30 novembre 2011
Cour d'appel de Paris
RG n° 09/24101

Pôle 5 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 30 NOVEMBRE 2011



(n° 285 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/24101



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007034321





APPELANTE:



SAS TROUILLET CIE

Réprésenté par son Président en exercice et tous représentants légaux



ayant son siège [Adresse 2]



représentée par la SCP SCP TAZE-BERNARD BELFAYOL BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me Charlotte GALICHET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1864





INTIMEE :



S.A LA REDOUTE

représentée par son Président du Conseil d'Administration en exercice et tous représentants légaux



ayant son siège [Adresse 1]



représentée par Me Francois TEYTAUD, avoué à la Cour

assisté de Maître André BERTRAND avocat au barreau de PARIS, toque : L207









COMPOSITION DE LA COUR :



Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :



Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère



qui en ont délibéré





GREFFIÈRE, lors des débats : Mademoiselle Sandra PEIGNIER









ARRET : CONTRADICTOIRE





- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Melle Sabine DAYAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
















Vu l'appel interjeté le 25 novembre 2009 par la société TROUILLET (SAS), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 2 juillet 2009 dans le litige l'opposant à la société LA REDOUTE (SA);




Vu les dernières conclusions de la société TROUILLET, appelante, signifiées le 4 octobre 2011 ;



Vu les dernières conclusions de la société LA REDOUTE, intimée, signifiées le 27 septembre 2011 ;



Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 4 octobre 2011;






SUR CE, LA COUR :





Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures des parties ;



Qu'il suffit de rappeler que la société TROUILLET, spécialisée dans la création, la fabrication, la commercialisation de tissus destinés à l'habillement, ayant découvert que le catalogue 'SO HOME', édité par la société LA REDOUTE pour la saison printemps-été 2007, présentait à la vente des articles de linge de maison et de puériculture, confectionnés dans un tissu de tendance 'Liberty' reproduisant, selon elle, les caractéristiques originales d'un tissu référencé dans ses collections 9865 sur lequel elle revendique des droits d'auteur pour l'avoir créé en 2003 et exploité depuis 2005, a fait procéder le 12 avril 2007 à une saisie-contrefaçon au siège de la société LA REDOUTE à [Localité 5] puis, a fait assigner celle-ci le 11 mai 2007 devant le tribunal de commerce de Paris aux griefs de contrefaçon et de concurrence déloyale ; que les premiers juges ont retenu à la charge de la société LA REDOUTE des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, l'ont condamnée à verser à la société TROUILLET une somme globale de 9000 euros à titre de dommages-intérêts et ont prononcé des mesures d'interdiction sous astreinte et de destruction ; que la société TROUILLET ayant fait appel de ce jugement du chef des mesures réparatrices, qu'elle estime insuffisantes au regard du préjudice subi, la société LA REDOUTE a conclu au débouté de l'ensemble de ses demandes comme mal fondées et de surcroît abusives ;



Sur la validité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de constat,



Considérant que la société TROUILLET produit au soutien de ses demandes le

procès-verbal établi au terme de la saisie-contrefaçon opérée dans les locaux de la société LA REDOUTE le 12 avril 2007 sur autorisation du président du tribunal de grande instance de Lille en date du 5 mars 2007 et le procès-verbal de constat sur pièces comptables établi dans ces mêmes locaux le 12 avril 2007 sur autorisation du président du tribunal de commerce de Lille en date du 27 mars 2007 ;



Que la société LA REDOUTE conteste la validité de ces procès-verbaux en faisant valoir, en ce qui concerne le premier, que l'huissier de justice instrumentaire aurait excédé les limites de sa mission en produisant d'emblée au responsable présent sur les lieux de la saisie le tissu prétendument contrefait et des exemplaires d'articles argués de contrefaçon afin de recueillir ses déclarations sur les faits litigieux, en ce qui concerne le second, que l'ordonnance autorisant le constat sur pièces comptables a été sollicitée et obtenue du président du tribunal de commerce de Lille sans avoir été informé que le président du tribunal de grande instance de Lille, précédemment saisi aux mêmes fins, avait expressément refusé d'autoriser une telle mesure ;



Mais considérant que l'ordonnance rendue par le président de tribunal de grande instance de Lille le 5 mars 2007 sur la requête en saisie-contrefaçon de la société TROUILLET autorise expressément l'huissier instrumentaire en 1° : à se rendre dans les locaux de la société LA REDOUTE ayant son siège social à [Localité 5] et à présenter à la société LA REDOUTE les pièces visées à l'appui de la requête ;



Considérant que la requête énonce au nombre des pièces qui lui sont annexées :

1. Robrack du dessin du dessin référencé 9865 (...)

5. Taie d'oreiller, drap housse, housse de couette et pyjama commercialisés par la société LA REDOUTE et factures d'achats correspondantes (...)

