7 novembre 2013
Cour d'appel de Versailles
RG n° 12/01214

1ère chambre 1ère section

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 NOVEMBRE 2013



R.G. N° 12/01214



AFFAIRE :



[O] [C]

...



C/

SA COVEA RISKS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Décembre 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 01

N° Section :

N° RG : 10/00386





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Monique TARDY de l'Association AARPI AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, -





Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES







REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [O] [C]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentant : Me Monique TARDY de l'Association AARPI AVOCALYS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 000087

ayant pour avocat plaidant Maitre COLEMAN-LECERF, avocat au barreau de LILLE



Société S.C.I. FMEC

inscrite au RCS de Lille sous le numéro D 351 756 028

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Monique TARDY de l'Association AARPI AVOCALYS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 000087

ayant pour avocat plaidant Maitre COLEMAN-LECERF, avocat au barreau de LILLE





APPELANTS

****************





SA COVEA RISKS

inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 378 716 419

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son président du directoire en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

- Représentant : Me Pierre GUTTIN, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 12000349

Plaidant par Maitre LAVERNE, de la SCP RAFFIN et associés, avocat au barreau de PARIS, P 133



INTIMEE

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Octobre 2013, Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT





Vu l'appel interjeté par [O] [C] et la SCI FMEC du jugement rendu le 1er décembre 2011 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui les a déboutés de leurs demandes, laissé à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles et condamné in solidum [O] [C] et la SCI FMEC aux dépens  ;




Vu les dernières conclusions signifiées le 26 août 2013 par lesquelles [O] [C] et la SCI FMEC, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demandent à la cour de :

- dire qu'une faute a été commise par Maître [G] [Y] dans la défense de leurs droits dans le cadre du contentieux les opposant à la société AXA FRANCE IARD ayant donné lieu à l'arrêt du 11 octobre 2007 de la cour d'appel de Douai et que la compagnie d'assurances COVEA RISKS devra garantir les conséquences de la faute professionnelle, - condamner la société COVEA RISKS, assureur de Maître [G] [Y], avocat au barreau de Dunkerque, à régler à [O] [C] la somme globale de 189.207,95 €, - condamner la société COVEA RISKS aux dépens ;



Vu les dernières écritures signifiées le 2 septembre 2013 aux termes desquelles la société COVEA RISKS conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement déféré, à titre subsidiaire, prie la cour de dire que le quantum allégué par [O] [C] et la SCI FMEC n'est pas établi et de les débouter de leurs prétentions, en tout état de cause, de condamner in solidum [O] [C] et la SCI FMEC à lui payer la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;



Vu l'ordonnance de clôture signée le 5 septembre 2013 ;




SUR QUOI, LA COUR





Considérant qu'[O] [C], propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 4] a souscrit une police d'assurance multirisques habitation auprès de la société UAP, aux droits de laquelle vient la société AXA FRANCE IARD ;



Qu'à compter du 15 mars 1997, l'immeuble a été assuré par la SCI FMEC, en qualité de propriétaire non occupant, son gérant, [O] [C] étant assuré en qualité de locataire ;



Qu'à la suite d'un arrêté de catastrophe naturelle, pris le 15 juillet 1998 relatif à une période de sécheresse s'étant écoulée du mois de janvier 1993 au mois de décembre 1997, la SCI FMEC a procédé à une déclaration de sinistre, le 6 août 1998, pour des fissures apparues sur l'immeuble ; qu'elle a été indemnisée pour un montant de 775,20 € par la société AXA FRANCE IARD ;





Que la SCI FMEC a, le 9 septembre 1999, effectué une nouvelle déclaration de sinistre auprès de son assureur, en invoquant un affaissement d'une partie de l'immeuble qui serait dû à un effondrement partiel des berges de la rivière La Clarence s'écoulant à proximité ;



Qu'après le dépôt du rapport d'expertise amiable, la compagnie d'assurance a, par lettre recommandée du 30 octobre 2000, notifié son refus de garantie motifs pris de l'acquisition de la prescription biennale et d'un défaut d'entretien des berges par l'assuré ;



Que par acte du 1er février 2001, la SCI FMEC, assisté de Maître [G] [Y], avocat au barreau de Dunkerque, a assigné en référé la société AXA FRANCE IARD devant le tribunal de grande instance de Béthune, qui, par ordonnance du 25 avril 2001, a fait droit à sa demande de désignation d'un expert judiciaire, après qu'[O] [C] soit intervenu volontairement à la procédure  ;



Que l'expert, [E] [Q], a été parallèlement commis par ordonnance du 17 octobre 2001 par le tribunal administratif de Lille, saisi par [O] [C] et la SCI FMEC ;



