18 juin 2014
Cour d'appel de Paris
RG n° 11/13013

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 18 Juin 2014



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/13013



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 novembre 2011 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - section encadrement - RG n° 08/02403





APPELANTS

Monsieur [T] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Savine BERNARD, avocate au barreau de PARIS, C2002 substituée par Me Meriem GHENIM, avocate au barreau de PARIS, C 2002



SYNDICAT STERIA AVENIR

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Caroline ALBOUY, avocate au barreau de PARIS, P0549





INTIMÉE

S.A. STERIA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Pauline MORDACQ, avocate au barreau de PARIS, P0380





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 Mai 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller



qui en ont délibéré





GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats





ARRÊT :



- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





M. [T] [V] a été embauché par la société Somepost, qui était alors une filiale du groupe La Poste, en qualité d'analyste statut cadre, position 1, le 22 mai 1998.



Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective Syntec.



La société fournissait des prestations de nature informatique aux entreprises.



La société Somepost a pris par la suite l'appellation Somepost Informatique puis, dans le cadre d'un rapprochement avec le groupe Steria, elle a pris le nom d'Imelios.



Cette dernière a été absorbée par la SA Steria, à compter du 1er juin 2009.



Dans le cadre de l'harmonisation entre les conventions collectives successivement applicables, la convention collective Syntec succédant à la convention collective de la métallurgie, M. [T] [V] s'est vu reconnaître le 30 septembre 2006, la classification ingénieur d'études position 2.2 coefficient 130.



Membre du syndicat Steria Avenir, M. [T] [V] a été élu au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail (CHSCT) après avoir présenté sa candidature en juillet 2008.



Le 22 décembre 2009, il a été élu en qualité de délégué du personnel.



Faisant valoir en particulier qu'il était victime d'une discrimination syndicale de sorte qu'il n'avait pas connu une progression de carrière normale, M. [T] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil en vue d'obtenir la condamnation de la SA Steria à lui payer diverses sommes et indemnités.



Par jugement en date du 24 novembre 2011, le conseil de prud'hommes a condamné la SA Steria à lui payer la somme de 295,38 € au titre des jours de fractionnement de congés payés et l'a débouté de la totalité de ses autres demandes.



Par déclaration enregistrée au greffe le 30 décembre 2011, M. [T] [V] en a interjeté appel limité aux points ayant donné lieu à un rejet.



Devant la cour, M. [T] [V] sollicite l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a condamné la SA Steria à lui verser la somme de 295,38 € au titre des deux jours de fractionnement de congés payés et en ce qu'il a ordonné la délivrance de bulletins de salaire modifiés depuis octobre 2007.



Pour le surplus, il conclut à la condamnation de la SA Steria à lui payer les sommes suivantes :



- 10 000 € en réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral et du défaut de respect de l'obligation de sécurité de résultat

- 80 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de carrière subi du fait d'une discrimination syndicale

- 101 790 € à titre de rappel de salaire et 10 170 € au titre des congés payés afférents



M. [T] [V] demande également qu'il soit ordonné à la SA Steria de le «repositionner» à la position 3.1 coefficient 170 et de le rémunérer moyennant un salaire brut de 5193 €, sous astreinte de 1000 € par jour de retard, subsidiairement, de le «repositionner » à la position 2.3 coefficient 150, moyennant un salaire mensuel brut de 4 075 €, plus subsidiairement de le « repositionner » à la position 2.3 coefficient 150 moyennant un salaire mensuel de 4026 €







M. [T] [V] sollicite aussi la condamnation de la SA Steria à lui verser les sommes de :



- 30 000 € pour défaut de respect de l'obligation de formation et d'adaptation à l'emploi

- 303,46 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 33,84 € au titre des congés payés afférents

- 2 622,42 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des récupérations d'heures supplémentaires

- 218,53 € au titre des journées de récupération correspondant aux tranches exceptionnelles d'activité

- 2 661,24 € à titre de remboursement des titres de transport pour la période de mars 2009 à mai 2014

- 4 636,65 € au titre du remboursement des frais réels pour la période courue entre 2003 et 2005

- 3 323,84 € à titre de salaire pour défaut de respect des dispositions de la loi «TEPA »

- 3 422,20 € à titre de rappel d'indemnité de congés payés sur le treizième mois pour la période courue de 2002 à 2013



Il demande également qu'il soit ordonné à la SA Steria de tenir compte du treizième mois dans le calcul de l'assiette des congés payés et cela, sous astreinte de 150 € par manquement.



