26 octobre 2012
Cour d'appel de Paris
RG n° 11/06127

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 26 OCTOBRE 2012



(n° 250, 9 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06127.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2011 - Tribunal de Commerce de PARIS 15ème Chambre - RG n° 2008017716.











APPELANTE :



SAS IMPERIAL CLASSIC DIFFUSION - ICD

prise en la personne de son Président, Monsieur [O] [F],

ayant son siège social [Adresse 2],



représentée par Maître Belgin PELIT JUMEL de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU- JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111,

assistée de Maître Stéphanie D'HAUTEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque B 1087.









INTIMÉE :



SAS CARREFOUR HYPERMARCHES

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 9],



représentée par Maître Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : J 142,

assistée de Maître Maïa MERLI substituant Maître Martine KARSENTY RICARD de la SELARL JP KARSENTY & Associés, avocats au barreau de PARIS, toque : R156.









INTIMÉE :



SARL CLEMENTINA FROG

prise en la personne de son gérant, Monsieur [V] [Z],

ayant son siège social [Adresse 1],



représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS en la personne de Maître Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,

assistée de Maître Edith BELLEC plaidant pour la SCP ISGE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 038.











COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 21 septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :



Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.



qui en ont délibéré.





Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.





ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.










La société Impérial Classic Diffusion (ci-après ICD) exerçant sous le nom commercial [F] et dont l'activité est de créer, éditer et commercialiser sous la marque '[F]' dont elle est licenciée des vêtements, des articles de mode, du mobilier et des accessoires de maison, se prévaut de la création, par son bureau de style, en septembre 2004, d'un modèle de caisse de rangement en tissu pour la maison dénommé 'House Case'.



Ayant découvert, en février 2008, que la société Carrefour Hypermarchés commercialisait une boîte de rangement 'copiant', selon elle, son modèle de boîte 'House Case', elle a procédé à l'achat de trois de ces boîtes, le 1er mars 2008, puis a assigné la société Carrefour Hypermarchés devant la juridiction commerciale, le 5 mars 2008, en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale.







La société Clementina Frog, se présentant comme le fournisseur de la société Carrefour, est intervenue volontairement à l'instance et s'est prévalue de la création de la collection de 'Boîtes pour la Maison' en juillet 2004, antérieurement à celle de la 'House Case' revendiquée.



Par jugement contradictoire rendu le 28 février 2011, le tribunal de commerce de Paris, déclarant recevable l'intervention volontaire de la société Clementina Frog, a, en substance :

- débouté la société ICD 'de sa demande au titre du droit d'auteur' [retenant, 'en application de l'article L 511-3 du code de la propriété intellectuelle' un défaut 'de caractère propre et d'originalité' ne permettant pas au 'sac revendiqué (...) de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur'], l'a également déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et du parasitisme ainsi qu'en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Clementina Frog de ses demandes reconventionnelles au titre de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et du parasitisme ainsi qu'en ses prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société ICD à verser à la société Carrefour la somme de 6.000 euros au titre de ses frais non répétibles et à supporter les dépens.




Par dernières conclusions signifiées le 17 septembre 2012, la société par actions simplifiée Imperial Classic Diffusion (ICD), appelante, demande en substance à la cour, au visa des articles L 111-1, L 112-2, L 113-5, L 122-4, L 335 et suivants, L 331-1-2, L 331-1-3 et L 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, des articles 1382 et 1383 du code civil et des articles 10 et suivants, 564 à 566 du code procédure civile, d'infirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont défavorables et :

- de déclarer la société Clementina Frog irrecevable en sa demande de contrefaçon,

- de débouter les sociétés Carrefour et Clémentina Frog de leurs entières prétentions,

- de dire que les modèles de boîtes 'House Case' sont originaux et protégeables par les Livres I et III du code de la propriété intellectuelle et qu'elle est investie de droits d'auteur sur ces modèles,

- de dire que les intimées ont commis des actes de contrefaçon à son préjudice et, en conséquence, d'ordonner, sous astreinte dont la cour se réservera la liquidation, les mesures d'interdiction, de confiscation, de destruction, de suppression ainsi que de publication d'usage, et de condamner 'solidairement' les intimées à lui verser la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi à ce titre,

- de dire que les intimées ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, de les débouter de leur demande reconventionnelle à ce titre, et de les condamner à lui verser la somme de150.000 euros en réparation de son préjudice ; subsidiairement de la déclarer recevable et fondée à agir en concurrence déloyale et parasitaire et de condamner les intimées au paiement de la somme de 150.000 euros,

- dans tous les cas, de condamner 'solidairement' les sociétés Carrefour et Clementina Frog à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.



