28 septembre 2010
Cour d'appel de Paris
RG n° 08/21341

Pôle 2 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2010



(n° 325, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21341



Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/09350



APPELANTS



S.A. MESURE ET INFORMATIQUE MEI représentée par son Mandataire ad hoc Monsieur [M] [S] [L] [F]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assistée de Me David CASTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1015

substituant Me Murielle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1194



Monsieur [M] [S] [L] [F] à titre personnel

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assisté de Me David CASTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1015

substituant Me Murielle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1194



Monsieur [M] [S] [L] [F] ès-qualités de Mandataire ad hoc de la SOCIETE MESURE ET INFORMATIQUE MEI liquidée

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assisté de Me David CASTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1015

substituant Me Murielle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1194





INTIME



Maître [C] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me Timothée de HEAULME, avocat au barreau de PARIS, toque :R 44

SCP Jean-Pierre FABRE, avocats au barreau de PARIS





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 31 mai 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :



Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN





ARRET :



- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





******************



La Cour,

Considérant que la société Mesure et Informatique, désignée ci-après sous le sigle M.E.I., dirigée par M. [M] [F] et spécialisée dans l'acoustique des sous-marins atomiques, a produit un système de contrôle actif butée, dispositif informatique et électromécanique destiné à réduire les bruits des hélices émis par les sous-marins de la nouvelle génération ;

Que, le 5 janvier 1999, après avoir testé avec succès ce matériel de très haute technologie sur le sous-marin « Le Téméraire » et investi la somme de 8,6 millions de francs dans un logiciel de contrôle commande unique en temps réel appelé logiciel SCAB ou encore « codes sources », la société M.E.I. obtenait, grâce à ses compétences et à son savoir-faire, un contrat de marché pour créer le système de discrétion acoustique selon le procédé M.E.I. ' [F] ; que cette convention, passée de gré à gré avec le Ministère de la défense représenté par la D.G.A.-D.C.N.-Indret, stipulait expressément qu'« en cas de cessation définitive d'activité établie par une copie du jugement définitif de la liquidation, les codes sources de la propriété du titulaire et la documentation nécessaire à leur exploitation seront acquis par la D.C.N. après négociation financière avec le liquidateur » ;

Que la société M.E.I. réalisait le logiciel SCAB pour répondre aux besoins très spécifiques de la D.C.N., son unique client, dans un environnement où l'accessibilité des informations est très difficile ; qu'au moment où elle allait passer à la fabrication du produit et alors que les engagements de la D.C.N. se montaient à 17 millions de francs, un nouveau contrat de fabrication de matériel utilisant ce logiciel était en cours de négociation avec la D.C.N. pour une fourniture immédiate à la force de dissuasion, nécessitant, de la part de l'état-major de la marine, la mise en place d'un financement d'équipements de quatre sous-marins ;

Que la société M.E.I. attirait l'attention de la D.C.N., du ministère de la Défense et de l'état-major de la marine sur sa vulnérabilité financière dès lors qu'elle n'avait qu'un client unique et que son activité était confidentielle ;

Que la D.C.N. retardait la conclusion du nouveau contrat de sorte que, dans une situation de dépendance économique, la société M.E.I. était placée en liquidation judiciaire ; que M. [C] [Y] était désigné en qualité de liquidateur ;

Que M. [F] rappelait au liquidateur qu'il devait impérativement se rapprocher de la D.C.N. en vue de l'acquisition stipulée au contrat moyennant une valeur estimée à 8 millions de francs, plus de quatre fois supérieure du passif de la société M.E.I. ; qu'en réalité, M. [Y] ne s'adressera que quinze mois plus tard à la D.C.N. qui proposera une somme de 100.000 francs compte tenu de l'obsolescence et de la dévaluation des logiciels ;

Considérant que, tenant M. [Y] pour responsable du préjudice subi, la société M.E.I. et M. [F], tant à titre personnel que de mandataire ad hoc de la société M.E.I. liquidée, l'ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 5 novembre 2008, a déclaré irrecevable la demande de réparation du préjudice matériel, déclaré recevable le surplus des demandes, débouté M. [F], tant à titre personnel que de mandataire ad hoc de la société M.E.I. liquidée, de toutes ses demandes, débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts et condamné M. [F] à payer à M. [Y] la somme de 4.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Considérant que la société M.E.I. et M. [F], tant à titre personnel que de mandataire ad hoc de la société M.E.I. liquidée, qui poursuivent l'infirmation du jugement, demandent que M. [Y] soit condamné à payer à la société M.E.I. la somme de 1.354.790 euros en réparation du préjudice matériel subi ;

Qu'à cette fin, les appelants font valoir que la société M.E.I. est recevable à agir en réparation d'un préjudice, subi par elle-même et non déclaré au passif, et qu'au fond, M. [Y], qui a proposé le logiciel à une société qui n'était pas habilitée par la D.C.N., n'a pas rempli ses obligations et qu'à cause de cette négligence, la société M.E.I. n'a pas pu réaliser son principal actif, à savoir le logiciel SCAB, qui désormais n'a plus de valeur vénale ;

