5 juin 2014
Cour d'appel de Paris
RG n° 13/18214

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 05 JUIN 2014



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18214



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/16270





APPELANTS



CHSCT B2V GESTION

agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]



SYNDICAT CGT DES EMPLOYES TECHNICIENS ET CADRES DE B2V

[Adresse 1]

[Localité 1]



SYNDICAT DES ASSURANCES CFDT TRANSREGIONAL ET ILE DE FRANCE dit L'ACTIF

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentés par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090, avocat postulant

Représentés par Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0318, avocat plaidant





INTIMEE



ASSOCIATION B2V GESTION

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Jean-jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, avocat postulant

Représentée par Me Delphine PANNETIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant











COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 27 février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré



GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats



ARRET :



- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .



**********



Statuant sur l'appel interjeté par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'association B2V GESTION (ci-après dénommé le CHSCT B2V GESTION), le syndicat CGT des employés, techniciens et cadres de B2V (ci-après dénommé le syndicat CGT B2V) et le syndicat des assurances CFDT transrégional et Ile de France (dit l'ACTIF) à l'encontre d'un jugement rendu le 02 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Paris qui, saisi par leurs soins de demandes tendant essentiellement à obtenir paiement de dommages et intérêts pour entrave au fonctionnement du CHSCT résultant de la violation des dispositions de l'article L 4614-1 du code du travail et à voir ordonner sous astreinte à l'association B2V GESTION de désigner un président au CHSCT de manière conforme à ces dispositions et de justifier de l'existence de sa délégation de pouvoir ainsi que de la compétence et des moyens nécessaires du délégataire en matière d'attributions et de formation pour présider l'institution, et statuant aussi sur une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné l'association B2V GESTION à payer au CHSCT B2V GESTION la somme de 14890,60 € TTC au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance et condamné les syndicats requérants aux dépens,



Vu l'assignation à jour fixe délivrée le 22 octobre 2013 à l'association B2V GESTION à la requête du CHSCT B2V GESTION et du syndicat CGT B2V, autorisés à cet effet par ordonnance du 27 septembre 2013,



Vu la jonction des deux instances,



Vu les conclusions de désistement transmises le 13 décembre 2013 par l'ACTIF, réitérées à l'audience du 27 février 2014,



Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 27 février 2014 aux termes desquelles le CHSCT B2V GESTION et le syndicat CGT B2V demandent à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- condamner l'association B2V GESTION au paiement de la somme de 10 000 € au profit du syndicat CGT B2V pour entrave au fonctionnement du CHSCT et violation des dispositions de l'article L 4614-1 du code du travail,

- ordonner à l'association B2V GESTION, sous astreinte de 2 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de désigner un président du CHSCT de manière conforme aux dispositions de l'article L 4614-1 du code du travail et de justifier de l'existence de cette délégation auprès du CHSCT par la remise de la délégation de pouvoir et la justification des compétences et moyens nécessaires du délégataire en matière d'attributions et de formation pour présider cette institution,

- condamner l'association B2V GESTION à prendre en charge tous les frais et honoraires de la défense du CHSCT B2V GESTION liés à la présente instance, y compris l'honoraire de l'article 10 du tarif des huissiers en cas de recouvrement forcé (décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par décret n° 2001-212 du 8 mars 2001),

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association B2V GESTION à payer au CHSCT B2V GESTION la somme de 14 890,60 € au titre de ses frais liés à la première instance,

- condamner en outre l'association B2V GESTION au paiement des honoraires de l'avocat du CHSCT B2V GESTION au titre de l'appel, qui s'élèvent à la somme de 5 322,20 € et qui seront recouvrés directement par Maître Samuel GAILLARD, outre 956,80 € s'agissant des honoraires de Maître Pascale FLAURAUD qui seront recouvrés directement par cette dernière, et mettre à la charge de l'association B2V GESTION l'article 10 du tarif des huissiers,

- condamner l'association B2V GESTION à verser la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat CGT B2V,

- condamner l'association B2V GESTION aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Pascale FLAURAUD, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,



Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 27 février 2014 par lesquelles l'association B2V GESTION demande à la cour de':

- constater le désistement de l'ACTIF de son appel du jugement rendu le 02 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Paris,