Par dernières conclusions signifiées le 25 juin 2012, la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société ICD de toutes ses demandes - de constater, en tout état de cause, l'absence d'originalité du modèle revendiqué,

- subsidiairement de considérer qu'aucune contrefaçon ne peut être retenue et que les demandes de l'appelante ne sont donc pas fondées,





- de déclarer la société ICD mal fondée en son action en concurrence déloyale et parasitaire et irrecevable, et en tout cas mal fondée, en sa demande au même titre présentée à titre subsidiaire,

- plus subsidiairement, de condamner la société Clementina Frog à la garantir entièrement,

- de condamner la société ICD (ou subsidiairement la société Clementina Frog) à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.



Par dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2012, la société à responsabilité limitée Clementina Frog, formant appel incident, demande à la cour, au visa des article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil et 564 du code de procédure civile :

- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- de dire que la société ICD a commis des actes de contrefaçon à son préjudice, d'ordonner en conséquence, sous astreinte, les mesures d'interdiction d'usage et de publication outre la production de documents comptables certifiés en lui allouant une provision de 100.000 euros,

- subsidiairement, de déclarer l'appelante irrecevable à agir sur le fondement des droits d'auteur et irrecevable à former une demande nouvelle au titre de la concurrence déloyale,

- en tout état de cause, de débouter la société ICD de l'ensemble de ses demandes, de considérer qu'elle s'est livrée à des actes de concurrence déloyale à son préjudice et de la condamner à lui verser la somme de 50.000 euros à ce titre outre celle de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.






SUR CE,



Considérant qu'il convient liminairement de dire que si la société ICD développe une argumentation relative à la titularité des droits d'auteur dont elle bénéficie sur le modèle de boîte 'House Case' revendiqué, le moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence de titularité des droits ne lui était pas opposé en première instance pas plus qu'il ne l'est en cause d'appel ; que le tribunal qui n'était pas saisi de ce moyen n'a pas eu à se prononcer et il n'y a pas davantage lieu de statuer sur ce point ;





Sur l'originalité du modèle de boîte dénommé 'House Case' :



Considérant que la société ICD définit comme suit (en pages 17 et 18 / 53 de ses dernières conclusions) les caractéristiques de cette boîte dont elle entend démontrer qu'elle a été créée en septembre 2004 et divulguée en septembre 2005 et sur laquelle elle revendique des droits d'auteur :

- une caisse parallélépipédique, souple et matelassée puisque volontairement réalisée en polyester ou en nylon, pouvant se plier ou s'aplatir, déclinée en trois tailles dont les dimensions et proportions sont :

¿ pour le grand modèle : H 40 L 60 P 50,

¿ pour le moyen modèle : H 31 L 46 P 39,

¿ pour le petit modèle : H 20 L 30 P 20,

- une ouverture de la caisse souple par le panneau du haut qui se ferme sur trois côtés par une fermeture éclair, ce panneau supérieur prolongeant la face arrière de la boîte d'un seul tenant, ne présentant ni couture ni séparation,

- deux larges poignées en toile parallélépipédiques appliquées sur les faces latérales de la caisse, en leur centre, cousues de fils apparents formant un carré traversé d'une croix,





- une inscription décorative et ludique sur la face avant de la caisse, des termes 'House Case' en lettres de grandes dimensions, dans une police conforme à l'identité visuelle de la marque '[F]' d'ICD et en langue anglaise, symbole, selon elle, de son ouverture à l'export, de sa notoriété internationale et de l'universalité de ses créations,

- une lettre A de taille plus importante que les autres lettres composant les termes 'House Case', symbolisant une maison (House) rappelant l'attachement d'ICD à l'univers de la décoration qui lui est cher. Ainsi, le 'A' est une maison dont la porte d'entrée est représentée par la jambe droite du 'A' et la fenêtre représentée au centre de l'espace laissé vide sous la barre horizontale de la majuscule 'A',

- des couleurs volontairement vives et contrastées entre elles choisies pour l'inscription 'House Case', ce qui rend la boîte moderne et attractive ;



Qu'elle ajoute que, contrairement à ce qu'ont retenu les juges consulaires pour dénier à cette boîte son originalité, elle présente une forme qui n'est pas exclusivement dictée par des impératifs techniques ou utilitaires et que la combinaison de ses caractéristiques révèle, par le choix des formes, proportions dimensions, ouvertures, matières, inscriptions et couleurs adoptées, une préoccupation esthétique et ornementale à travers laquelle transparaît l'empreinte de la personnalité de son auteur ;



