3 juin 2014
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 11/06229

CHAMBRE SOCIALE SECTION A

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 03 JUIN 2014



(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/06229











SAS Ufifrance Patrimoine



c/



Monsieur [K] [Q]















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2011 (RG n° F 10/00103) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bergerac, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 05 octobre 2011,





APPELANTE :





SAS Ufifrance Patrimoine, siret n° 776 042 210, agissant en la personne

de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],



Représentée par Maître Joëlle Ruimy, avocat au barreau de Paris,





INTIMÉ :





Monsieur [K] [Q], né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1],



Représenté par Maître Bruno Scardina, avocat au barreau d'Angers,





COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 31 mars 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.





ARRÊT :





- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.














RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



M. [K] [Q] a été embauché par la SA Ufifrance Patrimoine par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 1991 en qualité de démarcheur. Les parties signaient le 26 juin 1993 un nouveau contrat de travail à durée indéterminée toujours en qualité de démarcheur ainsi qu'un document intitulé 'conditions particulières' relatif notamment à la rémunération, le 16 mai 1994 un avenant relatif aux conditions particulières, le 1er juillet 1998 un nouveau contrat de travail de démarcheur, niveau conseiller en gestion de patrimoine, le 03 mars 2003 un dernier contrat de travail à effet à compter du 14 mars 2003 en qualité de conseiller en gestion de patrimoine.



Par lettre en date du 11 septembre 2009 M. [Q] informait la direction des ressources humaines de l'Union Financière de France, société mère, qu'atteignant l'âge de 65 ans le 28 septembre 2009, il souhaitait prendre sa retraite en fin d'année 2009 et au plus tard le 31 janvier 2010, il sollicitait des renseignements sur le plan '[T]'. Par lettre datée du 12 novembre 2009 il précisait entendre faire valoir ses droits à la retraite dans le cadre du plan '[T]' le 31 décembre 2009.



En réponse, par lettre du 08 janvier 2010, la SA Ufifrance informait M. [Q] que sa date de sortie des effectifs était arrêtée au 31 décembre 2009.



Le 3 juin 2010, M. [Q] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac en paiement d'un rappel de salaires, de frais professionnels, en annulation de clauses contractuelles et en paiement de dommages-intérêts.



Par décision en date du 20 septembre 2011, le Conseil de Prud'hommes en formation de départage a constaté la nullité des clauses 2.3, 2.2 et 4. 4 du contrat de travail de M. [Q] et a condamné la SAS Ufifrance Patrimoine à lui payer les sommes suivantes :



- 4.754,42 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2009 au titre du revenu

minimum afférent à la classe E de la convention collective de courtage

en assurance,



- 56.544,17 € au titre du remboursement des frais professionnels non soumis à

cotisations sociales avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2009,



- 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier de l'article 1153-4 du code civil,



- 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier des articles 1134 du code civil et 1222-1 du code du travail,



- 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



le tout avec exécution provisoire.













Le 07 octobre 2011, la SAS Ufifrance Patrimoine a interjeté appel de cette décision.




Par conclusions déposées le 31 mars 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Ufifrance Patrimoine conclut à la réformation du jugement entrepris.



Elle demande à la cour de débouter M. [Q] de l'intégralité de ses demandes, d'ordonner la restitution des sommes payées en exécution de la décision déférée et de condamner M. [Q] à lui payer une indemnité d'un montant de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions déposées le 31 mars 2014 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [Q] demande la confirmation partielle du jugement entrepris et la condamnation de la SAS Ufifrance à lui payer les sommes suivantes :



- 9.121,10 € à titre de rappel de salaires,



- 912,11 € au titre des congés payés afférents,



- 8.032,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 1998,



- 9.887,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 1999,



- 10.021,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 2000,



- 10.142,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 2001,



- 11'154,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 2002,



- 12.228,67 € au titre des frais professionnels pour l'année 2003,



- 11.451,33 € au titre des frais professionnels pour l'année 2004,



- 11.294,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 2005,



- 11'203,67 € au titre des frais professionnels pour l'année 2006,



- 11.766,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 2007,



- 13'610,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 2008,



- 13.012,00 € au titre des frais professionnels pour l'année 2009,



avec intérêts courant au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, et capitalisation des intérêts,











subsidiairement si les clauses : 2.2 et 2.3 du contrat de travail lui étaient jugées opposables, il sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 25.650,72 € à titre de rappel de salaires et celle de 2.565,07 € au titre des congés payés afférents, à défaut il sollicite le paiement d'une somme de 5.999,85 € à titre de rappel de salaires pour arriver au SMIC et celle de 599,98 € au titre des congés payés afférents,

25.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel, 10.000 € à

titre de dommages-intérêts pour défaut de mises en place du régime [T],

5.000 € à titre de dommages-intérêts suite à l'annulation de la clause de non-concurrence, 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIVATION



* Sur l'application de la convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurances ou de réassurances :



Les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurances et/ou de réassurances en date du 18 janvier 2002, étendue par arrêté du 14 octobre 2002, sont obligatoires pour tous les employeurs entrant dans son champ d'application professionnel.