6. Catalogue SO HOME printemps-été 2007 (...) ;



Considérant qu'il ressort du procès-verbal contesté que l'huissier instrumentaire a présenté à [M] [A], juriste, présente sur les lieux, un coupon de tissu portant le dessin référencé 9865 ainsi que les articles acquis auprès de la société LA REDOUTE dont le dessin du tissu est argué de contrefaçon ; que cette personne lui a alors déclaré que les articles repris dans l'ordonnance qui lui a été signifiée sont uniquement mis en vente dans le catalogue SO HOME printemps-été 2007 et sur le site internet ;



Considérant qu'il s'infère de ces observations que l'huissier instrumentaire a été expressément et précisément autorisé par l'ordonnance présidentielle du 5 mars 2007 à produire à la personne présente sur les lieux de la saisie-contrefaçon, afin de recueillir ses déclarations, le tissu revendiqué au titre du droit d'auteur ainsi que les articles acquis auprès de la société LA REDOUTE et argués de contrefaçon ;



Que la contestation de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2007 motif pris de ce que l'huissier instrumentaire aurait outrepassé les limites de sa mission est en conséquence dénuée de toute pertinence ;



Mais considérant qu'il ressort en revanche de l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon , que le président du tribunal de grande instance de Lille a expressément refusé de faire droit aux termes de la requête, qu'il a biffés, tendant à voir autoriser l'huissier instrumentaire à effectuer toutes recherches et constatations utiles notamment d'ordre comptable afin de découvrir la provenance et l'étendue de la contrefaçon invoquée, notamment de se faire éditer, imprimer, reproduire et au besoin copier ou photocopier ou faire reproduire tous comptes, factures, documents (...);



Que la société TROUILLET s'est alors retournée, le 7 mars 2007, vers le président du tribunal de commerce de Lille auquel elle a présenté une requête aux fins de voir désigner un huissier de justice avec pour mission de se rendre au siège social de la société LA REDOUTE à [Localité 5] et d' y effectuer toutes recherches et constatations utiles notamment d'ordre comptable afin de découvrir la provenance et l'étendue de la contrefaçon invoquée, notamment de se faire éditer, imprimer, reproduire et au besoin copier ou photocopier ou faire reproduire tous comptes, factures, documents (...) et dont elle a obtenu le 27 mars 2007 une ordonnance accédant à sa requête ;



Que force est de relever que la société TROUILLET n'a fait aucunement état dans la requête présentée le 7 mars 2007 au président du tribunal de commerce de Lille du refus essuyé le 5 mars précédent devant le président du tribunal de grande instance de Lille saisi dans les mêmes termes ;



Considérant qu'il s'infère des conditions dans lesquelles elle a obtenu l'autorisation présidentielle aux fins de constat du 27 mars 2007 que la société TROUILLET a méconnu le principe de loyauté qui doit présider à la recherche de la preuve;



Qu'en conséquence, le procès-verbal de constat établi le 12 avril 2007 dans les locaux de la société LA REDOUTE n'est pas admissible à titre de preuve et sera en conséquence écarté des débats ;



Sur la compétence,



Considérant que la société LA REDOUTE, sans exciper formellement de

l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Paris et de la cour d'appel de Paris, soutient qu'il ne serait pas justifié de la commercialisation de produits argués de contrefaçon à Paris et dans le ressort de la Cour d'appel de Paris ;



Mais considérant qu'il résulte des déclarations du responsable de la société LA REDOUTE, recueillies au cours des opérations de saisie-contrefaçon, que les produits argués de contrefaçon sont offerts à la vente sur le catalogue SO HOME printemps-été 2007 de la société LA REDOUTE et sur le site internet de la société LA REDOUTE ;



Que la société LA REDOUTE ne saurait sérieusement prétendre que son catalogue SO HOME ne serait pas diffusé à [Localité 4] ou que son site internet ne serait pas accessible depuis [Localité 4] ;