Considérant, ceci rappelé, que ni la présentation de cette boîte de rangement parallélépipédique selon divers formats adaptés à son usage et dans un matériau souple permettant de la plier, ni la présence d'un couvercle doté d'une fermeture à glissière destinée, à l'instar du rembourrage, à protéger les objets appelés à y être rangés, ni encore l'apposition de poignées permettant d'en faciliter la manutention ne peuvent être revendiqués, le droit d'auteur n'ayant pas vocation à protéger un concept, en l'espèce la boîte de rangement pour la maison ;



Que la surpiqûre visible sur les poignées, qui en assure la solidité, est asservie à la fonction de cette boîte destinée au rangement domestique ;



Que l'adoption de 'couleurs volontairement vives et contrastées' et l'apposition d'une inscription, en l'espèce descriptive de la fonction de l'objet, ne sauraient rendre compte des choix du créateur au travers desquels se refléterait sa personnalité, tant ces caractéristiques sont usuelles pour ce type d'objet, comme en témoignent les catalogues des collections [V] [Z] de 1985, 1988 et 1990 et le concept de cantine souple qu'il a commercialement développé ;



Qu'il peut être relevé incidemment, s'agissant de cette inscription, que si l'appelante s'attache à en montrer avec minutie le particularisme, selon elle porteur de sens, elle ne peut valablement prétendre que cette inscription constitue une caractéristique essentielle au fondement de l'originalité de son modèle dès lors qu'elle soutient par ailleurs, afin d'établir le bien-fondé de son action en contrefaçon, que la 'Boîte pour la Maison' incriminée présente des 'ressemblances évidentes et flagrantes' avec la 'House Case' revendiquée et que l'on n'y retrouve pourtant pas lesdits éléments présentés comme la marque d'une démarche de création;



Qu'il suit que la combinaison des caractéristiques revendiquées ne permet pas de considérer que cette boîte de rangement révèle l'empreinte de la personnalité de son auteur et qu'elle est le fruit d'un effort créatif le rendant éligible à la protection par le droit d'auteur ;



Que, par motifs substitués, le jugement sera confirmé de ce chef ;



Sur l'action en contrefaçon de la société ICD :



Considérant que faute de pouvoir se prévaloir d'un droit privatif sur la boîte de rangement 'House Case', la société ICD n'est pas recevable à agir en contrefaçon à l'encontre des sociétés Carrefour Hypermarchés et Clementina Frog du fait de la fabrication, de la présentation à la vente et de la commercialisation de la boîte de rangement 'Boîte pour la Maison' ;



Qu'il y a lieu de confirmer le jugement ;



Sur l'action en contrefaçon de la société Clementina Frog :



Considérant qu'intervenue volontairement en la cause, la société Clementina Frog soutient que si une atteinte à des droits préexistants doit être retenue, c'est l'exploitation des 'House Case' par la société ICD qui caractérise l'atteinte aux droits de la société Clementina Frog sur la 'Boîte pour la Maison' - qu'elle déclare avoir créée en juillet 2004, dans la lignée des créations du groupe [V] [Z] et peu important que cette boîte n'ait été commercialisée qu'en 2007 - et non l'inverse ;



Qu'elle présente la 'Boîte pour la Maison' comme une déclinaison épurée en tissu de l'ancien modèle de cantine métallique 'Mini cantine moto', du groupe [V] [Z], existant en quatre tailles différentes et qui combine les caractéristiques suivantes (pages 4 et 5/28 de ses dernières conclusions) :

- une forme parallélépipédique aux dimensions adaptées pour s'encastrer dans une cantine rigide [V] [Z],

- une fermeture par un couvercle situé au dessus et solidarisé avec le panneau arrière de la boîte,

- deux poignées fixées sur les côtés latéraux de la boîte, dans le premier tiers supérieur, à la même hauteur que pour les cantines rigides,

- des couleurs unies identiques à celles appliquées aux cantines rigides,

- s'agissant d'une cantine souple, la fermeture du couvercle est assurée par une 'fermeture éclair' avec un couvercle prolongeant le panneau arrière de la boîte dans une même pièce de tissu,

- la face avant de la boîte est décorée avec la mention 'Boîte pour la Maison' reproduite selon la même présentation que celle utilisée pour les autres modèles de cantines du groupe [V] [Z] et calligraphiée en lettres majuscules, le mot 'Maison' dans une police de caractère supérieure et de couleur blanche assortie à celle des poignées et le jambage de la lettre 'A', stylisée, contenant un coeur ;



