9 décembre 2014
Cour d'appel de Rennes
RG n° 13/07690

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N°509



R.G : 13/07690













Société HA ATLANTIQUE IMMOBILIER SARL



C/



M. [A] [W]

SELARL [A] [W] & ASSOCIES































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2014





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 28 Octobre 2014



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 09 Décembre 2014, date indiquée à l'issue des débats.



****



APPELANTE :



Société HA ATLANTIQUE IMMOBILIER SARL

[Adresse 1]

[Localité 1]

poursuites et diligences de sa Gérante, Madame [V] [U], domiciliée en cette qualité audit siège



Représentée par Me Dominique BRIAND de l'Association PAGES,BRIAND, DE FREMOND & HUBERT, avocat au barreau de RENNES







INTIMÉS :



Monsieur [A] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Gilles BESSY de la SCP BESSY/GABOREL, avocat au barreau de RENNES





SELARL [A] [W] & ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Gilles BESSY de la SCP BESSY/GABOREL, avocat au barreau de RENNES












FAITS ET PROCÉDURE



Par acte sous seing privé en dates des 9 et 12 février 2006, la société HA Atlantique immobilier a vendu à M. et Mme [M], avec faculté de substitution, un fonds de commerce de vente d'immeubles, pas de porte et plus généralement transactions immobilières et location et gestion d'immeubles, pour un prix de 300.000 €.



Sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt bancaire avant le 20 mars 2006, la signature de l'acte authentique était prévue au 31 mars 2006.



Ces dates ont été prorogées et l'acte devait être signé le 10 juillet 2006.



Une clause pénale de 30.000 € était insérée à l'acte.



Par acte sous seing privé du 10 avril 2006 intitulé : 'Avenant à l'avant contrat du 12/02/2006" passé entre la SA HA Atlantique Immobilier, cédante, et M. [B] [M] et Mme [Y] [N] épouse [M], cessionnaires, il était convenu :



'Les parties susnommées conviennent de modifier l'avant contrat en date des 9 et 12 février 2006, de la manière suivante :



Le transfert de propriété aura lieu le 15 mai 2006 au lieu du 1er avril 2006 et l'entrée en jouissance s'effectuera le 15 mai 2006 au lieu du 1er avril 2006 par la prise de possession réelle'.



En vue de l'acquisition projetée, une S.A.R.L. Balanant a été constituée entre M. [B] [M] et M. [Q] [S] le 11 avril 2006.



La S.A.R.L. Balanant a obtenu de la BNP Paribas un prêt d'un montant de 315.000 €, le 20 juin 2006, et les fonds ont été virés par la banque en l'étude de Me [E], notaire associé à [Localité 1].



Cependant le jour de la signature de l'acte authentique, le 10 juillet 2006, M. [S], gérant statutaire de la S.A.R.L. déclarait ne pas avoir le pouvoir pour régulariser la vente, l'assemblée générale convoquée le 23 juin 2006 n'ayant pu avoir lieu.



En conséquence, le même jour, 10 juillet 2006, le notaire a dressé un procès-verbal de carence et de difficultés.



La SA HA Atlantique Immobilier, cédante, a alors saisi de ses intérêts Me [W], avocat afin d'engager une instance en recouvrement de la clause pénale prévue à l'acte sous seing privé des 9 et 12 février 2006.



Le tribunal de grande instance de Brest, saisi par les sociétés HA Atlantique Immobilier et ASP, représentées par Me Xavier Moal, avocat au barreau de Brest, a par jugement en date du 16 janvier 2008, débouté la SA HA Immobilier de sa demande.



Estimant que Me [W] avait commis une faute en laissant s'écouler le délai contractuel de trois mois prévu au compromis de vente pour assigner la juridiction compétente, la SA HA Atlantique Immobilier l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Morlaix par acte du 15 janvier 2009.



L'affaire a été transmise au tribunal de grande instance de Saint Brieuc en application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile qui, par jugement du 6 mai 2013, a :




Débouté la société HA Atlantique Immobilier de ses demandes formées à l'encontre de Me [W] et de la Selarl [W] ;





Accueilli la demande de Me [W] et de la Selarl [A] [W] tendant à ce qu'il soit jugé que la valeur de la chance perdue, à raison de la faute de Me [W] et du fait de l'impossibilité d'examiner le dossier au fond n'excède pas l'euro symbolique ;





Condamné la société HA Atlantique Immobilier aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.




La société HA Atlantique Immobilier a, par déclaration au greffe du 28 octobre 2013, interjeté appel de ce jugement.




Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 24 janvier 2014, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, elle demande à la cour de :




Dire Me [A] [W] responsable du préjudice subi par la société HA Atlantique Immobilier et le condamner in solidum avec la Selarl [A] [W] et associés à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 30.000 € ;





Les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.