Qu'elle est en conséquence mal fondée à mettre en cause la compétence pour connaître du litige du tribunal de commerce de Paris, dans le ressort duquel se sont produits les faits dommageables ;



Sur la titularité des droits,



Considérant que la société appelante produit aux débats une attestation, conforme

aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile aux termes de laquelle [Z] [V], exerçant la profession de dessinatrice indépendante, déclare avoir créé en février 2003 le dessin référencé dans ses collections 2921 et dans les collections de la société TROUILLET 9865, avoir cédé ses droits patrimoniaux d'auteur à la société TROUILLET suivant facture n° 106 du 13 mars 2003 et précise que la maquette du dessin ainsi que la facture portant cession des droits sont joints en annexe revêtus de sa signature;

Considérant que la valeur probante de cette attestation, précise et circonstanciée, n'est pas discutable ;



Qu'elle suffit à identifier une création déterminée à date certaine ;



Que la société LA REDOUTE ne saurait utilement exciper de la nullité de la cession des droits au regard des dispositions, instituées dans le seul intérêt de l'auteur et que l'auteur seul serait recevable à invoquer, de l'article L.331-1 du Code de la propriété intellectuelle ;



Considérant que la société TROUILLET produit un robrack mentionnant son nom, portant la référence 9865 et le numéro de gamme 2825 et donnant à voir un dessin identique à celui annexé à l'attestation de [Z] [V], qu'elle justifie du dépôt de ce dessin en l'Etude de Me [J], huissier de justice à [Localité 3], le 28 février 2005, qu'elle fournit enfin de nombreuses factures émises à compter de mai 2005 pour la vente à des sociétés françaises du tissu référencé 9865;



Qu'elle est fondée en l'état de ces éléments, qu'aucune preuve contraire ne vient combattre, à se prévaloir de la présomption selon laquelle, en l'absence de revendication de l'auteur, la personne morale qui exploite l'oeuvre sous son nom est, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, titulaire des droits de propriété incorporelle attachés à cette oeuvre ;



Sur l'originalité,



Considérant que la société LA REDOUTE dénie au dessin revendiqué, qui

s'inscrit selon elle dans le genre de tissu 'Liberty', l'originalité requise pour accéder au statut d'oeuvre de l'esprit éligible à la protection par le droit d'auteur ;



Qu'il importe dès lors de se livrer à la recherche nécessaire de l'originalité de ce dessin, la recevabilité de l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit au sens des dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle c'est-à-dire, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, une création originale ;



Considérant que la société TROUILLET caractérise l'oeuvre revendiquée comme un dessin constitué de la combinaison de différents motifs de fleurs, de feuilles et de pointillés :

- des fleurs présentant un coeur composé de quatre petits cercles pleins et sept petits pétales,

- des fleurs composées d'un coeur plein cerclé et de sept pétales pleins et entourées de pointillés en forme un cercle,

- des petits cercles entourés de pointillés,

- des fleurs composées d'un centre plein lequel est entouré de sept pistils et dont le contour des pétales est surligné,

- des fleurs dont le coeur est composé de pointillés, présentant des pétales laissant apparaître de fines nervures,

- des fleurs plus imposantes et plus foncées présentant cinq pétales pleins, une tige et une feuille,

- des petites fleurs plates composées d'un coeur du même coloris que le fond du dessin délimité par un cercle plus foncé et présentant cinq pétales ;



Considérant que la société LA REDOUTE se propose de justifier de la banalité du dessin revendiqué par la production de différents modèles de tissus à fleurs stylisées disposées en 'all over', de genre 'Liberty', qui montreraient selon elle que tous ces tissus présenteraient des caractéristiques identiques, inhérentes au genre dans lequel ils s'inscrivent;



Or, considérant qu'il résulte de l'examen auquel la Cour s'est livrée de l'ensemble des pièces versées aux débats, que les modèles de tissus à fleurs Tana Lawn, Capel, [I] [O], [T], [K], [X], [W], [F], [S] [H], [R], [C], et autres pièces communiquées sous les n° 1, 2, 3, 7, 8, 9, 12, se distinguent immédiatement les uns des autres nonobstant une appartenance commune au genre 'Liberty' et justifient de la grande variété de motifs qui pour s'inscrire tous dans un même style ne présentent pas moins un caractère propre exclusif de toute similitude ;