M. [T] [V] sollicite encore la condamnation de la SA Steria à lui payer la somme de 437,07 € à titre de rappel de salaire pour les jours de « RTT » non attribués en 2004 et subsidiairement, la somme de 437,07 € à titre de dommages et intérêts pour avoir perdu le bénéfice de ces trois jours de « RTT ».



Il sollicite la condamnation de la SA Steria à établir des bulletins de paie conformes aux condamnations à venir et aux différents rappels de salaire, à lui payer la somme de 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que le remboursement du timbre fiscal de 35 €.



Le Syndicat Steria Avenir intervient volontairement à l'instance et sollicite la condamnation de la SA Steria à lui payer les sommes de 5000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que de 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.



Pour sa part, la SA Steria conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et à la condamnation de M. [T] [V] à lui payer la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.



Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.






MOTIFS DE LA DÉCISION





I - Sur le harcèlement moral



Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.









L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



En l'espèce, M. [T] [V] expose que le 28 novembre 2008, alors qu'il se trouvait en réunion préparatoire du CHSCT, il a été violemment pris à partie par un des « managers » de l'entreprise qui a interrompu cette réunion afin de lui demander de rencontrer un chef de projet.



Il précise que celui-ci lui reprochait de ne pas vouloir travailler et « l'agressait » verbalement devant tous les employés présents.



Il produit également un avis d'arrêt de travail pour la période du 2 au 8 décembre 2008, un courrier du médecin du travail du 2 décembre 2008, destiné à un autre praticien et dans lequel celui-ci faisait état d'un syndrome anxio-dépressif consécutif à une situation conflictuelle avec la hiérarchie de M. [T] [V] ainsi qu'une déclaration d'accident du travail dont il est constant qu'elle a donné lieu à une décision de refus de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie.



Mais il suffit d'observer, comme le fait remarquer l'employeur, que la présomption de harcèlement moral posée par l'article 1154-1 du code du travail suppose nécessairement l'existence de faits répétés, c'est-à-dire l'existence d'au moins deux faits distincts.



Dans le cas présent, il n'est pas contestable que le salarié n'évoque qu'un seul fait et une situation médicale directement et uniquement liée à ce fait précis.



Dès lors, l'existence d'une situation de harcèlement moral doit être écartée.



Il s'en déduit nécessairement qu'il ne saurait être reproché à l'employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat à ce sujet.



II - Sur la discrimination



M. [T] [V] expose qu'alors qu'il avait déjà des activités syndicales depuis 2001, il a subi un traitement salarial défavorable, ce phénomène s'étant accentué lorsqu'il s'est trouvé élu au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.



Qu'alors qu'à de nombreuses reprises, il avait fait connaître à son employeur sa volonté de devenir chef de projet, ainsi que cela transparaît dans ses évaluations successives à compter de l'année 2002, qu'il avait effectué une formation spécifique d'une durée de huit mois, de juillet 2005 à février 2006, que l'employeur lui avait confié des missions en qualité de chef de projet, notamment chez le client ANPE, celui-ci a toujours refusé de lui accorder la classification correspondante, de sorte que ce n'est que le 18 mars 2011, qu'il a enfin pu accéder à la classification d'ingénieur concepteur position 2.3, coefficient 150.



M. [T] [V] soutient aussi qu'alors qu'à plusieurs reprises, il avait été amené à occuper des fonctions de chef de projet, la SA Steria avait tenté de le rétrograder en proposant de l'affecter dans des missions impliquant moins de responsabilités, notamment en qualité d'ingénieur de développement, ou encore, en dernier lieu, le 14 octobre 2013, en lui proposant une mission de consultation assistance technique.



Pour démontrer l'existence d'une discrimination salariale, il procède à une comparaison entre le salaire mensuel qui était le sien au cours des années 2009 à 2012 avec la moyenne des salaires des ingénieurs concepteurs 2.2 pour les années 2009 et 2010 et avec celle des 'ingénieurs concepteurs 2.3 pour les années 2011 et 2012.



