22 octobre 2014
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/00806

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 22 Octobre 2014



(n° 10, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00806



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 septembre 2013 par le conseil de prud'hommes - RG n° 12/04113



APPELANT

Monsieur [R] [F]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Sarahda MUSTAPHA, avocate au barreau de PARIS, D2182 lors de l'audience du 17 septembre 2014



INTIMÉES

S.A.R.L. CITWELL

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Sylvain PAPELOUX aux audiences des 15 et 17 septembre 2014



S.A.S. CITWELL CONSULTING

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Sylvain PAPELOUX aux audiences des 15 et 17 septembre 2014





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue les 15 et 17 septembre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :



Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014



qui en ont délibéré



GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats





ARRÊT :



- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.















M. [F] a collaboré avec la société Citwell à compter de l'automne 2004, avant d'accéder au statut d'associé de cette société au mois de mars 2006.



Sollicitant la qualification de sa relation de travail avec la société Citwell en contrat à durée indéterminée, ainsi que des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour travail dissimulé, M. [F] a saisi le 11 avril 2012 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 23 septembre 2013, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.



M. [F] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 22 janvier 2014.



Par exploit d'huissier en date du 16 avril 2014, M. [F] a assigné en intervention forcée la société Citwell Consulting.



A l'audience du 15 septembre 2014, reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, M. [F] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que la société Citwell était son employeur, de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner solidairement les sociétés Citwell et Citwell Consulting à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

- 15.730,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1.573,02 € au titre des congés payés afférents

- 11.360,70 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 62.920,80 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 224.507 € à titre de rappel de salaire d'avril 2007 au 3 janvier 2011

- 22.450,70 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents

- 31.460,40 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [F] demande en outre à la cour de condamner la société Citwell à lui remettre son certificat de travail, ses bulletins de salaire et son attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard.



Les sociétés Citwell et Citwell Consulting ont repris oralement à l'audience leurs conclusions visées par le greffier et demandent à la cour de dire irrecevable la mise en cause de la société Citwell Consulting en appel, de confirmer le jugement déféré, de débouter M. [F] de toutes ses demandes, de le condamner à verser la somme de 3.000 € à la société Citwell et la somme de 2.000 € à la société Citwell Consulting à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, ainsi que la somme de 3.000 € à la société Citwell et la somme de 2.000 € à la société Citwell Consulitng sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.






MOTIFS



Sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la société Citwell Consulting



L'article 554 du code de procédure civile dispose que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.



Aux termes de l'article 555 du même code, ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.







L'évolution du litige n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieurement à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.



La société Citwell soutient que seule l'évolution du litige permet de déroger au principe du double degré de juridiction, et qu'en l'espèce, M. [F], qui était informé de la création de la société Citwell Consulting dès le mois de janvier 2011, n'évoque aucun fait né postérieurement au jugement de première instance, qu'il ne démontre la survenance d'aucune circonstance de fait ou de droit postérieure à celui-ci, de sorte que les demandes dirigées à l'encontre de la société Citwell Consulting sont irrecevables.



M. [F] fait valoir qu'il a assigné en intervention forcée la société Citwell Consulting, ayant découvert que les associés de la société Citwell l'avaient créée afin de vider Citwell de tous ses actifs, pour échapper à toute condamnation qui serait mise à sa charge dans le cadre de l'instance prud'homale, faisant de la société Citwell une coquille vide.



Il est établi que la société Citwell Consulting a été immatriculée le 28 juin 2012.



Il ressort des pièces versées aux débats par M. [F] lui-même que la décision de créer la société Citwell Consulting a été prise à l'occasion de l'assemblée générale extraordinaire en date du 9 novembre 2011, à laquelle il a été convoqué mais n'a pas assisté, ayant demandé par email du 5 novembre 2011 qu'elle soit reportée.

Il communique un courrier qu'il a adressé à la société Citwell le 2 février 2012, dans lequel il accuse réception du procès-verbal d'assemblée générale du 9 novembre 2011 et dénonce la création de la société Citwell Consulting qu'il analyse comme un détournement d'actif.



M. [F] était donc parfaitement informé tant de l'existence de la société Citwell Consulting lorsque le conseil de prud'hommes a statué, le jugement datant du 23 septembre 2013, et a dès l'origine soulevé le risque qu'il s'agisse d'une stratégie pour vider la société Citwell de ses actifs, moyen soulevé à l'appui de la mise en cause de la société Citwell Consulting en appel.



En conséquence, faute de démontrer une évolution du litige née du jugement ou postérieur à celui-ci, les demandes formées à l'encontre de la société Citwell Consulting doivent être déclarées irrecevables.