Qu'à titre principal et se prévalant de droits antérieurs, elle revendique la présomption de titularité des droits bénéficiant à la personne morale, ce qui la rend recevable à agir, et prétend, sur le fond, que 'les caractéristiques invoquées par ICD constituent la reprise des éléments précédemment décrits qui identifient le modèle de cantine souple de Clementina Frog dont la forme découle elle-même d'une adaptation licite d'un modèle de cantine rigide' ;



Considérant, ceci rappelé, que, ce faisant, la société Clementina Frog occulte la question de l'originalité de son propre modèle de 'Boîte pour la Maison' dont la constatation est cependant nécessaire pour prétendre à la protection des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle;



Que force est cependant de considérer que dès lors que cette société conteste (selon un moyen arbitrairement présenté par elle comme un subsidiaire) l'originalité du modèle de boîte 'House Case', elle ne peut, sans se contredire, laisser entendre que son modèle de 'Boîte pour la Maison' serait original alors que la 'House Case' qui reprendrait, selon elle, dans la même combinaison, les caractéristiques au fondement de l'originalité de sa propre création, est dépourvu d'originalité ;



Qu'il s'évince de ce qui précède qu'à l'instar de l'action en contrefaçon introduite par la société ICD, l'action en contrefaçon de la société Clementina Frog ne saurait prospérer et le jugement doit, ici aussi, être confirmé ;



Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme incriminés par la société ICD :



Considérant que la société ICD fait grief au tribunal d'avoir rejeté sa demande à ce titre au motif qu'outre les inscriptions figurant sur les boîtes opposées, leur lieu de commercialisation et la présence de la marque 'Clementina Frog' excluent tout risque de confusion alors que, selon elle, les deux sociétés sont en situation de concurrence et qu'en tout état de cause l'absence de concurrence directe et effective ne constitue pas une condition de l'action à ce titre qui exige seulement l'existence d'agissements fautifs générateurs d'un préjudice ;



Qu'il est patent, poursuit-elle, qu'en commercialisant une boîte quasi identique à la boîte référencée 'House Case', l'intimée a voulu tirer profit de ses efforts créatifs et de l'image de qualité que celle-ci véhicule ; qu'en la vendant, en outre, à un prix inférieur de plus de moitié, qui plus est dans les circuits de la grande distribution, elle s'est rendue coupable de l'avilissement de son produit ; qu'elle incrimine, de plus, l'apposition du syntagme 'Boîte pour la Maison' qui n'est que la traduction française de 'House Case', outre une même mise en exergue du 'A' majuscule qui constitue 'l'élément phare' de la face de la boîte 'House Case' ainsi que l'adoption de couleurs vives ou contrastées ;



Que l'appelante conclut à un risque de confusion pour le consommateur sur l'origine des ' Boîtes pour la Maison', perçues comme une déclinaison des 'House Case' alors qu'elles en sont la contrefaçon, et à la sanction de tels agissements, distincts, selon elle, des actes de contrefaçon reprochés aux intimées ;



Considérant, ceci rappelé, que l'action en concurrence déloyale, fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, peut, certes, être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif ;



Que, sur ce point, la société Clementina Frog ne peut affirmer que l'appelante forme, à ce titre, une demande nouvelle en cause d'appel et, partant, irrecevable, du fait qu'elle était présentée en complément de l'action en contrefaçon en première instance mais subsidiairement en cause d'appel dans la mesure où elle tend aux mêmes fins indemnitaires sur le même fondement juridique ;



Que si l'originalité d'un produit n'est pas une condition de cette action à raison de sa copie, il est constant qu'eu égard au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le seul fait de commercialiser des produits présentant, comme en l'espèce, des caractéristiques similaires au produit revendiqué n'est pas, en soi, un fait constitutif de concurrence déloyale mais seulement l'un des facteurs possibles de l'appréciation d'une faute par création d'un risque de confusion;



Que la vente de la 'Boîte pour la Maison' dans les magasins à l'enseigne 'Carrefour' dont il n'est pas affirmé qu'elle soit à perte mais à un prix inférieur participe de ce principe de la liberté d'exploitation, de même que la banalisation, la dévalorisation du produit revendiqué ou encore le profit tiré des efforts (au demeurant non démontrés) qui ont pu être déployés pour le concevoir et lui assurer une place sur le marché, tous éléments qui sont la nécessaire conséquence de ce principe, de sorte que l'appelante ne peut valablement soutenir que ces faits permettent de caractériser le comportement illicite des sociétés intimées ;