Pour calculer la réparation du préjudice qu'il affirme avoir subi en raison du retard injustifié qu'il a connu en termes de rémunération et de progression de carrière, M. [T] [V] se livre à une comparaison à partir d'un « panel » c'est-à-dire d'un ensemble de comparaison, constitué par un salarié, M. [X] [P], qui est entré dans la société le 30 janvier 1999, c'est-à-dire de manière à peu près contemporaine à sa propre embauche, réalisée le 25 mai 1998.



Il note en particulier qu'alors qu'il avait une plus grande ancienneté que ce dernier, il n'a été promu ingénieur concepteur 2.3 coefficient 150, qu'un an après M. [P] et surtout qu'en 2013, celui-ci a aperçu une rémunération annuelle brute de 52 975 € alors que lui-même n'a perçu que 42 900 €.



Mais, alors que M. [T] [V] invoque l'existence d'une discrimination qui aurait débuté au moins dès l'année 2003, si on s'en tient au tableau comparatif avec la situation de M. [X] [P] qu'il présente ou à son courrier de réclamation qu'il avait fait parvenir à son employeur, avec copie à l'inspection du travail, le 24 janvier 2008, il n'établit en aucune façon avoir eu des activités syndicales avant 2008, ne serait-ce qu'en qualité de simple adhérent, et encore moins que l'employeur en aurait eu connaissance.



Par ailleurs, selon l'article L 1134-1 du code du travail, lorsqu'il est invoqué une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination.



Or, dans le cas présent, la comparaison de son salaire au cours des années 2009 à 2012 avec le salaire moyen des ingénieurs concepteurs à laquelle se livre l'appelant est inopérante puisque ce salaire de comparaison ne constitue que la moyenne des salaires perçus par l'ensemble des salariés de cette catégorie, quelque soient leur ancienneté, leur formation et l'emploi effectivement occupé, c'est-à-dire de salariés dont la situation n'était pas comparable.



De la même façon, est inopérante la comparaison opérée avec un « panel » ne comportant qu'un seul salarié alors que son côté, l'employeur produit aux débats un tableau faisant apparaître la liste de nombreux salariés de même qualification et de même ancienneté que M. [T] [V], ce tableau faisant d'ailleurs ressortir qu'un nombre non négligeable d'entre eux percevaient un salaire annuel inférieur au sien, en 2011, 2012, 2013 ou 2014.



S'agissant plus spécifiquement de M. [P], en tout état de cause, la SA Steria démontre qu'il s'agissait d'un salarié qui pouvait se prévaloir d'une formation différente et d'une spécialité plus spécifique, ce qui lui conférait un niveau d'expertise plus important et plus recherché.



Il n'apparaît enfin nullement que M. [T] [V] aurait subi des rétrogradations dans les fonctions qui lui étaient confiées ou proposées ou bien encore que sa progression de carrière aurait été indûment retardée dans la mesure en particulier où il apparaît que la notion de chef de projet était distincte de celle de responsable de projet, la première consistant à organiser et planifier la réalisation d'une partie d'un projet ou d'un ensemble de projets avec des attributions budgétaires et qu'en réalité, M. [T] [V] ne s'est jamais vu confier de telles responsabilités mais seulement des responsabilités relevant de la fonction de responsable technique.



Il faut d'ailleurs noter que M. [X] [P], avec lequel il se compare, a connu une progression tout à fait comparable à la sienne, en termes de classification puisqu'il a accédé à la classification d'ingénieur concepteur 2.3 coefficient 150 un an plus tôt seulement avant lui.



Dans ces conditions, les demandes en dommages et intérêts pour discrimination syndicale et tendant à voir ordonner le reclassement de M. [T] [V] seront rejetées.



III - La réparation du préjudice au titre de la formation



M. [T] [V] fait valoir qu'il a subi un préjudice spécifique en raison du comportement de l'employeur qui ne répondait pas à ses demandes de formation et cela, en contravention avec les dispositions de l'article L6321-1 du code du travail selon lesquelles l'employeur est tenu de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper son emploi.