- déclarer recevables mais mal fondés le CHSCT B2V GESTION et le syndicat CGT B2V en leur appel,

- constater que Madame [F] dispose de la compétence et des moyens nécessaires pour exercer sa fonction de présidente du CHSCT,

- constater que le CHSCT ne subit aucune entrave de la part de son président ou de la direction de l'association,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le CHSCT B2V GESTION, le syndicat CGT B2V et l'ACTIF de l'ensemble de leurs demandes,

- juger que les demandes du CHSCT B2V GESTION et du syndicat CGT B2V sont infondées et même abusives,

- juger qu'en conséquence, l'association B2V GESTION ne peut être condamnée à verser des dommages et intérêts pour délit d'entrave ni être condamnée sous astreinte à la désignation d'un nouveau président de CHSCT,

- juger qu'en conséquence, l'association B2V GESTION ne peut pas non plus être condamnée à payer tous les frais et honoraires de la défense du CHSCT B2V GESTION liés à la présente instance, ou à tout le moins réduire le montant de cette prise en charge,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association B2V GESTION à payer au CHSCT B2V GESTION la somme de 14 890,60 € TTC au titre des frais et honoraires de la défense du CHSCT,

- débouter en cause d'appel le CHSCT B2V GESTION et le syndicat CGT B2V de l'ensemble de leurs demandes au motif qu'elles ne sont pas fondées,

- condamner le syndicat CGT B2V à lui verser la somme symbolique de 1 euro à titre de dommages et intérêts,

- condamner le syndicat appelant à lui payer la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le syndicat CGT B2V aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Jacques FANET, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,



La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,











SUR CE, LA COUR




EXPOSE DU LITIGE



L'association B2V GESTION est une association de moyens qui assure la gestion et l'administration du groupe B2V, groupe de protection sociale complémentaire spécialisé dans les domaines de la retraite, de la prévoyance santé et de l'action sociale.



Elle emploie environ 560 salariés.



A ce titre, il existe en son sein un comité d'entreprise (CE) et un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).



Jusqu'en mai 2009, le CHSCT était présidé par Monsieur [J] [L], ancien directeur des ressources humaines.



Le 18 mai 2009, la directrice générale, Madame [A] [H], a donné à un cadre supérieur de l'association, Madame [O] [F], responsable du département Développement RH, une subdélégation de pouvoir conclue jusqu'à l'arrivée d'un nouveau directeur des ressources humaines au sein de l'entreprise pour présider le CHSCT ainsi que pour assurer le suivi de ses activités et de son fonctionnement.



Cependant, lors de l'arrivée de la nouvelle directrice des ressources humaines (DRH), Madame [Z] [T], Madame [H] a fait le choix de ne pas faire appel à la nouvelle DRH pour présider le CHSCT comme auparavant et de prolonger le mandat de Madame [F] pour une durée indéterminée.



C'est ainsi qu'une nouvelle subdélégation de pouvoir a été établie le 02 novembre 2009 à l'intention de Madame [F], en vertu de laquelle celle-ci préside depuis lors le CHSCT.



Cette subdélégation de pouvoir mentionne que Madame [F] doit prendre «'toutes les mesures nécessaires pour la licéité et le bon déroulement des activités qui vous sont confiés'», qu'elle dispose «'de la compétence et des moyens nécessaires pour tout ce qui a trait à votre fonction'» et qu'il «'lui appartient de prendre toutes les mesures nécessaires et de s'assurer qu'elles sont effectivement respectées'».



Les représentants du personnel au sein du CHSCT et le syndicat appelant soutiennent que Madame [F] ne dispose pas des compétences et des pouvoirs nécessaires pour présider le CHSCT et qu'elle serait une «'simple chambre d'enregistrement'», incapable de prendre la moindre décision importante dans le domaine de l'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail sans être obligée d'en référer préalablement à sa hiérarchie.



Depuis le début de l'année 2010, ces reproches à la présidente de l'institution ont fait l'objet de discussions récurrentes lors des nombreuses réunions du CHSCT.



