9 mars 2012
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 11/00842

4e Chambre A

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2012



N° 2012/136













Rôle N° 11/00842







SA COVEA RISKS

SAS ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES





C/



[T] [M]









































Grosse délivrée

le :

à :la S.C.P. COHEN-GUEDJ

la S.C.P. ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 23 novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/2305.





APPELANTES



SA COVEA RISKS, [Adresse 3], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège,



SAS ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES, [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège et encore en son agence de [Adresse 7]



représentées par la S.C.P. COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistées de Me Laurence GUEGAN, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me LE GUERN Emmanuelle



INTIMÉE



Madame [T] [M]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9], demeurant [Adresse 8]



représentée par la S.C.P. ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Elsa MEDINA, avocat au barreau de NICE













*-*-*-*-*





























COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, et Monsieur André FORTIN, Conseiller, chargés du rapport.



Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président

Monsieur André FORTIN, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller



Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 mars 2012.



ARRÊT



Contradictoire,



Magistrat Rédacteur : Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président



Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 mars 2012.



Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.










******



















































FAITS ET PROCÉDURE



Madame [M] a acquis un appartement de la société LES ROCHES BLEUES, par l'intermédiaire de la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES, dans le cadre d'une opération de défiscalisation ; se plaignant que ce bien n'ait pas pu être loué immédiatement après sa livraison, ni au prix présenté comme constituant un 'loyer mensuel garanti', Madame [M] a assigné la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES et son assureur, la compagnie COVEA RISKS, en réparation de son préjudice ; celle-ci a appelé en cause la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL, qui a financé l'acquisition ;



Par jugement du 23 novembre 2010 le Tribunal de grande instance de GRASSE a statué ainsi :

'Vu les dispositions des articles 1101, 1116, 1117, 1147 et 1382 du Code Civil, L 111-1, L 312-5, L 312-7 et L 312-8, du code de la consommation,

Déboute la [Adresse 6] de sa demande tendant à voir déclare irrecevable 'l'intervention volontaire' de la SA Covea Risks.

Déboute Madame [T] [M] de sa demande tenant à voir condamner la société Alliances Finance et Privilèges à lui payer la somme de 85.973,00 euros outre la somme de 1.500 euros au titre de son préjudice moral en ce qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article 1147 du Code Civil.

Condamne la société Alliances Finance et Privilèges à payer à Madame [T] [M] la somme de 20.000 euros sur la base des dispositions de l'article 1382 du Code Civil en réparation de ses préjudices financiers et moraux.

Dit. que la société Covea Risks devra relever et garantir la société Alliances Finance et Privilèges des condamnations prononcées à son encontre au profit de Madame [M] au titre de l'article 1382 du Code Civil.

Déboute Madame [T] [M] de ses plus amples demandes en paiement.

Déboute la société Alliances Finance et Privilèges de ses demandes à voir :

- Constater que les griefs d'[T] [M] sont inhérents au contrat de prêt souscrit au profit du Crédit Agricole,

- Dire et Juger que la Société Crédit Agricole devra relever et garantir la société Alliances Finance et Privilèges des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais, article 700 du Code de Procédure Civile et entiers dépens.

Condamne la société Alliances Finance et Privilèges à payer à Madame [T] [M] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute la société Alliances Finance et Privilèges de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la société Covea Risks à payer à la [Adresse 5] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société Alliances Finance et Privilèges aux dépens de la présente instance.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision' ;



La société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES et la compagnie COVEA RISKS ont relevé appel de cette décision le 14 janvier 2011 à l'encontre de Madame [M], et le 17 janvier 2011 à l'encontre de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ; elles se sont ultérieurement désistées de leur recours à l'égard de cette dernière ;



Au terme de dernières conclusions du 17 août 2011 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES et la compagnie COVEA RISKS formulent les demandes suivantes :

'Vu l'article L.121-25 et L.312-10 aliéna 2 du Code de la Consommation,

Vu l'article L.271-1 du Code de la Construction et de l'Habitation,

Vu les articles 1147, 1991 et 1992 du Code Civil,

Vu le Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE du 23 novembre 2010,

Vu les pièces,

Il est demandé à la Cour :

D'infirmer le jugement rendu le 23 novembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE,

Statuant à nouveau,

A titre liminaire,

- PRONONCER l'irrecevabilité des demandes de Madame [M] à l'encontre de la Société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES,

A titre principal,

- DIRE ET JUGER que la Société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES n'a commis aucune faute,

- DIRE ET JUGER que Madame [T] [M] ne subit aucun préjudice,

- DIRE ET JUGER qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute de la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES et le prétendu préjudice de Madame [T] [M],

- INFIRMER le Jugement de première Instance sur ce point.

- DEBOUTER en conséquence Madame [T] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause.

- CONDAMNER Madame [T] [M] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- CONDAMNER Madame [T] [M] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la S.C.P. COHEN, avoué à la Cour' ;



Au terme de dernières conclusions du 8 juin 2011 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, Madame [M] formule les demandes suivantes :

'REFORMER partiellement le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 23 novembre 2010.