Que M. [F] sollicite une somme de 1.152.275 euros en réparation de son préjudice matériel caractérisé par une perte de revenus et la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Considérant que M. [Y] conclut à la confirmation du jugement ;

Qu'à cet effet, il fait valoir successivement que les demandes de la société M.E.I. tendent à l'indemnisation d'un préjudice collectif et que les dommages et intérêts alloués auraient vocation à être distribués aux créanciers de sorte que seule, contrairement à ce qu'ont énoncé les premiers juges sur ce point, de telles demandes sont irrecevables, que la demande de M. [F] se heurte à la même difficulté puisque le susnommé a déclaré sa créance au passif de la société M.E.I., que M. [F] ne rapporte pas la preuve de la faute qu'il allègue dès lors qu'il n'a pas donné suite à diverses offres de cession de l'unité de production de la société M.E.I. et qu'il a fait obstruction à la cession envisagée au profit de la société Hutchinson de sorte seule restait la proposition d'achat présentée par la D.C.N., qu'aucune nouvelle négociation financière n'a été conduite avec la D.C.N. et qu'en définitive, les appelants ne démontrent aucunement l'existence des fautes alléguées et, notamment, l'enlèvement imputé à la D.C.N., de matériels appartenant à la société M.E.I. ;

Que l'intimé conteste également l'existence, d'une part, d'un lien de causalité entre les prétendues fautes et le préjudice allégué et, d'autre part, la réalité des préjudices dont se plaignent la société M.E.I. et M. [F] à titre personnel ;

Qu'estimant la procédure abusive, M. [Y] demande que M. [F] soit condamné à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur les demandes de M. [F], ès qualités de mandataire ad hoc de la société M.E.I. :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 643-13 du Code de commerce, « si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise » ; que « le tribunal est saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé » ;

Considérant qu'en l'occurrence, les opérations de liquidation judiciaire de la société M.E.I., ordonnées par jugement du 21 décembre 1999, ont été déclarées closes, pour cause d'insuffisance d'actif, par un jugement rendu le 21 février 2006 par le Tribunal de commerce de Versailles et passé en force de chose jugée ;

Qu'en outre, il n'est pas contesté qu'à supposer fondée la demande dirigée contre M. [Y], les sommes susceptibles d'être allouées à l'issue de la procédure constitueraient un actif qui devrait être distribué aux créanciers de la société M.E.I. selon leur rang ;

Considérant que, même si l'ordonnance désignant M. [F] « en qualité de mandataire ad hoc aux fins de représenter la société Mesure et informatique (M.E.I.) avec pour mission d'engager pour le compte de la société M.E.I. une action en responsabilité civile à l'encontre de Maître [Y] sur le fondement de l'article 1382 du Code civil » a l'autorité de la chose jugée, il n'en demeure pas moins que cette circonstance ne rend pas recevable une action qui, aux termes des dispositions de l'article L. 643-13 susvisé, est réservée au liquidateur précédemment désigné, au ministère public ou à tout créancier intéressé ;

Qu'il suit de là que M. [F], ès qualités de mandataire ad hoc, n'a pas qualité pour agir au nom de la société M.E.I. et qu'il convient de déclarer son action irrecevable ;

Sur la demande présentée par M. [F] en son nom personnel au titre de ses préjudices matériel et moral :

Considérant que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 21 mars 2000, M. [F] a déclaré sa créance au passif de la société M.E.I. à hauteur de 1.315.989,97 francs (200.621,38 euros) ;

Considérant que le représentant des créanciers dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur, a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, pour demander la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé aux autres créanciers ;

Qu'en l'occurrence, M. [F] demande la réparation de la fraction personnelle du préjudice subi par l'ensemble des créanciers alors que cette action ne peut être exercée que par un nouveau liquidateur désigné dans les conditions prévues par l'article L. 643-13 du Code de commerce ;

Que M. [F] n'est donc pas recevable en son action tendant à l'indemnisation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé aux autres créanciers alors surtout qu'il n'administre pas la preuve d'un intérêt, fût-il moral, qui lui serait strictement personnel ;

Sur les autres demandes :

Considérant que M. [Y] ne démontre pas que M. [F] aurait agi en justice dans des circonstances abusives et génératrices d'un préjudice ;

Qu'il y a donc lieu d'approuver les premiers juges qui ont débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts ;

Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, M. [F] sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à payer à M. [Y] les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 5.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 5 novembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par M. [M] [F], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Mesure et informatique, dite M.E.I. ;

Faisant droit à nouveau quant à ce :

Déclare irrecevable l'action engagée par M. [F], ès qualités de mandataire ad hoc de la société M.E.I. ;

Déboute M. [F] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à M. [C] [Y] la somme de 5.000 euros ;

Condamne M. [F] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. Arnaudy & Baechlin, avoués de M. [Y], conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.







LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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