14 décembre 2012
Cour d'appel de Paris
RG n° 12/01328

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 14 DECEMBRE 2012



(n° 303, 12 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01328.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2011 - Tribunal de Commerce de PARIS 15ème Chambre - RG n° 2008010914 & n° 2008057406.











APPELANTE :



SARL MASTERFILE FRANCE

prise en la personne de ses gérants,

ayant son siège social [Adresse 4],



représentée par Maître Michèle BRAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1170.









INTIMÉE :



SAS GETTY IMAGES FRANCE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 3],



représentée par Maître Philippe PECH DE LACLAUSE de la SELARL PECH DE LACLAUSE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J086,

assistée de Maître Margerie VERON plaidant pour la SELARL PECH DE LACLAUSE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J086.











INTIMÉES :



- SAS ACTIMAGE CONSULTING

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1],



- SA Société de droit luxembourgeois ACTIMAGE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 2],



représentées par Maître Elise NIVAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0071,

assistées de Maître Nowel RAFIK ELMRINI, avocat au barreau de STRASBOURG.











COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 novembre 2012, en audience publique, devant Monsieur Eugène LACHACINSKI, Président, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.





Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.





ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.










Reprochant aux sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE Sarl des actes de contrefaçon de droits relatifs à 19 photographies diffusées sur leur site Internet à l'adresse www.actimage.fr, www.ACTIMAGE.net et www.ACTIMAGE.com, la société MASTERFILE FRANCE qui a pour activité la commercialisation de photographies dont elle détient les droits d'exploitation les a assignées les 22 et 25 janvier 2008 devant le tribunal de commerce de Paris ;







Après avoir fait constater par procès-verbal d'huissier des 18 et 25 octobre 2007 l'utilisation illicite de ces photographies sur le site internet www.ACTIMAGE.fr, la société MASTERFILE FRANCE a, par acte du 1er août 2008, assigné en intervention la société ACTIMAGE SA tandis que la société ACTIMAGE CONSULTING assignait à son tour le 6 août 2008 la société GETTY IMAGES FRANCE aux fins de la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;



Par jugement du 22 novembre 2011, le tribunal a :



- constaté que l'assignation délivrée le 25 janvier 2008 par la société MASTERFILE FRANCE à la société ACTIMAGE Sarl visait une personne morale inexistante radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 24 janvier 2008,

- déclaré nulle l'assignation délivrée le 25 janvier 2008 à la société ACTIMAGE FRANCE par la société MASTERFILE FRANCE,

- débouté les parties de leurs demandes et notamment de celle de la société MASTERFILE FRANCE qui n'a pas démontré qu'elle était titulaire de droits sur les photographies litigieuses (indication ajoutée par la cour),

- condamné la société MASTERFILE FRANCE à payer à chacune des sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS, ACTIMAGE SA et GETTY IMAGES la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MASTERFILE FRANCE aux dépens ;





Vu les appels interjetés les 6 et 23 janvier 2012 par la société MASTERFILE FRANCE ;



Vu l'ordonnance de jonction du 8 mars 2012 prononçant la jonction des procédures numéro 12/1328 et numéro 12/00307, la procédure se continuant sous le numéro 12/1328 ;



1° - Vu les dernières conclusions signifiées le 21 juin 2012 par lesquelles la société MASTERFILE FRANCE demande à la cour au visa des articles L.112-2 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle, 1382 , 1383 et 1844-5 du code civil :



- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de dire que les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS, ACTIMAGE SA et ACTIMAGE Sarl ont commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur dont elle est titulaire,

- de constater la transmission par effet de la loi du passif de la société ACTIMAGE Sarl afférent aux actes de contrefaçon qu'elle a commis à son associée unique la société ACTIMAGE CONSULTING SAS,

- de condamner in solidum les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA à lui payer la somme de 53.200 euros à titre de dommages intérêts,

- de condamner in solidum les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA à lui payer la somme de 10.000 euros chacune en réparation du préjudice subi du fait de leur résistance abusive,

- de débouter les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA de l'ensemble de leurs demandes,

- de condamner in solidum les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;





2° - Vu les dernières conclusions signifiées le 25 mai 2012 par lesquelles la société GETTY IMAGES FRANCE prie la cour au visa des articles 31, 56 et 700 du code de procédure civile, 1382 et 1383 du code civil :



' in limine litis :