Que l'expert, dans deux rapports déposés le 12 mai 2003, a imputé les désordres à la vétusté du rideau métallique de palplanches et à son absence au niveau du fossé communal et retenu que l'entretien de ce rideau incombait pour 85% à [O] [C] et pour 15 % à la commune de [Localité 3] ;



Que par acte du 10 décembre 2003, la SCI FMEC et [O] [C] ont saisi au fond le tribunal de grande instance de Béthune qui, par jugement du 6 décembre 2005, a condamné la société AXA FRANCE IARD à leur verser la somme de 111.100 € de dommages-intérêts avec réévaluation en fonction de la variation de l'indice BT01 à partir du 12 mai 2003 et intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2003 et à [O] [C] seul la somme de 8.000 € pour trouble de jouissance, outre la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Que sur l'appel relevé par la société AXA FRANCE IARD, la cour d'appel de Douai, par arrêt du 11 octobre 2007, infirmant le jugement, a déclaré prescrite et donc irrecevable l'action de la SCI FMEC et d'[O] [C] à l'encontre de l'assureur ;



Qu'[O] [C] et la SCI FMEC ont formé un pourvoi en cassation dont ils se sont désistés;



Que c'est dans ces circonstances qu'après avoir, par acte du 2 décembre 2008, assigné la société COVEA RISKS, devant le tribunal de grande instance de Béthune qui, sur les conclusions d'incident déposées par celle-ci, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nanterre, l'ont, par acte du 23 décembre 2009, assigné de nouveau devant cette juridiction aux fins de voir dire que Maître [G] [Y] a commis une faute professionnelle dans la défense de leurs droits que doit garantir son assureur ;



Que le tribunal les a déboutés de leurs demandes ; que les premiers juges ont estimé qu'en n'informant pas ses clients du délai de prescription biennale prévu à l'article L.114-1 du code des assurances et en n'accomplissant pas les diligences nécessaires de nature à l'interrompre, ce qui lui imposait d'assigner au fond avant l'écoulement du délai de 2 ans suivant l'ordonnance de désignation d'expert par le juge des référés, le 25 avril 2001, Maître [G] [Y] a commis un manquement fautif à l'obligation de diligence qui pesait sur lui ; que pour rejeter leurs prétentions indemnitaires, ils ont relevé l'absence de caractère né, certain et actuel de son préjudice, faute par eux d'avoir donné suite au pourvoi en cassation et souligné, en outre, l'exclusion de garantie pour défaut d'entretien des berges de la rivière, la prise en charge des travaux par la collectivité publique ne pouvant libérer le débiteur de son obligation légale d'entretien ;





Considérant que les dispositions du jugement entrepris retenant la responsabilité professionnelle de Maître [G] [Y] pour manquement à son obligation de diligence ne sont pas remises en cause devant la cour ; qu'elles doivent donc être confirmées ;



Sur le préjudice de la SCI FMEC et d'[O] [C]



Considérant qu'au soutien de leur recours, [O] [C] et la SCI FMEC font valoir qu'en leur qualité de tiers lésé, ils disposent d'un droit d'action directe à l'encontre de la société COVEA RISKS qui garantit la responsabilité civile professionnelle, sur le fondement de l'article L.124-3 du code de assurances ; qu'ils contestent une exclusion de garantie pour défaut d'entretien de la berge de la rivière La Clarence, faisant valoir que les palplanches, destinées à empêcher le glissement des terres dans la rivière et le ravinement des terres par l'eau de la rivière, sont la propriété du domaine public, qu'elles ont été réalisées en 1947 par les services publics, à la demande de la préfecture, que le syndicat des communes avait programmé des travaux de renforcement des berges dès 1999, que les désordres ont des causes extérieures au défaut d'entretien, notamment les travaux de réempierrage de la rivière entrepris en amont de la propriété qui ont engendré des turbulences d'eau s'engouffrant sous les palplanches ; qu'ils soutiennent que la clause d'exclusion de garantie invoquée par la société AXA est nulle compte tenu de son indétermination, qu'en tout état de cause, son interprétation doit être limitative, les travaux n'incombant pas spécifiquement et exclusivement à [O] [C] mais également au syndicat intercommunal ;



Que la société COVEA RISKS répond que si la cour d'appel de Douai n'avait pas fait droit à la fin de non recevoir tirée de la prescription, elle n'aurait pas nécessairement confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Béthune sur l'indemnisation du préjudice des appelants ; qu'elle rappelle qu'elle avait opposé, à titre subsidiaire, une exclusion de garantie pour défaut d'entretien de la berge qui incombait aux appelants, que cette clause est valable pour être rédigée en caractères apparents, exprimée clairement et limitée, qu'il ressort du rapport d'expertise que les dommages dont ils poursuivent la réparation découlent d'un manque d'entretien leur incombant et que l'effondrement n'est ni soudain, ni imprévisible ; qu'elle soutient, à titre surabondant, que la police d'assurance prévoit une seconde exclusion pour les dommages provoqués par un défaut de construction ou de conception et que le rapport d'expertise a relevé que [O] [C] a aménagé différents corps de bâtiments sans effectuer de sondage de sols ;



