ;



Considérant qu'en droit commun, s'il n'est pas fait référence à la constitution de CHSCT central, une telle création ne contrevient pas aux dispositions du code du travail dès lors que l'article L. 4611-7 du code du travail prévoit que les dispositions du code du travail ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables concernant le fonctionnement, la composition ou les pouvoirs des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui résultent d'accords collectifs ou d'usages ;



Considérant par ailleurs que la définition des attributions des CHSCT telles que prévue par les articles L. 4612-1 à 4612-18 du code du travail et plus particulièrement la possibilité de recourir à une expertise , visent les CHSCT , de manière générale, sans autre précision ; qu'il s'en déduit que contrairement à ce que soutient l'APHP, rien n'interdit pour un CHS central de recourir à une expertise si les conditions en sont requises ;



Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance dont appel qui a , à juste titre, retenu que le CHSCT central n'échappait pas au droit commun des CHSCT ;



Sur la régularité des délibérations



Considérant que l'APHP soutient que la délibération litigieuse du 6 juillet 2009 est irrégulière en ce qu'elle a été prise alors qu'elle portait sur une question ne figurant pas à l'ordre du jour lequel fixe les limites des débats ;



Considérant qu'en vertu de l'article L 4614-8 du code du travail l'ordre du jour de chaque réunion du CHSCT est établi par le président et le secrétaire ;



Considérant en l'espèce, qu'il ressort du compte rendu de la séance du CHSCT central du 6 juillet présidée par Mme [U] qu'il s'agissait d'une 'séance extraordinaire consacrée à un point particulier: l'impact des réorganisations de l'APHP sur le personnel administratif, ouvrier et technique' , ainsi qu' à 'un point sur les suites de la visite du CHSCT organisée à l'IFSI de [5]' ;



que la lecture du compte rendu de cette séance extraordinaire révèle que Mme [L], secrétaire, demandait la tenue d'un prochain CHSCT extraordinaire pour l'ensemble des écoles ainsi qu' une expertise sur l'ensemble ;



que lors du CHSCT du 6 juillet 2009 a été voté, 'à l'unanimité , moins une abstention' le principe d'une expertise sur les incidences de la mise en place du nouveau référentiel de formation infirmier au sein de l'APHP et plus particulièrement sur la santé physique et psychique, sur l'organisation du travail et sur les conditions de travail des personnels des instituts de formation en soins infirmiers ;



Considérant que si cette délibération, excède le strict ordre du jour tel qu'initialement fixé, force est de constater qu'elle a été mise au vote par la présidente elle même à la demande de Mme [L] et donc en accord entre la présidente et la secrétaire ; que surtout la délibération relative au recours à l'expertise a été ultérieurement validée , dans la séance extraordinaire du CHSCT central de l'APHP du 23 juillet 2009, consacrée à 'la mise en oeuvre du nouveau référentiel de formation infirmière de l'APHP ', au cours de laquelle a été désigné l'expert chargé de cette expertise , à savoir le cabinet Isast, se dont il se déduit nécessairement que le principe de recours à l'expertise , lequel n'avait fait, à cette date, l'objet d'aucune contestation de la part de l'employeur, a été validé ;



Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 4614-12 du code du travail le comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé , notamment en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévues à l'article L 4612-8 du même code ;



Considérant que le premier juge a, à juste titre, par des motifs pertinents que la Cour adopte considéré que le projet en cause constituait un projet important justifiant le recours à l'expertise dans la mesure où il modifie en profondeur l'organisation de la formation des infirmiers fera peser cette formation non plus sur les cadres formateurs dépendant des IFSI , mais sur les cadres de santé et les infirmières lesquels seront désignés en leur lieu et place en qualité de maîtres de stage et tuteurs de stages, ce qui impacte les conditions de travail tant des formateurs des IFSI et des agents administratifs que celles des cadres hospitaliers et des infirmières en charge du tutorat ; qu'il convient d'ajouter qu'un tel projet est générateur de stress pour les professionnels concernés et que le nombre de personnes concernées n'est pas , en soi, un critère déterminant pour apprécier l'importance d'un projet :



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,



Confirme l'ordonnance dont appel, en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne l'APHP à payer à CHSCT central de l'APHP la somme de 2.000€ au titre des frais d'avocat engagés, en cause d'appel, par le CHSCT central de l'APHP,



Condamne l'APHP aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués ;





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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