4 juillet 2014
Cour d'appel de Paris
RG n° 13/06743

Pôle 2 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 JUILLET 2014



(n° 2014- , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06743



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011057796





APPELANTE



SA DYNACINE

Agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée et assistée par Me Julien MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905





INTIME



[1]

ayant pour nom commercial '[2]'

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675

Assistée par Maître Antoine DENIS- BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J94





COMPOSITION DE LA COUR :



Madame Françoise MARTINI, conseillère, ayant été entendue préalablement en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Anne VIDAL, présidente de chambre

Madame Françoise MARTINI, conseillère

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère



qui en ont délibéré.





Greffier, lors des débats : Madame Malika ARBOUCHE











ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




La société Pour le cinéma dynamique (Dynaciné) créée le 25 mai 1989 a pour objet la création et l'exploitation de salles de cinéma dynamique. Elle est implantée sur le site du [Adresse 3] en vertu d'une convention d'occupation temporaire du domaine public consentie le 2 octobre 1990 par le préfet de la région Ile de France. Elle y projette des films en relief présentés dans un simulateur destiné au public, le Cinaxe. La gestion du simulateur a été confiée à la société d'économie mixte Les productions la Géode, filiale de la [1] devenue l'Etablissement public [1] dénommé [2], également implantés sur le site. Avec l'établissement public, elle a conclu le 6 août 1997 une convention définissant les modalités selon lesquelles la [1] assurerait pour le compte de Dynaciné la vente des billets Cinaxe ainsi que des prestations de communication dans le cadre des documents d'accueil et des documents promotionnels, pour une durée prenant effet le 15 mai 1997 jusqu'au 28 novembre 2004. Des difficultés financières étant survenues, Dynaciné a obtenu le 27 septembre 1999 la désignation par le président du tribunal de commerce de Paris d'un mandataire ad hoc, Me [M], chargé de rechercher un accord avec les créanciers, et un protocole de règlement amiable est intervenu à ce titre les 30 juin et 3 juillet 2000. Le 8 décembre 2004, une seconde convention remplaçant celle du 6 août 1997 a été conclue entre la [1] et Dynaciné pour la vente de billets Cinaxe, les réservations pour les visiteurs en groupe et les prestations de communication. Dynaciné a cessé l'exploitation du Cinaxe en mai 2011.



Le 3 août 2011, la société Dynaciné a assigné [2], entendant rechercher sa responsabilité pour n'avoir pas respecté ses engagements quant à la signalétique sur le site, l'accès intérieur depuis le hall d'entrée de la [1] et la gestion de la billetterie. L'établissement public a lui-même sollicité l'indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales établies et d'un préjudice d'image.



Par jugement du 26 mars 2013, le tribunal de commerce de Paris a débouté les parties de toutes leurs demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a partagé les dépens. Le tribunal a retenu pour l'essentiel que l'établissement public avait eu un comportement fautif à l'égard de Dynaciné, filiale de sa propre filiale la Géode, laquelle constatait dans son rapport de gestion présenté le 17 juin 2009 que la baisse de fréquentation avait tenu essentiellement à une quasi rupture de la synergie avec le site et qu'il convenait de prendre les décisions nécessaires à sa survie, mais que d'autres facteurs étaient intervenus dans la baisse d'activité constatée tenant à une demande pour ce type d'attraction qui n'était plus la même ainsi qu'à une insuffisante rénovation de la technologie installée dans le Cinaxe et au renouvellement trop lent de la programmation dont Dynaciné portait elle-même la responsabilité, et qu'en outre la preuve du préjudice allégué n'était pas rapportée en l'absence de tout élément chiffré. Et sur la demande de l'établissement public, le tribunal a considéré qu'il n'apportait pas la preuve du préjudice invoqué et que son comportement fautif était en grande partie à l'origine de la cessation d'activité.



La société Dynaciné a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions notifiées le 25 avril 2014, elle demande, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, de condamner l'Etablissement public [1] ([2]) à lui payer la somme de 1 210 000 euros représentant les gains manqués cumulés sur les cinq dernières années, celle de 923 000 euros en réparation de la perte d'exploitation subie sur les quatre années de la convention d'occupation qui restaient à courir, et celle de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter l'établissement public de ses propres demandes. Elle soutient qu'il existait dès l'origine de son implantation sur le site une synergie entre les trois établissements, c'est-à-dire [2], la Géode et elle-même, et que c'est sous le contrôle total d'[2] que sa gestion a été assurée par la Géode, que lorsque son représentant légal qui était également le directeur de la Géode a cessé ses fonctions en 1997 elle a immédiatement constaté une rupture de la synergie instaurée, que lorsqu'un protocole d'accord a été signé avec ses créanciers en 2000 exigeant que des mesures de soutien de son activité soient mises en oeuvre en liaison avec [2] celui-ci y a adhéré, que cependant [2] n'a pas respecté ses engagements, pas plus que ceux qui ont été renouvelés par la convention du 8 décembre 2004. Elle déplore la suppression de la signalétique et de panneaux d'affichage promotionnel, la suppression de ses présentoirs aux banques d'accueil, la limitation des voies d'accès au public. Elle se réfère à des procès-verbaux de constat dressés en 1997, 2010 et 2011 ainsi qu'au rapport de gestion du conseil d'administration de la Géode présenté en assemblée générale du 17 juin 2009 reconnaissant la rupture de la synergie avec le site indispensable à sa survie. Elle a fait procéder par un cabinet d'expertise comptable à l'évaluation de son préjudice. Elle ajoute sur l'appel incident qu'elle a informé [2] de la cessation de son activité, qui trouve directement son origine dans le comportement répréhensible de celle-ci.