Sur l'existence d'un contrat de travail



Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.



Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.



En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.



L'article L.8221-6 du code du travail dispose que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, notamment les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés.





M. [F] soutient que dès le mois d'octobre 2004, il a rempli les missions de directeur des ressources humaines, de directeur technique, de directeur des systèmes d'information, et qu'à partir de 2009, il a été nommé responsable du bureau de [Localité 3].



Il fait valoir qu'il recevait des directives précises de la part de M. [I], gérant de fait et associé principal de la société Citwell, qui contrôlait avec M. [D], gérant, l'exécution de son travail et exerçait à son égard un pouvoir coercitif.





M. [F] affirme qu'en sa qualité d'associé minoritaire, il ne bénéficiait pas de l'autonomie susceptible de l'exclure de tout lien de subordination, mais exerçait ses fonctions au sein d'un service organisé, en utilisant les moyens mis à sa disposition par la société Citwell, qui lui versait une rémunération pour le travail réalisé.





La société Citwell fait valoir que M. [F] ne produit aucun document constitutif d'un commencement de preuve par écrit à l'appui de ses allégations et conteste tout lien de subordination.

Elle soutient que M. [F] n'a travaillé avec elle que par l'intermédiaire de sa société Abbelia, et que les prestations réalisées par M. [F] ont toujours été facturées par cette société.



Sur ce point, M. [F] prétend avoir créé la société Abbelia à la demande expresse des fondateurs de la société Citwell, et que celle-ci était l'unique client de la société Abbelia.



Il est établi que M. [F] était associé minoritaire de la société Citwell, et qu'il était par ailleurs gérant de la société Abbelia, immatriculée au registre du commerce et des sociétés.



A l'appui de ses allégations, M. [F] produit notamment des échanges de courriels avec Mrs [I] et [D], dont il ressort qu'ils communiquaient sur les décisions à prendre concernant la société Citwell, et qu'ils étaient parfois en opposition. Ils ne traduisent toutefois pas l'existence de 'directives précises' ou d'ordres données par M. [I] ou M. [D], mais relèvent de discussions entre associés d'une même entreprise. Il convient de relever que M. [F] signait ses emails en qualité de Directeur associé, au même titre que Mrs [I] et [D].

Il n'est pas davantage démontré que la société Citwell exerçait un quelconque pouvoir disciplinaire à l'égard de M. [F].



M. [F] ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il effectuait des prestations pour le compte de la société Citwell, dans le cadre d'un lien de subordination et en contrepartie d'une rémunération.



Il ressort en revanche du courrier adressé le 11février 2011 à la société Citwell par la société Abbelia et signé par M. [F], son gérant, que la société Abbelia avait besoin de se faire communiquer les informations liées à la gestion de la société Citwell afin de lui permettre d'établir ses factures comme cela avait toujours été fait pendant 6 ans.



M. [F] verse aux débats une consultation du cabinet BMA, dans lequel il est indiqué que les associés ne sont pas salariés mais prestataires externes, et que chacun des quatre associés facture chaque mois des prestations à la société Citwell via sa propre société. Ces éléments sont confirmés par les copies des grands livres de la société Citwell pour les années 2007 à 2010 et les factures de la société Abbelia communiquées par l'employeur.



M. [F] ne produit aucune pièce relative à la société Abbelia permettant d'établir que la société Citwell était son seul client, comme il le prétend. En tout état de cause, à supposer ce fait établi, il ne saurait suffire à démontrer l'existence d'un contrat de travail entre M. [F] et la société Citwell.





Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'existence d'un lien de subordination entre M. [F] et la société Citwell n'est pas établie.



En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que M. [F] n'était pas salarié de la société Citwell, et l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.















Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile



L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 €, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.



Les sociétés Citwell et Citwell Consulting soutiennent que M. [F] a agi en justice de façon abusive et opportuniste.



L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute susceptible d'entraîner une condamnation à une amende civile que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ce qui n'est pas établi en l'espèce.



Les sociétés Citwell et Citwell Consulitng seront donc déboutées de leur demande à ce titre.



M. [F] sera condamné aux dépens et versera à la société Citwell la somme de 2.000 € et à la société Citwell Consulting la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



LA COUR,



CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



DECLARE les demande de M. [F] à l'encontre de la société Citwell Consulting irrecevables;



DEBOUTE les sociétés Citwell et Citwell Consulting de leur demande fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile ;



CONDAMNE M. [F] à verser à la société Citwell la somme de 2.000 € et à la société Citwell Consulting la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE M. [F] aux dépens.







LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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