Que le risque de confusion résultant de la présentation graphique des mentions figurant sur la face avant des deux boîtes opposées n'est que prétendu tant elles différent et tant cette pratique consistant à apposer une mention sur un produit était commune au moment des faits d'exploitation incriminés ; qu'aucun élément ne vient, par ailleurs, attester que ce graphisme ou ses composantes soient, comme il est simplement affirmé, 'un élément phare' des créations de la société ICD ;



Que la demande de la société ICD à ce titre sera, par voie de conséquence, déclarée recevable mais mal fondée ;



Sur les actes de concurrence déloyale incriminés par la société Clementina Frog :



Considérant qu'au soutien de cette demande présentée 'en tout état de cause', l'intimée se prévaut de l'antériorité de la date de création de la 'Boîte pour la Maison' et de la reprise parasitaire par l'appelante, en langue anglaise, de la mention illustrant cette boîte alors qu'il s'agit du fruit de son travail de recherche et de développement ;



Qu'elle fait encore état de la reprise du slogan 'rangez, classez, protégez' en faisant valoir que dans une accroche publicitaire, la société ICD énumère des verbes en rapport avec le rangement, à savoir : 'pour tout ranger dans la maison, empiler, remiser, transporter, protéger, déménager' ;



Qu'ajoutant à ces griefs, dans un unique chapitre de ses conclusions consacré à la concurrence déloyale, elle impute à faute à l'appelante l'introduction d'une procédure qu'elle qualifie d'abusive car n'ayant pour seul dessein que de la dénigrer auprès de l'un de ses clients 'historiques' et globalise, en conséquence, le préjudice subi consécutivement à la commission de ces faits dommageables distincts ;



Considérant, ceci rappelé, qu'eu égard à ce qui a été précédemment énoncé pour rejeter la demande de l'appelante qui incriminait le même fait de reprise de la mention descriptive apposée sur la face avant de la boîte, le premier grief invoqué ne saurait être retenu comme constitutif d'une faute ;



Que si l'intimée verse, par ailleurs, aux débats une série de 19 pages publicitaires enliassées comportant le slogan 'rangez ! classez ! protégez!' (pièce 10) il convient de relever que ces documents issus de photocopies n'ont pas date certaine, qu'ils ont trait à des produits sans rapport avec la 'Boîte pour la Maison' concernée par la présente procédure (à savoir des classeurs, classeurs à roulettes, modules ménagers, caissons rang'concept, ..., lots de dossiers suspendus) et, surtout, qu'ils promeuvent les produits d'une société tiers ('production [V] [Z]') ;



Que ni l'un ni l'autre de ces comportements ne peut donc être qualifié de fautif ;



Considérant, s'agissant de l'atteinte à l'image ou la perte de crédit auprès de clientèle résultant de cette procédure en outre alléguées, qu'il ne peut qu'être relevé que la preuve n'en est pas rapportée et que si la société Carrefour Hypermarchés poursuit, sur un fondement tant légal que conventionnel, la garantie de son fournisseur, elle a soin de préciser qu'elle le fait 'sans reconnaissance aucune de la réalité des droits invoqués par la société ICD', et ne consacre, par ailleurs, aucune ligne de ses écritures à dénigrer la société Clementina Frog mais soutient, en revanche, l'argumentation de cette dernière ;



Qu'en l'absence de démonstration du préjudice invoqué, qui ne paraît d'ailleurs pas avoir été invoqué en première instance, la société Clementina Frog ne peut voir prospérer sa demande indemnitaire de ce chef ;



Considérant, enfin et s'agissant de l'abus de procédure dénoncé, que, bien que succombante, la société ICD a pu, sans faute, exercer les voies de droit légalement admises pour voir reconnaître des droits dont elle a pu se croire investie et obtenir l'indemnisation du préjudice causé par des comportements qu'elle a pu considérer comme illicites ;



Que cet autre chef de prétentions doit donc être rejeté ;



Sur les demandes accessoires :



Considérant qu'il s'évince des énonciations du présent arrêt que la demande de garantie de la société Carrefour est devenue sans objet ;



Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties au litige ;



Qu'en raison de leur succcombance partielle, chacune conservera la charge de ses propres dépens ;





PAR CES MOTIFS,



Confirme le jugement entrepris et, y ajoutant ;



Déboute la société Clementina Frog de sa demande indemnitaire fondée sur une atteinte à son image ;



Rejette les prétentions respectives de l'ensemble des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Dit que chacune des parties à la présente instance conservera la charge des dépens d'appel par elle exposés.



Le greffier,Le Président,

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