Formant appel incident, l'Etablissement public [1] ([2]) demande, dans ses dernières conclusions notifiées le 28 avril 2014, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Dynaciné, mais de condamner celle-ci à lui payer la somme de 7 057,50 euros par application de l'article L. 442-6 I du code de commerce en réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies, représentant le gain perdu sur les ventes de billets Cinaxe, ainsi que celles de 15 000 euros en réparation de son préjudice d'image, 10 000 euros pour procédure abusive, et 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que l'obligation de concertation inscrite dans la convention d'occupation consentie à Dynaciné par l'Etablissement du [Adresse 3] ne crée pas entre eux d'obligations réciproques pas plus qu'une synergie, qu'il est étranger aux accords de 2000, qu'il était lié par deux conventions de 1997 et 2004 dont il a respecté les obligations pour la vente de billets Cinaxe dans une proportion supérieure à ceux vendus par Dynaciné ainsi que dans les documents promotionnels et à travers la signalétique, qu'aucune mise en demeure de respecter ses obligations ne lui a au demeurant été délivrée, que la chute du chiffre d'affaires de Dynaciné a commencé dès 1995 et ne lui est pas imputable, que Dynaciné a pour la première fois formulé des griefs en 2011 et fermé le Cinaxe sans l'en informer, et que le préjudice allégué est basé sur un rapport non contradictoire qui ne s'interroge pas sur la cause réelle des difficultés rencontrées tenant notamment à un défaut de renouvellement de la programmation.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Les obligations incombant à [2] à l'égard de Dynaciné sont renfermées dans les deux conventions conclues entre elles les 6 août 1997 et 8 décembre 2004. Dynaciné ne peut invoquer une «synergie» constitutive d'obligations déduite de la convention d'occupation temporaire conclue avec le préfet de région le 2 octobre 1990 à laquelle la [1] n'était pas partie. Par l'effet relatif de cette convention, l'obligation de concertation énoncée en l'article 13.2, afin notamment de rechercher une formule de billet d'accès combiné aux activités de la [1], de la Géode et du cinéma dynamique, ne s'impose qu'à Dynaciné en qualité de bénéficiaire du droit d'occupation. Les accords intervenus les 30 juin et 3 juillet 2000 avec les créanciers de Dynaciné, arrêtant un plan de redressement sur la base de résultats prévisionnels sur dix ans, n'ont pas davantage de force obligatoire pour [2] qui n'y est pas partie. Si un courrier de l'administrateur ad hoc, Me [M], au président du tribunal de commerce du 29 février 2000 évoquait un projet d'accord global à intervenir entre Dynaciné, la [1] et les créanciers, et si dans un courrier du 7 juin 2000 adressé à Me [M] le président de la [1] indiquait : «Je vous confirme avoir pris connaissance de la dernière version du protocole qui a mon accord. En particulier, la [1](et la Géode) appliquera scrupuleusement les conventions passées avec Dynaciné», force est de constater qu'il n'y a pas eu d'autre convention entre les parties que celles des 6 août 1997 et 8 décembre 2004. Le titre 3 du protocole intitulé «Soutien de la [1] et de la Géode» annonce une série de mesures à mettre en oeuvre «en liaison» avec ces deux entités, visant à permettre la réalisation des objectifs de recettes envisagées par une optimisation des horaires d'ouverture et des offres promotionnelles, un renforcement de la signalétique, et un renouvellement et un développement des types de spectacles, ne faisant qu'affirmer une aspiration à un effort de concertation et à un accompagnement plus soutenu mais sans énoncer de mesure précise.



