7 avril 2011
Cour d'appel de Paris
RG n° 10/07801

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 07 AVRIL 2011



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/07801



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 09/03787





DEMANDEUR AU CONTREDIT

SA GUY DEGRENNE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine SAINT GENIEST, avocat au barreau de PARIS, toque : P0134





DEFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [R] [G]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Isabelle LION, avocat au barreau de PARIS, toque : L215









COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 03 mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Président

Madame Catherine BÉZIO, Conseiller

Madame Martine CANTAT, Conseiller

qui en ont délibéré



GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats



ARRET :



- contradictoire



- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Président

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.



*********



Statuant sur le contredit de compétence formé par la société anonyme GUY DEGRENNE à l'encontre d'un jugement du conseil de prud'hommes de Paris, rendu le 5 juillet 2010, qui s'est déclaré compétent pour connaître du litige l'opposant à Monsieur [R] [G] ;




Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 1er mars 2011 par la société GUY DEGRENNE aux termes desquelles elle prie la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer le conseil de prud'hommes de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Caen et de condamner Monsieur [G] aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;



Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 1er mars 2011 par Monsieur [G] aux termes desquelles il demande à la Cour de reconnaître l'existence d'un contrat de travail ou, subsidiairement, de se reconnaître compétente en raison de l'existence d'une promesse d'embauche et, évoquant l'affaire, de constater la nullité de son licenciement et ordonner sa réintégration, ou a défaut de condamner la société GUY DEGRENNE à lui verser des dommages et intérêts ;




SUR CE, LA COUR



Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que Monsieur [R] [G] a conclu un contrat de travail le 12 mars 2004 avec la société GUY DEGRENNE en qualité de directeur général ; que le 19 avril 2004, date à laquelle ledit contrat prenait effet, le conseil de surveillance de la société GUY DEGRENNE a nommé Monsieur [G] membre du directoire pour trois ans, avec pour mission notamment d'établir et de mettre en oeuvre un plan de relance de la société ; que le 28 juin 2004, le conseil de surveillance l'a nommé président du directoire ; que ses mandats ont été renouvelés le 29 juin 2007 ;



Qu'à partir de 2008, la société a connu d'importantes difficultés économiques ; que la possibilité de révoquer Monsieur [G] a été discutée par le conseil de surveillance dans une réunion du 9 avril 2008 ; que Monsieur [G] a cependant été maintenu dans ses fonctions présidentielles à charge pour lui de « se concentrer sur ses missions clés de marketing et de commerce »;



Que les résultats ne s'améliorant pas, Monsieur [G] a fait part de son désir de quitter la société; qu'il a été placé en arrêt maladie à partir du 11 septembre 2008 ;



Que le conseil de surveillance a révoqué les mandats de président du directoire et de membre du directoire de Monsieur [G] dans sa réunion du 12 novembre 2008 ;



Que M.[G] a été convoqué par le directeur des ressources humaines de la société à un entretien préalable à son licenciement, par lettre du même jour, informant l'intéressé que la société estimait nul le contrat de travail conclu le 12 mars 2004 -qui selon elle, « n'était destiné qu'à (lui) procurer la protection injustifiée d'un statut de salarié qui (n'avait) jamais été le (sien) »- mais que , pour le cas où par « extraordinaire (son) contrat devrait être reconnu valable par une instance judiciaire » elle avait décidé, en tant que de besoin, et sous toutes réserves, de suivre la procédure applicable en cas de licenciement » ;



Que ce licenciement lui a été notifié le 27 novembre 2008, pour faute grave, consistant notamment en

- « des résultats systématiquement inférieurs aux objectifs »

- « une attitude irresponsable et de désengagement ainsi que (sa) volonté affichée de départ »

- « (son) indisponibilité pour une durée indéterminée »

- « (son) comportement et (ses) propos vulgaires, extrêmement déplacés, discriminants »



Qu'estimant pour sa part que le contrat de travail qu'il avait conclu avec la société GUY DEGRENNE était valide, Monsieur [G] a assigné la société devant le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir déclarer nul ce licenciement et d'obtenir sa réintégration, outre des dommages et intérêts ;



Que la société GUY DEGRENNE a soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal de commerce de Caen ; que dans le jugement, présentement frappé de contredit,le Conseil s'est déclaré compétent, étant observé qu'il s'est seulement prononcé sur le point de savoir s'il était compétent pour statuer sur les demandes de Monsieur [G], fondées sur un contrat de travail allégué, sans trancher la question de sa réalité; que la société GUY DEGRENNE a formé un contredit ;



Considérant qu'afin de déterminer si le conseil de prud'hommes de Paris est compétent, il convient de trancher la question de savoir si le différend entre Monsieur [G] et la société GUY DEGRENNE est né à l'occasion d'un contrat de travail ;



Considérant que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; qu'il appartient au juge le cas échéant de restituer son exacte qualification juridique à la convention liant les parties, sans que l'une d'entre elles soit recevable à invoquer l'adage « nemo auditur » ;