Or, l'article 1 de ladite convention spécifie qu'elle s'applique d'une part aux 'employeurs compris dans la nomenclature de l'INSEE sous le code NAF 67. 2Z, et inscrits au registre du commerce avec la mention courtage d'assurances et/ou de réassurances' d'autre part aux groupements d'intérêt économique (GIE), constitués exclusivement d'entreprises visées ci-dessus, ou contrôlées par elles, et ayant pour objet de faciliter, par la mise en oeuvre de moyens techniques ou humains, l'exercice des activités de courtage d'assurances et/ou de réassurances que ces entreprises pratiquent.



En application de l'article L.2261-2 du code du travail la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur et en cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.



En l'espèce la SAS Ufifrance Patrimoine, filiale de la société Union Financière de France Banque, a, selon l'extrait K bis produit, comme activités : 'la diffusion de tous produits financiers et de placements pour le compte de l'Union Financière de France, notamment le démarchage en matière de valeurs mobilières, transactions immobilières, opérations de courtage et de commerce et notamment le courtage d'assurances, conseil en investissements financiers dont la fourniture de conseils aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle'. Le code APE qui lui est attribué figurant sur les bulletins de salaire était jusqu'à fin 2007 le code 671 E et depuis le code 6619 B.















Cependant ce dernier n'est qu'indicatif, il en va de même de l'absence de référence sur les bulletins de salaire et dans le contrat de travail de M. [Q] à la convention collective dont l'application est revendiquée.



Le contrat de travail de M. [Q] spécifie qu'en qualité de conseiller en gestion de patrimoine il doit démarcher les personnes physiques en vue d'obtenir leur souscription à toutes formules de placements diffusées par la société.



Les pièces produites démontrent que la société Ufifrance Patrimoine propose des placements patrimoniaux pour les entreprises et les particuliers essentiellement de trois types : des fonds communs de placement, des produits immobiliers et de l'assurance-vie.



Au regard des produits proposés la société doit disposer des cartes professionnelles et habilitations exigées par la loi, à savoir la loi du 2 janvier 1970 pour l'immobilier et par le code des assurances pour le courtage d'assurances ce qui impose l'immatriculation de la société au registre des intermédiaires en assurance, précision faite que l'intermédiation en assurance est déclarée comme effectuée à titre accessoire l'activité principale étant : autres auxiliaires financiers.



Certes la société propose, entre autres, des produits de placement en assurance-vie mais ne propose pas de contrats d'assurance de personnes ou de biens ; il apparaît donc que l'activité de la société Ufifrance Patrimoine est réduite aux seuls placements financiers et n'est pas celle exercée habituellement par un courtier d'assurances.



La circonstance que l'assurance-vie représente une part conséquente, de l'ordre de 40 %, du chiffre d'affaires de la société Union Financière de France Banque, société mère de la SAS Ufifrance Patrimoine, est inopérante. Par ailleurs, si le placement sur support en assurance-vie représente une part non négligeable de l'activité de la société Ufifrance Patrimoine cette dernière propose d'autres types de placements patrimoniaux pour les entreprises ou les particuliers. Étant précisé que le critère tiré de la part de l'assurance-vie dans le chiffre d'affaires de la société doit être relativisé dans la mesure ou d'une année sur l'autre en fonction des aléas de la situation économique la part respective des différents produits de placement est susceptible d'évoluer.



Il s'en déduit que la société Ufifrance Patrimoine est bien une société de conseil en investissements commercialisant divers produits financiers et qu'elle ne relève pas de la convention collective nationale des sociétés de courtage d'assurances et/ou de réassurances.



En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement déféré sur ce point et de débouter M. [Q] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents par suite de la reclassification de son poste.

