Aussi, lors de la réunion du CHSCT du 20 septembre 2012, les représentants du personnel ont décidé à l'unanimité de mettre fin à la réunion, demandé au secrétaire de refuser de signer le moindre ordre du jour avec la présidente, sous réserve des cas prévus par l'article L 4614-10 du code du travail, et mandaté le secrétaire de l'institution, et en cas d'indisponibilité le secrétaire adjoint, pour ester en justice afin de faire sanctionner, «'conjointement le cas échéant ou avec les organisations syndicales intervenantes », le délit d'entrave caractérisé résultant selon eux d'une telle situation.



Ils demandaient en outre à la direction générale d'apporter dans un délai de 15 jours ouvrés une réponse circonstanciée et les solutions envisagées pour y remédier lors d'un CHSCT extraordinaire en présence des organisations syndicales.



Suite à cette résolution et en l'absence de Madame [F], indisponible pour raison de santé, Madame [H] a le 21 septembre 2012 délégué à titre temporaire la présidence du CHSCT à Madame [E] [Y], responsable des relations sociales.



Sous sa présidence, lors d'une réunion extraordinaire du CHSCT du 10 octobre 2012, Madame [E] [Y] a donné lecture de la réponse datée du 05 octobre 2012 de la présidente du CHSCT à la motion votée en séance du 20 septembre, en précisant, après avoir été dûment questionnée sur ce point, qu'elle avait elle-même signé cette lettre rédigée par Madame [F].



Cette réunion s'étant avérée contre-productive, Madame [E] [Y] suggérant même que l'un des membres du comité tenait des propos sexistes, le CHSCT a réitéré en fin de séance sa volonté de saisir la juridiction compétente aux termes d'une résolution votée à l'unanimité.



C'est dans ces conditions que le CHSCT B2V GESTION, le syndicat CGT B2V et l'ACTIF ont saisi le tribunal de grande instance de Paris et que le jugement entrepris a été rendu le 02 juillet 2013.




MOTIFS



Sur le désistement d'instance de l'ACTIF':



Il convient de constater le désistement d'instance de l'ACTIF.



Sur le fonctionnement du CHSCT':



L'article L 4614-1 du code du travail dispose que «'le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est présidé par l'employeur'».



Il est constant que le chef d'entreprise peut déléguer cette fonction et les responsabilités qui y sont associées.



Toutefois, son délégataire doit être pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission.



Pour ce qui concerne le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le délit d'entrave est défini par l'article L 4742-1 du code du travail de la façon suivante': «'Le fait de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte soit à la constitution, soit à la libre désignation des membres, soit au fonctionnement régulier du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, notamment par la méconnaissance des dispositions du livre IV de la deuxième partie relatives à la protection des représentants du personnel de ce comité, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 €.'»



Au cas présent, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, après avoir relevé que la délégataire Madame [F], titulaire d'un DESS en psychologie du travail, responsable du département Développement RH et ayant suivi une formation d'une durée de 14 heures à la présidence d'un CHSCT les 10 et 11 décembre 2009, occupait des fonctions et une position au sein de l'entreprise lui permettant d'être directement impliquée dans les différents projets ayant un impact sur la santé des salariés et leurs conditions de travail notamment en matière de risques psychosociaux, ont décidé que les difficultés rencontrées dans le fonctionnement du CHSCT, sur lesquelles la cour reviendra ci-après, n'étaient pas constitutives d'une entrave dès lors qu'il n'était pas établi qu'elles aient empêché le comité d'exercer ses prérogatives, puisque depuis le 18 mars 2010, pas moins de 18 projets portant essentiellement sur la réorganisation de certaines directions ou la mise en place de nouveaux outils de gestion avaient été soumis au comité qui a toujours été en mesure de rendre un avis (16 avis favorables et 2 avis défavorables).



Le CHSCT B2V GESTION et le syndicat CGT B2V font encore état d'incidents postérieurs aux débats de première instance':



- la réorganisation du service «'contrats collectifs'»':



Aux termes des dispositions de l'article L 4612-8 du code du travail, «'le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant tout décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail'».