Et, statuant à nouveau :

Vu les articles 1101, 1116, 1117, 1147 et 1382 du Code Civil, L 111-1, L 312-5, L 312-7 et L 312-8 du code de la consommation,

A titre principal

Vu les articles 1134, 1135 et 1147 du Code Civil,

DIRE ET JUGER que la Société AFP, tant pour elle-même, qu'en sa qualité de représentante de la Société «LES ROCHES BLEUES» et du CRÉDIT AGRICOLE, a violé l'obligation d'information et de conseil qui pèse sur elle, en sa qualité de professionnel, vis-à-vis de Madame [M].

A titre subsidiaire

Vu l'article 1382 du Code Civil,

DIRE ET JUGER que la Société AFP a commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle envers Madame [M].

PAR CONSEQUENT, et en tout état de cause

CONDAMNER la Société AFP à verser à Madame [M] la somme de 85.973 € en réparation de son préjudice financier.

CONDAMNER la Société AFP à verser à Madame [M] la somme de 3.000 € en réparation de son préjudice moral.

CONDAMNER la Société COVEA RISKS, en sa qualité d'assureur, à relever et garantir la Société AFP.

CONDAMNER la Société AFP au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont ceux d'appel distraits au profit de la S.C.P. ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, Avoués associés aux offres de droit'.;



L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2012 ;




MOTIFS DE LA DÉCISION



La recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; les éléments soumis à la Cour ne permettent pas d'en relever d'office l'irrégularité ;



Les documents de présentation du projet dressaient la liste des intervenants à l'opération de la manière suivante : ' Promoteur : S.A.R.L. HELIOS PROMOTION LE SURCOUF ... Gestionnaire : VILLAGE IMMO PROMOTION ... Commercialisation : ALLIANCES FINANCE &. PRIVILEGES' ; Madame [M] n'a donc pas pu se méprendre sur le rôle et les pouvoirs de la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES, simple mandataire du vendeur ; or le mandataire n'est responsable personnellement envers les tiers que des délits et quasi-délits qu'il peut commettre dans l'accomplissement de sa mission ; c'est donc à bon droit que le premier juge a écarté l'application en l'espèce des règles de la responsabilité contractuelle, et c'est vainement que Madame [M] vise les articles 1116 et 1117 du Code civil, qui ne pourraient être invoqués que contre la S.A.R.L. HELIOS PROMOTION LE SURCOUF ;



Madame [M] reproche essentiellement à la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES de lui avoir annoncé un 'loyer mensuel garanti' de 604 euros, 'sans aucune réserve', ce qui aurait été déterminant de son engagement ; or, d'une part l'étude financière confidentielle personnalisée où cette indication apparaît portait la mention : 'Document non contractuel', de sorte que Madame [M] n'a pas pu ignorer que les données destinées à lui présenter la rentabilité économique de l'opération pouvaient varier, en fonction notamment de l'état du marché locatif ; d'autre part et en tout état de cause, la garantie 'absence de locataire : 1ère location' souscrite dans le cadre du mandat de gestion 'pack sérénité' était explicitement limitée à 3 mois et 80 % du loyer, de sorte que Madame [M] n'a pas pu penser qu'elle percevrait 604 euros par mois, qui plus est net de toutes charges, quelles que soient les circonstances ; c'est donc à tort que le tribunal a considéré que la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES avait commis une faute en portant l'indication litigieuse ;



Madame [M] reproche encore à cette dernière :

- de lui avoir fait croire que la résidence Les Roches Bleues ne serait commercialisée en 'De Robien' qu'à 50 %, alors qu'elle l'a été à 100 %, comme si cela avait influé sur sa décision, sachant qu'en octobre 2007 elle écrivait : 'Ce genre d'investissement locatif m'intéressait...', et expliquait à la fois les difficultés rencontrées pour louer l'appartement, sachant qu'à la même époque elle indiquait : 'A [Localité 4] de très nombreux logements identiques ont vu ou sont en train de voir le jour...', et la dégradation accélérée de l'immeuble ;

- de lui avoir fait contracter un prêt à taux variable, allant au-delà de ses capacités d'endettement, alors que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL, contre laquelle elle n'agit pas, a soutenu le contraire, chiffres à l'appui, en première instance ;





- d'une manière générale, de lui avoir présenté l'opération comme ne comportant 'strictement aucun risque', alors que tout investissement locatif comporte une part d'aléa, qui plus est lorsqu'il est réalisé dans un but de défiscalisation, et que sa rentabilité doit être appréciée de manière globale, et non par rapport à telle ou telle donnée d'une simulation financière ;



Le jugement entrepris sera donc réformé, et Madame [M] déboutée de toutes ses demandes ;



Il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;



Madame [M] qui succombe doit supporter les entiers dépens ;



PAR CES MOTIFS



LA COUR



Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe,



Reçoit l'appel de la société ALLIANCES FINANCE ET PRIVILEGES et de la compagnie COVEA RISKS,



Réforme le jugement entrepris, et statuant à nouveau,



Déboute Madame [M] de toutes ses demandes,



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,



Condamne Madame [M] aux entiers dépens, et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.



LE GREFFIERLE PRESIDENT

















S. AUDOUBERTJ-P. ASTIER

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