* Sur la demande en remboursement de frais professionnels :



- Sur la prescription :



La demande en remboursement de frais professionnels est soumise à la prescription quinquennale. M. [Q] ne peut prétendre contourner cette règle en alléguant la tromperie et la mauvaise foi de la société Ufifrance qui jusqu'au 3 mars 2003 a maintenu dans le contrat de travail une clause d'intégration des frais dans les commissions nulle. En effet il lui appartenait de soulever l'irrégularité dénoncée dans les cinq ans du jour où il a connu les faits, tels qu'ils résultaient de ses bulletins de paie, la mauvaise foi prétendue de l'employeur ne l'empêchant pas d'agir.



Par ailleurs, la prescription peut être interrompue, d'une part, par une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui qui veut empêcher de prescrire et, d'autre part, par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait. En l'absence de dispositions particulières, la signature d'un accord d'entreprise le 28 février 2003, qui ne traite pas spécifiquement de la question du remboursement des frais professionnels mais globalement des relations de travail au sein de l'entreprise, puis la signature d'un nouveau contrat de travail le 3 mars 2003 qui ne comporte aucune clause d'une reconnaissance de dette par la société Ufifrance, ne constituent pas pour l'employeur la reconnaissance des droits individuels allégués par M. [Q] pour la période antérieure à ces dates.



Dès lors, faute pour M. [Q] de rapporter la preuve d'aucun acte interruptif de prescription intervenu dans les cinq ans précédant la saisine du Conseil de Prud'hommes, réformant partiellement le jugement entrepris qui a rejeté sa demande en remboursement des frais au titre de la période antérieure au 03 juin 2005, il convient de la déclarer irrecevable.



- Sur la nullité et l'inopposabilité des clauses 2-2 et 2-3 du contrat de travail :



M. [Q] est mal fondé à déduire de l'application de la convention collective des entreprises de courtage d'assurances l'inopposabilité des clauses relatives aux parties fixes et variables de sa rémunération, en effet cette convention collective ne s'applique pas.



Les clauses litigieuses du contrat de travail signé par l'appelant définissent les modalités de remboursement des frais. L'article 2.2 du contrat de travail prévoit une partie fixe appelée traitement de base constituée d'un salaire égal au SMIC mensuel majoré d'une indemnité brute de 10 % au titre des congés payés et de la somme brute de 230 € correspondant au remboursement forfaitaire des frais professionnels. L'article 2. 3 prévoit une partie variable constituée de commissions et gratifications dont les barèmes figurent en annexe au contrat et qui ne sont versés que lorsque les objectifs d'activité sont atteints pour la fraction générée excédant le seuil de déclenchement fixé à 100 % du traitement de base. Ce même article précise que 'les versements au titre de la partie variable incluront une indemnité de 10 % correspondant à un complément de





.../...





remboursement forfaitaire des frais professionnels et une indemnité de 10 % au titre des congés payés'. M. [Q] soutient que l'intégration du complément de 10 % de remboursement de frais professionnels dans ses commissions est illicite et que le forfait de 230 € structurellement insuffisant lui est inopposable.



Les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition d'une part que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des frais engagés et d'autre part que la rémunération proprement dite reste chaque mois au moins égale au SMIC.



À la lumière de ce principe les dispositions du contrat de travail, qui ressortent de la liberté contractuelle, organisent le remboursement des frais à concur-rence d'une somme de 230 € concernant la partie fixe du salaire de base et de 10 % concernant la partie variable, avec précision à l'avance, de façon forfaitaire et adaptée à chaque élément, fixe et variable, de la rémunération.



Ces dispositions ne contreviennent pas à l'ordre public et n'encourent pas l'annulation requise par M. [Q] et prononcée par le premier juge. Le jugement déféré sera réformé à cet égard.



La société établit que le nombre de rendez vous par semaine effectivement réalisés par M. [Q] s'est élevé en 2006 à 11,25 sur 48 semaines, à 8,94 en 2007 sur 47 semaines, à 9,36 en 2008 sur 45 semaines et à 7,38 en 2009 sur 47 semaines, soit en moyenne 9,23 rendez-vous par semaine travaillée.



M. [Q] ne produit qu'un document recensant la liste de clients qu'il suivait pour la période non couverte par la prescription entre le 17 octobre 2008 et le 16 juillet 2009. À sa lecture il apparaît que près de 70 % de ces clients (97 sur 140) résidaient en Dordogne (24), département dans lequel lui-même était domicilié, et que 90,71 % d'entre eux (127 sur 140) résidaient en Dordogne et dans le département limitrophe de la Gironde.