Il ressort des écritures des parties, du projet de procès-verbal de la réunion exceptionnelle du CHSCT du 16 juillet 2013 (dont la teneur ne fait l'objet d'aucune contestation) et du document de présentation des nouvelles modalités de fonctionnement du service «'contrats collectifs'» mises en place au 03 juin 2013':

- que les salariés du service concerné ont été répartis en quatre groupes auxquels a été confié un portefeuille de compagnies à gérer, le groupe 1 par exemple se voyant confier la gestion des compagnies AXA, MAIF et Mutuelles AGESAC, de sorte que désormais, les salariés du service travaillent par portefeuille et par groupe, au lieu de gérer selon un planning n'importe quelle compagnie,

- que Monsieur [M], responsable du «'département Relations assurés'» dépendant de la Direction Prévoyance, a courant mai 2013 sollicité directement le secrétaire du CHSCT pour l'informer de ces modifications envisagées dans la répartition des tâches, mais n'a pas ensuite satisfait à la demande de ce dernier tendant à ce que le comité soit consulté,

- que de fait, Madame [F] en sa qualité de présidente du CHSCT n'a pas été informée de ce changement d'organisation au sein du service «'contrats collectifs'».



Les modifications mises en place le 03 juin 2013 dans la répartition des tâches au sein du service «'contrats collectifs'» ne s'analysent pas en un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail au sens des dispositions légales sus-rappelées, dès lors que les salariés concernés qui étaient déjà polyvalents continuent de travailler au même poste de travail et d'exécuter les mêmes tâches, toujours sous la direction d'un responsable et avec les mêmes outils.



Le changement d'organisation du travail n'a donc entraîné aucune transformation des postes de travail.



S'il est avéré que ces modifications ont pour objectif de résorber un stock de dossiers en retard, il n'est nullement démontré qu'elles entraînent une modification des cadences et des normes de productivité.



Il s'ensuit que la consultation préalable du CHSCT n'était pas nécessaire et qu'aucune entrave ne peut être utilement reprochée à l'employeur.



Il reste que la présidente du CHSCT n'était pas informée de ce projet.



Lors de la réunion du CHSCT du 16 juillet 2013, Madame [F] a d'abord indiqué que «'les responsables hiérarchiques ne savaient pas toujours évaluer si les modifications d'organisation de leur service nécessitent ou non une information voire une consultation des instances'», avant d'objecter «'qu'aux yeux de la Direction, il ne s'agit pas d'un changement d'organisation. Par conséquent, dans le cas présent, elle ne peut pas avoir été informée d'un changement d'organisation. Les responsables de service n'ont pas besoin de solliciter la Direction générale pour une simple modification de la répartition des tâches.'»



Toutefois, dès lors qu'une modification de la répartition des tâches impacte nécessairement les salariés et que les responsables des services ne savent pas toujours, ainsi qu'elle le reconnaît, apprécier si les mesures d'ajustement envisagées dans ce domaine relèvent ou non par leur nature et leur importance d'une consultation préalable des instances représentatives du personnel, il est regrettable qu'en qualité de présidente du CHSCT, elle n'ait pas eu connaissance en temps utile du projet du responsable du service «'contrats collectifs'».



- l'évacuation des locaux':



A la fin du mois de juin 2013, en raison d'un arrêt de l'alimentation en électricité de la tour [1] où travaillent les salariés de l'association B2V GESTION, ordre a été donné par le chef du service de sécurité de la tour, qui est un Immeuble de Grande Hauteur (IGH), d'évacuer les locaux. Madame [F] a été associée à cette décision mais l'évacuation a été un temps interrompue au 27ème étage, un des directeurs de l'association B2V GESTION ayant contesté la décision d'évacuation.



Les représentants du personnel reprochent à Madame [F] de ne pas avoir signifié à ce directeur qu'il devait évacuer les locaux, ainsi que les salariés sous ses ordres.



Selon le projet de procès-verbal de la réunion du CHSCT en date du 31 juillet 2013 (dont la teneur n'est pas contestée), Madame [F] a confirmé «'le fait que, dès lors qu'une décision est prise, à laquelle elle a participé, cette dernière doit être mise en 'uvre jusqu'à son terme, ce qui peut parfois s'avérer compliqué'» et fait observer que «'beaucoup de personnes de B2V ont une délégation de pouvoirs, pour un certain nombre de choses sur des domaines distincts'», que «'tout exercice du pouvoir a ses difficultés et peut rencontrer des oppositions'» et que «'de fait, il aurait été préférable que le directeur n'intervienne pas, même s'il n'a finalement qu'interrompu l'évacuation, sans l'empêcher'».