- de dire que l'assignation qui lui a été délivrée mentionne des faits sans rapport avec le présent litige, lesquels ne lui ont pas permis d'appréhender les faits qui lui étaient reprochés,

- de prononcer en conséquence la nullité de l'assignation qui lui a été délivré le 8 août 2008 à la demande de la société ACTIMAGE CONSULTING,

- de déclarer irrecevables les demandes formées par la société ACTIMAGE CONSULTING à son encontre,

- de dire que les droits d'utilisation relatifs aux photographies du CD 'Personal Best' ont été cédés par elle à [D] [A] et non à la société ACTIMAGE CONSULTING, - de dire que la pièce Actimage 3 ne rapporte pas la preuve de ce que les droits d'utilisation des CD 'Personal Best' ou 'Go for Gold' lui ont été transmis,

- de juger en conséquence que la société ACTIMAGE CONSULTING n'est titulaire d'aucun droit envers elle et qu'elle n'a donc pas qualité à agir,

- de déclarer irrecevable l'action engagée par la société ACTIMAGE CONSULTING à son encontre,

- de constater au fond que ni le CD 'Personal Best' ni le CD 'Go for Gold' ne contiennent les photographies litigieuses au titre desquelles la société ACTIMAGE CONSULTING a formé son appel en garantie contre elle,

- de constater qu'elle ne distribue aucune des photographies litigieuses et qu'elle n'a pu licencier aucune de ces photographies à la société ACTIMAGE CONSULTING,

- de constater que les références photographiques litigieuses ne correspondent pas aux photographies qu'elle a effectivement distribuées,

- de débouter la société ACTIMAGE CONSULTING de l'ensemble de ses demandes,

' reconventionnellement,

- de dire qu'en l'assignant sur le fondement d'un CD 'Personal Best' qui est manifestement sans rapport avec le présent litige, la société ACTIMAGE CONSULTING a abusé de son droit d'agir en justice et a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité,

- de dire qu'en maintenant sa position contre l'évidence des pièces versées aux débats, elle a encore abusé de ce droit,

- de dire qu'en ne déférant pas aux différentes demandes et sommations qui ont été faites tant à elle-même qu'à son conseil, la société ACTIMAGE CONSULTING a encore aggravé sa faute et sa responsabilité,

- de condamner la société ACTIMAGE à lui payer la somme de 15.000 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice,

' en tout état de cause,

- de débouter la société ACTIMAGE CONSULTING de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la société ACTIMAGE CONSULTING à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;



3° - Vu les dernières conclusions signifiés les 4 et 25 septembre 2012 par lesquelles les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA demandent à la cour au visa des article L.112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du code civil :



- de déclarer l'appel formé par la société MASTERFILE mal fondé,

- de rejeter les exceptions d'irrecevabilité et de nullité soulevées par la société GETTY IMAGES,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la nullité de l'assignation délivrée par la société MASTERFILE à la société ACTIMAGE Sarl, débouté la société MASTERFILE de l'ensemble de ses demandes, débouté les sociétés MASTERFILE et GETTY IMAGES de toutes leurs demandes, condamné la société MASTERFILE à leur profit de la somme de 5.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens,

- de constater que la société MASTERFILE FRANCE ne détient sur les 'uvres en cause aucun droit de reproduction ou de représentation,

- de dire que les sociétés ACTIMAGE ont régulièrement acquis les droits d'exploitation des 'uvres en cause,

- de débouter la société MASTERFILE FRANCE de l'ensemble des ses demandes,

' à titre subsidiaire :

- de condamner la société GETTY IMAGES FRANCE à garantir la société ACTIMAGE de toute condamnation pouvant être prononcée à leur encontre,

- de condamner la société GETTY FRANCE à payer aux sociétés ACTIMAGE une somme de 730,76 euros à titre de dommages intérêts,

' en tout état de cause :

- de condamner la société MASTERFILE FRANCE au paiement de chacune des sociétés ACTIMAGE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société GETTY IMAGES FRANCE au paiement au profit de chacune des sociétés ACTIMAGE la somme de 10.000 au même titre,

- de débouter la société GETTY IMAGES FRANCE de ses demandes reconventionnelles et de la condamner aux entiers dépens ;






SUR QUOI, LA COUR :



Sur les droits d'auteur revendiqués par la société MASTERFILE FRANCE :