Qu'en tout état de cause, aucune des pièces de comparaison, au demeurant postérieures à 2005 pour partie d'entre elles et non datées pour les autres, ne donne à voir la combinaison de motifs de fleurs, de feuilles et de pointillés telle que revendiquée ni ne produit, au regard du dessin invoqué, une impression d'ensemble ressemblante ;



Qu'il s'évince de ces observations que si certains des éléments du dessin 9865 sont connus et appartiennent au fonds commun du motif de dessin à fleur de genre 'Liberty', en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l'originalité doit être appréciée en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments propres au modèle en cause et non de l'examen de chacun d'eux pris séparément, confère à ce dessin une physionomie singulière, distincte de celle des autres dessins du même genre, qui traduit un effort créatif et un parti-pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;



Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a admis le dessin 9865 revendiqué par la société TROUILLET au bénéfice de la protection par le droit d'auteur ;



Sur la contrefaçon,



Considérant que la contrefaçon est établie, selon les dispositions de l'article

L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, dès lors que la représentation, la reproduction ou l'exploitation de l'oeuvre a été faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause ;



Que la reproduction de l'oeuvre, au sens des dispositions qui précèdent, s'apprécie au regard des ressemblances et non des différences et revêt un caractère illicite nonobstant la bonne foi de son auteur ;



Considérant que l'examen des produits opposés, auquel la Cour a procédé, montre que le tissu utilisé par la société LA REDOUTE pour les articles de sa collection SO HOME printemps-été 2007 reproduit, dans la même combinaison, les caractéristiques du dessin original revendiqué par la société TROUILLET en donnant à voir des fleurs présentant un coeur composé de quatre petits cercles pleins et sept petits pétales, des fleurs composées d'un coeur plein cerclé et de sept pétales pleins et entourées de pointillés formant un cercle, des petits cercles entourés de pointillés, des fleurs composées d'un centre plein lequel est entouré de sept pistils et dont le contour des pétales est surligné, des fleurs dont le coeur est composé de pointillés, présentant des pétales laissant apparaître de fines nervures, des fleurs plus imposantes et plus foncées présentant cinq pétales pleins, une tige et une feuille, des petites fleurs plates composées d'un coeur du même coloris que le fond du dessin délimité par un cercle plus foncé et présentant cinq pétales ;



Qu'il s'ensuit de ces observations que la société LA REDOUTE loin d'avoir repris des éléments du domaine public ainsi qu'elle le prétend, a reproduit l'ensemble des caractéristiques qui confèrent au dessin de la société TROUILLET l'originalité requise pour accéder à la protection par le droit d'auteur et réalisé ainsi une contrefaçon;



Sur la concurrence déloyale,



Considérant que la société TROUILLET souligne à cet égard la mauvaise foi

de la société LA REDOUTE qui ne pouvait ignorer ses droits de propriété intellectuelle sur le tissu contrefait dont un échantillon lui avait été remis en février 2005 ;



Qu'elle fait en outre grief à la société LA REDOUTE de s'être livrée à une copie servile de son tissu au point de le décliner dans les mêmes gammes de coloris ;



Or, considérant que le caractère servile de la reproduction est susceptible d'aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon, laquelle se définit précisément comme la reproduction intégrale ou partielle de l'oeuvre sans l'autorisation de son auteur, et ne constitue pas en conséquence un fait distinct de concurrence déloyale de nature à caractériser une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ;



Que toutefois, la création d'un effet de gamme par la reprise à l'identique des différentes déclinaisons de coloris commercialisées par la société TROUILLET constitue un fait distinct de la contrefaçon et caractérise, à raison du risque de confusion qui s'en infère dans l'esprit du public qui serait fondé à croire que la société LA REDOUTE s'est approvisionnée auprès de la société TROUILLET, une atteinte à l'exercice paisible du commerce ;



Considérant que la société TROUILLET justifie en outre, par le document intitulé 'offre de prix'( produit en pièce n°9), avoir livré le 11 février 2005 à la société LA REDOUTE, en exécution d'une commande n° 1439 passée par cette dernière à son représentant [D] [N], une série d'échantillons des tissus de sa collection été 2006 au nombre desquels figure le tissu CEYLAN de la gamme 2825 correspondant, ainsi qu'il a été précédemment relevé au vu du robrack produit aux débats, au tissu référencé 9865 ;