Que lorsque l'un des contractants prétend avoir été salarié alors qu'il exerçait un mandat social, la production d'un contrat, de bulletins de salaire ou la notification d'une lettre de licenciement sont, à elles seules, insuffisantes à créer l'apparence d'un contrat de travail, -étant , de surcroît, observé, qu'en l'espèce, les bulletins de salaire de M.[G] ne font apparaître aucune des cotisations au titre du chômage obligatoirement versées pour les personnes ayant le statut de salarié ;



Considérant qu'il appartient dès lors à Monsieur [G] qui revendique l'existence d'un contrat de travail, de démontrer qu'il était placé dans un lien de subordination vis à vis de la société GUY DEGRENNE -un tel lien constituant le critère essentiel permettant de qualifier juridiquement un contrat, de contrat de travail ;



Considérant que M.[G] soutient, certes, qu'indépendamment de ses mandats sociaux de membre puis de président du directoire, lui étaient confiées , en sa qualité de directeur général salarié, des missions techniques dont la principale consistait en l'élaboration d'un plan de relance, aux côtés d'autres, comme celles afférentes au marketing, ainsi qu'à la vente et la motivation du personnel ;



Mais considérant qu'il ressort des pièces et notamment des procès verbaux versés aux débats, que les missions ainsi évoquées n'apparaissent mentionnées qu'en relation avec les mandats conférés à Monsieur [G], ainsi lors de l'assemblée précitée du conseil de surveillance du 9 avril 2008 évoquant une possible révocation de l'intéressé, finalement écartée après que le conseil de surveillance eut cependant retiré à M.[G] ses missions de gestion des pôles logistique et ressources humaines, et maintenu son mandat présidentiel en lui demandant de se concentrer sur ses missions en matière de marketing et de commerce;



Qu'ainsi, contrairement aux prétentions de M.[G], les missions salariée alléguées par celui-ci apparaissent se confondre avec l'objet même de ses mandats sociaux ;



Que, de plus, Monsieur [G] ne rapporte nullement la preuve qu'il aurait accompli ces missions dans le cadre d'une subordination hiérarchique ; que s'il produit des attestations de salariés de la société GUY DDEGRENNE selon lesquelles il savait être à leur côté un vrai « chef d'équipe », ces témoins ne font pas état de ce qu'au-delà de cette proximité du personnel, M.[G] se serait, lui-même, inscrit dans une hiérarchie impliquant, de sa part, une sujétion à des instructions, rapports et contrôles quelconques ;



Que plus concrètement, M.[G] ne prouve pas qu'il aurait été astreint à quelque contrainte que ce soit, quant à ses conditions de travail , notamment pour l'organisation de son emploi du temps ou de ses congés ;



Qu'en définitive, les seuls limites et contrôles subis par [G] apparaissent inhérents au fonctionnement interne des organes de la société et singulièrement au pouvoir de contrôle exercé par le conseil de surveillance sur le membre puis le président du directoire qu'il a été successivement et durant toute la période de sa collaboration avec la société GUY DEGRENNE ;



Que la relation entre Monsieur [G] et la société GUY DEGRENNE s'analysant, en conséquence, exclusivement en l'exercice d'un mandat social du premier au sein de la seconde, le différend né entre les parties à l'occasion de cette relation, ressortit -comme le fait valoir la société GUY DEGRENNE- à la compétence du tribunal de commerce de Caen,dont la compétence territoriale n'est pas contestée ;



Considérant qu'en effet, Monsieur [G] invoque également à tort , à titre subsidiaire, la compétence du conseil de prud'hommes, au titre de la non-exécution d'une promesse d'embauche ;



Qu'il fait vainement valoir qu'il est entré en pourparlers avec la société GUY DEGRENNE afin de devenir directeur général salarié et qu'en l'absence de contrat de travail, cette promesse aurait été violée ;



Que s'il ressort des pièces versées aux débats que des pourparlers ont été engagés afin que Monsieur [G] rejoigne la société GUY DEGRENNE pour élaborer et mettre en oeuvre un plan de relance de celle-ci, la description de poste adressée par le cabinet de recrutement KORN FERRY INTERNATIONAL -invoquée par M.[G] ne fait pas mention d'un poste salarié; qu'ainsi en l'absence de promesse d'embauche établie, le conseil de prud'hommes, n'est pas davantage compétent, à ce dernier titre, pour connaître du litige ;



Considérant que la société GUY DEGRENNE conservera équitablement à sa charge ses frais irrépétibles ;



PAR CES MOTIFS



ACCUEILLE le contredit,



DIT que le Conseil de prud'hommes de Paris est incompétent ;



Désigne le Tribunal de commerce de CAEN pour connaître des demandes de M.[G];



DIT en conséquence que le greffier de cette chambre transmettra à la juridiction désignée, le dossier de l'affaire avec une copie du présent arrêt ;



Dit n'y avoir pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,



Met les frais du contredit à la charge de Monsieur [G] .







LE GREFFIER LE PRESIDENT

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