La société MASTERFILE FRANCE justifie par les contrats de cession de droits qu'elle verse aux débats être titulaire de droits sur les 19 photographies suivantes (Pièce n°3 du dossier Masterfile France):









N° image



Nom du photographe



Titre du sujet





700-00029419



[H] [N]



Homme dans piscine





700-00034355



Roy Ooms



Equipe d'aviron





700-00021808



[J] [E]



Vue floue d'homme en patins à roues alignées





700-00024508



''



Patineurs à roues alignées sur piste





700-00025289



''



La main du coureur sur la ligne de départ





700-00027234



' '



Vue floue de coureuses de haies





700-00027236



' '



Homme qui lance le javelot





700-00028793



' '



Vue de femmes en patins à roues alignées





700-00032604



[J] [E]



Des coureuses qui traversent la ligne d'arrivée





700-00038633



' '



Homme et garçon avec cerf-volant





700-00029135



[F] [X]



Sièges de stade vide





700-00021711



[M] French



Gymnaste





700-00039029



[Z] P. Hall



Coureur dans les gradins





700-00021846



[P] [I]



Vue aérienne d'une équipe d'aviron





700-00027300



[P] [I]



Vue aérienne d'une équipe d'aviron





700-00027320



[C] [B]



Woman rock climbing





700-00031321



' '



Man snowboarding





700-00032279



' '



Man running on road





700-00019118



[T] [S] & [K] [V]



Gros plan d'une montre de poche







Elle justifie également par le procès-verbal de constat d'huissier daté des 18 et 25 octobre 2007 que son site internet www.masterfile.com affichait les 19 photographies sus-visées et que contrairement à ce que les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA soutiennent, elle fait la preuve de leur exploitation ;



Selon ce même constat, le site www.actimage.fr en allemand et en anglais reproduisait les photographies suivantes numérotées : 700-00021711, 700-00039029, 700-00029135 et 700-00029419, en français les numéros : 700-00032604, 700-00019118, 700-00027236, 700-00031321, 700-00038633, 700-00032279, 700-00027320, en allemand les numéros : 700-00032604, 700-00019118, 700-00027236, 700-00031321, 700-00021808, 700-00027300, 700-00027320, en anglais 700-00032604, 700-00019118, 700-00027236, 700-00031321, 700-00021808, 700-00038633, 700-00032279, 700-00027320, en espagnol les numéros : 700-00032604, 700-00019118, 700-00027236, 700-00031321, 700-00021808, 700-00025289, 700-00034355, 700-00028793 en français et en anglais les numéros : 700-00024508, 700-00027234, 700-00021846, 700-00031321 ;



Nul ne conteste que les 'uvres photographiques sus-visées ou celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie sont considérées comme des 'uvres de l'esprit ;



La société MASTERFILE FRANCE fait cependant grief à la décision attaquée d'avoir méconnu les dispositions de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle en lui imposant la charge de prouver sa qualité d'auteur ;



La qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l''uvre est divulguée et en l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation de l''uvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon que cette personne est titulaire sur l''uvre du droit de propriété incorporelle ;

Il s'en déduit que la société MASTERFILE FRANCE qui a divulgué sous son nom les 19 photographies litigieuses doit être reconnue comme titulaire de droit de propriété sur celles-ci, leurs auteurs les ayant régulièrement cédés par contrats à la société MASTERFILE CORPORATION comme les pièces n° 21 à 29 du dossier Masterfile France le démontrent, la société MASTERFILE FRANCE bénéficiant de la part de la société MASTERFILE CORPORATION d'un contrat de licence exclusif daté et signé des parties ([H] [G] et J.Geoffroy Cannon) le 1er novembre 2005 (Pièces n°15 et 39 du dossier Masterfile France) ;



Les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA ne sont donc pas fondées de soutenir que la société MASTERFILE FRANCE ne serait pas titulaire de droit sur les photographies litigieuses alors qu'il est établi qu'elles ont été cédées par les différents photographes précités à la société MASTERFILE CORPORATION par contrats datés des 1er septembre 1997 ([H] [N] Pièce n°21), 15 juin 1992 (Roy Ooms Pièce n°22), 1er mars 1993 ([J] [E] Pièce n°23), 1er septembre 1984 ([F] [X] Pièce n°24), 6 février 1989 ([M] French Pièce n°25), 29 juin 1999 ([Z] P.Hall Pièce n°26), 1er juillet 1990 ([P] [I] Pièce n°27), 1er février 1998 ([C] [B]) et 1er juin 1992 ([T] [S] et Marilyn [V] Pièce n°29), ce que ces derniers sont venus confirmer ainsi qu'il résulte de leurs attestations auxquelles étaient jointes les photographies litigieuses (Pièces n° 30 à 38 du dossier Masterfile France) ;