Les conventions des 6 août 1997 et 8 décembre 2004 prévoyaient que la [1] devait effectuer les ventes de billets Cinaxe et les réservations de groupe suivant des modalités financières qu'elles définissaient, faire mention du Cinaxe dans ses documents de communication, maintenir l'affichage des informations concernant la tarification du Cinaxe à ses caisses, mettre à la disposition du public les documents d'information sur sa programmation, et maintenir les panneaux d'orientation en place sur l'itinéraire du Cinaxe. Pour administrer la preuve dont elle a la charge de l'inexécution par [2] de ses obligations, Dynaciné entend rapprocher les constatations faites par un procès-verbal d'huissier du 6 mai 1997 avec celles opérées par procès-verbaux des 9 juillet 2010 et 26 mai 2011. Il en ressort que la signalétique concernant le Cinaxe était absente en 2010 et 2011 devant l'accès à la [1], dans le hall d'information, dans le hall à droite, où selon la requérante les «sorties de secours» qui permettaient d'accéder au Cinaxe ont été condamnées, devant la Géode, et au niveau -2. Mais, une partie des constatations effectuées concernent l'esplanade du [Adresse 3]. Les éléments recueillis sont insuffisants pour caractériser un manquement d'[2] à ses propres obligations, alors qu'il en résulte bien la permanence d'une signalétique, au niveau des caisses de la [1] avec l'indication du prix, au niveau des ascenceurs, sur le passage extérieur conduisant tant à la Géode qu'au Cinaxe et à l'Argonaute, de part et d'autre de l'entrée de la Géode et sur le parvis Nord. La fermeture d'un accès intérieur à travers des sorties de secours destinées à un autre objet ne peut constituer un grief sérieux.. D'autre part, [2] justifie à travers les catalogues, manuels de ventes et dépliants qu'elle produit avoir bien fait mention du Cinaxe dans sa documentation. Une attestation de M. [C], ancien salarié de la [1], indiquant qu'à partir de 2006-2007 les brochures ne figuraient plus sur les banques d'accueil mais «derrière le comptoir» ou «dans les tiroirs à l'abri du regard» ne démontre pas que cette documentation n'était plus tenue à la disposition du public. C'est en vain que Dynaciné fait grief également à [2] d'avoir réalisé les ventes de billets du Cinaxe en éditant des contremarques au lieu d'intégrer le Cinaxe dans ses premiers systèmes de billetterie, de s'être ensuite opposée à ce que Dynaciné puisse utiliser elle-même le logiciel de billetterie commune instauré, et d'avoir créé des «cité-pass» qui n'ont jamais intégré l'offre Cinaxe, sans rapporter la preuve qu'[2] ait jamais failli à l'obligation contractée consistant à assurer les ventes et les réservations.



Dynaciné ne peut déduire du rapport de gestion de la Géode présenté en son assemblée générale ordinaire du 17 juin 2009 une reconnaissance de responsabilité émanant d'[2]. Au demeurant ce rapport de la Géode qui, évoquant l'activité de sa filiale Dynaciné, indiquait que la baisse du niveau de fréquentation tenait «essentiellement en une quasi rupture de la synergie avec le site qui a été réengagée récemment» et suggérait quelques mesures en matière d'information sur le Cinaxe et de sensibilisation du personnel de la Cité pour permettre l'augmentation des ventes, ne traduit pas de défaillance précise qui serait personnellement imputable à [2] à l'origine des difficultés rencontrées. En réalité, Dynaciné, dont les difficultés financières s'étaient déjà manifestées en 1993 lorsqu'une procédure collective a été ouverte et un plan de continuation adopté et qui ont justifié en 1999 la désignation d'un mandataire ad hoc, a continué à accuser un résultat d'exploitation en déficit, sans avoir jamais reproché à [2] un manquement à ses obligations ni lui avoir délivré une mise en demeure de s'y conformer jusqu'à une lettre de son conseil du 9 mai 2011 la rendant pour la première fois responsable de l'effondrement de son chiffre d'affaires.



Dès lors, Dynaciné ne rapporte pas la preuve de manquements d'[2] à ses obligations contractuelles en lien de causalité avec le dommage qu'elle invoque.



L'article L. 442-6 I du code de commerce, qui prévoit que le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, est sans application dans les circonstances de la cause, où la fermeture du Cinaxe est intervenue du fait de difficultés financières dont [2] était parfaitement informée, pour avoir elle-même évoqué la possibilité d'un dépôt de bilan dans une note interne des 25 mai et 10 juin 2010, et reçu la mise en demeure du 9 mai 2011 dénonçant la gravité de la situation. [2] prétend en outre de façon inexacte n'avoir à aucun moment été informé de la fermeture alors que Dynaciné la lui a fait connaître dans un courriel du 13 mai 2011.



Le préjudice d'image invoqué par [2] n'est pas caractérisé.



Le droit d'agir n'a pas dégénéré en abus pouvant justifier l'allocation de dommages et intérêts.



Dès lors, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.



Il est équitable de compenser à hauteur de 2 000 euros les frais non compris dans les dépens que l'intimé a été contraint d'exposer en appel.





PAR CES MOTIFS



LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,



Confirme le jugement déféré,



Y ajoutant,



Condamne la société Dynaciné aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à l'Etablissement public [1] ([2]) la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du même code.







LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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