Il est suffisamment établi par les attestations de Monsieur [B] [S], de Madame [K] [N] et de Monsieur [D] [C], tous salariés de l'association B2V GESTION et respectivement secrétaire du CHSCT, représentante syndicale au comité et secrétaire adjoint de cette instance, que Madame [F] s'est bien trouvée confrontée au refus d'évacuer opposé par Monsieur [W], au 27ème étage de la tour (pièces n° 70, 70 bis et 70 ter des appelants).



Néanmoins, d'une part, il est constant que la décision d'évacuation n'a pas été prise par la présidente du CHSCT mais par le responsable du service extérieur chargé de la sécurité au sein de cet immeuble de grande hauteur, d'autre part ces circonstances ne sont en aucun cas susceptibles de constituer une entrave au fonctionnement du CHSCT.



De surcroît, il doit être rappelé à ce stade qu'en qualité de responsable du département Développement RH, Madame [F] est directement sous les ordres de la directrice des ressources humaines et moyens généraux, Madame [Z] [T], laquelle préside le comité d'entreprise, et que la directrice générale Madame [H] est assistée pour l'exercice de ses missions d'un comité exécutif (COMEX) regroupant les principaux responsables opérationnels et fonctionnels du groupe, dont sont membres permanents, outre la directrice générale et le directeur général adjoint, les directeurs des sept autres directions du groupe, parmi lesquelles on distingue les directions «'Support'», en particulier la direction des Ressources Humaines et Moyens Généraux, qui sont directement rattachées à la directrice générale, et les directions «'Métiers'» qui sont rattachées directement au directeur général adjoint. (organigrammes constituant les pièces n° 5 à 8 des appelants)



S'il est vrai que Madame [F] ne fait ainsi pas partie du COMEX, force est de constater que dans le cas contraire, si elle se trouvait donc au niveau hiérarchique des directeurs à l'instar par exemple de Madame [T], elle ne serait fonctionnellement et hiérarchiquement pas davantage habilitée à donner des directives à l'un des autres directeurs des directions «'Support'» ou «'Métiers'».



- les expertises':



Considérant que la réorganisation du service «'contrats collectifs'» évoquée ci-avant ainsi que trois autres projets de la direction (regroupement et réorganisation des contrats collectifs et individuels à la Direction Prévoyance, transfert d'appels du fonds de pension vers la plateforme téléphonique de la Direction Prévoyance et introduction de nouveaux logiciels au sein de la Direction Comptable et Financière) avaient des conséquences importantes sur les conditions de travail des salariés, le CHSCT a les 16 et 31 juillet 2013 décidé par un vote unanime de recourir à un expert en application des dispositions de l'article L 4614-12. 2° du code du travail.



Il est exact que par plusieurs courriers datés du 27 août 2013 remis en main propre au secrétaire du CHSCT, Madame [F] a contesté le principe des expertises votées, mais de manière maladroite dans la mesure où elle a donné l'impression de s'opposer purement et simplement à leur mise en 'uvre au motif que les projets concernés ne relevaient pas selon la direction d'une procédure de consultation obligatoire, sans jamais informer les représentants du personnel qu'elle comptait en réalité introduire un recours devant le juge judiciaire conformément aux dispositions de l'article L 4614-13 alinéa 2 du code du travail (pièces n° 74-1 à 74-3 des appelants).



Toutefois, la direction a bien introduit un tel recours et les prérogatives du CHSCT n'ont en définitive pas été méconnues.



En effet, par ordonnance rendue en la forme des référés le 07 novembre 2013, la délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris a'partiellement fait droit aux demandes de l'association B2V GESTION, mais confirmé pour l'essentiel les expertises décidées par le comité.



- l'intervention de l'inspection du travail':



L'inspection du travail a attiré l'attention de la direction sur les difficultés rencontrées par le CHSCT, d'abord dans un courrier du 22 septembre 2010 rédigé en ces termes'(pièce n° 11 des appelants) :



«'(') Si vous avez la possibilité de vous faire représenter aux réunions (du CHSCT), votre représentant doit disposer de pouvoirs hiérarchiques et financiers suffisants pour décider des mesures relatives à l'hygiène et à la sécurité. (...)