Au regard du périmètre d'activité de M. [Q], du nombre de ses déplacements hebdomadaires les sommes forfaitaires variable et fixe correspondant au remboursement de ses frais ne paraissent pas manifestement disproportionnées.



Dès lors, ces clauses sont licites et opposables au salarié qui ne peut prétendre au paiement global des frais exposés par lui mais seulement, dans l'hypothèse où les frais professionnels engagés seraient supérieurs au forfait contractuel, à la différence entre la rémunération perçue après déduction des frais réels et le SMIC et ce, mois par mois. Le jugement déféré sera donc réformé en ce qu'il a condamné la société au remboursement des frais réels.















* Sur le rappel de salaires au titre du respect du SMIC :



Il résulte de bulletins de salaire de M. [Q] que celui-ci a toujours perçu

son salaire de base correspondant au montant du SMIC, majoré de l'indemnité forfaitaire de 230 euros par mois, d'un complément d'indemnité pour frais professionnels et des commissions.



Il incombe à M. [Q] de démontrer qu'il a engagé des frais profession-nels pour un montant supérieur à 230 € majoré de l'indemnité complémentaire certains mois.



Il n'est pas contesté qu'il exerçait une activité itinérante depuis son domicile situé à [Localité 1] en Dordogne ; doté par l'employeur d'un ordinateur portable et d'une imprimante, il utilisait son véhicule personnel pour ses déplacements et ne disposait pas d'un téléphone professionnel.



M. [Q] verse aux débats quelques tickets d'autoroute, des factures de restaurant, des justificatifs de frais postaux et de petites fournitures, des factures de carburant et de restaurant.



Ces éléments sont pour certains sans lien avec l'activité professionnelle (factures de restaurant à [Localité 1] lieu de résidence de M. [Q] par exemple). Sont justifiées 16 factures de restaurant entre juin et décembre 2005, 63 en 2006, 62 en 2007, 61 en 2008 et 36 en 2009, avec cette année là un fléchissement manifeste de l'activité.



Les comptes rendus d'activité versés aux débats démontrent que M. [Q] a prospecté en moyenne 29 clients par mois entre juin et décembre 2005, 45 clients par mois en 2006 (540 sur l'année), 35 clients par mois en 2007 (420 clients sur l'année), 35 clients par mois en 2008 (421 clients sur l'année) et 29 clients par mois en 2009 (347 clients sur l'année).



Au regard de cette activité et de la zone de prospection effective du salarié l'estimation du kilométrage effectuée par celui-ci apparaît surestimée, une moyenne de 20 km par déplacement sera retenue au regard des regroupements des démarchages.



Incontestablement M. [Q], qui verse aux débats ses factures de téléphone portable, a engagé des frais téléphoniques pour l'exercice de sa profession. Toutefois, faute pour lui de démontrer que son téléphone était réservé exclusivement à un usage professionnel ces frais ne peuvent être intégralement retenus; le salarié justifie par ailleurs de frais d'autoroute, de stationnement et de restauration et de frais de sujétion pour travail à domicile.



Au regard de l'ensemble de ces éléments il est possible d'arrêter les frais professionnels engagés par M. [Q] comme suit :



- entre le 03 juin et le 31 décembre 2005 : frais d'acquisition, d'entretien et d'assurance du véhicule et frais de carburant 283,62 € par mois (580 kms x 0,489) outre 60 € de frais de restauration et 60 € de frais de stationnement, péage, fournitures et téléphone et 20 € pour l'utilisation d'une pièce de son domicile, soit en moyenne 423,62 € par mois.







- en 2006 : frais d'acquisition, d'entretien et d'assurance du véhicule et frais de carburant 462,60 € par mois (900 kms x 0,514) outre 72 € de frais de restauration et 60 € de frais de stationnement, péage, fournitures et téléphone et 20 € pour l'utilisation d'une pièce de son domicile, soit en moyenne 614,60 € par mois.



- en 2007 : frais d'acquisition, d'entretien et d'assurance du véhicule et frais de carburant 364,70 € par mois (700 kms x 0,521) outre 72 € de frais de restauration et 60 € de frais de stationnement, péage, fournitures et téléphone et 20 € pour l'utilisation d'une pièce de son domicile, soit en moyenne 516,70 € par mois.