Dans ses conclusions déposées le 17 mars 2014, M. [A] [W] et la Selarl [A] [W] demandent à la cour de :




Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;





Débouter la société HA Atlantique Immobilier de toutes ses demandes ;




subsidiairement,




Dire que la valeur de la chance perdue ne saurait être égale au montant des clauses pénales et réduire l'indemnité à de plus justes proportions dont à déduire la somme de 789,36 € montant des honoraires non réglés ;





Condamner l'appelante aux dépens de première instance et d'appel.







MOTIFS DE LA DÉCISION



Le tribunal de grande instance de Brest a débouté la société HA Atlantique Immobilier de sa demande en paiement de la clause pénale de 30.000 € en raison de la forclusion de son action aux motifs que :




Le compromis de vente des 9 et 16 février 2006 prévoyait, en cas de réalisation des conditions suspensives et de refus du cessionnaire de passer l'acte, la possibilité pour le cédant d'obtenir à titre d'immobilisation et dommages et intérêts, une somme de 30.000 € en renonçant à poursuivre le cessionnaire en réalisation forcée de la vente, soit de poursuivre la vente avec possibilité de réclamer des dommages et intérêts fixés à la somme de 30.000 € ;





Le cessionnaire ayant refusé de régulariser l'acte le 10 juillet 2006, disposait d'un délai de trois mois courant à compter de cette date soit jusqu'au 10 octobre 2006 pour que le cédant fasse connaître ses intentions au cessionnaire et engage une procédure à peine de forclusion ;





La société HA Atlantique Immobilier a assigné le cessionnaire en paiement de la somme de 30.000 € par actes des 15, 16, et 23 novembre 2006, soit après l'expiration du délai contractuel de trois mois.




En manquant à son obligation de diligence dans l'exercice de son mandat, Me [W] a commis une faute qui a privé sa cliente de l'examen du fond de sa demande devant le tribunal de grande instance de Brest.



Pour que cette faute ait causé un préjudice à la SA HA Atlantique Immobilier, il convient que celle-ci rapporte la preuve qu'elle avait des sérieuses chances de succès dans l'exercice de son action.



La clause pénale insérée à l'acte sous seing privé valant promesse synallagmatique de vente dont l'avenant n'a modifié que la date de passation de l'acte authentique qui aurait emporté transfert de propriété et entrée en possession du cessionnaire après paiement du prix, le 15 mai 2006, est ainsi rédigée :



' En cas de réalisation des conditions ci-dessus, même après la date limite de la réalisation des conditions prévues ci-dessus, et si pour une raison quelconque le cessionnaire ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l'acte, en payer le prix et les frais, le cédant pourra obtenir - option choisie par la SA HA Atlantique Immobilier- à titre d'indemnité d'immobilisation et dommages et intérêts la somme de 30.000 €'.



Aussi, dès lors que la condition suspensive d'obtention du prêt a été réalisée le 23 juin 2006, même après le délai convenu pour la signature de l'acte authentique, et que le cessionnaire a refusé de réitérer l'acte le 10 juillet 2006, après que l'établissement bancaire prêteur ait rétracté son offre de prêt ayant été informé des dissensions entre associés de la S.A.R.L. Balanant, confirmées devant le notaire, le droit à indemnisation de la SA HA Atlantique Immobilier lui était ouvert.



Dès lors, la faute commise par Me [W] a eu pour effet de priver la SA HA Atlantique Immobilier d'une chance de recevoir cette indemnité.



La clause ayant été conclue entre deux professionnels de l'immobilier connaissant parfaitement la portée de leurs engagements et les conséquences financières du non respect de ceux-ci, la perte de chance de la société HA Atlantique Immobilier d'obtenir le paiement intégral de cette clause, sans réduction par le juge, est de 95 %.



En outre, il ne peut être déduit de cette somme le montant des honoraires, puisque une demande pour frais irrépétibles avait également toutes chances d'être acceptée, pouvant couvrir ces frais.



En conséquence, il sera alloué à la SA HA Atlantique immobilier la somme de 28.500 € au titre de son préjudice.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :



Il sera alloué à la SA HA Atlantique Immobilier une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.



En outre, les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Me [W] et la Selarl [W] et associés.





PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Saint Brieuc en date du 6 mai 2013 en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau,



Condamne in solidum M. [A] [W] et la Selarl [A] [W] & associés à payer à la SA Atlantique immobilier la somme de 28.500 € au titre de la perte de chance de ne pas avoir pu exercer son action en paiement de la clause pénale contractuelle ;



Condamne in solidum M. [A] [W] et la Selarl [A] [W] & associés à payer à la SA Atlantique Immobilier la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;



Condamne in solidum M. [A] [W] et la Selarl [A] [W] & associés aux dépens de première instance et d'appel.





LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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