13 novembre 2014
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 13/22400

1re Chambre C

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 13 NOVEMBRE 2014



N° 2014/821

S. K.













Rôle N° 13/22400







S.A.R.L. BEVAL



C/



[J] [Q] [P]







Grosse délivrée

le :

à :







SCP ERMENEUX



Maître BROCA











DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Grasse en date du 28 octobre 2013 enregistrée au répertoire général sous le N° 13/1155.







APPELANTE :



S.A.R.L. BEVAL,

dont le siège est [Adresse 2]



représentée par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Maître Jean-Paul AIACHE TIRAT, avocat au barreau de NICE







INTIMÉ :



Monsieur [J] [Q] [P]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] ([Localité 1]),

demeurant [Adresse 1]



représenté et plaidant par Maître Gilles BROCA, avocat au barreau de NICE











*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Serge KERRAUDREN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.





La cour était composée de :



Monsieur Serge KERRAUDREN, président

Madame Laure BOURREL, conseiller

Madame Dominique KLOTZ, conseiller



qui en ont délibéré.





Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.





Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2014.







ARRÊT :



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2014,



Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.












*-*-*-*-*-*















































EXPOSE DE L'AFFAIRE



Monsieur [J] [P] est propriétaire d'un bien immobilier édifié sur une parcelle sise sur la commune d'[Localité 1], lieudit [Localité 5], cadastrée section AH [Cadastre 4], constituant le lot [Cadastre 1] du lotissement [Localité 2], approuvé par arrêté préfectoral en date du 2 juillet 1936, et dont le cahier des charges a été déposé au rang des minutes de Maître [G], notaire à [Localité 6], le 19 août 1926, transcrit au bureau des hypothèques de [Localité 3], le 28 septembre 1926, volume 1470 n°69.



La SARL BEVAL est propriétaire de la parcelle initialement cadastrée section AH [Cadastre 3], désormais section AH numéros[Cadastre 2] et [Cadastre 2], qui fait également partie du lotissement [Localité 2].



Par un arrêté du 7 décembre 2010, cette société a été autorisée à édifier plusieurs bâtiments sur la parcelle AH [Cadastre 3] et notamment à procéder à l'extension d'un bâtiment dénommé [Localité 4].



Se plaignant de ce que l'emprise au sol de ce bâtiment était supérieure au maximum autorisé par l'article 15 du cahier des charges du lotissement, Monsieur [P] a saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Grasse qui, par une ordonnance du 23 décembre 2011, a notamment condamné la société BEVAL à cesser de mettre en oeuvre tous travaux de construction du bâtiment dénommé [Localité 4], sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard commençant à courir à l'expiration du délai de 3 jours à compter de la signification de la décision, et pendant trois mois.



Un arrêt de la Cour de céans du 06 décembre 2012, 3ème chambre A, a confirmé sur ce point l'ordonnance qui lui était déférée.



Exposant que la société BEVAL n'avait pas suspendu l'exécution des travaux mais les avait achevés, Monsieur [P] a de nouveau saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Grasse qui, par une ordonnance du 28 octobre 2013, a, sur le fondement de l'article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile :



- condamné la société BEVAL, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, commençant à courir deux mois après la signification de l'ordonnance, et pendant six mois, à faire procéder aux travaux de démolition de l'extension du bâtiment [Localité 4], édifiée en vertu de l'arrêté de la commune d'[Localité 1] en date du 07 décembre 2010,



- condamné la société BEVAL à payer à Monsieur [P] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,



- condamné la société BEVAL aux dépens.



La société BEVAL a relevé appel de cette ordonnance et elle a conclu en dernier lieu le 30 septembre 2014.



Monsieur [P], de son côté, a déposé ses conclusions récapitulatives le 02 octobre 2014.



La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.












MOTIFS



Attendu que Monsieur [P] fonde sa demande sur l'article 15 du cahier des charges du lotissement du Domaine de la Brague du 19 août 1926 selon lequel la surface totale occupée par la construction principale ne pourra en aucun cas dépasser une superficie de 250 mètres carrés et aucune construction ne devra couvrir plus du quart du terrain dans lequel elle sera implantée;



Attendu que l'appelante soutient qu'il s'agit d'une clause de nature réglementaire et qu'à tout le moins le juge administratif devrait être saisi d'une question préjudicielle ;