- en 2008 : frais d'acquisition, d'entretien et d'assurance du véhicule et frais de carburant 375,20 € par mois (700 kms x 0,536) outre 72 € de frais de restauration et 60 € de frais de stationnement, péage, fournitures et téléphone et 20 € pour l'utilisation d'une pièce de son domicile, soit en moyenne 527,20 € par mois.



- en 2009 : frais d'acquisition, d'entretien et d'assurance du véhicule et frais de carburant 310,88 € par mois (580 kms x 0,536) outre 40 € de frais de restauration et 60 € de frais de stationnement, péage, fournitures et téléphone et 20 € pour l'utilisation d'une pièce de son domicile, soit en moyenne 430,88 € par mois.



Pour respecter le paiement du SMIC la SAS Ufifrance devait verser à M. [Q] outre le montant du SMIC une indemnité de 10 % au titre des congés payés et le montant de ses frais professionnels soit les sommes suivantes en brut :



- en juin 2005: 1.154,18 + 115,41 + 423,62 = 1.693,21 € , il a perçu 3.405,34 €



- entre juillet et décembre 2005 inclus : 1.217,88 + 121,79 + 423,62 = 1.763,29 € il a perçu entre 2.515,79 € et 8.854,28 €,



- de janvier à juin 2006 inclus : 1.217,88 + 121,79 + 614,60 = 1.954,27 €, il n'a perçu que 1.898,78 € en juin (sa rémunération étant par ailleurs arrêtée à la somme de 9.719,88 € en janvier)



- de juillet à décembre 2006 inclus : 1.254,28 + 125,43 + 614,60 = 1.994,31 € il n'a perçu que 1.750,36 € au mois d'octobre (mais il a perçu 10.957,31 € en septembre)



- de janvier à juin 2007 inclus : 1.254,28 + 125,43 + 516,70 = 1.896,41 € il n'a perçu que la somme de 1.655,84 € au mois de juin, sa rémunération évoluant par ailleurs entre 3.815,16 € et 8.321,45 €,



- de juillet à décembre 2007 inclus : 1.280,07 + 128 + 516,70 = 1.924,77 €, sa rémunération a varié entre 2.708,85 € et 11.390,90 €,



- de janvier à avril 2008 inclus : 1.280,07 + 128 + 527,20 = 1.935,97 € , sa rémunération a toujours été supérieure à ce montant,



- en mai et juin 2008 : 1.308,88 + 130,89 + 527,20 = 1.966,97 € sa rémunération a été supérieure à ce montant,









- de juillet à décembre 2008 inclus : 1.321,02 + 132,10 + 527,20 = 1.980,32 €, sa rémunération a toujours été supérieure à ce montant,



- de janvier à juin 2009 inclus : 1.321,02 + 132, 10 + 430,88 = 1.884 € en mai, juin la rémunération de M. [Q] s'est élevée à la somme de 1.683,12 € par mois,



- de juillet à décembre 2009 inclus : 1.337,70 + 133,77 + 430,88 = 1.902,35 € la rémunération de M. [Q] s'est élevée à 1.701,50 € en juillet et à 1.344,57 € en août.



En conséquence, réformant le jugement déféré, afin de garantir le paiement du SMIC la société sera condamnée à payer à M. [Q] la somme de : 1.700,40 € brut [55, 49 € juin 2006, 243,95 € en octobre 2006, 240,57 € en juin 2007, 401,76 €

(200,88 € x 2) en mai et juin 2009, 200,85 € en juillet 2009 et 557,78 € en août 2009] avec intérêts courant au taux légal à compter du 03 juin 2010.



Ces sommes versées en remboursement de frais réellement engagés n'ont pas la nature de salaire et sont exclues de l'assiette de l'indemnité de congés payés. La demande formée à ce titre doit être rejetée.



Cette somme doit être assujettie au titre des frais de cotisations sociales la société Ufifrance Patrimoine appliquant la déduction forfaitaire spécifique de 30 % non remise en cause par l'accord collectif du 23 mars 2003.



* Sur l'indemnisation du préjudice né de l'exécution déloyale du contrat de travail :



C'est à tort que M. [Q] reproche à la société de ne pas avoir appliqué la convention collective du courtage d'assurance. Il prétend également qu'il aurait effectué des heures supplémentaires, mais il ne fournit aucune pièce de quelque nature que ce soit, à l'appui de cette allégation. Ce manquement n'est pas davantage établi.



Il reproche également à l'employeur de ne lui avoir remboursé ses frais qu'à hauteur de 230 € par mois et d'être à l'origine d'un redressement fiscal dont il a fait l'objet en 2003. Cette dernière imputation n'est étayée en rien et manifestement fantaisiste.