Mais il n'apparaît en aucune façon que ce texte aurait été méconnu par l'employeur puisque l'appelant ne prétend pas qu'il souffrirait d'un défaut d'adaptation à son emploi.



Pour le surplus, c'est à juste titre que l'employeur rappelle que s'il est bien tenu de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper son emploi au regard notamment de l'évolution de ce dernier, des technologies et des organisations, cette obligation ne s'étend pas à celle de faire évoluer les compétences des salariés indépendamment de l'évolution de leur emploi, de la même façon que l'employeur ne peut être tenu de leur fournir une formation initiale qui leur faisait défaut.



De surcroît, il apparaît qu'en l'espèce, non seulement M. [T] [V] a été mis en mesure de suivre des formations, en particulier une formation de plusieurs mois en 2005 et 2006 auprès d'un organisme dénommé Fongecif, mais en outre, il lui était loisible de faire des demandes de formation par l'intermédiaire du dispositif mis en place à la société à ce sujet.



Cette demande sera donc rejetée.



IV - Sur les heures supplémentaires



Bien que dans leurs conclusions écrites, les parties utilisent de nombreux acronymes dont elles s'abstiennent de préciser la signification (RTT : réduction du temps de travail, CRA :compte rendu d'activité, TEA), il est possible de comprendre qu'en se fondant sur les dispositions de l'accord collectif relatif à la durée du travail, M. [T] [V] soutient qu'alors qu'il se trouvait en mission auprès d'un client, Pôle emploi, du 27 juin au 4 novembre 2011, il aurait effectué 14 heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées.



Il produit à ce sujet un décompte détaillé.



Mais l'employeur produit aux débats les comptes rendus d'activité hebdomadaires que le salarié était tenu de remplir et dont il résulte que l'intéressé n'a pas fait apparaître d'heures de travail supplémentaires réalisées au-delà de 38 heures 30 par semaine, seules susceptibles de donner lieu à une indemnisation.



Cette demande sera donc également rejetée.



V- Sur les récupérations au titre des heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent hebdomadaire



Selon les explications de M. [T] [V], l'horaire hebdomadaire était fixé à 35 heures.



Selon l'accord collectif relatif au temps de travail, lorsque des salariés « en modalité 2 » étaient amenés à réaliser occasionnellement des heures supplémentaires, dans la limite de 10 %, soit 3h30, celles-ci étaient rémunérées forfaitairement



Mais si, lorsqu'ils se trouvaient en mission chez un client et qu'ils réalisaient de façon durable un horaire hebdomadaire de 38 heures 30 ou de 39 heures, ils devaient bénéficier d'une compensation sous forme d'une demi-journée de repos (TEA).





Toujours selon l'appelant, à l'occasion d'une réunion devant les délégués du personnel le 27 juin 2008, l'employeur s'était engagé à procéder à une compensation également dans l'hypothèse où ces salariés se trouvaient amenés à réaliser durablement un horaire hebdomadaire de 38 heures 30 ou 39 heures même s'ils travaillaient au sein d'un établissement de la société.



Par conséquent, affirmant avoir ainsi travaillé pendant neuf semaines au-delà de 38 heures 30 au cours de l'année 2011 et pendant six semaines au cours de l'année 2012, sans pour autant avoir bénéficié de récupérations, M. [T] [V] sollicite une indemnisation à ce titre.



Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié à qui il appartient d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.



En l'espèce, M. [T] [V] produit aux débats des décomptes détaillés et précis qui sont suffisants pour étayer ses affirmations.



Force est de constater que l'employeur, qui se borne à soutenir qu'au cours de l'année 2011, M. [T] [V] n'a été amené que de façon exceptionnelle à exécuter des heures de travail au-delà du forfait horaire mensuel de 38 heures 30, ne conteste pas que celui-ci a pu être amené à effectuer, de façon durable, des durées de travail atteignant 38 heures 30 par semaine ni s'être engagé à accorder des compensations en semblable hypothèse.



Or ces compensations étaient indépendantes du paiement des heures supplémentaires elle-mêmes qui était inclus dans le forfait hebdomadaire.



Dans ces conditions, il sera donc alloué à M. [T] [V], à ce titre, une indemnité d'un montant, résultant d'un calcul non contesté, de 2 622,82 €.