Il vous faut donc veiller au bon fonctionnement de l'instance. En particulier face à une situation ou encore face aux constats présentés par vos représentants dans le cadre du CHSCT et qui appellent une décision en matière d'hygiène et de sécurité, celle-ci doit en principe être prise et annoncée en réunion. En effet dans la mesure où l'ordre du jour est envoyé à l'avance il n'est ni conforme aux textes rappelés, ni opportun, de renvoyer systématiquement à une étude de faisabilité ou à une prise de conseils supplémentaires. Vous voudrez bien en conséquence vous assurer':



- Du concours de ces conseils en amont et au besoin en réunion afin d'être en mesure de prendre les décisions qui s'imposent en réunion';

- De la consistance de votre délégation à votre représentant au CHSCT qui doit s'accompagner des moyens pratiques de décision et d'action nécessaires à l'exercice de la fonction de président de CHSCT.'»



puis dans une lettre du 15 novembre 2013 (pièce n° 63 des appelants)':



«'(') Le fonctionnement du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail fait depuis plusieurs années l'objet de plaintes récurrentes de la part de la représentation du personnel. (') Une partie importante des plaintes concernent le rôle de président de l'instance assuré par Mme [F] depuis le départ de l'ancien Directeur des ressources humaines qui présidait auparavant le CHSCT.

(Elle) n'aurait, d'après les représentants du personnel, pas de pouvoir réel pour répondre aux questions qui lui sont posées par ces mêmes représentants, y compris quand elle a connaissance des enjeux.

Elle serait, d'après leur lecture, contrainte pour l'ensemble des décisions importantes qui regardent l'instance d'en référer à la direction générale.

Si cette situation était avérée, nous serions forcés de constater que Mme [F] doit être remplacée par un supérieur hiérarchique doté de tels pouvoirs de décision (nous excluons bien sûr de la discussion les décisions qui relèvent du Conseil d'administration).

Nous avons bien compris, lors de l'entretien que vous ne partagez pas la lecture des représentant du personnel. Vous faites valoir, à l'appui de votre point de vue, le jugement du tribunal de grande instance de Paris, rendu en première instance, et qui conclut à l'absence d'entrave au CHSCT de la part de l'entreprise du fait de la présidence assurée par Mme [F].

Nous vous avons fait observer lors de l'entretien que ce jugement mentionne tout de même des dysfonctionnements dans le rôle de Présidence de l'instance assuré par Mme [F] qui, s'ils ne sont pas pour le juge constitutifs d'entrave, nuisent tout de même au bon fonctionnement de l'instance, montre de sérieux points de blocage qu'il convient d'analyser sans attendre d'éventuelles suites judiciaires suite à l'action des représentants du personnel.

Je vous demande donc qu'un processus d'identification des points de blocage soit initié dans le cadre du Comité, en présence des acteurs de la direction de l'entreprise comme des représentants du personnel, afin que le CHSCT puisse fonctionner sans l'inspection du travail ou (sans que) les tribunaux soient régulièrement saisis de la question de la compétence de Mme [F].'»



Cependant, l'inspection du travail, qui a participé à certaines réunions du CHSCT, n'a jamais dressé de procès-verbal pour délit d'entrave, ni même mis formellement en demeure l'employeur de changer de délégataire.



Il résulte ainsi des motifs des premiers juges et de ceux développés par la cour que les difficultés rencontrées dans le fonctionnement du CHSCT n'ont pas empêché ce dernier d'exercer utilement ses prérogatives et ses missions et que dans ces conditions, elles ne sont pas constitutives d'une entrave.



La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté le CHSCT B2V GESTION et les syndicats de l'ensemble de leurs demandes à ce titre.



Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts':



Si les demandes du CHSCT B2V GESTION et du syndicat CGT B2V tendant à voir reconnaître une situation d'entrave au fonctionnement du CHSCT ne sont pas accueillies, il n'en reste pas moins que les difficultés rencontrées par le comité étaient avérées.