Par ailleurs, M. [Q] omet de tenir compte du forfait de 10 % sur la part variable de la rémunération versée en remboursement de ses frais ; il résulte des bulletins de salaire de l'intéressé, que M. [Q] a perçu au titre du remboursement de ses frais, pour la période non couverte par la prescription, entre juin 2005 et décembre 2009, une somme totale de 28.323,88 € (6.053,29 € + 5.183,85 € + 6.526,29 € + 5.464,08 € + 5.096,37 € ) pour des frais arrêtés selon les éléments ci-dessus exposés à la somme totale de 28.037,90 €.



C'est également avec mauvaise foi que le salarié invoque le non respect par l'employeur de ses obligations en matière de visites médicales, et la société produit notamment les fiches des dernières visites médicales périodiques des 10 mars 2006 et 13 juin 2008.









En conséquence, les manquements imputés par le salarié à l'exécution de bonne foi du contrat de travail par l'employeur ne sont pas établis et réformant le jugement déféré il convient de la débouter de ce chef de demande.



* Sur le préjudice lié aux modalités du départ à la retraite de M. [Q] :



M. [Q] est défaillant à démontrer que l'employeur lui a imposé de prendre sa retraite. La teneur des lettres qu'il a envoyées à son employeur les 11 et 28 septembre démontre qu'atteignant l'âge de 65 ans en septembre 2009 il a informé la société, de façon non équivoque, de son intention de prendre sa retraite au plus tard le 31 janvier 2010.



En revanche il est exact qu'à cette occasion il a sollicité de la direction des ressources humaines des éclaircissements sur le dispositif 'Mathusalem' et que la société s'est contentée de lui répondre que son dossier était 'à l'étude'.



Il est constant que le salarié n'a pas bénéficié de ce dispositif. Cependant M. [Q] ne produit aucune pièce de nature à démontrer que c'est par suite d'un défaut d'information qu'il n'a pu adhérer à ce dispositif, il ne démontre pas davantage la réalité, la nature et l'étendue du préjudice qui a pu en résulter.



En conséquence, réformant le jugement entrepris M. [Q] sera également débouté de ce chef.



* Surl'indemnisation du préjudice lié à la nullité de la clause de non concurrence :



Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la clause de protection de clientèle insérée dans le contrat de travail du 03 mars 2003, clause 4.4, constitue bien une clause de non concurrence qui ne comporte pas de contrepartie financière et doit donc être annulée.



Même si M. [Q] a pris sa retraite le 01 janvier 2009, cette restriction à l'exercice d'une autre activité dans le même domaine que celui qui était le sien lui a causé un préjudice pendant l'exécution du contrat de travail en restreignant sa liberté de démissionner et de rechercher un emploi similaire compte tenu des sanctions encourues. Au regard de sa durée d'un an, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Ufifrance à payer à M. [Q] la somme de 5.000 € à titre de dommages intérêts.



* Sur les autres demandes :



Il n'y a pas lieu de statuer sur la condamnation de M. [Q] à restitution

des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision déférée, la présente décision d'infirmation partielle constitue le titre ouvrant droit à restitution pour les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision déférée excédant les sommes allouées par le présent arrêt, les sommes devant être restituées produisant intérêts à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution.







L'équité et les circonstances de la cause commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile même si la société prospère pour l'essentiel en son appel. L'indemnité allouée à M. [Q] en première instance lui restera acquise.



La SAS Ufifrance qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens de la procédure.



PAR CES MOTIFS,



LA COUR,





' Réforme le jugement déféré sauf en ce qu'il a annulé la clause 4.4 du contrat de travail et a alloué à M. [Q] la somme de 5.000 € (cinq mille euros) à titre de dommages intérêts à ce titre et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Et, statuant de nouveau :



' Déclare irrecevable la demande de M. [Q] en paiement de frais profession-nels pour la période antérieure au 03 juin 2010.



' Condamne la SAS Ufifrance Patrimoine à verser à M. [Q] la somme de 1.700,40 € (mille sept cent euros et quarante centimes) bruts avec intérêts courant au taux légal à compter du 03 juin 2010 au titre du remboursement d'un solde de frais professionnels.



' Déboute M. [Q] de toutes ses autres demandes.



' Dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision entreprise.



' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.



' Condamne la SAS Ufifrance Patrimoine aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.



Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





A-M Lacour-Rivière M. Vignau

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