VI - Sur les tranches exceptionnelles d'activité



M. [T] [V] fait valoir qu'en vertu de l'accord relatif à la mise en place du temps de travail les tranches exceptionnelles d'activité c'est-à-dire, semble-t-il, lorsque 10 heures de travail effectif ont été accomplies dans la même journée, celles-ci génèrent un droit à une demi-journée de repos, de sorte qu'en l'espèce en 2011, il pouvait prétendre ainsi à trois demi-journées de récupération dont il demande l'indemnisation à hauteur de la somme totale de 218,53 €.



Au vu du décompte détaillé qu'il produit pour l'année 2011 et en l'absence de toute contestation de la part de l'employeur à ce sujet, il ne peut qu'être fait droit à cette demande.



VII - Sur la prise en charge des frais de déplacement



Il est constant qu'en application de l'article 3261-2 du code du travail, la SA Steria prend en charge 50 % du prix des abonnements souscrits par les salariés pour leurs déplacements réalisés entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, dès lors que ceux-ci sont accomplis au moyen de transports publics.



Il est également admis que lorsque les salariés sont tenus de se rendre dans l'établissement d'un client, différent de leur lieu de rattachement, pour effectuer une mission, la SA Steria procède au remboursement intégral du surcoût éventuel engendré par ce déplacement.





M. [T] [V] expose que lorsqu'il se rend à son lieu de rattachement à [Localité 1], il utilise un véhicule automobile de sorte qu'il ne souscrit pas habituellement d'abonnement à un système de transport public.



Que par conséquent, lorsqu'il se trouve affecté chez un client, il est donc contraint de souscrire un abonnement dit « Navigo » dont il demande en conséquence le remboursement intégral, étant précisé que l'employeur lui en rembourse déjà la moitié.



Il apparaît donc qu'en remboursant d'ores et déjà 50 % du coût de l'abonnement que M. [T] [V] est contraint de souscrire lorsqu'il est affecté sur un chantier différent de son lieu habituel d'affectation, l'employeur satisfait aux obligations légales.



Pour le surplus, il résulte évidemment des dispositions conventionnelles propres à l'entreprise que celles-ci n'ont pas d'autre objet que d'éviter au salarié une charge supplémentaire lorsqu'il se trouve ainsi affecté chez un client.



Autrement dit, dès lors que M. [T] [V] a fait le choix de se rendre à son lieu de rattachement habituel avec un véhicule automobile, de sorte qu'il ne pouvait prétendre à une quelconque prise en charge, il ne subissait aucun surcoût en souscrivant un abonnement à un système de transport public pour se rendre chez les clients.



De plus, il résulte d'une note de la direction de l'entreprise relative aux déplacements et notes de frais que dans un cas parfaitement analogue d'un salarié qui, préalablement à l'affectation à un chantier, ne bénéficiait d'aucune prise en charge d'un abonnement à un système de transport collectif en raison de l'utilisation d'un véhicule automobile, celui-ci ne pouvait prétendre qu'au remboursement du surcoût représenté par l'utilisation de ce véhicule dans le seul cas où le trajet qui était alors nécessaire était supérieur au trajet entre son domicile et son lieu habituel de rattachement.



Cette demande sera donc rejetée.



S'agissant de la demande relative à des remboursements de frais réels pour la période courue de 2003 à 2005, il apparaît que celles-ci ne concernent que des frais de déplacement engagés antérieurement à la date à laquelle ceux-ci ne pouvaient être couverts par la prescription de cinq ans prévue par l'article L3245-1 du code du travail, étant précisé que cette prescription n'a pu être interrompue que par la saisine du conseil de prud'hommes le 13 novembre 2008.



Or, contrairement à ce qu'affirme le salarié, cette prescription quinquennale s'applique, de façon générale, à toutes les actions en justice relatives à des créances de nature salariale, ce qui inclut non seulement les sommes dues à titre de rémunération proprement dite mais également les indemnités de toute nature destinées à compenser des frais engagés par le salarié et les remboursements de frais.



Par conséquent, cette demande ne peut qu'être rejetée.