Elles ne peuvent donc prétendre que la société MASTERFILE FRANCE fonde l'intégralité de ses demandes uniquement sur les photographies que l'huissier de justice a constatées dans le cadre des opérations le 18 octobre 2007 ;



Elles ne sont également pas fondées à soutenir qu'elles ont régulièrement acquis le 18 septembre 2003 les photographies litigieuses sur le CD DV-287 de la société GETTY IMAGES qui les aurait détenues de la société DIGITAL VISION aux droits de laquelle cette dernière vient et qu'elles en auraient disposé quatre années avant leur diffusion dans la photothèque de la société MASTERFILE FRANCE ;



En effet, outre que les cessions faites par les auteurs des photographies litigieuses à la société MASTERFILE CORPORATION démontrent qu'elles ont toutes été réalisées antérieurement au 19 septembre 2003 pour avoir été cédées au cours des années entre 1984 à 1997, le procès-verbal d'huissier du 8 juin 2010 qui contient les photocopies d'un boîtier du CD-Rom DIGITAL VISION 'Go For Gold' sans disque à l'intérieur, mais avec une jaquette, une plaquette et un dépliant lequel reproduirait les 19 photographies contestées (Annexe 1 page 10 du procès-verbal de constat) ne sont pas de nature à réfuter la présomption de titularité en faveur de la société MASTERFILE FRANCE dans la mesure où la date de diffusion et d'exploitation de ce CD-Rom n'est pas connue et où le document Vorras (Pièce n°14 du dossier Actimage) qui mentionne que le CD-Rom Digital.Vision Volume 2 Go For Gold aurait été exploité le 6 mars 2005 est insuffisant pour détruire la présomption de titularité dont bénéficie l'auteur ou ses ayants-droit en vertu des dispositions de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle ;



Pareillement, la planche contact en couleurs (Pièce n° 4 du dossier Actimage) qui reprend effectivement 18 photographies attribuées aux auteurs - manque la photographie intitulée 'Woman rock climbing' - qui ont cédé leurs droits à la société MASTERFILE CORPORATION ne comporte aucune date qui permettrait d'opposer valablement ce document à la société MASTERFILE FRANCE ;



Il résulte de ce qui précède que la décision déférée qui a jugé que la société MASTERFILE FRANCE ne démontrait pas qu'elle était titulaire de droits d'auteur sur les photographies litigieuses devra être infirmée ;

Sur le préjudice de la société MASTERFILE FRANCE :



Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ;



La société MASTERFILE évalue à la somme de 53.200 euros le montant du préjudice qu'elle a subi à la suite de l'atteinte portée à ses droits sur les 19 photographies, calculé sur la base de la somme de 2.800 euros par photographie exploitée sans son consentement ;



Pour réclamer cette somme, elle s'appuie sur les clauses contenues dans les licences d'utilisation qu'elle avait auparavant conclues en 2003 et en 2004 avec la société ACTIMAGE ;



Le dernier alinéa de l'article 2 stipule en effet que dès constatation des faits (utilisation illicite du matériel) s'y rapportant, toute utilisation illicite donnera lieu à paiement d'une indemnité forfaitaire immédiatement exigible, égale à 10 fois le montant convenu des droits au titre de l'utilisation déclarée ;



Elle justifie par la production d'un document issu de son site internet www.masterfile.com qu'elle facturait au 20 octobre 2009 une photographie destiné à un site internet publicitaire au prix de 280 euros hors taxes (Pièce n°14 du dossier masterfile) ;



Il s'en déduit que le préjudice subi par la société MASTERFILE FRANCE doit être fixé à la somme de 53.200 euros (19 x 10 x 280) ;



Sur l'appel en garantie formée par les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA :



Les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA sollicitent la garantie de la société GETTY IMAGES tandis que celle-ci soulève in limine litis la nullité de l'assignation qu'elles lui ont délivrée le 8 août 2008, l'irrecevabilité des demandes formées par la société ACTIMAGE CONSULTING à son encontre et demandent de dire que les droits d'utilisation relatifs aux photographies du CD 'Personal Best' ont été cédés à [D] [A] et non à la société ACTIMAGE CONSULTING comme le révèlent la commande et la facture datées respectivement des 18 et 19 septembre 2003 ;



Mais si conformément aux dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation doit notamment contenir, à peine de nullité, l'objet de la demande avec un exposé en fait et en droit, le fait d'avoir mis initialement en cause la société GETTY IMAGES sur la base du CD-Rom 'Personal Best' pour ensuite soutenir en cours de procédure qu'il s'agissait en fait du CD-Rom 'Go for Gold' ne constituent pas une cause de nullité de l'assignation dans la mesure où l'objet de la demande originelle n'a pas été modifié et qu'une présentation différente des faits ne modifie pas la demande, laquelle avait pour fondement juridique la recherche de la garantie de la société GETTY IMAGES ;



Qu'une erreur portant sur l'analyse des faits ou sur une mauvaise appréciation des règles de droit ne sauraient justifier la nullité d'une assignation ;



Ce moyen de procédure soulevé par la société GETTY IMAGES sera par conséquent rejeté ;



La société GETTY IMAGES soulève encore l'irrecevabilité de la demande en garantie formée par la société ACTIMAGE CONSULTING du fait qu'elle n'aurait pas acquis les droits relatifs au CD-Rom 'Personal Best' mais qu'ils l'auraient été par [D] [A] ;



La commande du DC DV287 Personal Best datée du 18 septembre 2003 passée avec la société GETTY IMAGES a été facturée et livrée à [D] [A] le 19 septembre suivant ;



Selon les termes de l'article 1.2.1 du contrat de licence qui accompagnait la commande, le licencié disposait d'un droit non exclusif, non transférable et ne pouvant pas être concédé en sous licence de copier, reproduire, transmettre et afficher les supports numériques un nombre illimité de fois, sur n'importe quel support aux fins suivantes .......(Pièce n°3 du dossier Actimage) ;



Mais l'action étant ouverte conformément aux dispositions de l'article 31 du code de procédure civile à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, la société GETTY IMAGES n'est pas fondée à prétendre que la société ACTIMAGE CONSULTING pour le cas où elle serait condamnée, n'est pas recevable à agir à son encontre, la mise en 'uvre de moyens de défense inappropriés ou inadaptés fondés sur des documents qui n'apparaissent pas pertinents à la partie adversaire n'étant pas de nature à remettre en cause la qualité à agir de celui qui les invoque ou les oppose ;



Ce deuxième moyen de procédure sera également rejeté ;



Pour soutenir que la société ACTIMAGE Sarl a régulièrement acquis des droits sur les 19 photographies litigieuses, les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA indiquent au bas de la page 10 et en haut de la page 11 de leurs dernières écritures que [D] [A] a fait l'acquisition le 19 septembre 2003 du CD-Rom 'Go for Gold' au nom de la société ACTIMAGE CONSULTING en sa qualité de directeur général de cette société, alors que le document daté du 18 septembre 2003 (Pièce n° 3 du dossier Actimage) démontre que la commande portait sur le CD DV287 'Personal Best' et pas sur le CD-Rom 'Go for Gold' ;



La société GETTY IMAGES fait également observer à juste titre que tant le CD-Rom 'Personal Best'que le CD-Rom 'Go for Gold' dont, pour ce dernier, il n'est pas démontré dans quelles conditions les sociétés ACTIMAGE CONSULTING ou ACTIMAGE SA l'ont acquis ne contiennent pas les photographies litigieuses ;



D'autre part, l'absence d'indication sur la provenance des18 clichés litigieux figurant sur la planche contact (Pièce n° 4 du dossier Actimage) ne permet pas de conclure comme le font les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA que la société GETTY IMAGES leur a fourni les photographies litigieuses ;



Il est cependant troublant de constater que les photographies figurant sur le CD-Rom 'Go for Gold' ainsi que les clichés de la jaquette (Pièce n° 6 du dossier Getty Images) sont, à l'exception des photographies litigieuses, identiques à celles reproduites en photocopie sur ce même CD-Rom (Pièce n° 8 du dossier Actimage) ;



