23 mai 2013
Cour d'appel de Paris
RG n° 11/18848

Pôle 5 - Chambre 6

Texte de la décision

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 23 MAI 2013



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18848



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010032260





APPELANT



Monsieur [Q] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentant : Me Lionel MELUN (avocat au barreau de PARIS, toque : J139)

Assisté de : Me Rachel PIRALIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1893







INTIMÉE



SA CREDIT DU NORD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentant : la SCP RIBAUT (Me Vincent RIBAUT), avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de : Me Maryvonne EL ASSAAD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0289





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 26 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré



Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.



Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY



ARRÊT :



- contradictoire



- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.




*********************



Vu le jugement rendu le 6/10/2011 par le tribunal de commerce de Paris qui a condamné Monsieur [Q] [Y] à payer au Crédit du Nord la somme de 65.449,67 € au titre du cautionnement affecté au prêt, majorée des intérêts contractuels à compter du 25/3/2010 et ce jusqu'à parfait paiement dans la limite de la somme de 91.000€, celle de 26.000€ majorée des intérêts au taux légal à compter du 25/3/2010, date de la dernière mise en demeure et ce, jusqu'à parfait paiement, dit qu'en application de l'article 1154 du code civil, les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts s'ils sont dûs depuis au moins une année entière, a débouté Messieurs [Q] [Y] et [V] [F] de l'ensemble de leurs demandes, a condamné Monsieur [Q] [Y] à payer au Crédit du Nord la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie ;



Vu l'appel interjeté par Monsieur [Q] [Y] à l'encontre de ce jugement ;




Vu les conclusions signifiées le 22/2/2013 par l'appelant qui demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement déféré, à titre principal, de constater les fautes commises par le Crédit du Nord, de prononcer la nullité des contrats de caution de Monsieur [V] [F] et de ceux qu'il a signés, de condamner le Crédit du Nord à lui payer la somme de

40 000 € à titre de dommages et intérêts, d'ordonner la radiation de l'inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire, prise au 8ème bureau des Hypothèques de Paris, sous astreinte de 150€ par jour de retard et aux frais du Crédit du Nord sur les parts et portions dans le bien lui appartenant pour moitié indivise avec son épouse sis à [Adresse 1], cadastré section AS numéro [Cadastre 1], lot numéro 33, de condamner le Crédit du Nord à lui payer la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, de fixer sa dette auprès du Crédit du Nord à la somme de 56.298,20 euros et de l'autoriser à apurer sa dette par échéance mensuelle de 500 euros ;



Vu les écritures signifiées le 14/3/2013 par le Crédit du Nord qui conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;




SUR CE



Considérant que Monsieur [Y] a créé, en décembre 2004, la société Riverchoc, dont il est devenu le gérant ; qu'elle avait pour activité la location de véhicules haut de gamme ; que le 22 novembre 2006, la société a ouvert un compte courant dans les livres du Crédit du Nord; que le 10 juillet 2008, le Crédit du Nord a consenti à cette société une facilité de trésorerie de 20.000 € au taux conventionnel de 11,40 %, ainsi qu'un prêt d'un montant de 70.000 € au taux fixe de 5,06 % l'an remboursable en 48 mensualités de 1.613,95 € ; que, le même jour, Monsieur [Y] et Monsieur [F], salarié de la société, se sont portés cautions personnelles et solidaires de la société pour garantir à la banque le paiement ou le remboursement de toutes sommes, à hauteur de 26.000 € chacun pour une durée de 10 ans, et à hauteur de 91.000 € chacun pour une durée de 72 mois ; que la société a connu de graves difficultés financières ; que le 9/12/2009, le crédit du Nord a dénoncé la convention de découvert et la convention de compte courant moyennant un préavis de 60 jours ; que le 22/2/2010, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure la société de régler la somme de 61.915,47 € ; qu'elle a adressé copie de ces courriers aux deux cautions ; que par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 25/3/2010, le Crédit du Nord a, vainement, réclamé à la société et aux cautions la somme de 106.299,59€ au titre du solde débiteur et celle de 62.332,97€, au titre du prêt, soit au total la somme de 168.632,56€ ; que le 22 avril 2010, le Crédit du Nord a assigné la société Riverchoc, Monsieur [Y] et [F] devant le tribunal de commerce de Paris qui a rendu la décision déférée ; qu'entre temps la société a déclaré la cessation de ses paiements le 27 janvier 2011 et sa liquidation judiciaire a été ouverte le 9/2/2011, ce qui a conduit la banque à se désister des demandes formées à son encontre ; que le 1 7 mai 2011, le Crédit du Nord a déposé auprès du Juge de l'Exécution du tribunal de grande instance de Paris une requête à fin d'inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire, laquelle a été autorisée par ordonnance du même jour ;