VIII - Sur le rappel de salaire au titre de la loi du 21 août 2007



Il est constant que la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, dite loi TEPA, prévoyait une exonération d'impôt sur le revenu des rémunérations versées au titre des heures supplémentaires et, en même temps, une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale.



M. [T] [V] soutient que dans la mesure où il était rémunéré à raison d'un forfait hebdomadaire de 38,5 heures, ce qui représentait donc 3,5 heures supplémentaires par semaine, la SA Steria était tenue d'appliquer les dispositions issues de cette loi.





Que cependant, s'en étant abstenue, elle ne s'est mise en conformité avec les applications légales qu'à compter du mois d'octobre 2011 et n'a procédé à une régularisation qu'à compter du mois de janvier précédent de sorte que selon lui, elle reste redevable du remboursement de l'exonération des charges sociales pour toute la période antérieure, soit d'octobre 2007 à décembre 2010.



Mais la SA Steria démontre que si en effet, elle avait hésité à appliquer les dispositions légales à ce sujet en raison du fait qu'il ne s'agissait que d'un forfait d'heures supplémentaires qui n'étaient pas nécessairement réellement effectuées, elle s'est conformée par la suite aux indications qui lui ont été données sur ce point par l'URSSAF et par l'ACCOSS (Agence Centrale des Organismes de sécurité Sociale).



Par conséquent, elle a décidé de procéder à une régularisation sur l'ensemble des années concernées, c'est-à-dire les années 2007 à 2010 incluse, en a informé l'ensemble des salariés et en particulier M. [T] [V], par courrier en date du 3 décembre 2012, et produit aux débats le bulletin de paie rectificatif du 3 décembre 2012 permettant de constater qu'en effet celui-ci a été rempli de ses droits.



Cette demande sera donc également rejetée.



IX - Sur les congés payés afférents au treizième mois de salaire



M. [T] [V] reproche à l'employeur de ne pas prendre en considération le treizième mois qui lui est versé, chaque année, pour procéder au calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés et en conséquence, il réclame un rappel d'indemnité de congés payés d'un montant total de 3 422,20 €.



Cependant, il est constant que la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de congés payés est celle qui est perçue par le salarié en contrepartie de son travail personnel et ne rémunérant pas à la fois les périodes de travail et de congés payés.



Il s'en déduit donc que le treizième mois qui est alloué par l'employeur globalement pour l'année et qui rémunère donc à la fois des périodes de travail et les congés doit être exclu du calcul de l'indemnité.



Cette demande ne peut donc qu'être écartée.



X - Sur le paiement de trois jours de « RTT » au titre de l'année 2004



M. [T] [V] sollicite le paiement de trois jours de réduction du temps de travail qu'il aurait acquis en 2004 au motif qu'il aurait travaillé 215 jours au lieu de 212jours.



Mais il suffit de rappeler que cette demande est nécessairement couverte par la prescription quinquennale par l'article 3245-1 du code du travail.



XI - Sur les demandes formées par le syndicat Steria Avenir



Il résulte de ce qui précède que l'employeur ne peut se voir reprocher aucun manquement significatif de sorte que l'intérêt collectif de la profession n'a pas été atteint et que par conséquent, les demandes en dommages et intérêts formées par le syndicat Steria Avenir doivent être rejetées.



XII - Sur les autres demandes



Il sera enjoint à la SA Steria de délivrer les bulletins de paie correspondant aux sommes qui restent dues au salarié, sans qu'il soit besoin de prévoir une astreinte.





Par ailleurs, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes qu'elles ont exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.



En ce qui concerne le timbre fiscal de 35 €, celui-ci fait partie des dépens.





PAR CES MOTIFS





LA COUR





INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 24 novembre 2011 ;



Statuant à nouveau,



CONDAMNE la SA Steria à payer à M. [T] [V] les sommes suivantes :



- 2 622,42 € à titre d'indemnité en compensation des heures supplémentaires réalisées de manière durable

- 218,53 € à titre de récupération pour les tranches exceptionnelles d'activité



ORDONNE la délivrance des bulletins de paie subséquents ;



CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus ;



Y ajoutant,



DÉBOUTE le syndicat Steria Avenir de l'ensemble de ses demandes ;



DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la SA Steria aux dépens d'appel.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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