*******



Considérant que le préjudice d'[O] [C] et de la SCI FMEC réside dans la perte d'une chance de voir aboutir l'action en justice qu'ils avaient engagée à l'encontre de leur assureur, devant le tribunal de grande instance de Béthune si la prescription avait été régulièrement interrompue ; qu'il convient donc de rechercher la probabilité de succès de cette action ;



Considérant que selon l'expert, [E] [Q], commis par le tribunal de grande instance de Béthune et le tribunal administratif de Lille, les désordres ont pour origine l'alternance de cycles successifs de sécheresse et d'inondation du terrain situé entre la Clarence et l'habitation d'[O] [C]  ; qu'il relève qu'après une période de sécheresse de janvier 1993 à décembre 1997 qui a fait l'objet d'un arrêté de catastrophes naturelles, la Clarence a été plusieurs fois en crue en amont de la commune de [Localité 3], que cette augmentation périodique du volume des eaux a entraîné l'envahissement du terrain d'[O] [C] par les eaux, envahissement qui a été rendu possible car le rideau de palplanches, vétuste, disjoint, non entretenu, n'assurait plus son rôle ; qu'il constate que la partie «chambres» de l'habitation d'[O] [C] a été réalisée dans un corps de bâtiment ancien, qui n'a pas de fondations conformes aux règles de l'art actuelles, ce qui explique sa mauvaise tenue suite aux pertes de qualité de portance du terrain le soutenant  ; que pour déterminer les responsabilités, il retient que chaque propriétaire est tenu d'entretenir ses berges et que si le rideau de palplanches avait été continu et en parfait état jusqu'au pont, la rivière, quelle que soit la violence de ses eaux, n'aurait pu envahir la parcelle d'[O] [C] et enclencher le cycle sécheresse / inondations qui est la cause des désordres et conclut que ce dernier devait assurer l'entretien à 85% de ce rideau et la commune de Calonne- Sur- La -Lys le solde, soit 15%, au niveau du fossé  ; qu'il évalue le coût des travaux de démolition et de remise en état des bâtiments à la somme globale de 124.900 € ;



Considérant que le contrat d'assurance multirisques immeuble souscrit par la SCI FMEC, joint au rapport d'expertise, comporte, dans ses conditions générales, une clause d'exclusion de garantie pour les dommages dus ou aggravés par un manque d'entretien ou une absence de réparations caractérisé et connu de l'assuré qui lui incombe, tant avant qu'après sinistre...sauf en cas de force majeure ;



Que, dans ses dernières écritures signifiées devant la cour d'appel de Douai, la société AXA France Iard a soulevé une exception de non garantie pour absence d'entretien et de réparation des palplanches destinées à conforter les berges de la Calonne le long de l'immeuble, en se fondant sur le rapport d'expertise  ;









Qu'à supposer que Maître [Y] ait accompli les diligences utiles pour éviter la prescription, contrairement aux assertions des appelants, la société AXA France aurait pu se prévaloir de cette exception, les exclusions visées dans cette clause étant formelles, pour être exprimées clairement, et limitées, au sens de l'article L.113-1 du code des assurances ; que la clause étant admise comme valable, elle pouvait recevoir application dès lors qu'au vu des constatations de l'expert, les conditions prévues étaient réunies ;



Que compte tenu du défaut d'entretien des berges imputable aux appelants de nature à justifier la mise en 'uvre de la clause d'exclusion et de la non conformité des travaux effectués dans l'habitation sans effectuer de sondage des sols, la perte de chance doit s'apprécier à l'aune du préjudice réparable qui ne saurait excéder 10 % du montant réclamé ;



Qu'il convient en conséquence d'allouer à [O] [C] et à la SCI FMEC au titre d'une perte de chance la somme globale de 18.000 € ;



Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée par la société COVEA RISKS au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que les dépens de la présente instance seront supportés à concurrence de un tiers par la société COVEA RISKS et des deux tiers par les appelants ;





PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant publiquement et contradictoirement,



Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité professionnelle de Maître [G] [Y],



Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,



Condamne la société COVEA RISKS à payer à [O] [C] et à la SCI FMEC la somme globale de 18.000 € à titre de dommages-intérêts,



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,















Dit que les dépens de la présente instance seront supportés à concurrence de un tiers par la société COVEA RISKS et des deux tiers par les appelants et pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le GREFFIER,Le PRESIDENT,

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