A juste titre, les premiers juges ont relevé une absence de préparation des réunions du CHSCT par sa présidente (Madame [F] ne sait pas qui chapeaute le projet de migration sur le SICAP dans le cadre de la mise en 'uvre de la plateforme AMICAP comme il ressort du procès-verbal du 30 mars 2011), ses réponses inappropriées, notamment sur les débits d'air lorsqu'elle indique qu'il n'y a pas de cause à effet entre débits d'air insuffisants et céphalées (procès-verbal du 23 juillet 2009), ses difficultés à prendre des décisions comme le dénote l'incident survenu lors de la réunion du 24 janvier 2012, au cours de laquelle elle ne voulait pas dans un premier temps confirmer que l'adoption d'un nouvel outil de gestion de la facturation n'entraînerait aucune suppression de poste ainsi pourtant que le soutenait Madame [P], directrice de la Prévoyance invitée à cette réunion.



S'agissant de ce dernier exemple, il doit être affirmé que contrairement aux explications données par Madame [F] qui considère que «'cela relève des décisions prises par le Directeur de la prévoyance'», il lui appartient bien, en tant que représentante de l'employeur, de confirmer en séance l'absence de suppression de poste, si nécessaire en ayant sollicité préalablement la directrice générale sur ce point puisque la question du maintien des postes pouvait facilement être anticipée.



Plus généralement, les incidents répertoriés par les représentants du personnel et la lecture des nombreux procès-verbaux de réunion du CHSCT versés aux débats montrent qu'il existe au sein de l'association un déficit de transmission de l'information, chacune des directions procédant de façon autonome à divers ajustements ou aménagements dans la répartition des tâches ainsi que dans la définition et la gestion de ses moyens sans apparemment que la direction générale en soit toujours informée, ni a fortiori la présidente du CHSCT.



La cour relève enfin que Madame [F] a suivi au mois d'octobre 2013 une formation de 28 heures intitulée «'Pilotez les relations sociales'» et qu'une réunion exceptionnelle du CHSCT a été tenue le 27 janvier 2014 pour réfléchir sur son fonctionnement, même si peut être déplorée la circonstance qu'en dépit des recommandations de l'inspecteur du travail, les membres de la direction générale et des directions «'Support'» et «'Métiers'» n'aient pas participé à cette réunion.



Dans ces conditions, l'action initiée ne saurait être considérée abusive, de sorte que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts présentée par l'association B2V GESTION ne peut prospérer, le jugement entrepris étant donc également confirmé sur ce point.



Sur les frais et honoraires engagés par le CHSCT B2V GESTION':



Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association B2V GESTION à payer au CHSCT B2V GESTION la somme de 14 890,60 € au titre des frais et honoraires qu'il a exposés en première instance.



Pour les mêmes raisons, aucun abus ne pouvant être reproché aux appelants et le CHSCT ne disposant d'aucune ressource propre, l'association B2V GESTION sera condamnée à payer au CHSCT B2V GESTION les sommes de 5 322,20 € et de 956,80 € correspondant aux honoraires de ses avocats en cause d'appel, Maître Samuel GAILLARD et Maître Pascale FLAURAUD, qui seront recouvrés directement par ces derniers.



Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens':



Il convient aussi de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.



Il n'y a pas lieu en équité de faire application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'association B2V GESTION ou du syndicat CGT B2V.



Le syndicat CGT B2V qui succombe en ses demandes sera condamné aux dépens d'appel que Maître Jean-Jacques FANET, avocat, pourra recouvrer directement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



LA COUR



Constate le désistement d'instance du syndicat des assurances CFDT transrégional et Ile de France';



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';



Y ajoutant,



Condamne l'association B2V GESTION à payer au CHSCT B2V GESTION les sommes de 5 322,20 € et de 956,80 € correspondant aux honoraires de ses avocats en cause d'appel, Maître Samuel GAILLARD et Maître Pascale FLAURAUD, qui seront recouvrés directement par ces derniers';



Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de l'association B2V GESTION pour abus du droit d'ester en justice';



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'association B2V GESTION ou du syndicat CGT B2V';



Condamne le syndicat CGT B2V aux dépens d'appel que Maître Jean-Jacques FANET, avocat, pourra recouvrer directement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.







LE GREFFIER LE PRESIDENT

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