Considérant que Monsieur [Y] soutient que la responsabilité de la banque est engagée, dès lors qu'elle a manqué à son obligation de surveillance et d'information puisqu'elle n'a sollicité auprès de la société Riverchoc aucune information comptable avant l'octroi des prêts, qu'elle a failli à son obligation de discernement, étant seulement animée par la volonté de se constituer une garantie sur son patrimoine personnel, alors qu'elle connaissait la situation obérée de sa cliente, qu'elle ne s'est pas informée sur la solvabilité du débiteur, puisqu'elle a exigé que lui-même et Monsieur [F] se portent cautions, alors que le dernier nommé n'était pas imposable et percevait seulement 3.000 € par an, de sorte que son cautionnement présentait un caractère manifestement disproportionné, ce qu'a retenu le tribunal ; qu'il estime que les deux cautionnements sont 'intrinsèquement liés et que si l'un est vicié, l'autre l'est également'; qu'il affirme que les actes ont été établis et signés dans le même temps donné 'comme étant une condition substantielle de l'autre'; qu'il en conclut que son consentement a été vicié et que l'acte doit donc être annulé ; qu'il sollicite la radiation de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise par la banque ; que subsidiairement, il réclame la suppression des pénalités de retard et l'octroi de délais de paiement sur 10 ans ;



Considérant que la responsabilité de la banque doit être examinée à la date de l'octroi des concours ;



Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que le compte courant de la société, qui n'avait jusque là présenté aucun découvert, s'est trouvé débiteur en janvier 2008, de plus de 85.000€ d'impayés de cartes bancaires ; que cette situation était la conséquence d'une escroquerie commise par un client, pour laquelle un dépôt de plainte est intervenu ; que le compte de la société Riverchoc a, postérieurement au 10/7/2008, fonctionné en ligne créditrice pendant plusieurs mois ou dans la limite du découvert autorisé, puis à partir du mois de juillet 2009, n'a plus enregistré de remise ;



Considérant qu'il s'évince de ce qui précède, que la société, qui jusque là n'avait sollicité aucun concours, ainsi que Monsieur [Y] l'énonce lui-même, a rencontré un problème ponctuel de trésorerie qui ne caractérisait pas une situation irrémédiablement compromise ;



Considérant que comme elle le soutient à juste titre, en mettant en place pour amortir le découvert s'élevant à 96.121 euros au 30 juin 2008, d'une part, la facilité de caisse de 20.000 euros et, d'autre part, le crédit de 70.000 euros remboursable sur 4 ans par échéances mensuelles de 1.613,95 euros, la banque n'a pas aggravé la situation de la société Riverchoc, bien au contraire, puisqu'elle a restructuré une dette, qui en tout état de cause devait être remboursée, à des conditions moins onéreuses ; que le Crédit du Nord précise en effet que la charge totale des intérêts relatifs au prêt s'élevait à 7.469 € alors que les intérêts trimestriels prélevés sur le compte entre le 1/1/2008 et le 30/6/2008 ses ont élevés à 2.795€ +3.331€ ;



Considérant que la banque justifie en outre avoir disposé d'éléments comptables, et notamment du bilan de la société au 31décembre 2007 qui permet de démontrer que le crédit de 70.000 euros était tout à fait adapté à ses capacités financières ; que les premiers juges ont exactement relevé que le prêt générait une charge annuelle de remboursement de 19.367 € alors que le chiffre d'affaire de 2007 était en forte augmentation par rapport à 2006 et que la capacité d'autofinancement était de 99.000€, et que la déclaration de cessation des paiements n'est intervenue que le 27 janvier 2011 ; qu'il y a lieu d'ajouter que la date de cessation des paiements a été fixée à cette même date, sans être reportée ; que rien n'établit que la situation de la société était irrémédiablement compromise, et encore moins que la banque avait connaissance de cette situation ;