Qu'il résulte de la comparaison du tableau ci-contre qu'il y a nécessairement eu de la part de l'une ou de l'autre des parties opposées sur le problème de la garantie une incontestable manipulation involontaire (') ou ......... volontaire (') des clichés sans que la cour qui déplore ne pas avoir eu les documents en original soit en mesure de déterminer laquelle d'entre elles en est à l'origine ;



Face à une telle incertitude, force est de constater que les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA ne démontrent que la société GETTY IMAGES leur a fourni les 18 photographies litigieuses, la photographie 'Woman rock climbing' ne figurant par ailleurs sur aucun des documents opposés ;









Go for Gold ACTIMAGE



Go for Gold GETTY IMAGES









096004 Gros plan d'une montre de poche



096004 Starter vue de dos





096006 Homme et garçon avec cerf-volant



096006 Coureur cycliste sur piste





096010 Coureur dans les gradins



096010 Coureurs à pied





096016 Gymnaste



096016 Cavalier chutant à un obstacle





096021 Sièges de stade vide



096021 Joueurs de kirling





096023 Man snowboarding



096023 Skieur n°10 passant une porte





096033 Homme dans piscine



096033 Nageuse sur le dos





096040 Man running on road



09640 Trois pierres de kirling





096051 Vue de femmes en patins roues alignées



096051 Patineurs de vitesse





097048 Vue floue de coureuses de haie



097048 Pieds dans starting-block





097052 La main du coureur sur la ligne de départ



097052 Vue floue d'un départ de coureurs





097060 Vue floue d'hommes en patins à roues alignées



097060 Vue floue de coureuses à pied





097072 Equipe d'aviron



097072 Skieur





097069 Lanceur de javelot



097069 Patineuse sur glace





097075 Patineurs à roues alignés sur piste



097075 Départ d'une course de chevaux





097084 Vue aérienne d'une équipe d'aviron



097084 Sauteur à ski





097085 Vue aérienne d'une équipe d'aviron



097085 Coureurs à pied





105001 Des coureuses qui traversent la ligne d'arrivée



105001 Coureurs de saut de haies







Les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA seront par conséquent déboutées de la demande en garantie qu'elles ont formées à l'encontre de la société GETTY IMAGES ;



Sur les demandes de dommages intérêts :



La société MASTERFILE FRANCE reproche aux sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA d'avoir agi de mauvaise foi à son encontre et d'avoir fondé leur défense sur des pièces et documents qu'elles savaient contestables ;





Mais face aux contradictions existant entre le contenu du CD-Rom 'Go for Gold' et le document opposé telles que ci-dessus exposés et en présence d'une incertitude quant à leur crédibilité, il ne saurait être déduit que les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA ont eu un comportement fautif à l'égard de la société MASTERFILE FRANCE qui verra sa demande formée à ce titre rejetée ;



La société GETTY IMAGES conclut également à la condamnation de la société ACTIMAGE pour le préjudice que les procédures en première instance et en appel lui ont occasionné ;



Mais cette demande doit être rejetée pour les mêmes motifs qui ont valu à la société MASTERFILE FRANCE le rejet de la sienne formée au même titre ;



Et si conformément aux dispositions de l'article 10 du code civil, chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité, celle-ci ne saurait être révélée à partir de documents qui contiennent des manipulations techniques manifestes que la cour n'est pas à même d'imputer à l'une ou à l'autre des parties ;



La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société GETTY IMAGES sera en conséquence rejetée ;



Les sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA seront en revanche condamnées in solidum à payer, chacune, à la société MASTERFILE FRANCE la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Il apparaît équitable de laisser à la charge de la société GETTY IMAGES les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ;







P A R C E S M O T I F S,





Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2011 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,



Dit que les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA ont commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur dont la société MASTERFILE FRANCE est titulaire,



Condamne in solidum les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA à payer à la société MASTERFILE France la somme de 53.200 euros à titre de dommages intérêts,



Déboute les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA de l'ensemble de leurs demandes,



Déboute la société GETTY IMAGES tant de ses demandes de nullité de l'assignation et d'irrecevabilité formées à l'encontre des sociétés ACTIMAGE CONSULTING et ACTIMAGE SA que de condamnation à des dommages intérêts à l'encontre de ces dernières,



Condamne in solidum les sociétés ACTIMAGE CONSULTING SAS et ACTIMAGE SA à payer chacune à la société MASTERFILE FRANCE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

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