Attendu que, selon son acte d'acquisition du 4 novembre 1998, la vente est soumise aux clauses et conditions résultant du cahier des charges du lotissement ; que ce cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues ; que son article 22 stipule bien que les dispositions du cahier des charges feront loi entre les différents acquéreurs ; qu'il s'agit d'une convention de droit privé pour laquelle il ne saurait y avoir lieu à question préjudicielle devant la juridiction administrative ; que l'article L 442-9 du code de l'urbanisme, invoqué par l'appelante, dispose expressément que ses dispositions ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement;



Attendu que la clause précitée est claire et précise, contrairement à ce que prétend l'appelante, en ce qu'elle exclut d'évidence toute construction au sol d'une superficie dépassant 250 mètres carrés, quelle que soit sa nature ou la surface du lot ou terrain sur lequel elle est implantée, de sorte qu'elle ne nécessite aucune interprétation ;



Attendu que la société BEVAL argue ensuite de l'absence de cause de l'obligation prévue par l'article 15 susvisé ;



Attendu qu'il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité du cahier des charges dont les clauses s'imposent aux parties tant qu'il n'a pas été annulé ; qu'au demeurant, en l'espèce, ce cahier des charges prévoit des obligations réciproques entre les colotis, dont chacun peut réclamer l'exécution par application de l'article 1143 du Code civil ;



Attendu qu'est inopérant le moyen tiré de la prescription de l'action de Monsieur [P] puisque l'extension qui est reprochée à la société BEVAL résulte de travaux exécutés en vertu d'un permis de construire délivré le 07 décembre 2010 ;



Qu'en outre, il n'est pas établi que tous les colotis sans exception n'aient pas usé pendant trente ans de la servitude en cause, d'autant que des dérogations aux stipulations du cahier des charges sont prévues par son article 22, comme il sera examiné ensuite ;



Attendu que la société BEVAL ne discute pas avoir procédé à une extension par emprise au sol supplémentaire de 389 m², soit au delà des 250 m² autorisés par l'article 15 du cahier des charges; qu'elle invoque cependant une dérogation, conformément à l'article 22 du cahier des charges, qu'aurait accordée le lotisseur, la société TINA, à Madame [R], acquéreur des parts de la société KLEBER LONGCHAMP en 1952, étant précisé que celle-ci a vendu le lot à la société UNIBAIL le 29 octobre 1979, laquelle l'a revendu à la société BEVAL le 4 novembre 1998 ;



Attendu que l'article 22 stipule que la société venderesse pourra accorder aux acquéreurs toutes dérogations au cahier des charges pour de nouvelles ventes à faire sans que les acquéreurs de parcelles antérieurement vendues soient fondés à exercer contre elle aucun recours ; qu'en l'espèce, les lots concernés avaient été initialement vendus par le lotisseur à Monsieur [L] et non à Madame [R] ou à la société KLEBERT LONGCHAMP, sans qu'il soit allégué qu'une dérogation eût alors été accordée à l'acquéreur ; que l'acte d'acquisition de la société BEVAL, du 4 novembre 1998, ne se réfère d'ailleurs qu'au cahier des charges sans mention d'une quelconque dérogation à celui-ci ; qu'il s'ensuit que l'ultime moyen de l'appelante ne peut qu'être écarté ;



Attendu qu'il ressort de ces motifs que le trouble manifestement illicite dont se plaint Monsieur [P] est caractérisé ; qu'il faut d'ailleurs relever que, dans sa décision du 23 décembre 2011, le juge des référés de Grasse avait expressément constaté que l'emprise de l'extension du bâtiment dénommé [Localité 4], supérieure à 250 m², constituait une violation caractérisée de l'article 15 du cahier des charges et un trouble manifestement illicite, au sens de l'article 809 du Code de procédure civile, ce qu'a confirmé la Cour de céans dans son arrêt du 06 décembre 2012 ; qu'il s'ensuit que l'achèvement des mêmes travaux de construction en violation de ces décisions est nécessairement constitutif d'un trouble manifestement illicite, qu'il convient de faire cesser en modifiant seulement la nature des mesures précédemment édictées par la juridiction des référés ;



Attendu en définitive que l'ordonnance déférée doit être confirmée ; que l'astreinte sera maintenue sans limitation dans le temps à compter de la signification du présent arrêt ;



Attendu que la demande de dommages et intérêts formée par la société BEVAL, qui succombe, sera rejetée ;









PAR CES MOTIFS



La Cour,



Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Dit que l'astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard s'appliquera à nouveau, sans limitation de durée, à compter de la signification du présent arrêt,



Condamne la société BEVAL à payer à Monsieur [J] [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,



Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties,



Condamne la société BEVAL aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.









LE GREFFIERLE PRESIDENT

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