Qu'il suit de ces circonstances que la société LA REDOUTE, qui n'est pas recevable, en sa qualité de professionnelle avisée de la distribution de produits auxquels sont attachés des droits de propriété intellectuelle, à invoquer, pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité, le nombre impressionnant des échantillons qui lui sont adressés par ses fournisseurs, ne pouvait méconnaître les droits de la société TROUILLET sur le tissu qu'elle a reproduit pour les besoins de son activité commerciale;



Que le comportement de la société LA REDOUTE caractérise un manquement à l'obligation de loyauté qui doit présider aux relations commerciales, préjudiciable à la société TROUILLET nonobstant le fait que les deux sociétés en cause ne s'adressent pas au même utilisateur final ;



Que la demande de la société TROUILLET du chef de concurrence déloyale est en conséquence fondée ;



Sur les mesures réparatrices,



Considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon que la société

LA REDOUTE a utilisé le tissu incriminé pour la confection de dix articles différents de linge de maison et habillement pour enfants à savoir une housse de couette, une taie d'oreiller, un drap housse, un cache-sommier, un fichu, un pyjama, un plaid, un pouf, 4 lettres, une guirlande papillon qu'elle a proposés à la vente dans son catalogue SO HOME printemps-été 2007 et sur son ite internet ;



Considérant qu'il suit des développements qui précèdent que la société TROUILLET n'est pas recevable à faire état des informations comptables recueillies aux termes du procès-verbal de constat établi le 12 avril 2007 au siège de la société LA REDOUTE ;



Considérant qu'il est cependant constant que le catalogue SO HOME printemps-été 2007 a été imprimé en 950.000 exemplaires et que l'internet assure une très large diffusion aux articles qui y sont exposés à la vente ;



Or, considérant que l'offre en vente massive d'articles de contrefaçon est de nature à banaliser le modèle original et à porter atteinte à sa valeur patrimoniale, que, par surcroît, le caractère servile des copies réalisées a nécessairement contribué à avilir un modèle au succès avéré puisqu'il a généré en 2005 et 2006 un chiffre d'affaires de plus de 80.000 euros ;



Considérant qu'il résulte des informations communiquées par le catalogue que les produits de contrefaçon ont été proposés à la vente pour un prix public moyen de l'ordre de 30, 50 euros et que les tissus à partir desquels ils ont été confectionnés ont été fabriqués en Inde;



Considérant que la société LA REDOUTE est mal fondée à se prévaloir du prix d'achat du dessin original à son auteur (328 euros) pour minimiser le préjudice subi par la société LA REDOUTE ; qu'il doit être en effet tenu compte des investissements réalisés pour la création, la fabrication, la promotion et la distribution de sa création et observé que ce budget représente annuellement pour l'ensemble des produits exploités par la société TROUILLET la somme de 600.000 euros ;



Considérant qu' au regard de ces éléments d'appréciation les premiers juges ont manifestement sous estimé les préjudices subis en allouant à la société TROUILLET une somme globale de 9000 euros tous préjudices confondus ; qu'il convient de réformer le jugement déféré sur ce point et, statuant à nouveau sur la réparation des différents chefs de préjudices, de condamner la société LA REDOUTE à verser à la société TROUILLET la somme de 100. 000 euros au titre du préjudice de contrefaçon outre la somme de 100.000 euros au titre du préjudice de concurrence déloyale ;



Considérant que les mesures d'interdiction et de destruction ordonnées par les premiers juges, pertinentes en leur principe et proportionnées en leurs modalités seront purement et simplement confirmées ;



Considérant que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts suffisent à réparer l'entier préjudice subi par la société TROUILLET ; que, par ailleurs, les faits illicites sont anciens ; que les circonstances de la cause ne justifient pas en conséquence la mesure de publication sollicitée ;



Sur les autres demandes,



Considérant qu'il s'infère du sens de l'arrêt que la procédure engagée par la

société TROUILLET, pour l'essentiel fondée, ne présente aucun caractère abusif ; que la demande en dommages-intérêts formée de ce chef par la société LA REDOUTE sera rejetée ;





PAR CES MOTIFS,





Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des

dommages-intérêts ,



Statuant à nouveau des chefs infirmés,



Condamne la société LA REDOUTE à payer à la société TROUILLET à titre de dommages-intérêts:

1/ la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice de contrefaçon,

2/ la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice de concurrence déloyale,



Déboute du surplus des demandes,



Condamne la société LA REDOUTE aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés par les avoués constitués en la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à la société TROUILLET une indemnité complémentaire de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles .





LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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