Considérant en conséquence que les concours consentis ne sauraient être considérés comme des crédits ruineux ou comme des crédits s'intégrant dans le cadre d'un soutien abusif; qu'il doit être souligné que la société emprunteuse était un opérateur économique averti dont le dirigeant, lui-même professionnel avisé, avait une parfaite connaissance de la situation financière de la société et des conditions du prêt qui était destiné à financer son activité professionnelle ; qu'il n'est pas démontré que la banque aurait eu sur la situation financière des renseignements ignorés de l'emprunteur ; que l'emprunteur averti avait nécessairement mesuré l'intérêt que présentait le prêt et connaissait les risques inhérents aux opérations financières dont il avait pris l'initiative ; que la banque, qui a l'interdiction en outre de s'immiscer dans les affaires de son client ne peut voir sa responsabilité engagée ; que Monsieur [Y] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;



Considérant que le Crédit du Nord ne conteste pas devant la cour la décision du tribunal qui a dit, à juste titre, qu'il ne pouvait se prévaloir des cautionnements de Monsieur [F] qui étaient disproportionnés par rapport à ses biens et ses revenus ;



Considérant que selon l'article L341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée,
ne lui permette de faire face à son obligation ;



Considérant que, comme le rappelle exactement le Crédit du Nord, la méconnaissance du principe de proportionnalité n'affecte pas la validité du cautionnement, puisque celle-ci n'est pas assortie de nullité ; qu'en outre, le caractère manifestement disproportionné des engagements souscrits par plusieurs cautions s'apprécie au regard du patrimoine et des revenus de chacune d'entre elles au moment de la souscription et au moment de la mise enjeu ;



Considérant que Monsieur [Y] ne prétend ni même n'allègue que son propre cautionnement serait d'un montant disproportionné par rapport à ses biens et revenus ;



Considérant qu'il résulte de la lecture des deux actes de cautionnement qu'ils ne sont pas interdépendants l'un de l'autre ; qu'il est au contraire expressément prévu (page 3 'clause XII Pluralités de garanties') que le cautionnement s'ajoute et s'ajoutera à toutes garanties réelles et personnelles qui ont pû ou pourront être fournies au profit de la banque par la caution, le cautionné ou un tiers, sans qu'il entre dans le champ contractuel, que les cautionnements soient liés entre eux ;



Considérant que Monsieur [Y] est mal fondé à reprocher à la banque de ne pas avoir vérifié les capacités financières de Monsieur [F] alors que celui-ci est un des employés de la société qu'il dirigeait et qu'il devait au moins connaître le montant de ses revenus ;



Considérant en conséquence que Monsieur [Y] ne peut tirer aucune conséquence sur la validité et l'efficacité de son cautionnement, qui n'est pas contesté par ailleurs, de la décision de décharge dont Monsieur [F] a fait l'objet ; qu'il doit être débouté de ses demandes ;

Considérant que Monsieur [Y] est engagé dans la limite de 26.000 euros et de 91.000 euros en ce qui concerne le prêt ; que le Crédit du Nord réclame la somme de 26.000€ au titre du solde débiteur du compte, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et 65.449,67€ au titre du prêt avec les intérêts au taux conventionnel à compter du 9/2/2011 ; qu'il justifie de ce sommes ; que la décision des premiers juges, qui ont fait droit à sa demande, sera confirmée ;



Considérant qu'au soutien de sa demande de délais pendant une durée de 10 ans, qui dépasse largement le maximum légal autorisé, Monsieur [Y] se contente de produire une déclaration de revenus sur les revenus 2009 qui atteste d'un revenu brut global de 192.886 euros; qu'il apparaît en outre qu'il est propriétaire d'un appartement situé [Adresse 1] sur lequel est inscrit l'hypothèque du Crédit du Nord ; qu'au surplus la dette est ancienne ;



Considérant, en conséquence, que Monsieur [Y] doit être débouté de cette demande;









Considérant que Monsieur [Y] qui succombe et sera condamné aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire qu'il soit condamné à ce titre à verser la somme de 1.500€ au Crédit du Nord ;





PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement déféré,



Y ajoutant,



Condamne Monsieur [Q] [Y] à payer la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au Crédit du Nord,



Rejette toutes autres demandes des parties,



Condamne Monsieur [Y] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .



Le Greffier Le Président

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